DEUXIÈME PARTIE
LA JURISPRUDENCE DES CHAMBRES DE RECOURS ET DE LA GRANDE CHAMBRE DE RECOURS EN 2012 ET 2013
I. BREVETABILITÉ
A. Exceptions à la brevetabilité
1. Atteinte à l'ordre public ou aux bonnes mœurs
Conformément à l'art. 53a) CBE, les brevets européens ne sont pas délivrés pour les inventions dont l'exploitation commerciale serait contraire à l'ordre public ou aux bonnes mœurs.
Dans l'affaire T 2221/10, la chambre était appelée à examiner si l'objet de la requête du requérant (demandeur) tombait sous le coup des exceptions à la brevetabilité en vertu de l'art. 53a) CBE, ensemble la règle 28c) CBE. Les revendications 1 et 2 de l'unique requête du requérant portaient sur des méthodes en vue de maintenir des cellules souches embryonnaires humaines en culture dans un état indifférencié. La revendication 5 portait sur une culture comprenant des cellules souches embryonnaires humaines. Ces cellules proviennent de la masse cellulaire interne d'embryons humains au stade du blastocyste et peuvent proliférer in vitro dans un état non différencié. Elles sont aptes à se développer pour former n'importe quel organe ou tissu du corps humain.
Le requérant a fait valoir que les procédés utilisant des lignées de cellules souches embryonnaires humaines disponibles commercialement ou d'une autre manière ne sont pas exclus de la brevetabilité, et ce au motif que leur mise en œuvre ne nécessite pas de détruire de novo des embryons humains.
S'agissant de l'argument du requérant selon lequel il serait excessif de prendre en considération toutes les étapes précédant une invention lorsqu'il s'agit d'apprécier si celle-ci est exclue de la brevetabilité, la chambre s'est référée au point 23 des motifs de la décision G 2/06 (JO OEB 2009, 306) :
"Dans une affaire telle qu'en la présente espèce, où l'enseignement sur la manière d'obtenir les cellules souches embryonnaires humaines se limite à l'utilisation (impliquant leur destruction préalable) d'embryons humains, l'argument avancé par le demandeur, selon lequel l'exclusion de la brevetabilité irait beaucoup trop loin s'il fallait considérer toutes les étapes précédant une invention aux fins de la règle 28c) CBE (ancienne règle 23quinquies c) CBE) est dépourvu de pertinence."
Selon la chambre, cela signifie qu'il y a lieu, aux fins de la règle 28c) CBE, de prendre en considération toutes les étapes qui précèdent l'utilisation revendiquée de cellules souches embryonnaires humaines et qui constituent une condition nécessaire à la mise en œuvre de l'invention revendiquée. À cet égard, la Grande Chambre de recours n'a jamais fait de distinction entre les étapes qui ont été exécutées par l'inventeur et celles qui ont été effectuées par toute autre personne, ni entre les étapes qui ont été réalisées pour préparer directement les expériences conduisant à une invention et celles qui ont eu lieu bien avant lesdites expériences.
La chambre a décidé que sont exclues de la brevetabilité en vertu de l'art. 53a) CBE, ensemble la règle 28c) CBE les inventions qui utilisent des cellules souches embryonnaires humaines obtenues via la destruction de novo d'embryons humains ou qui utilisent des lignées de cellules souches embryonnaires humaines publiquement disponibles qui proviennent initialement d'un procédé entraînant la destruction des embryons humains. Elle a relevé que sa décision est conforme à l'arrêt C-34/10 de la Cour de justice de l'Union européenne.
Dans l'affaire T 1836/10, la revendication 1 portait sur un procédé d'obtention de cellules souches embryonnaires pluripotentes sans destruction de l'embryon. Ces cellules étaient obtenues en utilisant comme matériel de départ des blastocystes, à savoir des embryons âgés de 4 à 7 jours présentant déjà une différenciation. Les blastocystes pouvaient notamment provenir d'un animal domestique ou d'un primate, tel que l'être humain. Pour le cas où les blastocystes utilisés pour obtenir les cellules souches embryonnaires revendiquées seraient d'origine humaine, le disclaimer introduit dans la revendication 1 excluait la possibilité d'utiliser à des fins industrielles ou commerciales les cellules souches obtenues.
La chambre a estimé que l'utilisation du produit obtenu par le procédé, à savoir des cellules souches embryonnaires, n'était pas pertinente pour déterminer l'objet de la revendication, étant donné que les futures utilisations possibles, telles que divulguées, des cellules souches devaient être considérées non pas comme une étape de procédé supplémentaire ou une autre caractéristique technique du procédé revendiqué, mais comme de simples "intentions subjectives". L'introduction du disclaimer ne limitait donc en aucune façon l'objet de la revendication. S'agissant de la revendication 1, la chambre a estimé qu'elle englobait des éléments contraires à l'art. 53a) CBE ensemble la règle 28c) CBE au motif que l'utilisation d'embryons humains en tant que matériel de départ dans un procédé d'obtention de cellules souches embryonnaires susceptible d'application industrielle devait être considérée comme une "utilisation à des fins industrielles ou commerciales" au sens de la règle 28c) CBE (cf. également l'arrêt C-34/10 de la Cour de justice de l'Union européenne au sujet de l'interprétation de l'art. 6, paragraphe 2, lettre c de la directive 98/44/CE du Parlement européen et du Conseil en date du 6 juillet 1998 relative à la protection juridique des inventions biotechnologiques, en particulier le point 3 du dispositif).
2. Brevetabilité des inventions biologiques
2.1 Procédés essentiellement biologiques d'obtention de végétaux
Conformément à l'art. 53b) CBE, il n'est pas délivré de brevets pour les variétés végétales ainsi que les procédés essentiellement biologiques d'obtention de végétaux. Cette exclusion ne s'applique pas aux procédés microbiologiques et aux produits obtenus par ces procédés.
Dans sa deuxième décision intermédiaire T 1242/06 du 31 mai 2012 (JO OEB 2013, 42), la chambre a indiqué qu'elle était vivement préoccupée par le fait que l'admission de revendications relatives à du matériel végétal obtenu au moyen d'un procédé de sélection essentiellement biologique contrecarrerait de facto les objectifs que le législateur avait poursuivis en formulant l'exclusion de ces procédés, objectifs qui ont été soulignés dans la décision G 1/08 (JO OEB 2012, 206), étant entendu que, dans de nombreux cas, il suffirait de faire preuve d'une habileté particulière à rédiger des revendications pour pouvoir contourner l'exclusion, ce qui aurait pour effet de diminuer la cohérence et le caractère persuasif du cadre législatif de la CBE relatif aux éléments brevetables. La chambre, estimant que ces aspects soulevaient des questions de droit d'importance fondamentale, a soumis à la Grande Chambre de recours les questions suivantes pour décision :
(1) L'exclusion des "procédés essentiellement biologiques d'obtention de végétaux" prévue à l'art. 53b) CBE peut-elle avoir un effet négatif sur l'admissibilité d'une revendication de produit portant sur des végétaux ou une matière végétale comme un fruit ?
(2) En particulier, une revendication portant sur des végétaux ou une matière végétale autres qu'une variété végétale est-elle admissible même si l'unique procédé disponible à la date de dépôt pour obtenir l'objet revendiqué est un procédé essentiellement biologique d'obtention de végétaux divulgué dans la demande de brevet ?
(3) Est-il important, dans le contexte des questions 1 et 2, que la protection conférée par la revendication de produit englobe l'obtention du produit, tel que revendiqué, au moyen d'un procédé essentiellement biologique d'obtention de végétaux, exclu en tant que tel en vertu de l'art. 53b) CBE ?
L'affaire est en instance sous la référence G 2/12.
Dans l'affaire T 83/05 du 8 juillet 2013, l'objet de la revendication 1 selon la requête principale de l'intimé était défini comme une plante Brassica comestible obtenue au moyen d'un procédé donné d'obtention de Brassica oleracea ayant des teneurs élevées en certains glucosinolates.
Pour les mêmes raisons que celles exposées de manière très circonstanciée dans la deuxième décision intermédiaire relative à l'affaire T 1242/06, la chambre a considéré que les végétaux ou parties de végétaux revendiqués ne tombaient pas sous le coup de l'exclusion des variétés végétales énoncée à l'art. 53b) CBE et fondée sur la définition figurant à la règle 26(4) CBE.
Comme dans l'affaire T 1242/06, il est toutefois nécessaire de se pencher sur une deuxième question, en l'occurrence celle de savoir si l'exclusion des procédés prévue à l'art. 53b) CBE a une incidence négative sur l'admissibilité des revendications de produit présentées par l'intimé. Selon la chambre, il y a au moins lieu de considérer comme des procédés essentiellement biologiques d'obtention de végétaux les étapes du procédé mentionnées dans les revendications 1 à 3 de la requête principale aux fins de la définition des végétaux ou parties de végétaux revendiqués, lesquelles étapes tomberaient sous le coup de l'exclusion de procédés prévue à l'art. 53b) CBE si elles étaient revendiquées en tant que telles. Il en découle que ces revendications portent sur des végétaux et parties de végétaux qui sont obtenus par un procédé exclu.
Compte tenu du principe de la protection absolue conférée à un produit (cf. décision G 2/88), une revendication de produit donne au titulaire du brevet une protection qui englobe généralement la protection apportée par une revendication portant sur le procédé servant à obtenir ce produit (cf. décision G 2/06). Si les revendications de produit étaient admises dans la présente affaire, tout acte consistant à obtenir des végétaux ou parties de végétaux Brassica et brocoli revendiqués relèverait en principe du droit exclusif du titulaire du brevet.
Celui-ci serait donc en mesure d'empêcher autrui de mettre en œuvre le procédé d'obtention enseigné dans la description du brevet et mentionné dans les revendications, alors que ce procédé pourrait être considéré comme un procédé essentiellement biologique d'obtention de végétaux, exclu en tant que tel de la brevetabilité conformément à l'art. 53b) CBE.
La chambre a soumis les questions suivantes à la Grande Chambre de recours :
1. L'exclusion des procédés essentiellement biologiques d'obtention de végétaux prévue à l'art. 53b) CBE peut-elle avoir un effet négatif sur l'admissibilité d'une revendication de produit portant sur des végétaux ou une matière végétale comme des parties de végétaux ?
2. En particulier :
a) Une revendication de produit caractérisé par son procédé d'obtention, qui porte sur des végétaux ou une matière végétale autres qu'une variété végétale, est-elle admissible si les caractéristiques du procédé contenues dans cette revendication définissent un procédé essentiellement biologique d'obtention de végétaux ?
b) Une revendication portant sur des végétaux ou une matière végétale autres qu'une variété végétale est-elle admissible même si l'unique procédé disponible à la date de dépôt pour obtenir l'objet revendiqué est un procédé essentiellement biologique d'obtention de végétaux divulgué dans la demande de brevet ?
3. Est-il important, dans le contexte des questions 1 et 2, que la protection conférée par la revendication de produit englobe l'obtention du produit, tel que revendiqué, au moyen d'un procédé essentiellement biologique d'obtention de végétaux, exclu en tant que tel en vertu de l'art. 53b) CBE ?
4. Si une revendication portant sur des végétaux ou une matière végétale autres qu'une variété végétale n'est pas considérée comme admissible au motif que la revendication de produit relative à des végétaux englobe l'obtention du produit, tel que revendiqué, au moyen d'un procédé exclu de la brevetabilité en vertu de l'art. 53b) CBE, est-il possible de renoncer à la protection de ladite obtention en introduisant un disclaimer concernant le procédé exclu ?
L'affaire est en instance sous le numéro G 2/13 et la procédure a été jointe avec celle relative à l'affaire G 2/12.
3. Méthodes de traitement médical
Conformément à l'art. 53c) CBE, il n'est pas délivré de brevets pour des méthodes de traitement chirurgical ou thérapeutique du corps humain ou animal et les méthodes de diagnostic appliquées au corps humain ou animal.
3.1 Méthodes de traitement chirurgical
Dans l'affaire T 1798/08, les revendications portaient toutes sur une prothèse visuelle, c'est-à-dire sur un dispositif. Elles ont néanmoins donné lieu à des objections faites par l'opposant au titre de l'art. 53c) CBE, au motif qu'elles avaient pour objet une méthode chirurgicale. Il a été considéré que les caractéristiques "apte à être situé sur le corps de l'utilisateur à l'extérieur d'une paroi de l'enveloppe sclérotique et à être rattaché à l'enveloppe sclérotique" et "apte à être implanté dans l'œil derrière l'iris" portaient sur une méthode de traitement chirurgical du corps humain ou animal et que la revendication était dès lors une revendication de méthode "déguisée", même si elle concernait en théorie un dispositif.
La chambre a rejeté cette objection. L'art. 53c), deuxième phrase CBE précise en effet que cette disposition ne s'applique pas aux produits, notamment aux substances ou compositions, pour la mise en œuvre d'une des méthodes tombant sous le coup de l'exception. Les revendications de produit comprennent non seulement les substances et les compositions, mais également les dispositifs. Par conséquent, les dispositions de l'art. 53c) CBE ne s'appliquent pas aux revendications de dispositifs. Le fait qu'en l'espèce certaines caractéristiques du dispositif revendiqué étaient définies en termes fonctionnels en relation avec le corps du patient n'avait pas pour effet de transformer la revendication de dispositif en revendication de méthode (T 712/93, T 1695/07). Il est vrai que l'implantation des composantes de la prothèse constituerait en soi une intervention chirurgicale sur le corps du patient, mais cela n'était pas revendiqué dans la revendication 1. Celle-ci se bornait à décrire que certaines composantes de la prothèse étaient "aptes à être situées" à différents endroits du corps humain. Une telle définition n'excluait pas le dispositif revendiqué de la brevetabilité en application de l'art. 53c) CBE.
La chambre a distingué cette affaire des décisions T 775/97 et T 82/93 (JO OEB 1996, 274).
B. Nouveauté
1. Détermination de l'état de la technique
1.1 Accessibilité au public
Une information est accessible au public même dans l'hypothèse où une seule personne non tenue au secret a eu la possibilité de prendre connaissance de l'information et de la comprendre.
Dans l'affaire T 834/09, il s'agissait d'établir si le document D1 avait ou non été rendu accessible au public avant la date de priorité la plus ancienne du brevet attaqué, à savoir avant le 23 avril 1996. Le document D1 avait été reçu et la date apposée au tampon par l'University of California Libraries de San Diego le 3 avril 1996. Cependant, il n'y avait aucune preuve que D1 ait été mis en rayonnage avant la date pertinente. La chambre a indiqué qu'il découlait par analogie de la jurisprudence des chambres de recours que la personne chargée de réceptionner un document et d'y apposer la date au tampon dans une bibliothèque publique fait indéniablement partie du public, étant donné que cet agent n'est nullement lié par l'obligation de traiter de manière confidentielle les publications dont il s'occupe et leur contenu, et que, du reste, son rôle, en tant qu'employé d'une bibliothèque publique, consiste précisément à mettre les informations à la disposition du public. La chambre a ajouté que dans le cas d'une divulgation écrite, il est indifférent que l'employé soit ou non un homme du métier, car le contenu d'un exposé écrit peut être librement reproduit et diffusé sans même qu'il soit compris. La chambre en a conclu qu'un document est accessible au public dès lors qu'un employé d'une bibliothèque publique le réceptionne et y appose la date au tampon.
