LA JURISPRUDENCE DES CHAMBRES DE RECOURS ET DE LA GRANDE CHAMBRE DE RECOURS EN 2020
IV. PROCÉDURES DEVANT LES INSTANCES DU PREMIER DEGRÉ
A. Procédure d'examen
1. Décisions rendues en l'absence d'un texte soumis ou accepté par le demandeur (article 113(2) CBE)
(CLB, IV.B.3.2.3 a))
Dans l'affaire T 2277/19, la chambre a retenu que le texte auquel il avait été fait référence dans la notification prévue à la règle 71(3) CBE devait être considéré comme le texte dans lequel il avait été envisagé de délivrer le brevet. Étant donné que ce texte, sur la base duquel le brevet avait été délivré, avait été approuvé par le requérant, les exigences prévues à l'art. 113(2) CBE avaient été remplies. Le demandeur ne pouvait donc pas être considéré comme ayant été lésé, au sens de l'art. 107, première phrase CBE, par la décision faisant l'objet du recours. Par conséquent, le recours formé par le requérant était irrecevable en vertu de la règle 101(1) CBE.
Le requérant avait approuvé le texte dans lequel il était envisagé de délivrer le brevet (sous réserve de la correction de quelques erreurs mineures dans la description). La chambre a donc considéré que la division d'examen était légitimement partie du principe que le demandeur avait contrôlé et vérifié le Druckexemplar, vu en particulier que le demandeur avait demandé d'apporter quelques modifications au texte dans lequel il était envisagé de délivrer le brevet. La chambre a retenu que la division d'examen n'avait aucune raison de supposer que l'approbation était subordonnée au fait que seules les pages de dessins 1 à 7 étaient en réalité destinées à la publication. De plus, le requérant avait expressément renoncé à son droit à l'émission d'une nouvelle notification au titre de la règle 71(3) CBE. Par conséquent, bien que la règle 71(6) CBE eût permis au demandeur de demander d'apporter des corrections supplémentaires au texte notifié, le requérant ne s'était apparemment pas rendu compte que les documents cités dans la notification prévue à la règle 71(3) CBE ne correspondaient pas aux documents figurant dans sa précédente requête, à savoir les pièces de la demande telles que modifiées par son courrier en date du 20 février 2018.
Le requérant a fait valoir que les faits de l'affaire en question étaient très similaires à ceux de la décision T 1003/19, référence étant également faite à la décision T 2081/16. Dans la décision T 1003/19, la chambre avait retenu que le fait de donner son accord sur le texte notifié n'était pas décisif, étant donné que le texte dans lequel la division d'examen avait envisagé de délivrer le brevet n'avait pas été notifié au demandeur, les dispositions de la règle 71(5) CBE ne s'appliquant que si cette condition est remplie.
La chambre n'a pas suivi les décisions T 1003/19 et T 2081/16. Selon elle, il n'existe aucune base juridique dans la CBE permettant d'établir une distinction entre le texte cité dans une notification prévue à la règle 71(3) CBE et celui reflétant ce que la division d'examen a réellement envisagé. De plus, la règle 71(6) CBE traite de l'éventualité où le texte notifié au titre de la règle 71(3) CBE ne refléterait pas les requêtes du requérant. Selon la chambre, l'art. 71(3) CBE impose donc au demandeur l'obligation de contrôler et de vérifier ce texte. Le fait qu'un demandeur n'ait pas exercé son droit de demander des modifications au titre de la règle 71(6) CBE ne peut donc être interprété que comme une approbation du texte notifié, c'est-à-dire du texte dans lequel il était envisagé de délivrer le brevet. La question de savoir si le demandeur a remarqué une éventuelle erreur est sans effet sur le caractère contraignant de cette approbation.
2. Accord sur le texte par le demandeur
(CLB, IV.B.3.2.)
