SEANCE DE TRAVAIL
Disclaimers
Brigitte GÜNZEL - Présidente de la Chambre de recours juridique de l'Office européen des brevets - Admissibilité des disclaimers selon les décisions G 1/03, G 2/03 et G 2/10 de la Grande Chambre de recours
I. Qu'est-ce qu'un disclaimer au sens de ces décisions ?
"Conformément à la pratique établie, le terme "disclaimer" s'entend ci-après d'une modification apportée à une revendication ayant pour effet d'introduire dans la revendication une caractéristique technique "négative", qui exclut normalement d'une caractéristique générale des modes de réalisation ou des domaines particuliers" (G 1/03 et G 2/03, JO OEB 2004, 413 et 448 - regroupées ci-après sous la référence G 1/03, sauf indication différente - point 2 des motifs, et G 2/10, JO OEB 2012, 376, point 2 des motifs).
II. De quoi s'agit-il ?
Lorsque, pour tenir compte d'un état de la technique qui a été mis en évidence ou pour d'autres raisons, une revendication doit être limitée par l'introduction de caractéristiques formulées en termes positifs qui doivent être divulguées, l'étendue de la protection est souvent davantage restreinte que ce qu'imposeraient l'état de la technique ou ces autres facteurs. A l'inverse, les disclaimers permettent d'exclure de manière ciblée de la portée d'une revendication générale ou large uniquement les modes de réalisation qui se révèlent être connus ou sont exclus de la brevetabilité pour d'autres raisons. Le disclaimer étant une modification généralement apportée en réaction à un état de la technique nouvellement cité au cours de la procédure d'examen ou d'opposition ou à une objection portant sur un autre obstacle à la brevetabilité, il est rare qu'il figure en tant que tel dans les pièces de la demande initiale. Par conséquent, l'admissibilité de l'introduction ultérieure du disclaimer doit être examinée au regard de l'article 123(2) CBE.
III. Quels sont les différents cas de figure envisageables et comment la Grande Chambre de recours a-t-elle répondu aux questions de droit qui lui ont été soumises ?
1.1 Cas de figure
Les cas de figure couverts par les questions de droit soumises à la Grande Chambre de recours dans cette procédure ressortent de la formulation desdites questions.
"1. La modification d'une revendication par l'introduction d'un disclaimer est-elle inadmissible au regard de l'article 123(2) CBE au seul motif que ni le disclaimer ni l'objet exclu par le disclaimer de la portée de la revendication ne trouvent de fondement dans la demande telle que déposée ?"
...
(Question 1 dans l'affaire T 507/99, JO OEB 2003, 225)
"Un disclaimer dépourvu de fondement dans la demande telle que déposée est-il recevable et la revendication dans laquelle il est introduit est-elle par conséquent admissible au regard de l'article 123(2) CBE lorsque ..."
(Question dans l'affaire T 451/99, JO OEB 2003, 334)
1.2 Versions complètes des questions soumises
Les versions complètes des questions de droit soumises à la Grande Chambre de recours s'énoncent comme suit :
T 507/99 :
"1. (voir ci-dessus)
2. S'il est répondu par la négative à la question 1, quels sont les critères applicables pour déterminer si un disclaimer est ou non admissible ?
a) En particulier, la question de savoir si la revendication doit être délimitée par rapport à un état de la technique au sens de l'article 54(3) CBE ou par rapport à un état de la technique au sens de l'article 54(2) CBE est-elle pertinente ?
b) Est-il nécessaire que l'objet exclu par le disclaimer soit strictement limité à celui qui est divulgué dans une pièce particulière de l'état de la technique ?
c) La question de savoir si le disclaimer est nécessaire pour rendre l'objet revendiqué nouveau par rapport à l'état de la technique est-elle pertinente ?
d) Le critère établi par la jurisprudence antérieure selon lequel la divulgation doit être fortuite est-il applicable, et si oui, quand une divulgation doit-elle être considérée comme fortuite, ou bien
e) faut-il appliquer l'approche selon laquelle un disclaimer qui se borne à exclure un état de la technique et qui n'a pas été divulgué dans la demande telle que déposée est admissible au regard de l'article 123(2) CBE, l'examen de l'objet revendiqué quant à la présence d'une activité inventive devant en ce cas être effectué comme si le disclaimer n'existait pas ?"