1.2 Divulgations Internet
Dans l'affaire T 1553/06, la chambre a défini un test pour établir si le public avait eu accès à un document qui était enregistré sur le Web, et que l'on pouvait trouver en faisant une recherche par mots-clés dans un moteur de recherche public sur Internet.
Pour mettre au point ce test, la chambre a constaté en premier lieu que la simple possibilité théorique d'avoir accès à un moyen de divulgation n'avait pas pour conséquence que celui-ci était accessible au public au sens de l'art. 54(2) CBE 1973. Il est impératif en effet qu'au moins une personne du public ait la possibilité pratique d'accéder au moyen de divulgation, c'est-à-dire d'y accéder "directement et sans équivoque", conformément à l'avis G 1/92 (JO OEB 1993, 277) et à la décision T 952/92 (JO OEB 1995, 755). Lorsque l'on ne peut accéder à un document stocké sur le Web qu'en devinant une URL (adresse universelle) qui n'a pas été rendue accessible au public, l'accès "direct et sans équivoque" à ce document n'est possible que dans des cas exceptionnels, à savoir lorsque ladite URL est si évidente, ou si prévisible, qu'elle peut facilement être devinée. Le fait qu'un document stocké sur le Web pouvait être trouvé en saisissant des mots-clés dans un moteur de recherche public avant la date de priorité ou de dépôt du brevet ou de la demande de brevet ne suffit pas toujours pour conclure que ce document était accessible "directement et sans équivoque." Ce test est le suivant : lorsque toutes les conditions énoncées ci-dessous sont remplies, il peut être conclu sans risque de se tromper qu'un document stocké sur le Web a été rendu accessible au public :
Si, avant la date de dépôt ou de priorité du brevet ou de la demande de brevet, un document stocké sur le Web et accessible via une URL
1) pouvait être trouvé à l'aide d'un moteur de recherche public en saisissant un ou plusieurs mots-clés, tous liés au contenu essentiel du document, et
2) était resté accessible via cette URL suffisamment longtemps pour qu'une personne du public, à savoir quelqu'un n'ayant aucune obligation de garder secret le contenu du document, ait pu avoir un accès direct et sans équivoque au document, alors ce document a été rendu accessible au public au sens de l'art. 54(2) CBE 1973.
Toutefois, il faut noter que si l'une des conditions 1) ou 2) n'est pas remplie, le test ci-dessus ne permet pas de déterminer si le document en question a été ou non rendu accessible au public.
Dans l'affaire T 2/09, la chambre a douté qu'en appliquant par analogie les conditions techniques du test défini dans la décision T 1553/06 pour établir l'accessibilité au public de pages sur le Web, il soit raisonnablement possible de déterminer que le public avait accès à des courriers électroniques transmis par Internet, autrement dit que l'on pouvait accéder à ces courriers électroniques et y effectuer des recherches de la même manière que pour des pages sur le Web, indépendamment de la question de savoir si la consultation ou la divulgation du contenu de courriers électroniques était licite. La chambre a plutôt estimé que, compte tenu des différences entre des pages sur le Web et des courriers électroniques, il était d'emblée très improbable que le public ait eu accès à ces derniers. La chambre a décidé que le contenu d'un courrier électronique n'a pas été rendu accessible au public au sens de l'art. 54(2) CBE 1973 au simple motif que ce courrier électronique a été transmis par Internet avant la date de dépôt, qui était en l'occurrence le 1er février 2000.
Dans l'affaire T 1469/10, le titulaire du brevet affirmait que les documents D1, D3 et D14, qui étaient des contributions de réunions 3GPP que l'organisme ETSI 3GPP avait chargés sur son serveur public de fichiers, ne devaient pas être considérés comme des éléments de l'état de la technique au titre de l'art. 54(2) CBE, étant donné que les preuves figurant au dossier ("horodatage" sur les listes de documents 3GPP) ne justifiaient pas la conclusion selon laquelle les différentes dates de publication de ces documents précédaient la date de dépôt de la demande. La chambre a fait observer que l'ETSI 3GPP, un organisme de normalisation réputé, dispose de règles claires et fiables pour la publication de contributions de réunions, en particulier pour attester le chargement sur le serveur public de fichiers. Une date de publication indiquée sur des listes de documents 3GPP ("horodatage") présente donc une force probante élevée et laisse présumer la date à laquelle le document a été accessible au public. Par conséquent, la chambre a estimé que les différentes dates ("horodatage") indiquées sur les listes de documents 3GPP correspondaient de manière fiable aux dates auxquelles les différents documents avaient été chargés sur le serveur de fichiers 3GPP et, partant, que les documents en question constituaient des éléments de l'état de la technique au titre de l'art. 54(2) CBE.
1.3 Divulgation orale dans le cadre d'une conférence
Dans l'affaire T 2003/08, la chambre a fait observer qu'à la différence d'un document écrit, dont le contenu est figé et peut être lu et relu, une présentation orale a un caractère éphémère. Le degré de preuve nécessaire pour déterminer le contenu d'une divulgation orale est donc élevé. Ce qui a été dit ou, pour reprendre les termes de l'art. 54(2) CBE, ce qui a été "rendu accessible au public", doit être établi au-delà de tout doute raisonnable. La chambre s'est référée à la décision T 1212/97, dans laquelle la chambre avait estimé que "l'on peut généralement considérer que les informations qui apparaissent dans les notes écrites prises simultanément par deux auditeurs au moins au cours d'une conférence suffisent pour déterminer les connaissances transmises". La chambre avait également indiqué que le degré de preuve nécessaire pour établir le contenu d'une présentation orale au-delà de tout doute raisonnable doit être jugé au cas par cas, c'est-à-dire en fonction de la qualité de la preuve dans chaque cas d'espèce.
En l'occurrence, la chambre a estimé que la décision T 1212/97 ne pouvait pas être interprétée comme édictant une norme absolue concernant le degré de preuve nécessaire pour prouver le contenu d'une divulgation orale. La chambre a considéré que dans certaines circonstances, les éléments de preuves fournis par le conférencier et un seul membre du public peuvent être assez convaincants pour atteindre le degré de preuve nécessaire – c'est-à-dire pour permettre d'établir que des connaissances ont été transmises au-delà de tout doute raisonnable. Dans le cas d'espèce, la chambre a toutefois estimé que les éléments de preuves fournis par le conférencier et un membre du public, à la fois sous forme de déclaration sous serment et de déposition orale, ne démontraient pas, au-delà de tout doute raisonnable, que l'objet de la revendication avait été divulgué pendant la conférence.
1.4 Usage antérieur public
Dans l'affaire T 1682/09, le requérant avait allégué qu'un assemblage d'un système de pesée avait fait l'objet d'un usage antérieur public.
Il a été noté que, conformément à la jurisprudence constante, et en l'absence de circonstance particulière, la vente d'un dispositif suffit à le rendre accessible au public. En l'occurrence, l'assemblage était loué, et non détenu par la société. La chambre a toutefois estimé que le montage de l'assemblage dans les locaux d'une société et les procédures conventionnelles de démarrage, d'entraînement et d'entretien de l'assemblage mises en œuvre ultérieurement dans ces mêmes locaux, rendaient les caractéristiques de l'assemblage accessibles à la société, qui constituait à l'époque un membre du public.
2. Questions relatives à la preuve
2.1 Affaires tranchées en vertu du critère de la conviction absolue
Dans la décision T 71/09, l'intimé invoquait un usage antérieur public prétendument préjudiciable à la nouveauté et à l'activité inventive de l'objet revendiqué. Cet usage antérieur émanait de ses activités propres dans la mesure où les faits invoqués impliquaient la vente du produit W. par la société de l'intimé.
La chambre a déclaré que selon la jurisprudence constante des chambres de recours, il ne devrait être conclu aux fins de l'art. 54(2) CBE qu'un usage est compris dans l'état de la technique que si un examen rigoureux et minutieux des preuves produites permet de le constater (T 750/94, JO OEB 1998, 32). Par conséquent, avant de conclure qu'un usage est compris dans l'état de la technique, la chambre doit s'assurer que les preuves produites permettent de constater avec une conviction pratiquement absolue, en d'autres termes avec une certitude allant au-delà de tout doute raisonnable, que tel usage antérieur a bien eu lieu avant la date de priorité du brevet litigieux (T 97/94, JO OEB 1998, 467). La chambre a considéré en l'espèce que les pièces produites par l'intimé n'étaient pas suffisantes pour établir au-delà de tout doute raisonnable la composition du produit W.
3. Détermination du contenu de l'état de la technique pertinent
3.1 Prise en compte des caractéristiques non techniques lors de l'examen de la nouveauté
Dans l'affaire T 2050/07, la division d'examen avait estimé que la revendication 1 n'était pas nouvelle compte tenu du document D6 (qui était compris dans l'état de la technique au titre de l'art. 54(3) CBE). La chambre a fait observer qu'il était possible d'avancer l'argument selon lequel les caractéristiques distinctives étaient de nature non technique, en tant que méthode mathématique ou méthode dans l'exercice d'activités intellectuelles, et qu'au vu de la jurisprudence constante, en vertu de laquelle les caractéristiques qui ne contribuent pas au caractère technique d'une invention et qui n'interagissent pas avec l'objet technique de la revendication aux fins de résoudre un problème technique, ne doivent pas être prises en compte lors de l'examen de l'activité inventive, ces caractéristiques devraient également être ignorées lors de l'examen de la nouveauté. La chambre a donc examiné si, en l'occurrence, les caractéristiques distinctives apportaient une contribution technique.
La chambre a considéré que la description de la demande de brevet exposait suffisamment clairement comment les caractéristiques distinctives (i) et (ii) du procédé selon la revendication 1 devaient être mises en œuvre et comment elles interagissaient avec les autres étapes du procédé revendiqué pour fournir un résultat technique commun. Elle en a conclu que les caractéristiques distinctives devaient être prises en compte lors de l'examen de la nouveauté de la revendication 1, et que le procédé selon la revendication 1 était nouveau.
4. Nouveauté de l'utilisation
4.1 Nouveauté de l'application thérapeutique
Dans l'affaire T 108/09, les revendications étaient rédigées sous la forme de revendications relatives à une deuxième utilisation médicale, conformément à la décision G 6/83 (JO OEB 1985, 67). La chambre a fait observer qu'en vertu de la décision G 2/08 (JO OEB 2010, 456), l'art. 54(5) CBE n'exclut pas qu'un médicament déjà utilisé pour traiter une maladie soit breveté pour son utilisation dans un traitement thérapeutique différent de la même maladie. Cette conclusion s'appliquait par analogie aux revendications de type suisse du brevet litigieux (cf. G 2/08). La chambre a estimé qu'il convenait d'examiner si le cancer du sein selon la revendication 1 du brevet tel que délivré était identique au cancer du sein selon le document D2. Elle a noté que les tumeurs selon le document D2, qui n'étaient résistantes qu'au tamoxifène, pouvaient être distinguées des tumeurs selon la revendication 1 du brevet tel que délivré, lesquelles étaient également résistantes à un inhibiteur de l'aromatase. Cette différence signifiait qu'en l'espèce, deux maladies distinctes ou deux sous-ensembles d'une maladie (tumeur) étaient concernés. Par analogie aux conclusions de la décision T 893/90, la chambre a donc conclu à la nouveauté. L'objet de la revendication 1 du brevet tel que délivré était par conséquent nouveau par rapport à D2.
4.2 Deuxième (ou autre) application thérapeutique
4.2.1 Différenciation entre un effet direct ou indirect sur les revendications
Dans l'affaire T 1955/09, la revendication 1 concernait une application thérapeutique consistant à utiliser une substance ou une composition pour l'obtention d'un médicament destiné à une utilisation thérapeutique donnée (G 6/83, JO OEB 1985, 67). L'obtention d'un nouvel effet technique est considérée comme une caractéristique technique fonctionnelle d'une revendication portant sur l'utilisation nouvelle d'une substance connue. Si cette caractéristique technique n'a pas été rendue accessible au public antérieurement, l'invention revendiquée est nouvelle, bien qu'en soi cet effet technique ait déjà pu être obtenu au cours de la mise en œuvre de ce qui a été précédemment rendu accessible au public (cf. décisions G 2/88, JO OEB 1990, 93 et G 6/88, JO OEB 1990, 114).
En l'occurrence, la chambre devait déterminer si l'utilisation revendiquée impliquait une autre utilisation thérapeutique, différente de celle exposée dans le document (D1). Elle a affirmé que l'on ne pouvait conclure que l'effet technique dont se prévalait l'invention revendiquée, à savoir l'effet antibiotique, était une simple explication de la façon dont les composés inhibaient ou neutralisaient les toxines. Cet effet identifiait plutôt une situation clinique nouvelle, dans laquelle il pourrait être préférable de cibler l'infection elle-même, et non pas simplement les toxines produites par les bactéries ou champignons à l'origine de l'infection. La chambre a estimé que ce raisonnement se fondait sur la distinction qui est faite entre un effet direct et indirect sur les revendications relatives à une deuxième utilisation médicale ou à toute utilisation médicale ultérieure d'une substance connue (cf. par exemple T 836/01 et T 1642/06). Compte tenu de ce qui précède, la chambre s'est déclarée convaincue que l'objet de la revendication 1 en question satisfaisait aux exigences de l'art. 54(1) et (3) CBE concernant la divulgation dans le document D1.
4.2.2 Revendications de méthodes thérapeutiques
Dans l'affaire T 454/08 la chambre a affirmé que selon la décision G 6/83 (JO OEB 1985, 67), un brevet européen peut être délivré sur la base de revendications ayant pour objet l'application d'une substance ou composition pour obtenir un médicament destiné à une utilisation thérapeutique nouvelle et comportant un caractère inventif. La décision G 6/83 permettait la reformulation des revendications de méthodes thérapeutiques visées à l'art. 52(4) CBE 1973 sous la forme de revendications de type suisse. Dans la présente espèce cependant, la chambre a affirmé que si une revendication rédigée sous la forme d'une revendication de type suisse ne se rapporte pas à la mise en œuvre d'une quelconque méthode thérapeutique, ou se rapporte de facto à une utilisation non-thérapeutique, la caractéristique définissant la mise en œuvre reste d'un caractère purement illustratif, et ne peut servir à établir la nouveauté vis-à-vis de l'état de la technique. Cette approche particulière de la nouveauté ne s'applique en effet qu'à des revendications portant sur l'emploi d'une substance ou composition se rapportant à une méthode mentionnée par l'art. 52(4) CBE 1973 (maintenant art. 53 c) CBE).