Dans l'affaire T 265/20, la chambre a fait observer que le demandeur (requérant) n'a formulé aucune observation après avoir reçu la notification au titre de la règle 71(3) CBE avec le texte dans lequel il était envisagé de délivrer le brevet, et dans lequel les dessins 1/4 à 4/4 étaient absents de la liste des documents. Le demandeur a acquitté la taxe de délivrance et de publication et produit les traductions des revendications dans les autres langues officielles dans le délai de quatre mois. La chambre a considéré que les conditions préalables à la conséquence juridique prévue à la règle 71(5) CBE étaient ainsi remplies. La conséquence juridique était que le demandeur était réputé avoir donné son accord sur le texte qui lui avait été notifié conformément à la règle 71(3) CBE. La formulation dépourvue d'ambiguïté de la règle 71(5) CBE ne permet aucune autre interprétation que de conclure à la conséquence juridique prévue. Premièrement, il n'existe aucune base juridique dans la CBE permettant d'établir une distinction entre le texte cité dans une notification prévue à la règle 71(3) CBE et le texte réellement envisagé par la division d'examen (cf. également décision T 2277/19, point 1.3 des motifs). Deuxièmement, ce n'est pas le contenu du texte qui déclenche l'accord réputé avoir été donné au titre de la règle 71(5) CBE, mais le fait que le demandeur acquitte la taxe et produise les traductions conformément à la règle 71(5) CBE. Il s'ensuit qu'il est inutile de rechercher quelle était la "véritable volonté" des membres de la division d'examen lorsqu'ils ont établi la notification au titre de la règle 71(3) CBE. C'est au demandeur lui-même, et non à la division d'examen, que revient la responsabilité finale du texte.
La chambre a retenu qu'il incombe au demandeur de vérifier si le texte qui lui a été notifié correspond à ce qu'il avait demandé. Le fait qu'un demandeur n'ait pas exercé son droit de demander des modifications au titre de la règle 71(6) CBE ne peut donc être interprété que comme une approbation du texte notifié, c'est-à-dire du texte dans lequel il est envisagé de délivrer le brevet. La question de savoir si le demandeur a remarqué ou non une éventuelle erreur dans le texte n'a aucun effet sur le caractère contraignant de son accord, que celui-ci ait été donné explicitement ou soit réputé avoir été donné au titre de la règle 71(5) CBE.
La chambre a par ailleurs estimé que les décisions T 1003/19 et T 2081/16 ne créent aucune divergence dans la jurisprudence qui nécessite une décision de la Grande Chambre de recours conformément à l'art. 112(1) CBE afin d'assurer une application uniforme du droit. Selon elle, à n'en pas douter, la formulation de la règle 71 CBE ne permet pas de conclure que la "véritable volonté" de la division d'examen est un élément à prendre en considération pour déterminer si l'accord est réputé avoir été donné et si son effet est contraignant. La chambre n'a en outre relevé aucun motif convaincant à cet égard dans les décisions citées. Voir également le chapitre V.A.2. "Partie déboutée (article 107 CBE)".
3. Modifications produites après la décision de délivrance
(CLB, IV.B.3.6. ; IV.B.3.2.2)
Dans l'affaire T 646/20, la chambre a retenu que rien n'oblige la division d'examen à différer une décision de délivrance jusqu'à l'expiration du délai de quatre mois dans les cas où le demandeur a donné, dans ce délai, son accord sur la délivrance et ainsi permis à la division d'examen de rendre une décision correspondante. Il serait plutôt étrange que la division d'examen doive différer une décision pour l'éventualité où le demandeur changerait d'avis. Dans la présente affaire, après réception de la notification au titre de la règle 71(3) CBE, le demandeur a donné son accord explicite sur la décision de délivrance. Cependant, après cette décision, le requérant a exprimé son désaccord en même temps qu'il a soumis une requête en poursuite de la procédure – présentée à la date à laquelle la décision de délivrance devait être publiée dans le Bulletin européen des brevets. La chambre a distingué la présente affaire de l'affaire T 1/92 (JO 1993, 685), qui concernait des déclarations contradictoires faites par le demandeur avant que la division d'examen ne prenne la décision de délivrance. En l'espèce, la chambre n'a pas non plus été convaincue par l'argument du requérant selon lequel un accord envoyé en réponse à une notification au titre de la règle 71(3) CBE ne peut pas être interprété comme une renonciation à des options ou voies de recours supplémentaires. Chaque accord sur le texte d'un brevet implique de renoncer à l'infinité restante de textes dans lesquels le brevet pourrait être délivré.