T 451/99 :
"(voir ci-dessus)
Dans l'affirmative, quels sont les critères applicables pour apprécier la recevabilité du disclaimer ?"
1.3 Réponses de la Grande Chambre de recours dans la décision G 1/03
La Grande Chambre de recours a traité les deux saisines dans le cadre d'une même procédure et a apporté la réponse commune suivante aux questions de droit qui lui ont été soumises :
"I. Une modification apportée à une revendication par l'introduction d'un disclaimer ne saurait être rejetée en vertu de l'article 123(2) CBE au seul motif que ni le disclaimer ni l'objet exclu par le disclaimer de la portée de la revendication ne trouvent de fondement dans la demande telle que déposée.
II. Il convient d'appliquer les critères suivants pour apprécier l'admissibilité d'un disclaimer qui n'est pas divulgué dans la demande telle que déposée :
II.1 Un disclaimer peut être admis pour :
- rétablir la nouveauté en délimitant une revendication par rapport à un état de la technique tel que défini à l'article 54(3) et (4) CBE ;
- rétablir la nouveauté en délimitant une revendication par rapport à une divulgation fortuite relevant de l'article 54(2) CBE ; une antériorisation est fortuite dès lors qu'elle est si étrangère à l'invention revendiquée et si éloignée d'elle que l'homme du métier ne l'aurait jamais prise en considération lors de la réalisation de l'invention ; et
- exclure un objet qui tombe sous le coup d'une exception à la brevetabilité en vertu des articles 52 à 57 CBE pour des raisons non techniques.
II.2 Un disclaimer ne devrait pas retrancher plus que ce qui est nécessaire soit pour rétablir la nouveauté, soit pour exclure un objet qui tombe sous le coup d'une exception à la brevetabilité pour des raisons non techniques.
II.3 Un disclaimer qui est ou devient pertinent pour l'appréciation de l'activité inventive ou de la suffisance de l'exposé ajoute des éléments en violation de l'article 123(2) CBE.
II.4 Une revendication contenant un disclaimer doit répondre aux exigences de clarté et de concision prévues à l'article 84 CBE."
2. Décision G 2/10
2.1 Contexte
Par la suite, des avis différents ont été exprimés dans la jurisprudence des chambres de recours sur la question de savoir si les critères énoncés au point II du sommaire des décisions G 1/02 et G 1/03 s'appliquaient à l'exclusion par disclaimer de modes de réalisation qui étaient divulgués comme faisant partie de l'invention dans la demande telle que déposée (G 2/10, JO OEB 2012, 376, point 1 des motifs, G 1/07, JO OEB 2011, 134, point 4.2.3 des motifs, T 1107/06 en date du 3 décembre 2008, point 31 et suiv. des motifs et décisions citées dans cette affaire). Les décisions dans lesquelles il a été estimé que ces critères étaient applicables ont justifié cette position en faisant valoir que la notion de disclaimer non divulgué au sens dudit sommaire visait tous les cas dans lesquels le disclaimer n'était pas déjà divulgué en tant que tel dans la demande telle que déposée.
2.2 Question de droit à l'origine de la décision G 2/10
Dans la décision G 1/07 relative à l'exclusion des méthodes chirurgicales de la brevetabilité, la Grande Chambre de recours a elle-même signalé qu'il existait des divergences qui ne pouvaient toutefois être traitées dans le contexte de la saisine en question. Aussi la chambre de recours 3.3.08 a-t-elle soumis dans le cadre de sa décision T 1068/07 (JO OEB 2011, 256) la question suivante à la Grande Chambre de recours :
"Un disclaimer enfreint-il l'article 123(2) CBE si son objet a été divulgué en tant que mode de réalisation de l'invention dans la demande telle que déposée ?"