La revendication 1 de la requête principale était construite sur le modèle proposé par la décision G 6/83, à savoir l'application d'une substance pour l'obtention d'une composition destinée à une utilisation particulière. Cependant, aucun des termes de la revendication 1 n'impliquait la mise en œuvre dans l'une quelconque des méthodes thérapeutiques visées à l'art. 53 c) CBE. L'approche particulière de la nouveauté créée par la décision G 6/83 ne s'appliquait donc pas à la revendication 1 de la requête principale, dont l'objet était équivalent à une revendication de procédé. L'étape d'administration du comprimé devait être vue comme une caractéristique illustrative du comprimé et non comme une caractéristique restrictive concernant un mode d'administration particulier.
4.2.3 Moyens utilisés pour le traitement
Dans l'affaire T 2003/08, le requérant (opposant) s'appuyait sur les décisions T 227/91 (JO OEB 1994, 491), T 775/97 et T 138/02, dans lesquelles les chambres avaient défini le terme "médicament", pour soutenir que la revendication 1 ne satisfaisait pas à une condition préalable pour être considérée comme portant sur une deuxième utilisation médicale conformément à la décision G 6/83 (JO OEB 1985, 67), selon laquelle le traitement doit faire intervenir un "médicament". Il affirmait que le traitement impliquait l'utilisation d'une "colonne" et que ce moyen n'était pas un "médicament", mais un "dispositif". La revendication 1 ne devait donc pas être interprétée comme portant sur une deuxième utilisation médicale, bien qu'elle ait été rédigée sous cette forme, et la caractéristique relative au traitement ne devait pas être prise en compte pour l'examen de la nouveauté.
Par conséquent, il convenait de déterminer si la revendication 1 devait être interprétée comme portant sur une deuxième utilisation médicale. La chambre a répondu par l'affirmative. Elle a estimé qu'il découlait de l'argumentation développée dans la décision G 6/83, i) que la Grande Chambre n'avait l'intention d'admettre une protection particulière pour une deuxième utilisation médicale que si l'utilisation dans le domaine médical concernait une "substance" ou une "composition", ii) que c'est la "substance" ou "composition" qui produisait l'effet médical, et iii) que les termes "substance" et "composition" désignaient au moins des produits qui étaient des entités chimiques ou des compositions d'entités chimiques.
La chambre a donc considéré qu'il était important d'établir si les moyens utilisés pour obtenir l'effet médical étaient une "substance" ou une "composition" au sens de la décision G 6/83, plutôt que d'établir s'ils étaient un "médicament". En l'occurrence, l'effet médical sur lequel s'appuyait le traitement selon la revendication 1 résidait dans la suppression de l'immunoglobuline du plasma de patients atteints de cardiomyopathie dilatée. Cet effet était obtenu par un "ligand spécifique pour l'immunoglobuline humaine", qui était indiscutablement une entité chimique. La "colonne" servait uniquement de support au ligand et ne contribuait pas à obtenir l'effet thérapeutique. En réalité, le ligand pouvait également lier l'immunoglobuline s'il n'était pas lié à la colonne, c'est-à-dire s'il était libre en solution. Par conséquent, la chambre a estimé que les moyens utilisés pour le traitement selon la revendication 1 devaient être considérés comme une "substance" ou une "composition" au sens de la décision G 6/83.
C. Activité inventive
1. Nouvelle formulation du problème technique
Dans l'affaire T 1422/12, la revendication 1 portait sur des formes cristallines de la tigécycline. Eu égard à l'état de la technique, le requérant a avancé que le problème sous-jacent à la demande en cause consistait à produire de la tigécycline plus stable contre l'épimérisation. La division d'examen a rejeté la formulation du problème technique comme étant la production de tigécycline sous une forme plus stable thermodynamiquement, au motif que la demande telle que déposée ne contenait aucune indication selon laquelle l'invention cherchait à résoudre ce problème spécifique. La chambre s'est référée à la jurisprudence constante, selon laquelle le problème technique doit être déterminé sur la base de faits établis objectivement, seul l'effet effectivement obtenu par rapport à l'état de la technique le plus proche devant être pris en considération (T 13/84, JO OEB 1986, 253 et T 39/93, JO OEB 1997, 134). Dans ce contexte, tout effet produit peut donc être pris en compte pour autant qu'il concerne le même domaine d'utilisation et ne modifie pas le caractère de l'invention (T 440/91).
Dans la demande, il était indiqué que l'invention en cause portait sur des formes cristallines de la tigécycline, la tigécycline étant un antibiotique de la famille des tétracyclines, déjà commercialisée en tant que poudre ou de gâteau lyophilisé, c'est-à-dire sous forme amorphe, aux fins d'injection intraveineuse. La partie relative au contexte de l'invention décrivait une amélioration des caractéristiques liées à l'efficacité de divers produits pharmaceutiques, y compris de la tigécycline. La formulation du problème technique à résoudre, à savoir la production de la tigécycline sous une forme plus stable contre l'épimérisation, améliorant ainsi l'activité biologique, entrait donc dans le cadre de l'invention telle que divulguée dans la demande en litige en ce qui concernait les caractéristiques liées à l'efficacité de l'antibiotique tigécycline, que ces caractéristiques aient trait à la manutention, au stockage, à la formulation et/ou aux propriétés pharmaceutiques. Le fait que le problème plus spécifique de la stabilité améliorée contre l'épimérisation ne soit pas mentionné dans la demande telle que déposée était sans importance (T 39/93), puisque le fait d'améliorer la stabilité en évitant l'épimérisation, améliorant ainsi l'activité biologique, était clairement reconnaissable par l'homme du métier comme étant un effet souhaitable pour tout antibiotique de la famille des tétracyclines.
2. Traitement de caractéristiques techniques et non techniques
2.1 Détermination des caractéristiques techniques
2.1.1 Acheter en magasin à l'aide d'un dispositif mobile
Dans l'affaire T 1670/07, la demande portait sur un procédé et un système d'utilisation d'un dispositif mobile permettant d'acheter en magasins plusieurs produits et/ou services auprès d'un groupe de vendeurs situés dans une zone commerciale. Pour l'essentiel, l'objet de l'invention était le suivant : l'acheteur saisit dans le dispositif mobile au moins deux produits ou services souhaités avant d'aller faire ses courses et le dispositif affiche un itinéraire lui indiquant l'ordre (la séquence) dans lequel il peut se rendre auprès des divers vendeurs pour obtenir ces produits ou services. L'itinéraire varie en fonction du profil d'utilisateur demandant par exemple de choisir la distance la plus courte entre les vendeurs ou le coût d'achat le plus faible. Selon la chambre, l'effet global du procédé, à savoir la production d'une liste séquentielle de magasins, n'était pas de nature technique. Le requérant a fait valoir que la caractéristique jugée non technique consistant à présenter des informations relatives au groupe de vendeurs interagissait avec des éléments techniques pour produire un effet technique, à savoir la sélection des vendeurs et la transmission d'informations traitées relatives à cette sélection au dispositif sans fil de communication mobile. Cependant, selon la chambre, il s'agit là d'un exemple d'argument bien connu pouvant être appelé "erreur de la fuite technique", selon laquelle la nature technique de la mise en œuvre pourrait s'étendre à la nature intrinsèquement non technique du problème. En l'occurrence, la sélection des vendeurs n'est pas un effet technique et la simple interaction avec des éléments techniques ne suffit pas à conférer un caractère technique à l'ensemble du procédé comme le requiert la jurisprudence.
Le requérant a également avancé que le fait d'identifier un groupe de vendeurs plutôt qu'un seul, comme dans le document D1, impliquait un problème de logistique qui ne constituait pas une méthode commerciale. Selon la chambre, la production d'un itinéraire ne revêt pas un caractère technique car seules des notions générales du comportement humain entrent en ligne de compte, par exemple aller à la banque, puis au supermarché. La chambre a considéré par ailleurs que l'argument du requérant selon lequel l'acte physique consistant à se rendre dans ces lieux conférait un caractère technique à ces notions, était un argument bien connu qui pourrait être appelé "erreur de la chaîne technique rompue" à la suite de la décision T 1741/08 (voir point 2.2 "Appréciation de l'effet technique" ci-dessous). Cette dernière décision traitait de la situation relativement courante dans le contexte des interfaces utilisateurs graphiques où un effet technique pourrait résulter de la réaction d'un utilisateur à des informations. Pour l'essentiel, la décision est arrivée à la conclusion qu'une chaîne d'effets allant de la fourniture d'informations à leur utilisation dans un procédé technique était rompue par l'intervention d'un utilisateur. Ce raisonnement s'appliquait au cas d'espèce, car tout effet technique découlerait de la réaction d'un utilisateur à l'itinéraire produit.
Lors de la procédure orale, le requérant a souligné que le système décrit dans D1 n'identifiait qu'un magasin, alors que l'invention identifiait un groupe de vendeurs et fournissait des renseignements de navigation permettant de s'y rendre. Selon la chambre, il s'agissait là encore d'un exemple d'argument courant que l'on pourrait appeler "erreur du préjugé non technique" où des caractéristiques non techniques sont invoquées comme un motif de ne pas modifier l'état de la technique alors qu'elles ne sauraient de fait contribuer à l'activité inventive. La question n'est pas de savoir si l'homme du métier envisagerait de prévoir ces caractéristiques, car il y a déjà été répondu au stade de la formulation du problème technique. La question est simplement de savoir comment il serait procédé. Dans la présente espèce, ce "comment" se résume à l'utilisation de matériels conventionnels pour accomplir les tâches concernées de manière évidente.
2.1.2 Jeux
Dans l'affaire T 42/10, la revendication 1 définissait une méthode qui, sur la base des résultats de jeux, calculait la performance des joueurs en transmettant des messages entre les nœuds d'un graphe factoriel. La chambre devait déterminer dans quelle mesure les caractéristiques de la revendication revêtaient un caractère technique et pouvaient ainsi contribuer à l'activité inventive. Elle a renvoyé à la décision de la Cour d'appel d'Angleterre et du Pays de Galle dans l'affaire "Gale's Application [1991] RPC 305". M. Gale avait découvert un algorithme permettant de calculer des racines carrées qu'il avait mis en œuvre sous forme de programme informatique. La Cour avait examiné la question de savoir si un tel algorithme était exclu en vertu de la section 1(2) de la Loi sur les brevets de 1977, disposition qui correspond en droit britannique à l'art. 52(2) CBE. Lord Justice Nicholls a rendu l'arrêt faisant jurisprudence. Selon lui, le programme ne comprenait aucun procédé technique existant en dehors de l'ordinateur. Même si un ordinateur programmé selon les instructions de M. Gale aurait été meilleur dans l'absolu, ces instructions ne permettaient pas de résoudre un problème technique inhérent à l'ordinateur même. Dans la présente espèce, l'approche retenue par la chambre pour juger de la technicité d'une méthode mise en œuvre par ordinateur était de poser les mêmes questions que M. Nicholls dans l'affaire précitée. La première question était de savoir quel effet la méthode produisait dans son ensemble et si elle donnait lieu à un résultat technique global. La deuxième était de savoir si, en l'absence d'un tel résultat technique global, la méthode produisait au moins un effet technique à l'intérieur de l'ordinateur. S'il était répondu par la négative à ces deux questions, aucun problème n'aurait été résolu et il ne saurait y avoir d'activité inventive. L'avis de la chambre en ce qui concerne la technicité peut être résumé comme suit : l'objectif général consistant à préserver l'intérêt des joueurs n'est pas technique. L'objectif intermédiaire visant à évaluer et comparer les performances des joueurs ne l'est pas non plus.
La présentation des performances par des calculs de probabilité et l'actualisation des valeurs relèvent de méthodes mathématiques. L'utilisation de graphes factoriels assortie de transmission de messages est du domaine des mathématiques ou de l'informatique abstraite. En conclusion, la seule caractéristique technique définie dans la revendication était le processeur (de l'ordinateur). L'objet de la revendication 1 n'impliquait donc aucune activité inventive s'il était évident pour l'homme du métier chargé de mettre en œuvre la méthode d'utiliser un processeur d'ordinateur.
2.2 Appréciation de l'effet technique
Dans l'affaire T 1741/08, la chambre 3.5.06 a dû trancher la question de savoir si un effet technique pouvait être attribué à une présentation particulière d'une interface utilisateur graphique. D'après la jurisprudence constante des chambres de recours, il était incontesté que l'objet d'une revendication n'impliquait aucune activité inventive s'il n'y avait pas d'effet technique supplémentaire en sus des effets techniques présents dans l'état de la technique le plus proche. Aux dires du requérant, l'effet technique requis résidait dans l'économie de ressources informatiques réalisée grâce à une présentation des icônes qui facilitait, notamment chez l'utilisateur inexpérimenté, l'identification du stade atteint dans un processus de saisie de données nécessitant plusieurs étapes et sous-étapes. En outre, une meilleure présentation ayant pour effet de "réduire la charge cognitive de l'utilisateur", du moins dans le contexte d'une opération de saisie, devrait au minimum pouvoir faire l'objet d'un brevet.
La chambre n'a pas suivi cette argumentation, estimant que l'économie de ressources résultait de la manière dont le cerveau de l'utilisateur enregistre et traite les données visuelles fournies par un certain mode de présentation de l'information. Suivant en cela la décision T 1143/06, la chambre a considéré qu'une présentation d'interface utilisateur graphique en tant que telle était une "présentation d'informations", à ce titre dépourvue de technicité (art. 52(2)d) CBE). En l'espèce, la disposition des icônes visait à véhiculer des informations, c'est-à-dire indiquer à l'utilisateur le stade où il se trouvait dans la saisie.
Il en allait tout autrement dans les affaires T 643/00, T 928/03 et T 333/95 mentionnées par le requérant, où il ne s'agissait pas seulement de choisir des informations et leurs modalités d'affichage : dans ces cas exceptionnels, il était légitime de faire intervenir les informations affichées pour savoir si l'invention revendiquée impliquait une activité inventive.
Dans l'affaire T 862/10, la demande portait sur un système de notification et sur le positionnement et l'affichage de messages d'alerte en fonction du centre d'attention et de l'activité de l'utilisateur. Dans l'exergue, la chambre a indiqué que le choix de l'emplacement d'un objet sur un écran d'ordinateur en fonction d'une valeur qui lui est attribuée (son "degré d'urgence") ne saurait être considéré comme produisant un effet technique supplémentaire, cette conclusion s'appliquant aussi au mouvement dudit objet sur l'écran en réponse à une modification de ladite valeur.