Dans l'exergue, la chambre a fait observer qu'il n'est pas possible de désigner des États membres supplémentaires après la délivrance. Faisant référence à la décision G 1/10 (JO 2013, 194), elle a conclu que, dans l'intérêt de la sécurité juridique, le brevet dans la version telle que délivrée ne doit plus être susceptible d'être modifié et que le demandeur avait eu "suffisamment de moyens à sa disposition" pour rectifier plus tôt. Selon la chambre, il incombe au demandeur de vérifier l'intégralité du dossier afin de relever toute incohérence sur laquelle il souhaite éventuellement attirer l'attention. Les incohérences qui concernent le texte et les États membres désignés dans la notification au titre de la règle 71(3) CBE et qui n'ont pas été soulevées en réponse à cette notification doivent être considérées comme approuvées par le demandeur.
4. Retrait de la demande de brevet
4.1 Rectification du retrait de la demande en vertu de la règle 139 CBE
(CLB, IV.B.3.8.2)
Dans l'affaire J 6/19, la requête du demandeur visant à rectifier la lettre annonçant le retrait de la demande de brevet avait été reçue par l'OEB le jour de la publication de cette lettre dans le Registre européen des brevets.
La chambre de recours juridique a rappelé que, selon la jurisprudence, une requête en révocation d'une lettre annonçant un retrait n'est plus possible si le retrait a été officiellement porté à la connaissance du public (J 10/87, JO 1989, 323) et si, compte tenu des circonstances de l'espèce, même à l'issue d'une inspection du dossier complet, les tiers n'auraient eu aucune raison de soupçonner, au moment où le retrait fut officiellement porté à la connaissance du public, que le retrait était susceptible d'être erroné et d'être révoqué par la suite (J 25/03, JO 2006, 395).
La chambre a fait observer que la demande de retrait que le demandeur avait cherché à révoquer était sans réserve, dépourvue d'ambiguïtés et inconditionnelle et que la requête en révocation du retrait n'aurait pas été ouverte à l'inspection publique avant le jour suivant au moins. La chambre a considéré que le raisonnement adopté dans l'affaire J 25/03, dans laquelle quatre jours s'étaient écoulés entre la mention du retrait dans le Registre européen des brevets et l'inscription au dossier de la requête en révocation du retrait, était applicable à la présente affaire. Selon cette décision, l'information officielle du public sur le retrait représente une étape fondamentale et le fait de tolérer un retard supplémentaire pour révoquer le retrait reviendrait à compromettre de façon inacceptable la sécurité juridique dans les cas où, même à l'issue d'une inspection du dossier, il n'y aurait aucune raison de soupçonner, au moment où le retrait est officiellement porté à la connaissance du public, que le retrait est susceptible d'être erroné et d'être révoqué par la suite. Dans l'affaire J 6/19, la chambre a conclu qu'il était donc sans importance, pour sa décision, que la requête en révocation ait été reçue le jour de la publication du retrait. L'exigence en matière de délai de la règle 139 CBE n'avait pas été remplie.
Dans l'affaire J 7/19, la chambre a expliqué que la possibilité pour le demandeur de rectifier un retrait était soumise à plusieurs conditions énoncées dans la jurisprudence des chambres de recours, la première étant la présence d'une erreur au sens de la règle 139, première phrase CBE. Selon la jurisprudence des chambres de recours, tel est le cas lorsque "une pièce soumise à l'Office européen des brevets […] ne reproduit pas la véritable intention de la personne au nom de laquelle elle a été déposée" (cf. J 8/80, JO 1980, 293 ; J 4/82, JO 1982, 385). Par conséquent, les erreurs qui conduisent à une divergence entre l'intention réelle et l'intention déclarée de la partie peuvent faire l'objet d'une rectification en vertu de la règle 139 CBE.
Dans l'affaire en cause, le demandeur avait cru à tort que les revendications de la demande de brevet européen ne différaient pas de manière significative de celles de la demande japonaise correspondante et, en partant de cette supposition erronée, avait décidé de renoncer à sa demande. La chambre a constaté qu'il n'y avait aucune divergence entre la déclaration de retrait produite par le demandeur et son intention véritable et a rejeté le recours. Dans la jurisprudence des chambres de recours, la notion d'erreur au sens de la règle 139 CBE ne couvre que les erreurs liées à la déclaration proprement dite, à sa teneur ou à sa transmission. La chambre a expliqué que de bons motifs de politique jurisprudentielle sont à l'origine de cette limitation. Si l'on étendait la notion d'erreur de sorte qu'elle couvre également les cas où une déclaration de retrait reflète fidèlement l'intention de la partie, mais part d'une supposition erronée, il serait possible de rectifier tout retrait en invoquant une erreur d'appréciation concernant la divulgation, la brevetabilité de l'invention, le droit de priorité, les dispositions juridiques ou la jurisprudence pertinente, et ce au détriment de la sécurité juridique. Un demandeur qui décide de retirer sa demande sans tenir compte de toutes les circonstances pertinentes doit en subir les conséquences.