2.3 Réponses de la Grande Chambre de recours dans la décision G 2/10
Etant donné qu'en règle générale, les disclaimers n'excluent pas qu'un seul mode de réalisation particulier de la protection, mais sont souvent formulés en termes beaucoup plus larges si bien qu'ils excluent - du moins potentiellement - plusieurs modes de réalisation, tout un (sous-)groupe de modes de réalisation ou encore tout un domaine, même restreint, couvert par une revendication générique et que ce sont justement ces cas qui peuvent poser problème quant à savoir si après l'introduction d'un disclaimer de si large portée, l'objet restant dans la revendication est encore identique à celui initialement revendiqué, la Grande Chambre de recours a interprété de manière plus large la question de droit soumise (point 2.3 des motifs) et y a répondu comme suit :
"1a. La modification d'une revendication par l'introduction d'un disclaimer excluant de cette revendication un objet divulgué dans la demande telle que déposée enfreint l'article 123(2) CBE si l'homme du métier, en se fondant sur ses connaissances générales, ne saurait déduire explicitement ou implicitement, directement et sans ambiguïté de la demande telle que déposée l'objet restant dans la revendication après introduction du disclaimer.
1b. Pour déterminer si c'est le cas ou non, il est nécessaire de procéder à une évaluation au cas par cas portant sur l'ensemble des aspects techniques, en tenant compte de la nature et de l'étendue de la divulgation dans la demande telle que déposée, de la nature et de l'étendue de l'objet exclu ainsi que de sa relation avec l'objet restant dans la revendication telle que modifiée."
IV. Motifs de la décision G 2/10
1. La Grande Chambre de recours confirme tout d'abord, par une motivation détaillée (point 3 des motifs), l'avis exprimé dans l'affaire T 1107/06 (point 31 et suiv. des motifs) et dans des décisions nationales ("Napp Pharmaceutical Holdings Ltd v Ratiopharm GmbH et Sandoz Ltd", Court of Appeal (Angleterre et Pays de Galles), [2009] EWCA Civ. 252, point 82 et suiv. des motifs, renvoyant à la décision T 1139/00 ; "Mundipharma Pharmaceuticals B.V. v Sandoz B.V.", Tribunal de première instance de La Haye 7 avril 2010, affaire n° 340373/09-2029, point 4.11 et suiv. des motifs), selon lequel les critères énoncés au point II du sommaire de la décision G 1/03 ne portaient, conformément aux questions de droit soumises, que sur le cas de figure visé au point I du sommaire, à savoir celui dans lequel ni le disclaimer en tant que tel ni l'objet ainsi exclu de la protection n'étaient divulgués dans la demande initiale.
2. La Grande Chambre de recours analyse ensuite sa jurisprudence existante portant sur des questions relatives à l'interprétation de l'article 123(2) CBE (point 4.3 des motifs). Elle constate que le critère, qui a été établi très tôt dans l'avis G 3/89 et dans la décision G 11/91 (JO OEB 1993, 117 et 125, concernant des modifications prenant la forme de rectifications), est que toute modification apportée aux parties d'une demande de brevet européen ou d'un brevet européen relatives à la divulgation est soumise à l'interdiction impérative d'extension de l'objet énoncée à l'article 123(2) CBE et ne peut donc être effectuée, quel que soit son contexte, que dans les limites de ce que l'homme du métier est objectivement en mesure, à la date du dépôt, de déduire directement et sans équivoque, de l'ensemble de ces documents tels qu'ils ont été déposés, en se fondant sur ses connaissances générales. Ce critère, dont la définition est généralement admise, est devenu à présent la norme de référence pour apprécier la conformité de toute modification avec l'article 123 CBE.