La chambre a fait référence à sa jurisprudence (T 1143/06 et T 1741/08), selon laquelle l'affichage d'une valeur attribuée à un objet au moyen de son positionnement relatif ou de son mouvement sur l'écran constituait clairement une présentation d'informations. Les effets avancés par le requérant comme étant spécifiques à l'invention revendiquée, qui consistaient à réduire la surcharge d'informations et la distraction, ne pouvaient pas être considérés comme ayant un caractère technique selon la jurisprudence puisqu'ils étaient déterminés par des facteurs psychologiques et relevaient généralement de la manière dont des informations sont présentées dans un contexte particulier.
Un effet technique pourrait certes être attribué au fait de déterminer (ou de tenter de déterminer) le centre du champ d'attention visuel de l'utilisateur sous la forme d'un point sur un écran et de positionner des objets par rapport à ce point, mais pas au choix spécifique de l'endroit où l'objet sera affiché en fonction d'une valeur qui lui est attribuée (son degré d'urgence).
Dans le document D1 (état de la technique le plus proche), il s'agissait de déterminer comment présenter des notifications de telle sorte que les messages prioritaires attirent l'attention. L'homme du métier serait normalement tenté de poursuivre dans le même ordre d'idées, c'est-à-dire de s'assurer que les messages urgents reçoivent davantage d'attention. Un moyen d'aiguiller l'attention de l'utilisateur qui vient naturellement à l'esprit est de placer les informations urgentes au centre de son attention (visuelle ou autre). Il s'agit au demeurant d'un comportement inhérent à la nature humaine. Si une mère souhaite par exemple attirer l'attention de son enfant complètement plongé dans une émission de télévision, elle peut décider de se placer devant le téléviseur, c'est-à-dire au centre de l'attention visuelle de l'enfant. Outre les modifications physiques normales imputables au caractère technique d'un écran d'ordinateur (par exemple les variations d'intensité de divers pixels), le mouvement continu de l'objet affiché aura pour seul effet éventuel d'attirer l'attention de la personne qui regarde l'écran et de lui présenter l'information selon laquelle un message donné est urgent. Un certain délai de réaction (pour que l'objet arrive au centre de l'attention) peut également entrer en ligne de compte.
Cependant il ne s'agit toujours que d'une présentation d'informations. La demande ne comprenait aucune divulgation de l'effet technique que produirait le fait de réagir ou non dans ce délai implicite. En d'autres termes, le mouvement continu de l'objet affiché ne pouvait avoir d'autre but objectif que de présenter l'information en tant que telle. Cela ne produit donc aucun effet technique supplémentaire (allant au-delà des changements physiques normaux inhérents à l'affichage sur un écran d'ordinateur) et ne contribue pas à l'activité inventive.
Dans l'affaire T 1539/09, la chambre a indiqué dans l'exergue que l'acte de programmation – au sens de rédiger du code programme – constitue une activité intellectuelle, du moins dans la mesure où cet acte ne sert pas à produire un effet technique, par un lien de causalité, dans le cadre d'une application ou d'un environnement concrets. Le fait de définir et de produire un langage de programmation ne contribue donc pas en soi à résoudre un problème technique, même si le choix des moyens d'expression dans ce langage permet de réduire l'effort intellectuel que le programmeur doit fournir.
L'invention portait sur un langage et un environnement de programmation graphique devant permettre à l'utilisateur de générer du code programme sans y consacrer trop de temps d'étude ni disposer de compétences spécialisées particulières. De l'avis de la chambre, l'effet consistant à réduire l'effort intellectuel devant être fourni par l'utilisateur lors de la programmation n'était pas de nature technique, d'autant qu'il s'agissait d'un effet globalement recherché pour tous les programmes, quelle que soit leur finalité.
3. Caractéristiques ne contribuant pas à la solution du problème
Dans l'affaire T 1009/12, la chambre a indiqué dans l'exergue de sa décision que les concentrations d'un composé qui ne produisent pas d'effet sont considérées comme des caractéristiques arbitraires qui ne contribuent pas à la résolution du problème sous-jacent et qui, à ce titre, ne sont pas prises en considération.
La chambre a renvoyé à la jurisprudence constante des chambres de recours selon laquelle les caractéristiques qui ne contribuent pas à résoudre le problème exposé dans la description ne sont pas prises en considération lorsqu'il s'agit d'apprécier l'activité inventive d'une combinaison de caractéristiques (cf. T 206/91). La revendication de procédé 1 portait sur des compositions de placage d'argent comprenant des concentrations non spécifiées (et donc également certaines concentrations sans effet) du composé nitro-aromatique oxydant. Or, cette caractéristique devait forcément être considérée comme arbitraire puisqu'elle ne pouvait vraisemblablement pas contribuer à la résolution du problème technique sous-jacent.
Elle n'a donc pas été prise en considération par la chambre. Cette dernière a estimé en outre, pour la même raison, que la formulation d'un problème moins ambitieux (à savoir fournir une autre solution ayant le même effet sur la base de cette même caractéristique prétendument distinctive) n'était pas tenable non plus. En l'absence d'autres caractéristiques distinctives, il n'était pas possible d'identifier le problème technique à résoudre, et dans la mesure où aucun problème technique susceptible d'être résolu par l'objet de la revendication de procédé 1 n'avait été identifié, la chambre a conclu que la revendication 1 de la première requête subsidiaire était dénuée d'activité inventive.
4. Inventions dans le domaine de la chimie – effet synergique
Dans l'affaire T 1814/11, le problème à résoudre consistait à trouver une autre composition fongicide efficace sur le plan synergique à base de prothioconazole. La composition alliant prothiocozonale et picoxystrobine, telle que figurant dans la revendication 1 du brevet en cause, a été proposée comme solution. La chambre a constaté qu'en partant du document 1 (état de la technique le plus proche), l'homme du métier n'aurait eu aucune raison de mélanger de la prothioconazole avec la picoxystrobine telle que définie dans le document 2. Les effets synergiques ne sont pas prévisibles. Par conséquent, le fait que la combinaison de deux composés spécifiques produise un effet synergique, comme dans le document 1, ne signifie pas pour autant que l'on peut s'attendre à une telle synergie lorsque l'un des deux composés est modifié structurellement. L'intimé a fait valoir qu'il aurait été évident pour l'homme du métier d'utiliser des composés de la même classe, à savoir la strobilurine pour parvenir par tâtonnements au mélange revendiqué, mais la chambre n'a pas été convaincue par cet argument. Même si les composés fongicides d'une même classe ont généralement un mécanisme d'action comparable et/ou éventuellement une structure chimique comparable, le fait que certains composés fongicides de la même classe produisent un effet synergique en combinaison avec un composé fongicide particulier ne signifie pas que tous les composés ou presque de cette classe produiront eux aussi un effet synergique en combinaison avec ledit composé. Par définition, la synergie n'est pas prévisible et ne saurait être donc être ramenée à un mécanisme d'action et/ou à une structure spécifiques. Dans le cas d'espèce, l'application du principe de tâtonnement invoqué par l'intimé, en partant du document 1 et sans connaissance de l'invention, reviendrait pour l'homme du métier à tester des mélanges de différents composés fongicides avec de la prothioconazole, sans qu'il puisse anticiper l'effet synergique d'au moins un de ces mélanges.
5. Desiderata évidents
Dans l'affaire T 661/09, la demande portait sur un polariseur réfléchissant transmettant de la lumière présentant une certaine polarisation et réfléchissant de la lumière présentant une autre polarisation.
La présence d'un "polariseur réfléchissant multicouche"(c'est-à-dire comportant plusieurs couches) était la seule caractéristique technique définissant le polariseur revendiqué en termes de limitations structurelles. Au lieu de spécifier la nature concrète des multiples couches en indiquant par exemple leur nombre total, leur épaisseur respective, leur composition ou leur séquence dans un empilement de couches, les autres caractéristiques de la revendication 1 ne présentaient que des valeurs numériques correspondant à des propriétés de réflexion spectrale particulières. Ces propriétés du polariseur découlaient d'interactions fonctionnelles entre les différentes couches, chacune d'entre elles exigeant des caractéristiques spécifiques.
Par conséquent, les seules caractéristiques qui distinguaient le dispositif revendiqué de l'état de la technique le plus proche n'étaient rien de plus qu'un jeu de desiderata sans une quelconque indication d'un lien de causalité entre les propriétés désirées et la constitution du dispositif revendiqué. Dans la mesure où la revendication ne comportait aucune indication concrète de la manière d'obtenir dans la pratique les propriétés revendiquées, ces dernières demeuraient abstraites ou théoriques. Aussi, la question de l'activité inventive se résumait-elle à celle de savoir si l'homme du métier, au vu de l'état de la technique disponible et de ses connaissances générales dans le domaine, aurait ou non envisagé de manière évidente le jeu de desiderata revendiqué.
La chambre a conclu que les caractéristiques effectivement revendiquées n'étaient que l'expression abstraite de desiderata.
II. DEMANDE DE BREVET ET MODIFICATIONS
A. Revendications
Dans l'affaire T 459/09, le requérant (titulaire du brevet) avait déposé un jeu modifié de revendications lors de la procédure de recours. La chambre a estimé que la revendication 1 de chacune des requêtes manquait de clarté.
La chambre a relevé que des objections au titre de l'art. 84 CBE ne peuvent être soulevées à l'encontre d'un brevet délivré, même si elles sont manifestes. Elle a admis toutefois que la situation était différente en cas de maintien d'un brevet sous une forme modifiée.
Conformément à la jurisprudence des chambres de recours, il existe des limites à la compétence conférée par l'art. 101(3) CBE en ce qui concerne l'examen d'un brevet modifié. Toutefois, la jurisprudence des chambres contient également des exemples dans lesquels la combinaison de revendications d'un brevet délivré a été considérée comme constituant des modifications substantielles qui justifient un examen au titre de l'art. 84 CBE.
La chambre s'est prononcée sur cette affaire comme suit :
Une modification consistant à intégrer une caractéristique techniquement significative dans une revendication indépendante d'un brevet délivré constitue bel et bien une tentative de réponse à une objection soulevée dans le cadre de l'art. 100 CBE à l'encontre du brevet tel que délivré, la modification ayant été engendrée par un motif d'opposition (règle 80 CBE). Il s'ensuit qu'une telle modification est de nature substantielle et n'est pas normalement sans incidence sur l'examen quant au fond, par exemple en ce qui concerne l'appréciation de la nouveauté et de l'activité inventive.
Toute modification pouvant être considérée comme étant de nature substantielle au sens indiqué ci-dessus justifie en principe que l'on puisse exercer sans restriction le pouvoir d'examen découlant de l'art. 101(3) CBE, quel que soit le type de modification apporté. En particulier, il importe peu que la modification consiste à intégrer une caractéristique tirée de la description dans une revendication indépendante ou à combiner au sens littéral des revendications du brevet délivré.
Par conséquent, le brevet délivré doit normalement être examiné conformément à l'art. 101(3) CBE afin d'établir s'il satisfait à toutes les exigences de la CBE. Il ne peut toutefois être exclu de s'écarter de cette règle dans certains cas particuliers. Cela doit être déterminé au cas par cas.
Dans l'affaire T 373/12, la chambre de recours technique 3.2.08 a, par décision intermédiaire du 2 avril 2014, soumis à la Grande Chambre de recours des questions de droit en application de l'art. 112(1)a) CBE. Voir première partie, point 3.1.1, faisant référence à l'affaire G 3/14.
B. Unité de l'invention
1. Demandes euro-PCT – examen de l'unité par l'OEB
Les décisions T 1981/12, T 2473/12 et T 2459/12 portaient principalement sur l'interprétation et l'application de la règle 164 CBE (Examen de l'unité par l'Office européen des brevets). Il convient toutefois de noter que cette disposition a été modifiée et que la règle 164 CBE est désormais intitulée "Unité d'invention et recherches supplémentaires", en vertu d'une décision du Conseil d'administration du 16 octobre 2013 (CA/D 17/13), JO OEB 2013, 503, avec effet au 1er novembre 2014.
Dans chacune des affaires précitées, la recherche internationale avait été exécutée par une administration chargée de la recherche internationale autre que l'OEB, et portait sur l'ensemble des revendications. Toutefois, dans la phase européenne, il avait été constaté que la demande ne satisfaisait pas à l'exigence d'unité d'invention. Par conséquent, le rapport complémentaire de recherche européenne n'avait été établi que pour l'invention mentionnée en premier lieu dans les revendications (règle 164(1) CBE) et le demandeur avait été invité à limiter la demande en conséquence (règle 164(2) CBE). De plus, une objection avait été soulevée à l'encontre des éléments qui n'avaient pas l'objet de la recherche (règle 137(5) CBE, ancienne règle 137(4) CBE). Le demandeur avait omis de répondre à l'invitation précitée et la demande avait été finalement rejetée (art. 97(2) CBE).
Dans l'affaire T 1981/12, les principales conclusions de la chambre, énoncées dans l'exergue de la décision, étaient les suivantes :
Des revendications dont l'objet n'est pas couvert par un rapport de recherche rédigé par l'OEB ne seront pas examinées par l'OEB afin de déterminer si elles sont nouvelles ou impliquent une activité inventive.
Lorsqu'un objet est couvert par un rapport de recherche rédigé dans la phase internationale par une ISA autre que l'OEB mais qu'il ne l'est pas par le rapport complémentaire de recherche établi dans la phase européenne par l'OEB en application de la règle 164(1) CBE, cet objet ne doit pas être considéré comme couvert par un rapport de recherche aux fins de la règle 164(2) CBE.
Si, lors de l'entrée dans la phase européenne, l'OEB considère que les pièces de la demande ne satisfont pas à l'exigence d'unité et que, par conséquent, le rapport complémentaire de recherche européenne qui est établi ne porte que sur les parties de la demande qui se rapportent à l'invention mentionnée en premier lieu dans les revendications (règle 164(1) CBE), le demandeur ne peut obtenir un autre rapport de recherche couvrant l'autre ou les autres inventions.
Cette décision a été appliquée dans l'affaire T 2473/12. Dans le sommaire, la chambre a également énoncé ce qui suit :
L'application de la règle 164(2) CBE, qui peut avoir pour effet qu'une personne n'ayant pas la nationalité d'un État partie à la CBE soit contrainte de déposer une ou plusieurs demandes divisionnaires afin d'obtenir une protection pour un objet qui n'est pas couvert par le rapport complémentaire de recherche européenne, ne constitue pas un traitement national différent au sens de l'art. 2(1) de la Convention de Paris.
En ce qui concerne l'application de la règle 164(2) CBE, la décision T 2459/12 a confirmé l'approche adoptée dans les Directives relatives à l'examen (voir exergue).