B. Procédure d'opposition
1. Formation de l'opposition et conditions à remplir pour qu'elle soit recevable – paiement de la taxe d'opposition
(CLB, IV.C.2.2.3)
Dans l'affaire T 1000/19, les mandataires de l'opposant avaient mentionné dans leur courrier accompagnant l'acte d'opposition (déposé deux jours avant l'expiration du délai d'opposition) qu'ils autorisaient le service compétent de l'OEB à prélever la taxe d'opposition de leur compte courant. Ils n'avaient toutefois pas indiqué le mode de paiement dans la case X du formulaire électronique OEB 2300E. La division d'opposition a considéré que l'opposition était réputée ne pas avoir été formée (art. 99(1) CBE).
La chambre a d'abord fait observer qu'il était hautement contestable que, dans le cadre de la version de la RCC en vigueur depuis le 1er décembre 2017, il soit encore possible d'appliquer la jurisprudence (p. ex. T 1265/10, T 152/82, JO 1987, 191, et T 806/99) selon laquelle, dans certaines circonstances, l'"intention d'acquitter" une taxe par ordre de prélèvement peut être considérée comme un paiement valable même si l'ordre de prélèvement est incomplet. Cependant, ni cette question juridique, ni la question de savoir si le principe de la protection de la confiance légitime s'applique n'ont dû être tranchées dans la présente affaire, étant donné que la chambre a considéré que la règle 139 CBE était applicable et que les exigences de cette disposition avaient été remplies.
L'avis de la division d'opposition selon lequel la procédure prévue à règle 139 CBE n'était pas soumise à un délai et ne pouvait donc pas être appliquée au délai non prorogeable prévu pour former une opposition a été rejeté par la chambre comme juridiquement incorrect. La chambre s'est référée à la décision G 1/12 (JO 2014, A114), dans laquelle la Grande Chambre de recours avait retenu que la procédure prévue à la règle 139, première phrase CBE pour la correction d'erreurs pouvait être appliquée en cas d'erreur concernant le nom du requérant dans l'acte de recours. La chambre a noté que la question de savoir si un acte de recours comporte le nom et l'adresse du requérant est inextricablement liée à la question de savoir si le recours a été valablement formé dans le délai prévu à l'art. 108, première phrase CBE. Il ne fait aucun doute que le raisonnement de la décision G 1/12 s'applique également s'il est question de la recevabilité d'une opposition ou s'il s'agit de déterminer si une opposition est réputée avoir été formée (T 615/14, T 579/16). Par ailleurs, rien ne s'oppose à ce que les arguments avancés dans la décision G 1/12 concernant l'applicabilité de la règle 139 CBE s'appliquent également à la correction d'un formulaire de paiement mal rempli (cf. T 317/19). Au contraire, l'applicabilité de la règle 139 CBE aux ordres de prélèvement a été reconnue ou, du moins, n'a pas été exclue par les chambres de recours (T 152/82, T 17/83 du 20 septembre 1983).
La chambre a noté, en se référant à la décision T 152/85, que la règle 139 CBE s'applique uniquement aux erreurs commises dans une pièce, et non aux erreurs de fait. En l'espèce, l'opposant avait déposé le formulaire OEB 2300E, autrement dit une pièce au sens de la règle 139, première phrase CBE. L'erreur contenue dans la pièce était l'absence d'activation du mode de paiement. La chambre était également convaincue que les exigences en matière de correction au titre de la règle 139, première phrase CBE, visées dans la décision G 1/12, étaient remplies.