Ce critère a été confirmé dans son principe dans la décision G 1/93 (JO OEB 1994, 541, réponse 1, première phrase) en ce qui concerne le motif d'opposition visé à l'article 100c) CBE et - de façon plus générale - dans la décision G 2/98 (JO OEB 2001, 413). Dans la décision G 2/98, la Grande Chambre de recours s'est également appuyée sur un critère de divulgation pour déterminer si la demande ultérieure portait sur la même invention que la demande dont la priorité était revendiquée, et s'est référée explicitement au concept de divulgation selon l'article 123(2) CBE (G 2/98, réponse, cf. également points 1 et 9 des motifs). Dans la décision G 1/93, la Grande Chambre de recours avait certes établi qu'en cas de conflit entre les exigences énoncées à l'article 123(2) et (3) CBE, une caractéristique limitative non divulguée peut rester dans la revendication sans enfreindre l'article. 123(2) CBE lorsqu'elle n'apporte aucune contribution technique à l'objet de l'invention revendiquée et ne fait qu'exclure de la protection une partie de l'objet de l'invention revendiquée, couvert par la demande telle que déposée. Elle y a toutefois confirmé aussi d'une manière générale le caractère obligatoire de l'article 123(2) CBE (point 13 des motifs).
3. Selon la Grande Chambre de recours, la décision G 1/03 n'exprime pas l'avis selon lequel l'introduction d'un disclaimer ne change pas a priori l'information technique contenue dans la demande telle que déposée et ne saurait donc modifier l'objet restant dans la revendication (point 4.4 des motifs). Ceci ressort en particulier de la formulation choisie par la Grande Chambre de recours dans la décision G 1/03, dans la première ligne de la réponse 2 ("un disclaimer peut être admis"), ainsi que du point 2.6.5 des motifs, dans lequel la Grande Chambre de recours constate qu'un disclaimer est ou devient inadmissible s'il produit des effets allant au-delà de son but, à savoir la délimitation par rapport à un état de la technique au sens de l'article 54(3) ou à une divulgation fortuite, ou l'exclusion d'un objet non brevetable. Les questions soumises pour réponse à la Grande Chambre de recours dans les affaires G 1/03 et G 2/03 avaient essentiellement pour but d'établir si, et dans l'affirmative, dans quelles circonstances, des disclaimers non divulgués pouvaient être considérés admissibles, en principe, malgré l'absence de fondement dans la demande telle que déposée. C'est cette question, et rien de plus, que la Grande Chambre a traitée dans la réponse 2 des décisions G 1/03 et G 2/03.
4. Par conséquent, la Grande Chambre de recours parvient dans la décision G 2/10 à la conclusion que l'exclusion d'un objet divulgué dans la demande telle que déposée peut enfreindre l'article 123(2) CBE s'il en résulte que l'homme du métier obtient des informations techniques qu'il n'aurait pas déduit directement et sans ambiguïté de la demande telle que déposée en se fondant sur ses connaissances générales (point 4.5.1 des motifs).
Si on transpose l'article 123(2) CBE à la question de la modification d'une revendication traitée dans la présente décision, la règle est que la revendication ne peut être modifiée de manière que son objet s'étende au-delà du contenu de la demande telle qu'elle a été déposée. Etant donné que le disclaimer en tant que tel définit justement un objet qui n'est pas (plus) revendiqué, la question de la conformité de la revendication modifiée avec l'article 123(2) CBE ne peut pas être tranchée uniquement en constatant que l'objet exclu par disclaimer était divulgué dans la demande telle que déposée. La question de savoir si l'homme du métier obtient par là de nouvelles informations dépend de la façon dont il interpréterait la revendication modifiée, c.-à-d. l'objet restant dans la revendication modifiée, et de la question de savoir si, en se fondant sur ses connaissances générales, il considérerait cet objet comme étant divulgué, au moins implicitement, dans la demande (point 4.5.2 des motifs).
5. On ne saurait déterminer de manière schématique (p. ex. selon les règles dites de logique) si l'objet restant dans la revendication modifiée satisfait ou non au critère de la divulgation.
Même s'il est exact que la divulgation initiale ne pose pas normalement de problème pour l'objet restant lorsque des modes de réalisation particuliers, des groupes de modes de réalisation particuliers ou des domaines particuliers, initialement divulgués, sont exclus par disclaimer du champ de protection d'une revendication plus générale comportant un enseignement plus vaste qui a également été divulgué, la question ne peut pas pour autant être tranchée de manière schématique.