Toutefois, s'agissant de la règle 137(5) CBE, alors que la chambre, dans l'affaire T 1981/12, avait mis en doute sa pertinence pour rejeter une demande s'appuyant sur les requêtes déposées en l'espèce, la présente chambre a conclu (voir exergue) comme suit :
Si, après l'établissement d'un rapport complémentaire de recherche européenne par l'OEB, un demandeur dépose des revendications modifiées en vue d'obtenir une protection pour un objet qui n'est pas couvert par ce rapport comme suite à l'application de la règle 164(1) CBE, une objection au titre de la règle 137(5) CBE devrait être soulevée. Le non-respect de la règle 137(5) CBE constitue un motif de rejet d'une demande.
C. Possibilité d'exécuter l'invention
1. Exposé clair et complet
Selon la décision T 593/09, lorsqu'une revendication contient un paramètre mal défini ("vague", "ambigu") et que, par conséquent, l'homme du métier ne sait pas s'il travaille à l'intérieur ou à l'extérieur de l'étendue de la revendication, cela ne constitue pas en soi un motif pour ne pas reconnaître la suffisance de l'exposé telle qu'exigée par l'art. 83 CBE. De même, une telle absence de définition claire ne saurait nécessairement donner lieu à une objection en vertu du seul art. 84 CBE. Il est essentiel de déterminer si le paramètre est mal défini au point que l'homme du métier, en s'appuyant sur l'ensemble de l'exposé et sur ses connaissances générales, ne peut identifier (sans efforts excessifs) les mesures d'ordre technique (par ex. la sélection de composés appropriés) nécessaires pour résoudre le problème sous-jacent au brevet attaqué (cf. également point 4.2 "L'article 83 CBE et la clarté des revendications" ci-dessous).
2. Exécution de l'invention
Dans l'affaire T 432/10, la chambre de recours a estimé que l'exposé est insuffisant si l'homme du métier, tenant compte de l'enseignement du brevet dans son ensemble, n'est pas en mesure de réaliser une invention qui est définie dans les revendications de manière tout à fait claire et compréhensible à moins d'en ignorer une caractéristique significative. L'invention, qui portait sur un procédé non thérapeutique visant à améliorer le métabolisme du glucose chez un animal de compagnie, se référait à la fois à une administration unique et à un régime. La chambre a par conséquent estimé que l'invention revendiquée était en soi contradictoire et que l'homme du métier se trouvait ainsi complètement désemparé.
La division d'opposition avait fait valoir que la caractéristique "maintenant ledit animal audit régime..." ne fixait pas un délai déterminé pour l'utilisation de la composition. La chambre a toutefois conclu que cette interprétation ne serait pas dans l'intérêt de la sécurité juridique, car cela signifierait qu'une caractéristique qui était tout à fait compréhensible en soi devrait être délibérément ignorée pour pouvoir réaliser l'invention. Elle a estimé qu'il convenait d'établir une distinction entre une telle démarche et une situation où se pose la question de la clarté lorsqu'un terme vague figurant dans une revendication est interprété à la lumière de la description ; dans ce cas, la caractéristique vague n'est pas simplement ignorée. Or, dans l'affaire en cause, la suppression mentale de la caractéristique en question signifierait que l'on passe d'une invention non réalisable et donc insuffisamment divulguée à une invention différente, réalisable mais non revendiquée. La chambre a estimé que les conditions de l'art. 83 CBE 1973 n'étaient pas remplies.
2.1 Exécution de l'invention sans effort excessif
2.1.1 Tâtonnements
L'invention en cause dans l'affaire T 852/09 concernait l'utilisation d'un activateur dans la fabrication d'une composition pour diminuer le taux de cholestérol. L'activateur n'était défini par aucune caractéristique structurelle spécifique, mais par une simple caractéristique fonctionnelle et sa capacité à diminuer le taux de cholestérol LDL. Par conséquent, la revendication portait sur tous les composés chimiques pertinents, sans aucune restriction quant à la classe des composés ou à leur structure chimique.
La demande ne contenait aucune indication permettant à l'homme du métier d'identifier sans expérimentation excessive les activateurs tels que définis dans la revendication. La chambre a estimé que l'homme du métier à la recherche d'activateurs devrait tester une quantité pratiquement illimitée de composés chimiques présentant des structures chimiques variées.
Par conséquent, conformément à la décision T 1063/06, la chambre a estimé que, dans la mesure où les activateurs à utiliser étaient décrits uniquement par leurs caractéristiques fonctionnelles et que, pour l'homme du métier, la revendication n'était qu'une simple invitation à mener un programme de recherche, celui-ci ne pouvait exécuter l'invention dans toute l'étendue revendiquée au prix d'un effort raisonnable (cf. également T 155/08). Les conditions de l'art. 83 CBE n'étaient donc pas remplies.
2.2 Documents publiés ultérieurement
Dans l'affaire T 1273/09, la chambre a confirmé qu'il doit être satisfait à la condition de suffisance de l'exposé à la date effective du brevet, c'est-à-dire sur la base des informations contenues dans la demande de brevet combinées avec, ou sur la base des, connaissances générales de l'homme du métier disponibles à cette date. Par conséquent, l'exposé contenu dans des documents publiés ultérieurement ne peut être pris en considération s'agissant de la question de la suffisance de l'exposé que s'il est utilisé pour appuyer les conclusions positives relatives à l'exposé contenu dans une demande de brevet (cf. par ex. T 609/02).
3. La condition de suffisance de l'exposé dans le domaine des biotechnologies
3.1 Exigences concernant les séquences de nucléotides et d'acides aminés
Conformément à la règle 30(3) CBE, si le demandeur n'a pas produit le listage de séquences requis conformément à la règle 30(1) CBE, l'OEB l'invite à le produire et à acquitter une taxe. Dans l'affaire J 7/11, la chambre de recours juridique a estimé qu'il ne suffit pas d'émettre oralement une telle invitation, et que si un appel téléphonique était utile compte tenu du peu de temps disponible, il devait néanmoins être suivi d'une invitation écrite énumérant toutes les objections soulevées. L'absence d'invitation écrite constituait un vice substantiel de procédure.
Dans l'affaire J 8/11, la question cruciale examinée par la chambre portait sur l'interprétation du terme "exposées" figurant à la règle 30(1) CBE, c'est-à-dire sur le point de savoir si une demande de brevet qui avait pour objet l'utilisation de polypeptides bien connus dans l'état de la technique et qui désignait ces polypeptides par leur dénomination commune ainsi que par des numéros d'entrée dans la banque de données concernant des séquences représentatives spécifiques devait être considérée comme "exposant" des séquences d'acides aminés.
La chambre de recours juridique a fait observer que lorsque la nouvelle règle 27bis CBE 1973 (règle 30 CBE) est entrée en vigueur, l'intention du législateur n'était pas de rendre obligatoire les listages de séquences lorsque la description se réfère simplement à des séquences comprises dans l'état de la technique, par ex. en indiquant leur dénomination communes et leur numéro d'entrée dans les banques de données. Le terme "exposées" figurant dans la règle 27bis CBE 1973 était ainsi interprété de manière restrictive conformément à l'exposé des motifs contenu dans le document CA/7/92 et aux principes établis concernant le dépôt de matière biologique.
Lors de la révision de la CBE en 2000, rien n'indiquait dans les travaux préparatoires que le législateur souhaitait que ce paragraphe soit compris d'une manière différente par rapport à sa version antérieure. Toutefois, dans le Communiqué de l'OEB en date du 12 juillet 2007 relatif au dépôt de listages de séquences(édition spéciale n° 3 du JO OEB 2007, 84, C.2), l'OEB n'a pas interprété exactement de la même manière qu'il l'avait fait auparavant la règle 30(1) CBE puisqu'il a établi une distinction importante en ce qui concerne les séquences comprises dans l'état de la technique auxquelles il est fait référence dans la demande, lesquelles ne sont pas explicitement mentionnées à la règle 30(1) CBE. De plus, certains critères utilisés pour opérer la distinction requièrent une évaluation technique de la demande et ceci ne relève pas de la compétence de la section de dépôt. Le rôle de la section de dépôt se limite à un simple examen formel des exigences relatives aux listages de séquences (cf. J 7/11).
La chambre de recours juridique a conclu que les séquences comprises dans l'état de la technique ne nécessitaient pas le dépôt d'un listage de séquences et que c'est à tort que la section de dépôt avait appliqué la règle 30 CBE.
4. Rapport entre l'article 83 et l'article 84 CBE
4.1 L'article 83 CBE et la description, fondement des revendications
Dans l'affaire T 553/11, la chambre de recours a fait observer que si le titulaire du brevet souhaite plaider pour une revendication de portée restreinte, il doit s'appuyer sur le simple libellé de la revendication et non sur des éléments qui n'apparaissent que dans la description (suivant T 1404/05). La chambre s'est également référée à la décision T 681/01, où il a été souligné que, pour interpréter une revendication, il y a lieu normalement de considérer que les termes utilisés dans la revendication doivent avoir le sens qu'on leur donne habituellement dans le contexte de la revendication où ils apparaissent. La description ne saurait être utilisée pour remanier la revendication et redéfinir les caractéristiques techniques définies dans la revendication sans que cela ne soit justifié par le texte de la revendication elle-même. En particulier, on ne saurait s'appuyer sur la description pour exclure de la revendication des éléments qui, d'après le sens ordinaire des termes utilisés, seraient considérés comme faisant partie de ce qui est revendiqué.
4.2 L'article 83 CBE et la clarté des revendications
Conformément à la décision T 593/09, l'exigence visée à l'art. 83 CBE, selon laquelle l'exposé doit être suffisamment clair et complet pour permettre l'exécution de l'invention, est différente et indépendante de l'exigence de clarté énoncée à l'art. 84 CBE, selon laquelle les revendications, qui définissent l'objet de la protection demandée, "doivent être claires et concises". La chambre a estimé que cette distinction sous-tendait la décision T 1062/98, dans laquelle la chambre chargée de l'affaire avait estimé que la question de savoir si l'homme du métier peut établir qu'une certaine caractéristique contrefait une caractéristique revendiquée, ne relève pas de l'exigence de l'art. 83 CBE concernant l'exposé suffisamment clair et complet de l'invention, mais doit être tranchée par les juridictions nationales. Dans l'affaire T 1062/98, la chambre avait considéré que pour déterminer la portée de la revendication, il faut se demander en réalité si les revendications définissent correctement l'objet de la protection demandée. Cette condition découle de l'art. 84 CBE et de la règle 29(1) CBE et ne constitue pas un motif d'opposition.
Dans l'affaire T 593/09, la chambre a donc considéré qu'il fallait faire une distinction entre le terme "clair" à l'art. 83 CBE, qui se rapporte à l'exposé de l'invention (l'"enseignement technique") dans la demande ou le brevet, et le même terme à l'art. 84 CBE, qui se réfère aux revendications, lesquelles "définissent l'objet de la protection demandée". En résumé, une distinction était à faire entre la clarté des éléments exposés et la clarté des éléments revendiqués. Cette distinction n'était cependant pas toujours correctement effectuée, en particulier en ce qui concerne les "paramètres ambigus".
Selon la chambre dans l'affaire T 1526/09, la décision T 593/09 énonce qu'une revendication contenant un paramètre vague ou ambigu, ne permettant pas à l'homme du métier de savoir s'il travaille à l'intérieur ou à l'extérieur de l'étendue de la revendication, n'a pas pour conséquence une insuffisance de l'exposé de l'invention. Ce qui est décisif pour la suffisance de l'exposé est de savoir si la définition du paramètre est si floue que l'homme du métier ne peut pas identifier dans le brevet pris dans sa totalité les mesures à prendre pour résoudre le problème posé.
Il est à noter que dans l'affaire T 593/09 le paramètre défini d'une manière non suffisante était une certaine température de cristallisation d'une substance de départ et que la chambre a jugé que cette température était essentielle pour résoudre le problème posé. Le paramètre en question était donc un paramètre essentiel pour la préparation du produit. Dans le cas présent, la chargeabilité réduite était une propriété avantageuse du produit obtenu par un procédé divulgué dans le brevet en cause. La définition vague de la chargeabilité affectait la clarté de l'objet des revendications mais n'empêchait pas l'homme du métier de préparer le produit revendiqué. Un manque de clarté n'est pas un motif d'opposition selon l'art. 100 CBE. Par conséquent, les raisons invoquées se fondant sur l'art. 100b) CBE ne s'opposaient pas au maintien du brevet sur la base de la requête principale.
D. Priorité
1. Divulgation dans le document de priorité permettant la reproduction de l'invention
Dans l'affaire T 107/09, la chambre a estimé que l'anticorps MR 1 était indispensable pour reproduire l'invention qui faisait l'objet de la revendication 1. La divulgation "écrite" contenue dans la demande américaine antérieure dont la priorité était revendiquée ne permettait pas à l'homme du métier d'exécuter l'invention, même s'il avait recours à ses connaissances générales. La lignée de cellules d'hybridome produisant l'anticorps MR1 avait été déposée auprès de l'ATCC (American Type Culture Collection) après la date de dépôt de la demande antérieure. La CBE étant muette quant à la date à laquelle une matière biologique doit être déposée en liaison avec une demande antérieure (la règle 28 CBE 1973 concerne en effet des demandes européennes), la chambre s'est notamment référée à la jurisprudence de la Grande Chambre de recours, selon laquelle la condition relative à la suffisance de la divulgation doit être remplie, en relation avec une demande antérieure dont la priorité est revendiquée, à la date de dépôt de cette demande (cf. G 2/93, JO OEB 1995, 275, et en particulier G 1/03, JO OEB 2004, 413 ; cf. également à ce sujet le Communiqué du 18 juillet 1986, JO OEB 1986, 269, ainsi que le Communiqué du 7 juillet 2010, JO OEB 2010, 498). Si le dépôt de la matière biologique est nécessaire pour que la demande dont la priorité est revendiquée remplisse la condition de la suffisance de l'exposé, cette matière doit avoir été déposée au plus tard à la date de dépôt de cette demande antérieure. Tel n'était pas le cas en l'espèce.
La chambre a également rejeté l'argument du requérant selon lequel, étant donné qu'un dépôt lié à une demande américaine n'était pas nécessaire dès la date de dépôt de cette demande, la demande américaine en cause satisfaisait aux exigences de la loi américaine sur les brevets et que, par conséquent, elle devait être considérée comme un dépôt national régulier (art. 87(2) CBE 1973) et donnait ainsi naissance à un droit de priorité. Ce qui est simplement énoncé à l'art. 87(2) et (3) CBE, c'est que la date de dépôt d'une demande susceptible de donner naissance à un droit de priorité en vertu de la CBE est attribuée conformément à la législation nationale aux fins de l'art. 87(1) CBE. Il ne saurait être déduit de ces dispositions que les normes du droit national s'appliquent à d'autres exigences auxquelles doit satisfaire une demande susceptible de fonder une priorité, par exemple en ce qui concerne les critères utilisés pour apprécier le contenu de la divulgation d'une telle demande.