2. Moyens invoqués tardivement – notion de production "en temps utile"
(CLB, IV.C.4.3)
Dans l'affaire T 2734/16, la chambre a retenu qu'une nouvelle ligne d'attaque utilisée contre l'activité inventive en réponse aux pièces produites par le titulaire du brevet en même temps que sa réponse à l'opposition et fondée sur lesdites pièces ne doit pas être considérée en soi comme tardive. Elle peut être admise dans la procédure d'opposition pour des raisons d'égalité des armes, même si, en fin de compte, les pièces ne sont pas plus pertinentes que d'autres. En l'espèce, le titulaire du brevet avait fait valoir que les grandes fraiseuses, dont des exemples devaient être présentés dans les pièces produites en même temps que la réponse à l'opposition, constituaient l'état de la technique le plus proche. Il convenait dès lors, pour des raisons d'égalité des armes, de permettre au requérant d'aborder à sa manière les faits portés à sa connaissance pour la première fois par les pièces nouvellement produites par la partie adverse et de s'en servir comme contre-attaque en introduisant une nouvelle argumentation contre l'activité inventive. Étant donné que cette contre-attaque n'était devenue possible qu'une fois que l'intimé avait produit ces pièces à l'appui de sa défense, la chambre a estimé qu'il n'était pas approprié, tout bien considéré, de la rejeter en invoquant le retard et le manque de pertinence des pièces sur lesquelles celle-ci s'appuyait. Voir également le chapitre V.A.6.4 "État de la procédure – économie de la procédure – RPCR 2007".
3. Modifications au cours de la procédure d'opposition
3.1 Règle 80 CBE
(CLB, IV.C.5.1.1)
Dans l'affaire T 2450/17, le paragraphe [0008] du fascicule du brevet comportait une référence erronée à l'état de la technique, après une modification apportée pendant la procédure de délivrance. Dans le cadre de la procédure orale devant la chambre, le requérant avait déposé une version modifiée du paragraphe [0008], dans laquelle les références erronées avaient été rayées. La chambre a refusé de saisir la Grande Chambre de recours étant donné qu'elle était en mesure de répondre aux questions soulevées sur la base de la jurisprudence constante des chambres de recours. Concernant la question de savoir si les modifications contestées sont admissibles en vertu de la règle 80 CBE, la chambre a retenu ce qui suit. Dans la jurisprudence, il est reconnu que les références à l'état de la technique, dans la mesure où celui-ci est pertinent au sens de la règle 42(1)b) CBE, peuvent être insérées également ultérieurement, sans que cela soit nécessairement considéré comme une extension inadmissible de l'objet de la demande de brevet. Les délimitations par rapport à l'état de la technique pertinent ne doivent toutefois pas être fausses ou trompeuses, car elles pourraient sinon modifier l'objet du brevet. Le fait de corriger de telles erreurs ne contrevient donc pas à l'art. 123(2) CBE, mais est au contraire approprié et nécessaire pour assurer le respect de cette disposition. Des références erronées à l'état de la technique qui délimite le fascicule du brevet peuvent donc être supprimées pour répondre au motif d'opposition prévu à l'art. 100c) CBE. Selon la chambre, il est également inexact d'affirmer que toute modification d'une référence erronée à l'état de la technique, qui est recevable en vertu de la règle 80 CBE (car elle a été apportée pour répondre à l'art. 100c) CBE), constitue nécessairement une violation de l'art. 123(3) CBE. Elle a fait observer, d'une part, qu'il est déjà satisfait à la règle 80 CBE lorsque des modifications sont apportées aux pièces du brevet afin de répondre à un éventuel motif d'opposition pertinent et, d'autre part, qu'en l'espèce, il n'y avait pas d'extension de l'étendue de la protection.
Dans l'affaire T 1285/15, la dernière phrase d'un paragraphe du brevet avait été supprimée pour rendre la description conforme à un jeu de revendications intermédiaire qui avait été modifié pour répondre à des objections soulevées par les opposants. La chambre a fait observer que la modification avait donc été apportée pour pouvoir répondre à un motif d'opposition visé à l'art. 100 CBE et qu'elle satisfaisait aux exigences prévues à la règle 80 CBE lorsqu'elle avait été apportée. La chambre a souligné que la formulation même de la règle 80 CBE ("… apportées pour pouvoir répondre à un motif d'opposition…") montre clairement qu'il convient de tenir compte de la situation au moment de la modification pour déterminer si cette disposition a été respectée. Le fait que les revendications aient été modifiées à nouveau à un stade ultérieur et que, par conséquent, la suppression de la phrase n'était plus nécessaire ne permet pas de conclure que la modification de la description enfreignait rétroactivement la règle 80 CBE. La modification initiale pouvait encore être considérée comme ayant été apportée pour pouvoir répondre à un motif d'opposition.