Il n'y a pas non plus lieu d'appliquer de raisonnement prétendument logique selon lequel, lorsqu'une demande divulgue un enseignement général ainsi que des modes de réalisation particuliers, des groupes de modes de réalisation particuliers ou des domaines particuliers, tous les autres modes de réalisation potentiels ou généralisations intermédiaires entrant dans le champ de l'enseignement général (mais non divulgués en tant que tels dans la demande telle que déposée) seraient inévitablement divulgués eux aussi de manière implicite. Cela étant, tout raisonnement schématique laissant seulement entendre que l'introduction d'un disclaimer modifie l'objet restant dans la revendication du fait que la revendication modifiée comporte moins d'éléments que la revendication inchangée ne suffirait pas non plus pour justifier une objection au titre de l'article 123(2) CBE (point 4.5.3 des motifs).
Au contraire, il est nécessaire de procéder à une évaluation au cas par cas portant sur les aspects techniques et de déterminer si l'homme du métier, en se fondant sur ses connaissances générales, aurait déduit explicitement ou implicitement, directement et sans ambiguïté de la demande telle que déposée, l'objet restant dans la revendication. Il est procédé de la même manière que lorsque l'on détermine si la limitation d'une revendication par une caractéristique définie en termes positifs est admissible. Il existe en la matière une jurisprudence abondante qui doit être appliquée aussi aux modifications apportées à des revendications par l'introduction de disclaimers excluant des modes de réalisation particuliers, des groupes de modes de réalisation particuliers ou des domaines particuliers qui ont été divulgués.
6. Le fait que l'objet exclu soit initialement divulgué comme faisant partie de l'invention n'a en soi aucune incidence sur le droit du demandeur de l'exclure de la revendication, car c'est à lui qu'il appartient de déterminer l'étendue de la protection qu'il recherche par la formulation de ses revendications. Cela étant, un demandeur qui exclut par disclaimer un objet divulgué le fait à ses risques et périls, en particulier s'il exclut un mode de réalisation préféré, car cet objet ne pourra pas être pris en considération pour déterminer si la revendication modifiée satisfait aux autres exigences de la CBE, telles que le fondement sur la description (article 84 CBE), la suffisance de l'exposé (article 83 CBE) et l'activité inventive (article 56 CBE). S'agissant de l'activité inventive, il pourra s'avérer utile de déterminer en particulier si le problème a été résolu sur toute la portée de la revendication ou si un effet avantageux obtenu par l'objet restant dans la revendication peut être déduit de la demande telle que déposée.
7. La Grande Chambre de recours évoque ensuite la cohérence de cette approche avec d'autres exigences de fond en matière de brevetabilité qui lient les droits du demandeur à la divulgation faite à un moment donné. La Grande Chambre souligne que l'approche qu'elle a choisie ne compromet pas, mais préserve plutôt la relation structurelle, établie par la CBE sur la base du système du premier déposant, entre les dispositions définissant l'état de la technique et leur incidence sur la brevetabilité ainsi que les conditions de fond pour revendiquer valablement une priorité (concept de même invention), pour déposer une demande divisionnaire et pour avoir le droit de modifier la demande. Il est essentiel d'appliquer un concept uniforme de divulgation à tous ces aspects et de définir de manière uniforme dans tous ces contextes les droits du demandeur, de telle sorte que non seulement ils s'étendent à la divulgation effectuée à la date pertinente, mais aussi se limitent à cette divulgation. Cela a déjà été souligné dans l'avis G 2/98 en ce qui concerne la brevetabilité d'inventions de sélection et cela doit valoir pour les modifications au titre de l'article 123(2) CBE, lesquelles ne peuvent avoir pour effet de créer un objet nouveau. Cette approche ne porte atteinte ni au droit du demandeur de diviser la demande, vu que ce droit est en tout état de cause limité à l'objet pouvant être considéré comme divulgué dans la demande antérieure telle que déposée, ni au droit de revendiquer la priorité d'une demande antérieure dans une demande ultérieure dans laquelle a été introduit un disclaimer excluant un objet divulgué dans la demande antérieure fondant la priorité. Enfin, ce raisonnement s'applique également dans les cas visés à l'article 61(1)b) CBE lorsque la personne habilitée dépose une nouvelle demande et que la demande initiale doit être limitée à l'objet pour lequel le demandeur initial conserve son droit (point 4.6 des motifs).