En résumé, la demande américaine antérieure ne contenait pas un exposé suffisant pour permettre à un homme du métier d'exécuter l'invention selon la revendication 1. Par conséquent, la condition de "même invention" visée à l'art. 87(1) CBE ne pouvait pas être considérée comme remplie et la revendication 1 ne pouvait donc pas bénéficier du droit de priorité découlant de la demande antérieure.
2. Première demande – Priorités partielles et priorités multiples
Dans l'affaire T 1222/11, la revendication 1 avait été modifiée de manière à inclure six disclaimers, au vu de la divulgation contenue dans le document D4b, une demande internationale (euro-PCT) antérieure du même demandeur, qui avait été publiée dans l'intervalle de priorité (cf. art. 54(3) CBE). Les disclaimers correspondaient à six compositions divulguées dans le document D4b et couvertes par la définition de la composition décrite en termes positifs dans la revendication 1. Eu égard aux critères énoncés dans la décision G 1/03 (JO OEB 2004, 413) en ce qui concerne l'admissibilité de disclaimers non divulgués, la chambre a fait observer qu'il était nécessaire de déterminer si le document D4b faisait partie de l'état de la technique conformément à l'art. 54(3) ou 54(2) CBE et, par conséquent, si la priorité revendiquée était valable.
Elle a jugé que la combinaison de caractéristiques décrites en termes positifs (c'est-à-dire sans les disclaimers) ne pouvait pas être différenciée de la divulgation contenue dans le document D4b, et que cette combinaison ne pouvait bénéficier de la priorité revendiquée dans la mesure où celle-ci concernait l'objet déjà divulgué dans D4b (cf. art. 87(1), (4) CBE). Les compositions figurant dans D4b étaient donc comprises dans l'état de la technique conformément à l'art. 54(2) CBE. L'antériorisation par le document D4b n'a pas été considérée comme fortuite (cf. G 1/03), de sorte que les six disclaimers, fondés dessus, n'étaient pas admissibles en vertu de l'art. 123(2) CBE.
En ce qui concerne la question de la priorité, la chambre a fait un certain nombre d'observations supplémentaires sur les principes relatifs à la revendication de priorités multiples et de priorité partielle (cf. art. 4F de la Convention de Paris ; art. 88(2), (3) CBE ; G 2/98, JO OEB 2001, 413 ; T 15/01).
Dans son avis G 2/98 (point 6.7 des motifs), la Grande Chambre de recours avait constaté dans le contexte des revendications de type "OU" : "L'utilisation d'un terme ou d'une formule générique dans une revendication pour laquelle des priorités multiples sont revendiquées conformément à l'art. 88(2) CBE, deuxième phrase est parfaitement acceptable au regard des art. 87(1) et 88(3) CBE, à condition qu'elle conduise à revendiquer un nombre limité d'objets alternatifs clairement définis." Selon la chambre, la condition "à revendiquer un nombre limité d'objets alternatifs clairement définis" devrait recevoir un sens différent de celui qui lui a été donné dans les affaires T 1877/08, T 476/09, T 1443/05 et T 1127/00. Cette condition ne pouvait désigner la manière dont l'objet de la revendication de type "OU" devait être défini. Cela serait, du moins en ce qui concernait des termes génériques, en opposition avec le test de l'étendue de l'exposé, qui s'appuie sur le principe d'une divulgation sans équivoque et directe (cf. G 3/89, JO OEB 1993, 117).
Aux fins de l'examen requis par l'art. 88(3) CBE, la chambre a considéré que la condition précitée renvoie à la capacité d'identifier conceptuellement, par comparaison de l'objet de la revendication de type "OU" avec la divulgation contenue dans les documents de priorité multiples, un nombre limité d'objets alternatifs clairement définis auxquels les droits de priorité multiples pourraient ou non être rattachés (voir exemples figurant dans le mémorandum de la FICPI (M/48/I, partie C) pour la Conférence diplomatique de Munich en 1973, tel que cité dans l'avis G 2/98). Afin d'identifier les parties des revendications qui bénéficient de l'effet du droit de priorité tel que défini à l'art. 89 CBE, il est nécessaire que cette comparaison mette en évidence un nombre limité d'objets alternatifs clairement définis. La condition susmentionnée de l'avis G 2/98 devrait s'appliquer aussi lorsqu'il s'agit d'évaluer une priorité partielle liée à un seul document de priorité.
La chambre a ajouté qu'il n'appartenait pas à l'OEB de déterminer d'office à quelles parties d'une revendication de type "OU" pouvai(en)t être attribué(s) le(s) droit(s) de priorité revendiqué(s). En ce qui concerne l'état de la technique intermédiaire, c'est à la personne alléguant l'existence d'une priorité qu'il incombe d'apporter la preuve que la revendication de type "OU" bénéficiait d'une priorité partielle, si cela n'était pas de prime abord évident.
E. Modifications
1.1 Généralités
Dans l'affaire T 2284/09, la chambre a déclaré que, en ce qui concernait la quantité d'acide à ajouter, telle qu'elle était suggérée par les significations différentes des termes d'acide "libre" et "excédentaire" dans la demande telle que déposée, il apparaissait que celle-ci ne divulguait pas de procédé par lequel une seule quantité chiffrée d'acide était ajoutée au polyéther polyol non neutralisé.
La différence entre le libellé de la revendication 1 de la requête principale et les éléments divulgués dans la demande telle que déposée initialement montrait qu'en l'absence, dans la définition de la quantité d'acide à ajouter, de la limitation en termes fonctionnels ou relatifs qui figurait dans la demande initiale, la revendication 1 de la requête principale définissait un procédé fondamentalement différent de celui décrit dans la demande telle que déposée initialement. Les arguments avancés par le requérant (titulaire du brevet), selon lesquels l'homme du métier consulterait la description pour établir ce que la revendication était censée spécifier, présupposaient qu'il y ait une raison de consulter la description, du fait, par exemple, que la revendication était de prime abord obscure ou incohérente. Or, ce n'était pas le cas. Au contraire, la revendication du brevet tel que délivré apportait un enseignement technique cohérent et probant et ne présentait pour le lecteur aucun aspect indiquant qu'il y avait matière à interprétation ou à clarification. De même, le requérant n'avait pas expliqué en quoi le libellé de la revendication comporterait des insuffisances et devrait par conséquent être interprété. La chambre en a conclu que la revendication 1 de la requête principale ne satisfaisait pas aux exigences de l'art. 123(2) CBE.
1.1.1 Notion de contenu de la demande
Dans l'affaire T 667/08, la procédure a été suspendue, à la demande du requérant, reçue le 4 janvier 2011, en attendant l'issue de l'affaire G 2/10 (JO OEB 2012, 376). La procédure a repris après que la Grande Chambre a statué sur la saisine. La question se posait de savoir s'il existait dans la divulgation initiale une base suffisante qui permette une généralisation. Selon un principe incontesté de la jurisprudence des chambres de recours de l'OEB, une modification est admissible en vertu de l'art. 123(2) CBE si l'on peut déduire l'objet résultant de cette modification directement et sans ambiguïté des pièces de la demande initiale, à savoir de la description, des revendications et des dessins, en s'appuyant sur les connaissances générales de l'homme du métier.
Il n'est pas nécessaire que l'objet résultant de la modification soit divulgué explicitement dans la demande initiale. La chambre a fait observer qu'il était par conséquent essentiel, pour se prononcer sur des questions relatives à l'ajout d'éléments, de déterminer l'enseignement réel exposé dans la divulgation initiale, à savoir les informations techniques que l'homme du métier aurait déduites, en lisant la divulgation initiale, de son contenu (description, revendications et dessins), considéré dans sa totalité. Cette approche peut conduire à l'identification d'un objet qui n'a pas été explicitement dévoilé en soi dans la demande telle que déposée, mais qui est néanmoins déduit directement et sans ambiguïté de son contenu. L'art. 123(2) CBE n'exige pas de fondement littéral (cf. point 4.1.4 des motifs).
Dans l'affaire T 2619/11, la chambre a estimé que la décision prise en première instance s'était focalisée de manière disproportionnée sur la structure des revendications telles que déposées, au détriment des éléments que les documents déposés divulguaient réellement à l'homme du métier. La demande s'adresse en effet non à un philologue ou un logicien, mais à un public de techniciens au regard duquel toute tentative de déduire des informations de la structure des revendications dépendantes conduirait à un résultat artificiel.
1.1.2 Plages de valeurs, listes, individualisations, généralisation
Sur l'examen des exigences de l'art. 123(2) CBE dans l'affaire T 99/09, selon la requérante/titulaire du brevet, le terme "à libération immédiate" était à considérer comme un terme invisible, sans contenu technique supplémentaire. La division d'opposition avait révoqué le brevet mais sur ce point avait considéré que l'expression "à libération immédiate" de la revendication 1 n'apportait pas de contenu technique à cette revendication du moment que celle-ci comportait aussi un profil de dissolution bien précis. La chambre observe que ce terme n'est divulgué dans la demande déposée originellement qu'en exclusive association avec d'autres caractéristiques structurelles ou fonctionnelles.
Ce terme n'est jamais divulgué isolément, mais toujours en association avec des caractéristiques techniques absentes de l'objet de la revendication 1 de la requête principale, qui constitue ainsi une généralisation. La demande telle que déposée initialement ne fournit pas de base pour une telle généralisation, en l'occurrence pour n'importe quel type de composition "à libération immédiate" ayant un profil de dissolution tel que revendiqué. Par ailleurs, la chambre ne peut convenir que la caractéristique "à libération immédiate" soit synonyme du profil de dissolution revendiqué. En effet, ce terme a une signification technique usuelle dans le domaine de la pharmacie galénique. Finalement, après examen détaillé, la chambre conclut que quoique restant un terme vague, la caractéristique "à libération immédiate" doit donc être considérée comme une caractéristique fonctionnelle, et que le terme ajouté apportait une contribution technique à l'objet revendiqué et ne pouvait être considéré comme "invisible" (violation de l'art. 123(2) CBE).
1.2 Généralisations intermédiaires – combinaisons non divulguées
La décision T 1906/11 souligne que la question de savoir si une modification représente une généralisation intermédiaire est sans incidence sur l'appréciation de l'admissibilité de cette modification. Selon cette décision, il importe uniquement de savoir si un homme du métier tirerait du texte modifié de la demande ou du brevet des informations supplémentaires pertinentes sur le plan technique, par rapport à un homme du métier qui ne prendrait connaissance que du texte divulgué à l'origine. Il n'y a violation des dispositions de l'art. 123(2) CBE que si l'on peut constater l'existence d'informations supplémentaires pertinentes sur le plan technique (point 4.2 des motifs). Dans l'affaire T 248/12, la chambre a énoncé, à propos de la "pertinence technique" de l'information supplémentaire, que l'affaire T 1906/11 ne peut être comprise comme définissant un nouveau critère pour juger des modifications au regard de l'art. 123(2) CBE puisque cela serait en contradiction avec la norme de référence ("gold standard").
La chambre a souligné que la "pertinence", en tant que telle, de l'information technique n'avait pas d'importance pour décider sur la question de l'art. 123(2) CBE, mais que ce qui est important est plutôt de savoir si l'information technique pour l'homme du métier est nouvelle au regard du contenu de la demande originale déposée.
Dans l'affaire T 500/11, la revendication 1 en question avait été modifiée de manière que la plage de valeurs comprises "entre 50 et 10 000 ppm de chrome" soit restreinte à 550 ppm en ce qui concernait la valeur limite inférieure. Il n'était pas contesté que cette valeur spécifique était explicitement fondée sur l'exemple 3 du brevet en litige, même si elle n'était pas combinée, dans cet exemple, aux autres caractéristiques de la revendication 1 modifiée qui était en cause. Le requérant II (opposant) a fait valoir que la modification apportée représentait une généralisation intermédiaire irrecevable au sens de la décision T 962/98, étant donné que la caractéristique "550 ppm de chrome" était liée de manière inextricable aux autres caractéristiques du procédé selon l'exemple 3, si bien que cette valeur spécifique ne pouvait être extraite de manière arbitraire de son contexte. La question qui se posait était donc de savoir si la caractéristique "550 ppm de chrome" était inextricablement liée aux autres caractéristiques définies dans l'exemple 3 du brevet en litige. La chambre a fait observer que toutes les caractéristiques étaient des paramètres pouvant varier individuellement et que chacune des variations correspondantes entraînerait nécessairement un résultat différent en termes de sélectivité concernant le trichlorosilane. Si la caractéristique "550 ppm de chrome" était inextricablement liée à d'autres paramètres spécifiques de l'exemple 3, la sélectivité concernant le trichlorosilane ne serait obtenue que dans la combinaison précise de "550 ppm de chrome" avec les autres paramètres spécifiques de l'exemple 3.
Cela n'était toutefois manifestement pas le cas ici. Dans l'affaire examinée, l'objectif de l'invention, qui consistait à augmenter la sélectivité pour le trichlorosilane, était simplement réalisé en ajoutant des quantités sélectionnées de chrome au silicium et, par conséquent, cette caractéristique "n'était pas étroitement liée aux autres caractéristiques du mode de réalisation décrit dans l'exemple et s'appliquait directement et sans ambiguïté au contexte plus général", comme requis dans la décision T 962/98. La présente décision était également conforme à la décision T 273/10. Il en découlait que la sélection de la valeur "550 ppm de chrome" dans le mode de réalisation de l'exemple 3 était manifestement admissible dans l'affaire en cause et que, partant, il était satisfait aux exigences de l'art. 123(2) CBE.
1. 3 Apport d'une contribution technique – ajout ou suppression d'une caractéristique
Dans l'affaire T 248/12, la chambre a souligné que le principe selon lequel l'homme du métier doit pouvoir déduire une modification directement et sans ambiguïté de l'ensemble de la demande telle que déposée, en s'appuyant sur ses connaissances générales à la date de dépôt et en faisant preuve d'objectivité, reste une condition préalable pour l'évaluation d'une modification au regard de l'exigence visée à l'art. 123(2) CBE. Par conséquent, la "pertinence" proprement dite des informations techniques n'est pas importante pour trancher la question relevant de l'art. 123(2) CBE. Dans l'affaire examinée, la chambre n'a pu souscrire à l'argument selon lequel un homme du métier, en se fondant sur ses connaissances générales, parviendrait à la combinaison de caractéristiques figurant dans la revendication 11 de la requête subsidiaire 2.