Dans l'affaire T 2063/15, la requête en litige comprenait deux revendications indépendantes. Cependant, tandis que la revendication 2 était basée sur une combinaison des revendications 1 et 9 du brevet tel que délivré, la revendication 1 de la requête subsidiaire 3 était basée sur une combinaison des revendications 1 et 2 du brevet tel que délivré, ainsi que de caractéristiques supplémentaires tirées de la description. Selon la chambre, étant donné que l'objet de la revendication 1 tel que délivré avait été jugé dépourvu de nouveauté, il était possible de considérer qu'une ou plusieurs revendications indépendantes basées sur une combinaison de la revendication 1 du brevet tel que délivré et de caractéristiques de revendications du brevet tel que délivré dépendantes de la revendication 1 avaient été apportées pour pouvoir répondre au motif d'opposition visé à l'art. 100a) CBE. Cependant, faisant référence aux décisions G 1/84 (JO 1985, 299), T 610/95 et T 223/97, la chambre a retenu que la nouvelle revendication indépendante 1, basée sur les revendications 1 et 2 du brevet tel que délivré en combinaison avec des caractéristiques tirées de la description, n'était plus simplement occasionnée par un motif d'opposition, étant donné que ce motif était déjà traité par le dépôt de la revendication indépendante 2. La nouvelle revendication indépendante 1 introduisait en outre un objet qui n'avait pas son pendant dans les revendications du brevet tel que délivré (cf. p. ex. Jurisprudence des chambres de recours, 9e éd. 2019, IV.C.5.1.5 b)).
De même, selon la décision T 1764/17, le remplacement d'une revendication indépendante unique du brevet délivré par deux ou plusieurs revendications indépendantes ne peut être considéré comme une réponse à un motif d'opposition que dans des circonstances exceptionnelles. Une exception peut ainsi se présenter si deux revendications dépendantes du brevet délivré sont parallèlement liées à une revendication indépendante unique. Le dépôt de deux revendications indépendantes comprenant chacune des deux combinaisons de revendications parallèles peut alors être possible, ce qui permet de retenir des fragments distincts de l'étendue de la protection conférée par le brevet tel que délivré. Cependant, cette exception n'est pas applicable en cas d'ajout d'une revendication indépendante portant sur un aspect de l'invention qui n'était pas inclus dans le jeu de revendications du brevet délivré. En l'espèce, au moins une des deux revendications indépendantes figurant dans les requêtes subsidiaires en question portait sur un objet qui incorporait de nouvelles caractéristiques extraites de la description, et qui pouvait en outre s'avérer important pour la question de la brevetabilité. Ces revendications indépendantes n'étaient donc pas des combinaisons directes de revendications du brevet délivré et ladite exception n'était pas applicable.
3.2 Calendrier afférent au dépôt de modifications
(CLB, IV.C.5.1.3)
Dans la décision T 756/18, la chambre a jugé que la division d'opposition outrepasse les limites appropriées de son pouvoir d'appréciation lorsqu'elle déclare n'admettre qu'une seule requête subsidiaire et écarte d'emblée des requêtes supplémentaires sans raisons apparentes valables et sans même avoir examiné si les modifications auraient permis d'écarter toutes les objections valablement soulevées jusque-là sans donner lieu à de nouvelles, les rendant ainsi potentiellement recevables. Un abus de procédure ou une manœuvre dilatoire de la part du requérant ne ressortaient pas de façon apparente du dossier.
Dans l'affaire T 966/17, le requérant (titulaire du brevet) a fait valoir que son droit d'être entendu avait été violé, étant donné que la division d'opposition n'avait pas admis dans la procédure les requêtes subsidiaires présentées au cours de la procédure orale.
La chambre a d'abord indiqué que le pouvoir d'appréciation dont dispose la division d'opposition pour admettre dans la procédure des requêtes modifiées découle de l'art. 123(1) CBE (première phrase) ensemble les règles 79(1) et 81(3) CBE. En effet, aux termes de l'art. 123(1) CBE, la demande de brevet européen ou le brevet européen peut être modifié dans les procédures devant l'Office européen des brevets conformément au règlement d'exécution. La règle 79(1) CBE donne en outre, dans le cadre de la procédure d'opposition, la possibilité au titulaire du brevet de modifier la description, les revendications et les dessins dans un délai imparti par la division d'opposition. La recevabilité de modifications ultérieures relève en revanche du pouvoir d'appréciation de la division d'opposition, comme il ressort, par exemple, de la règle 81(3) CBE ("il doit, si nécessaire, être donné au titulaire du brevet la possibilité de modifier, s'il y a lieu").