V. Application des principes établis dans la décision G 2/10, affaire T 1170/07
La décision rendue par la chambre de recours 3.3.02, le 13 mars 2012, dans l'affaire T 1170/07, peut être citée comme exemple illustrant la façon dont les principes établis dans la décision G 2/10 sont mis en pratique par les chambres de recours techniques. Le brevet en litige concernait l'utilisation d'une substance pour la fabrication d'une préparation à administrer par voie orale en vue de traiter le diabète sucré de type II. La requête subsidiaire III limitait l'usage dudit traitement aux patients non obèses. Conformément aux principes énoncés dans la décision G 2/10, la chambre a estimé que ce disclaimer ne pouvait pas être admis pour les motifs ci-après :
La demande initiale exposait que l'approche suivie dans le traitement de patients obèses souffrant de diabète sucré de type II visait une réduction de poids. La substance utilisée était citée également comme substance connue pour le contrôle et la prévention de l'obésité et de l'hyperlipidémie. En outre, la demande expliquait dans un autre passage sur la même page qu'on avait découvert que cette substance avait un effet surprenant, à savoir qu'elle était utile dans le traitement et la prévention du diabète sucré de type II. Cependant, ce passage n'indiquait pas si ce traitement était associé à une perte de poids ou était indépendant de celle-ci. Vu qu'il était indiqué que l'approche initiale dans le traitement de patients obèses souffrant de diabète sucré de type II visait une réduction de poids, le traitement du diabète sucré de type II indépendant d'une perte de poids et celui basé sur la perte de poids représentaient deux sous-catégories du traitement du diabète sucré en général. La demande ne contenait pas de divulgation, explicite ou implicite, de sous-catégories particulières comme le traitement du diabète sucré de type II chez des patients non obèses.
VI. Rapport entre les décisions G 1/03 et G 2/10 traité dans la décision G 2/10
Dans la décision G 2/10, la Grande Chambre de recours traite, en conclusion, du rapport entre cette décision et la décision G 1/03 (point 4.7 des motifs). Se référant à la formulation de la réponse 2 citée auparavant (point 4.4.2 des motifs) ainsi que des motifs de la décision G 1/03, elle indique à ce propos que, selon son interprétation, ladite réponse 2 ne visait pas à définir de manière exhaustive les conditions à remplir pour qu'une modification par l'introduction d'un disclaimer non divulgué puisse être considérée en toutes circonstances comme admissible au titre de l'article 123(2) CBE. Bien au contraire, les questions soumises pour réponse à la Grande Chambre de recours dans les affaires G 1/03 et G 2/03 avaient pour but d'établir si, et dans l'affirmative, dans quelles circonstances, des disclaimers non divulgués pouvaient être considérés admissibles, en principe, malgré l'absence de fondement dans la demande telle que déposée. C'est cette question, et rien de plus, que la Grande Chambre a traitée dans sa réponse 2. Par conséquent, il ne ressortait pas de ces décisions que, si les conditions de la réponse 2 étaient remplies, un disclaimer non divulgué serait toujours admissible au titre de l'article 123(2) CBE.
VII. Importance de ces déclarations, affaire T 2464/10
Lorsqu'elle statue sur les questions de droit qui lui sont soumises, la Grande Chambre de recours n'est certes pas liée par la formulation desdites questions, mais elle doit s'en tenir à l'objet du litige à l'origine de la saisine. C'est pourquoi, lorsqu'elle a répondu, dans la décision G 2/10, à la question concernant l'admissibilité de disclaimers, elle s'est bornée à statuer sur l'exclusion par disclaimer d'un objet divulgué. Ses explications concernant la décision G 1/03 servent à démontrer que la décision G 2/10 n'est pas en contradiction avec les décisions G 1/03 et G 2/03, et ce pour quelles raisons.