Le requérant (titulaire du brevet) n'avait déposé aucun moyen étayant cet argument, et aucune information correspondante ne pouvait être déduite de la demande telle que déposée. En affirmant qu'un homme du métier saurait quels éléments étaient techniquement pertinents pour l'invention lorsqu'il ajouterait certaines caractéristiques structurelles supplémentaires dans la revendication, le requérant (titulaire du brevet) avait fait valoir un argument totalement subjectif.
L'introduction, dans la revendication 11, de la première comme de la deuxième caractéristique revenait donc à présenter à l'homme du métier une nouvelle combinaison de caractéristiques (c.-à-d. de nouvelles informations techniques) qu'il ne déduirait pas directement et sans ambiguïté de la demande telle que déposée, en s'appuyant sur ses connaissances générales. Par conséquent, la revendication 11 contrevenait à l'art. 123(2) CBE et la requête subsidiaire 2 ne pouvait donc être admise.
1.4 Disclaimer
1.4.1 Droit applicable – décisions G 1/03, G 2/03 et G 2/10
Dans la décision G 2/10 (JO OEB 2012, 376), sur saisine de T 1068/07 (JO OEB 2011, 256), la Grande Chambre de recours a répondu comme suit aux questions qui lui avaient été soumises :
1a. La modification d'une revendication par l'introduction d'un disclaimer excluant de cette revendication un objet divulgué dans la demande telle que déposée enfreint l'art. 123(2) CBE si l'homme du métier, en se fondant sur ses connaissances générales, ne saurait déduire explicitement ou implicitement, directement et sans ambiguïté de la demande telle que déposée l'objet restant dans la revendication après introduction du disclaimer.
1b. Déterminer si c'est le cas ou non, nécessite une évaluation au cas par cas portant sur l'ensemble des aspects techniques, en tenant compte de la nature et de l'étendue de la divulgation dans la demande telle que déposée, de la nature et de l'étendue de l'objet exclu ainsi que de sa relation avec l'objet restant dans la revendication telle que modifiée.
L'affaire T 1870/08 concernait un disclaimer non divulgué. La décision G 2/10 ne traitait donc pas, à première vue, du même cas de figure, si bien que la chambre s'est demandé si cette décision était applicable en l'espèce.
La chambre a conclu, à l'issue d'un raisonnement détaillé, que le test défini dans la décision G 2/10 (cf. G 2/10, partie 1a du dispositif, points 4.5.1 et 4.5.2 des motifs) s'appliquait aussi à une modification impliquant un disclaimer non divulgué, rendant nouveau une revendication par rapport à une demande de brevet européen au sens de l'art. 54(3) CBE. L'admissibilité de la modification au regard de l'art. 123(2) CBE devait être examinée séparément pour le disclaimer en tant que tel et pour l'objet restant dans la revendication (cf. point 4 des motifs).
Dans la décision G 2/10, la Grande Chambre de recours n'a pas estimé que la décision G 1/03 (JO OEB 2004, 413) définissait de manière exhaustive les conditions à remplir pour qu'une modification par l'introduction d'un disclaimer non divulgué puisse être considérée comme admissible au titre de l'art. 123(2) CBE. Dans l'affaire T 2464/10, la chambre a estimé que ces observations signifiaient qu'il fallait appliquer l'autre test déterminé dans cette décision, en plus de ceux exposés dans la décision G 1/03, aux fins d'examiner de façon complète la question de savoir si un disclaimer non divulgué satisfait aux exigences de l'art. 123(2) CBE. Le test à appliquer était de déterminer si l'homme du métier, en se fondant sur ses connaissances générales, considérerait l'objet restant dans la revendication comme étant explicitement ou implicitement, mais directement et sans ambiguïté divulgué dans la demande telle que déposée (voir aussi T 748/09).
1.4.2 Décisions appliquant les critères établis par les décisions G 1/03, G 2/03 et G 2/10
a) Formulation des disclaimers
Dans l'affaire T 1843/09 (JO OEB 2013, 502), l'opposant a fait valoir que le disclaimer contrevenait à l'art. 123(2) CBE au motif que son libellé, selon lequel le film revendiqué "est différent d'un film de l'exemple comparatif 4 du document EP-A 0546184", ne représentait pas une caractéristique technique. La chambre n'a pas admis cet argument.
Même s'il était exact que des informations techniques ne pouvaient être extraites directement du texte du disclaimer dans la revendication 1 en tant que tel, il convenait de noter que le disclaimer ne se bornait pas à citer un document brevet publié, mais se référait clairement à une divulgation spécifique dans le document D15, à savoir à un film unique décrit dans l'exemple comparatif 4. Le tableau 4 du document D15 définissait sans ambiguïté ce film par un certain nombre de caractéristiques techniques. L'homme du métier pouvait donc déterminer simplement, à la lecture de l'exemple comparatif donné dans le document D15, quel mode de réalisation technique devait être exclu de la portée de la revendication. Le disclaimer figurant dans la revendication 1 représentait donc une caractéristique technique négative au sens de la décision G 1/03.
Dans l'affaire T 1836/10, la division d'examen avait rejeté la demande sur la base de l'art. 53a), ensemble la règle 28c) CBE, lesquels excluent de la brevetabilité les inventions biotechnologiques qui ont pour objet des utilisations d'embryons humains à des fins industrielles ou commerciales. Personne ne contestait le fait que la caractéristique négative qui avait été insérée ne pouvait être déduite de la demande telle que déposée à l'origine.
Le requérant a fondé la modification de la revendication 1 sur les décisions G 1/03 et G 2/03 (JO OEB 2004, 448), selon lesquelles l'introduction d'une caractéristique négative non divulguée, à savoir un "disclaimer", dans une revendication peut être admissible si le disclaimer exclut un objet qui tombe sous le coup d'une exception à la brevetabilité en vertu des art. 52 à 57 CBE pour des raisons non techniques (point 2.4 des motifs). Pour décider si, dans la présente espèce, l'introduction du disclaimer dans la revendication 1 était admissible au regard de l'art. 123(2) CBE, il importait de déterminer si le disclaimer introduit limitait la protection par brevet demandée en excluant de la revendication 1 un objet qui tombait sous le coup de l'exception à la brevetabilité prévue à l'art. 53a) ensemble la règle 28c) CBE.
L'objet de la revendication 1 avant l'introduction du disclaimer et l'objet défini par le disclaimer ont donc été déterminés par voie d'interprétation. La chambre a jugé que l'introduction du disclaimer n'avait aucunement eu pour effet de limiter l'objet de la revendication, étant donné que le disclaimer tentait d'exclure un élément qui n'était absolument pas couvert par la revendication.
Dans ses décisions G 1/03 et G 2/03, la Grande Chambre de recours avait fait observer qu'un demandeur ne saurait modifier arbitrairement ses revendications et qu'un disclaimer éventuellement nécessaire ne devrait pas retrancher plus que ce qui est nécessaire pour exclure l'objet qui tombe sous le coup d'une exception à la brevetabilité pour des raisons non techniques. Dans le cas contraire, le disclaimer doit être considéré comme non admissible en vertu de l'art. 123(2) CBE. Selon la chambre, il en va de même pour un disclaimer qui tente d'exclure un objet qui n'est en rien couvert par la revendication. Le fait de modifier une revendication en introduisant un tel disclaimer ne répond pas à l'objectif visé et la modification correspondante doit par conséquent être considérée comme non admissible au regard de l'art. 123(2) CBE. De plus, la revendication modifiée au moyen de l'introduction de ce disclaimer ne satisfaisait pas en l'espèce à l'exigence de clarté énoncée à l'art. 84 CBE. Pour ces raisons, la chambre a été d'avis que la modification apportée à la revendication 1 contrevenait à l'art. 123(2) CBE.
b)Formulation des disclaimers et clarté
Dans l'affaire T 1695/07, la chambre a estimé que les revendications 1 à 8 de la requête principale portaient sur une méthode de traitement chirurgical du corps humain, ce qui constitue une exception à la brevetabilité en vertu de l'art. 53c) CBE. La revendication 1 de la requête subsidiaire 2 comprenait le disclaimer suivant : "caractérisé en ce que le procédé ne constitue pas une méthode de traitement chirurgical du corps humain ou animal".
S'agissant de la recevabilité d'un disclaimer qui exclut un objet non susceptible d'être protégé par brevet, la chambre a d'abord souligné, en se référant à la décision G 1/03 (JO OEB 2004, 413), que les exigences de l'art. 84 CBE sont également applicables aux revendications contenant des disclaimers. Afin d'opérer une délimitation et une différenciation claires entre des applications chirurgicales exclues et des applications non chirurgicales éventuellement admissibles du procédé revendiqué, les deux méthodes doivent être distinctes, c'est-à-dire dissociables, ce qui signifie qu'elles doivent être de nature différente et être susceptibles d'être réalisées de différentes manières. La chambre ne voyait pas comment le procédé revendiqué fonctionnerait sans les étapes chirurgicales impliquées. Elle a conclu que dans l'affaire en cause, il n'était pas satisfait à l'exigence de clarté et que la requête subsidiaire 2 n'était donc pas admissible.
Dans l'affaire T 1487/09, la revendication indépendante 29 de la requête principale comprenait une étape englobant des modes de réalisation qui étaient exclus de la brevetabilité en tant que méthodes de traitement chirurgical et thérapeutique du corps humain ou animal, conformément à l'art. 53c) CBE. La requête principale n'a pu être admise étant donné qu'elle ne satisfaisait pas à l'art. 53c) CBE. La revendication 29 de la requête subsidiaire I comprenait, à la différence de la revendication 29 de la requête principale, un disclaimer visant à exclure les utilisations qui "comprennent ou englobent une étape invasive représentant une intervention physique majeure sur le corps humain ou animal, dont la mise en œuvre exige des compétences médicales professionnelles et qui comprend un risque considérable pour la santé même s'il est fait preuve de la diligence et de l'expertise requises". L'ensemble des exigences de la CBE, en particulier celles de l'art. 84 CBE, doivent être prises en considération pour l'examen d'un disclaimer. La chambre a fait observer que les utilisations exclues n'étaient pas définies de manière explicite mais qu'elles devaient en revanche être déduites d'une condition à remplir. Il incomberait donc à la personne lisant la revendication d'établir si cette condition était ou non remplie.
Le fait d'abandonner au lecteur une telle d'appréciation introduisait inévitablement une incertitude quant à l'objet pour lequel une protection était demandée. Le manque de clarté qui en découlait contrevenait à l'art. 84 CBE. De plus, le fait que les termes choisis pour le disclaimer étaient les mêmes que ceux utilisés dans la décision G 1/07 pour décrire une méthode chirurgicale ne signifiait pas que la revendication satisfaisait aux exigences de clarté de l'art. 84 CBE. Cette question devait être examinée au cas par cas. Une situation comparable peut se produire dans le cas où un disclaimer doit être introduit pour établir la nouveauté par rapport à une demande interférente au sens de l'art. 54(3) CBE.
1.5 Divulgation dans les dessins
Si des dessins sont déposés initialement en couleur à la date de dépôt d'une demande, leur contenu technique devrait être déterminé en tenant compte des preuves disponibles au moment où le contenu de la demande telle que déposée est évalué, aux fins d'examiner la conformité des modifications avec l'art. 123(2) CBE (T 1544/08, points 4.4 et 4.5 des motifs).
1.6 "Tests" pour évaluer l'admissibilité d'une modification
1.6.1 Possibilité de déduire les modifications directement et sans ambiguïté de la demande telle que déposée
Dans l'affaire T 612/09, la revendication 1 était rédigée sous la forme d'une revendication dite "de type suisse" et portait sur une posologie destinée au traitement d'une infection bactérienne à l'aide de l'antibiotique daptomycine. Selon la décision frappée de recours, ni la dose comprise dans une plage allant de "3 à 10 mg/kg de daptomycine" ni l'intervalle de dosage "d'une fois toutes les 48 heures" associé à une dose de "3 à 10 mg/kg de daptomycine" ne pouvaient être déduits directement et sans ambiguïté de la demande telle que déposée.
Celle-ci divulguait l'administration, à un patient humain, de daptomycine à une dose allant de 3 à 12 mg/kg toutes les 24 à 48 heures.
Conformément à la jurisprudence constante des chambres de recours, la plage "toutes les 24 à 48 heures" est une divulgation directe et non ambiguë des deux points extrêmes mentionnés expressément, à savoir "toutes les 24 heures" et "toutes les 48 heures". Il s'agissait de déterminer si l'homme du métier aurait compris que le point extrême supérieur de l'intervalle de dosage, à savoir "toutes les 48 heures", s'appliquait également à une dose de 3 à 10 mg/kg de daptomycine. La chambre est parvenue à la conclusion que la demande telle que déposée divulguait un rapport fonctionnel entre l'intervalle de dosage et la dose de daptomycine, à la fois en termes d'efficacité du traitement de l'infection bactérienne et en termes d'absence d'effets toxiques de l'antibiotique sur les muscles squelettiques. Étant donné que la demande telle que déposée ne divulguait pas le fait qu'une dose de 3 à 10 mg/kg de daptomycine était non seulement sans effet toxique mais aussi efficace pour traiter une infection bactérienne chez un patient humain si elle n'était administrée qu'une fois toutes les 48 heures, la chambre ne voyait pas de raison valable de souscrire à l'affirmation du titulaire du brevet/requérant selon laquelle l'homme du métier reconnaîtrait "sans équivoque et instantanément" que l'intervalle de dosage "toutes les 48 heures", divulgué comme point extrême de l'intervalle de dosage pour une dose comprise dans une plage allant de 3 à 12 mg/kg de daptomycine, s'appliquait nécessairement aussi aux doses plus faibles de daptomycine, et en particulier à la plage de 3 à 10 mg/kg de daptomycine. Par conséquent, la demande telle que déposée n'exposait pas de manière claire et non ambiguë la caractéristique "une fois toutes les 48 heures" associée à l'autre caractéristique de la revendication 1 relative à la posologie revendiquée, à savoir la dose de "3 à 10 mg/kg de daptomycine". La requête principale ne satisfaisait donc pas aux exigences de l'art. 123(2) CBE.
2.1 Étendue de la protection
2.1.1 Rapports entre l'article 123(3) CBE et l'article 69 CBE
Dans l'affaire T 2259/09, le brevet tel que délivré comprenait plusieurs dessins qui, dans le brevet modifié conformément à la requête principale, avaient été tous supprimés afin de satisfaire aux exigences de l'art. 123(2) CBE, la description ayant quant à elle été adaptée en conséquence.