La chambre a conclu qu'une modification de l'opinion de la division d'opposition au cours de la procédure orale concernant son avis provisoire communiqué en même temps que la citation ne peut pas à elle seule conduire à ce que toute requête soit admise dans la procédure orale sans que la division d'opposition exerce son pouvoir d'appréciation. Selon la chambre, la décision T 688/16 invoquée par le requérant n'était ici pas pertinente, étant donné qu'en l'espèce, contrairement à l'affaire T 688/16, les requêtes subsidiaires présentées par le requérant auraient dû tenir compte d'une objection au titre de l'art. 123(2) CBE déjà exprimée dans le cadre de la procédure écrite. D'après la chambre, dans la mesure où le requérant réagit, au moyen de nouvelles requêtes, à une nouvelle ligne d'attaque de l'opposant et à une nouvelle pièce produite, il est possible, au moment de statuer sur la recevabilité, d'examiner si les requêtes semblent admissibles de prime abord ou s'il convient de toute façon de les rejeter en raison d'autres objections déjà soulevées au cours de la procédure.
La chambre a en outre précisé que les parties à une procédure contentieuse n'ont aucun droit à des "instructions détaillées" de la part de l'instance qui statue quant à la manière de remédier à l'irrégularité dont il est question. Au contraire, il incombe à chaque partie de réagir elle-même de manière adéquate à l'exposé de la partie adverse.
Dans l'affaire T 84/17, le requérant (titulaire du brevet) a demandé que la décision de la division d'opposition de ne pas admettre ses requêtes subsidiaires, présentées dans le cadre de la procédure orale en première instance, soit annulée pour exercice irrégulier du pouvoir d'appréciation. Il a fait valoir que la division d'opposition n'avait pas exercé son pouvoir d'appréciation conformément aux principes applicables, étant donné qu'elle avait uniquement examiné si ces requêtes avaient été déposées en temps utile, sans se pencher également sur la question de savoir si elles étaient de prime abord admissibles.
La chambre a toutefois conclu que la division d'opposition avait en fait exercé son pouvoir d'appréciation d'une manière raisonnable et avait appliqué les bons principes, tels que définis dans la décision G 7/93 (JO 1994, 775, décision à laquelle font référence les décisions T 129/12 et T 2415/13). La division d'opposition avait souligné à juste titre que les requêtes subsidiaires avaient été présentées très tardivement sans justification appropriée, alors que les objections sous-jacentes figuraient dans le dossier depuis l'acte d'opposition et que leur pertinence avait été abordée dans l'annexe à la citation. Selon la chambre, l'admission de certains documents qui avaient été déposés par les intimés en réponse à la notification de la division d'opposition n'avait pas conduit à l'introduction de nouveaux arguments qui auraient pu justifier la présentation des requêtes subsidiaires. De plus, la décision de la division d'opposition de ne pas admettre les requêtes n'était pas exclusivement fondée sur le retard injustifié, mais également sur la conclusion selon laquelle l'on ne pouvait pas attendre des opposants qu'ils traitent les restrictions spécifiques de l'objet introduites avec ces requêtes, autrement dit la division d'opposition avait également pris en considération le fond des modifications.
D'après la chambre, vu les circonstances, il n'était pas nécessaire de discuter de tous les critères qui pourraient théoriquement influencer la décision prise dans l'exercice du pouvoir d'appréciation. Au contraire, si les arguments avancés dans une affaire donnée montrent que certains critères pèsent si lourdement que les autres critères ne pourraient pas l'emporter sur eux, il n'est pas nécessaire de discuter de tous les critères. Aucune des décisions citées par le requérant (T 463/95, T 1485/08, T 544/12) ne va à l'encontre de cette conclusion, étant donné qu'aucune n'énonce ou n'implique que les principes applicables dans l'exercice du pouvoir d'appréciation imposent à la division d'opposition de toujours évaluer l'admissibilité de prime abord d'une nouvelle requête.