Se pose alors bien entendu la question de savoir si les disclaimers non divulgués doivent également remplir le critère de la divulgation de l'objet restant au sens de la décision G 2/10, en plus des conditions énoncées au point II du sommaire de la décision G 1/03.
La chambre de recours technique 3.3.08 a répondu par l'affirmative à cette question dans la décision T 2464/10 en date du 25 mai 2012. Le sommaire de ladite décision s'énonce comme suit (traduction en français) :
"Application du test relatif à l'objet restant au sens de la décision G 2/10. Dans cette décision, la Grande Chambre de recours n'a pas considéré que la décision G 1/03définissait de manière exhaustive les conditions d'admissibilité des disclaimers non divulgués. La décision G 2/10a donc prévu, outre les conditions énoncées dans la décision G 1/03, un critère supplémentaire consistant à déterminer si l'homme du métier, en se fondant sur ses connaissances générales, considérerait l'objet restant dans la revendication comme étant explicitement ou implicitement, mais directement et sans ambiguïté divulgué dans la demande telle que déposée."
La chambre a estimé que cette condition était remplie dans l'affaire sur laquelle elle devait statuer.
La demande concernait un procédé consistant à rendre un tissu apte à la transplantation, au moyen de cellules du tissu exprimant une protéine à action anticoagulante. D'après la demande, ceci a pu être réalisé en procédant au traitement génétique du tissu ou en produisant un animal transgénique. Outre le procédé, la demande revendiquait avant tout aussi le tissu biologique correspondant ainsi que les organes et les animaux en découlant. Les disclaimers figurant dans les revendications de produit et de procédé consistaient en différentes formulations visant à exclure l'application ou certaines applications à l'homme afin de tenir compte des objections au titre de l'article 53 a) ou b) ensemble la règle 28 b) et c) CBE.
Ainsi, la revendication 1 portant sur les animaux était limitée aux animaux "non humains", tandis que les disclaimers figurant dans les revendications 11 (tissu biologique) et 14 (procédé) excluaient les procédés impliquant la modification de cellules germinales humaines ou l'utilisation d'embryons humains à des fins industrielles ou commerciales.
Même si ce n'est pas dit expressément dans la décision, il ressort de la référence particulière à la décision G 1/03 que l'application de l'invention à l'homme n'était pas divulguée spécifiquement dans la demande. Celle-ci mentionnait les mammifères comme espèces préférées, une préférence particulière étant donnée aux porcs ou aux moutons transgéniques. La chambre a expliqué à ce sujet (point 8.1.1 des motifs) que la limitation aux animaux "non humains" ne conduirait pas, selon elle, à la divulgation d'un quelconque animal particulier (autrement dit d'un autre animal que ceux mentionnés spécifiquement dans la demande) et qu'aucun enseignement technique nouveau n'était introduit. Selon elle, le passage cité dans la description initiale (mentionnant les mammifères et, de préférence, les cochons et les moutons transgéniques) servait de base explicite pour les animaux "non humains". L'obtention d'un animal "non humain" - ce qui suppose l'apport d'une construction génétique - était fondée sur le même procédé que celui qui serait utilisé pour l'homme. En ce qui concerne l'objet restant dans la revendication, la chambre a conclu par conséquent que l'homme du métier ne serait pas confronté à une quelconque nouvelle divulgation allant au-delà de la demande telle que déposée initialement.
La chambre a utilisé la même argumentation pour les revendications 11 et 14 (point 9 et suiv. des motifs). Selon elle, le procédé revendiqué dans la revendication 14 était uniquement divulgué dans la demande telle que déposée en termes généraux. Les disclaimers avaient pour seul but d'exclure des objets non brevetables. Ils n'introduisaient aucun enseignement technique nouveau et ne conduisaient ni à une divulgation d'un (autre) animal particulier ni à une généralisation intermédiaire non divulguée initialement.