S'agissant de l'examen au titre de l'art. 123(3) CBE, la suppression des dessins dans le fascicule du brevet avait incontestablement entraîné une perte d'informations techniques. Même si cette perte d'informations pouvait également faire naître des doutes sur certains détails des modes de réalisation préférés qui étaient représentés dans les dessins, il ne pouvait être conclu, comme dans la décision entreprise, que la protection conférée par le brevet avait ainsi été automatiquement étendue. Dans la présente affaire, les revendications n'étaient limitées à aucun des détails ou aucune des dimensions ou caractéristiques qui étaient représentés de manière spécifique dans les dessins (supprimés). De plus, conformément à l'art. 69(1) CBE, il peut être utile, voire nécessaire de se référer aux dessins d'un fascicule de brevet si une ambiguïté existe dans la revendication du brevet. Or, dans la présente espèce, la décision attaquée n'avait pas mis en évidence d'ambiguïté, ainsi que le requérant l'a fait valoir. La chambre elle-même n'en a pas identifié. Aucune des caractéristiques spécifiques de la revendication 1 du brevet délivré n'avait une signification autre ou plus vaste sans les dessins que dans le cas où ceux-ci figuraient dans le brevet délivré. De plus, la suppression des dessins n'avait créé aucune éventuelle ambiguïté supplémentaire par rapport à celle qui aurait pu être présente dans la revendication 1 du brevet délivré. La chambre en a conclu que la suppression des dessins n'avait pas pour effet d'étendre la protection conférée par la requête principale, si bien que celle-ci satisfaisait aux dispositions de l'art. 123(3) CBE.
Dans l'affaire T 2284/09, la quantité d'acide qui était nécessaire selon la revendication 1 de la deuxième requête subsidiaire a été augmentée par rapport à la quantité d'acide requise en vertu de la revendication 1 du brevet délivré, de manière à produire l'effet de neutralisation. Par conséquent, la revendication 1 de la deuxième requête subsidiaire conférait une protection pour un procédé impliquant l'ajout d'une quantité d'acide différente et plus élevée en comparaison de la revendication du brevet délivré. Il résultait de la modification apportée au libellé de la revendication 1 que la protection conférée par cette revendication était plus étendue que celle découlant du brevet délivré, ce qui contrevenait à l'art. 123(3) CBE. Le requérant (titulaire du brevet) s'était appuyé sur la décision T 108/91 (JO OEB 1994, 228), selon laquelle il était permis, en cas d'incohérence entre la revendication et l'ensemble de la divulgation, de se référer à la description et, conformément à l'art. 69(1) CBE, de se servir des éléments divulgués dans celle-ci pour modifier la revendication. La décision T 108/91 n'était toutefois pas applicable dans la présente affaire puisqu'il n'y avait pas d'incohérence entre la revendication du brevet délivré et la description. De plus, conformément à la décision G 1/93 (JO OEB 1994, 541), un élément restrictif non divulgué qui a été introduit pendant la procédure d'examen (comme dans la présente espèce) ne peut être supprimé si cela a pour effet d'étendre la protection. Le rôle de l'art. 69(1) CBE a également été examiné dans l'affaire G 1/93, la Grande Chambre ayant conclu que la description devait être utilisée pour apprécier en particulier la suffisance de l'exposé et pour déterminer l'étendue de la protection conférée par les revendications. Rien dans la décision G 1/93 ne venait toutefois étayer le point de vue du requérant selon lequel la description pouvait être utilisée comme un réservoir dans lequel les modifications des revendications pouvaient être puisées, quand bien même de telles modifications contreviendraient à l'art. 123(3) CBE. Le requérant, en utilisant la description pour rendre admissible une modification des revendications du brevet délivré qui avait pour effet de changer l'étendue de la protection, avait adopté un point de vue et une approche qui n'avaient aucun fondement dans la CBE ou la jurisprudence de la Grande Chambre de recours. La deuxième requête subsidiaire a été rejetée.
2.1.2 Divers
Dans l'affaire T 260/10, la caractéristique suivante contenue dans la revendication 1 du brevet tel que délivré : "avec au moins une unité d'affichage optique et en particulier au moins une unité de commande ..." avait été remplacée, le segment suivant "et en particulier au moins une unité de commande" ayant été supprimé. La chambre a fait observer que la question de savoir si une caractéristique précédée de l'expression "en particulier" doit être considérée comme facultative dépend généralement du contexte. En principe, une caractéristique facultative dans la revendication principale n'est pas nécessaire à l'enseignement revendiqué, mais illustre, à titre d'exemple, d'autres caractéristiques. Selon la formulation de la revendication 1 du brevet tel que délivré, l'appareil ménager revendiqué comporte non seulement une unité d'affichage optique, mais aussi une unité de commande, si bien que l'expression "en particulier" doit en l'occurrence être interprétée comme signifiant "avant tout" ou "tout spécialement". L'unité de commande n'est pas mentionnée ici en tant qu'exemple d'un élément potentiel mais en tant qu'élément essentiel de l'appareil ménager. Dans l'affaire en cause, l'expression "en particulier" sert à mettre en évidence l'unité de commande en tant que partie de l'appareil ménager. Cette caractéristique non facultative limitant l'étendue de la protection conférée, sa suppression enfreignait l'art. 123(3) CBE.
F. Demandes divisionnaires
Dans l'affaire J 20/12, le requérant avait déposé une requête en rectification pour annuler le retrait inconditionnel d'une demande principale. Cette requête en rectification a été en définitive rejetée par la chambre de recours juridique (dans sa décision J 1/11), essentiellement au motif qu'elle n'avait été déposée qu'après l'inscription du retrait au Registre européen des brevets.
Après sa requête en rectification, le requérant a déposé une demande divisionnaire. La section de dépôt a toutefois décidé de ne pas traiter cette demande, estimant que la demande principale avait été retirée et que, conformément à la règle 36(1) CBE, un demandeur peut uniquement déposer une demande divisionnaire "relative à toute demande de brevet européen antérieure encore en instance". La chambre de recours juridique a déclaré qu'elle ne voyait aucune différence entre le cas (tel que traité dans la décision J 4/11, JO OEB 2012, 516) où une demande est réputée retirée en raison du non-paiement des taxes et celui (comme dans la présente espèce) où la demande a été volontairement retirée par notification du demandeur. Le retrait ne découle dans aucun de ces deux cas d'une décision prise par l'Office. Il peut être déduit du libellé de l'art. 67(4) CBE (qui distingue les demandes "retirées" de celles "rejetées en vertu d'une décision passée en force de chose jugée") ainsi que des précisions supplémentaires apportées dans la décision J 4/11, qu'une demande n'est plus en instance à partir du moment où elle a été retirée. Ni la possibilité de déposer une requête en rectification en vertu de la règle 139 CBE ni le dépôt effectif d'une telle requête ne sauraient y changer quoi que ce soit. Autrement dit, une demande de brevet ne saurait être considérée en instance au simple motif qu'une requête en rectification de son retrait a été déposée en vertu de la règle 139 CBE. La chambre n'avait par ailleurs pas à indiquer quelle aurait été la situation – ce qui n'était pas le cas en l'espèce – s'il avait été fait droit à la requête en rectification concernant la demande principale.
III. PRINCIPES DIRECTEURS DE LA PROCÉDURE DEVANT L'OEB
A. Principe de protection de la confiance légitime
1. Obligation d'avertir le demandeur d'irrégularités auxquelles il peut être facilement remédié
Dans l'affaire T 642/12, l'opposant, une entreprise suisse, avait déposé un acte de recours en néerlandais accompagné d'une traduction en anglais et avait acquitté 80 % du montant total de la taxe de recours. L'agent des formalités de la division d'opposition avait rempli le formulaire OEB 2701 et transmis le dossier au greffe des chambres de recours.
La chambre a constaté que le requérant, en tant qu'entreprise suisse, n'était pas habilité à utiliser la langue néerlandaise et en a conclu que le recours était irrecevable au motif que le montant (total) de la taxe de recours n'avait pas été acquitté dans les délais. La question s'est posée de savoir si le paiement de la taxe de recours pouvait néanmoins être réputé effectué dans les délais en vertu du principe de protection de la confiance légitime.
La chambre a indiqué qu'elle partageait l'avis du requérant selon lequel il aurait en effet été théoriquement possible de constater l'erreur en temps utile, puisque l'OEB avait disposé de sept jours ouvrables pour prévenir le requérant et permettre à celui-ci d'acquitter la taxe. Cependant, cette possibilité théorique ne saurait se traduire automatiquement par une attente légitime de la part du requérant. En effet, la possibilité de constater l'erreur ne suffisait pas pour fonder chez le requérant l'attente légitime que, dans les sept jours ouvrables avant l'expiration du délai applicable, un greffier des chambres de recours le prévienne que la réduction du montant de la taxe de recours avait été appliquée à tort et que ladite taxe était donc réputée non acquittée. En outre, le fait qu'un dossier de recours ait été traité par l'OEB, comme il peut être déduit du formulaire OEB 2701, ne constitue pas un motif de confiance légitime quant à la validité du recours. Dans une affaire inter partes, le fait qu'un agent des formalités d'une instance du premier degré remplisse un formulaire OEB 2701 ne saurait susciter la confiance légitime que l'OEB a bien vérifié que le recours respectait les exigences de forme telles que le paiement de la taxe de recours. La chambre a donc conclu que le paiement en temps utile de la taxe de recours ne pouvait pas être reconnu en vertu du principe de protection de la confiance légitime. (Voir aussi le chapitre III.K.2. "Paiements insuffisants – parties minimes non encore payées".)
B. Droit d'être entendu
Dans l'affaire T 1014/10, le requérant (titulaire du brevet) avait demandé le remboursement de la taxe de recours, faisant valoir qu'au cours de la procédure d'opposition, il n'avait pas eu la possibilité d'étudier les moyens produits par l'opposant, ceux-ci n'étant parvenus à son bureau que le jour même de la procédure orale. La chambre a fait observer que l'OEB avait envoyé une notification électronique au mandataire du titulaire du brevet afin d'attirer son attention sur ces nouveaux moyens.
Indépendamment de la date à laquelle cette notification avait été émise, il incombait aux parties – et à la chambre – de vérifier le contenu du dossier électronique pour s'assurer qu'aucun moyen supplémentaire n'y avait été ajouté dans les jours qui avaient précédé la procédure orale. En outre, le titulaire du brevet, qui avait reçu une copie des nouveaux moyens lors de la procédure orale, aurait pu requérir une interruption de la procédure orale pour étudier le contenu desdits moyens ou même demander à la division d'opposition de ne pas les admettre dans la procédure. Comme il ressort du procès-verbal de la procédure orale, il n'a pas fait usage de ces options de procédure. Dans ces conditions, les moyens produits tardivement, qui ne présentaient du reste aucun fait nouveau, devaient simplement être assimilés à de nouveaux arguments qui, en tout état de cause, auraient pu être avancés et examinés pendant la procédure orale. De l'avis de la chambre, il n'a pas été contrevenu aux droits du titulaire du brevet tels que prévus par l'art. 113 CBE.
Dans l'affaire T 1843/11, le requérant a fait valoir que la procédure était entachée d'un vice substantiel au motif que la division d'opposition n'avait traité à aucun moment dans sa décision un argument concernant la suffisance de l'exposé soulevé au cours de la procédure d'opposition écrite et de la procédure orale. La chambre a rappelé qu'en vertu de la règle 111(2) CBE, les décisions de l'Office européen des brevets contre lesquelles un recours est ouvert doivent être motivées.
Si la division d'opposition n'est pas tenue de traiter chacun des arguments présentés par une partie (cf. R 19/10, R 17/11), il importe néanmoins de savoir si la partie concernée était objectivement en mesure de comprendre si la décision était justifiée ou non. À cette fin, la décision doit au moins comprendre des explications sur les points litigieux décisifs dans l'argumentation, afin de donner à la partie concernée une idée suffisante des raisons pour lesquelles les moyens qu'elle avait invoqués n'ont pas été considérés comme convaincants, et lui permettre d'orienter les motifs de son recours sur les questions pertinentes (T 70/02). Il y a tout particulièrement lieu de traiter les arguments qui peuvent jouer contre la décision ou jeter le doute sur celle-ci (T 246/08). En l'espèce, la chambre a indiqué que dans la partie ultérieure de sa décision, elle avait conclu à la suffisance de l'exposé sur la base de l'argument en question du requérant. Il s'agissait donc d'un argument décisif au regard de la question tranchée par la division d'opposition. Le fait que la décision de la division d'opposition n'expliquait nulle part pourquoi ledit argument du requérant ne permettait pas de lever l'objection au titre de l'art. 83 CBE constituait donc un vice substantiel de procédure. Il ne suffisait pas, pour satisfaire aux exigences de l'art. 113(1) CBE, que le requérant ait eu en l'espèce la possibilité de présenter l'argument en question (et l'ait fait). En effet, il importait également que la division d'opposition ait visiblement entendu et examiné cet argument (cf. T 763/04). Or, dans la présente affaire, cette condition n'avait pas été remplie. Aussi la non-prise en considération de l'argument dans la décision de la division d'opposition constituait-elle un vice substantiel de procédure.
Concernant l'art. 113 CBE, voir aussi le chapitre E.IV.7.2.5 "Violation fondamentale de l'article 113 CBE (article 112bis(2)c) CBE)".
C. Procédure orale
1. Reprise de la procédure orale le jour suivant
Dans l'affaire T 2534/10, le président de la division d'opposition avait proposé, à une heure avancée de l'unique journée prévue pour la procédure orale, de poursuivre la procédure le lendemain.
Le titulaire du brevet s'y était opposé. La procédure orale avait toutefois été poursuivie le lendemain avec la participation des deux parties. La chambre a estimé que le délai de deux mois prévu par la règle 115 CBE pour la citation à une procédure orale répond à un impératif fondamental de prévisibilité. Il en va de même pour la poursuite de la procédure à une autre date que celle indiquée dans la citation. Une nouvelle citation est donc requise pour poursuivre une procédure orale au-delà de la date indiquée dans la citation.
2. Non-comparution à une procédure orale
Dans l'affaire T 1500/10 la chambre a estimé que le but de la procédure orale est de régler autant que possible toutes les questions en suspens qui sont pertinentes pour la décision et d'accélérer la procédure. S'il est recouru à la procédure orale d'office lorsque l'OEB le juge utile (cf. art. 116(1) CBE), la partie est tenue d'assister à la procédure orale. Il n'existe aucun droit à une procédure exclusivement écrite.
C'est la procédure orale elle-même qui donne au demandeur la possibilité de prendre position, conformément à l'art. 113(1) CBE. Si une partie décide de ne pas assister à la procédure orale sans motif valable, elle choisit de ne pas faire usage de la possibilité de prendre position, pendant la procédure orale, sur les objections soulevées au cours de cette procédure, et n'a pas le droit de présenter des moyens supplémentaires par écrit. Sont considérés comme motifs valables les mêmes que ceux qui justifieraient un report de la procédure orale (voir Communiqué du Vice-Président chargé de la Direction générale 3 de l'Office européen des brevets, en date du 16 juillet 2007, relatif à la tenue de procédures orales devant les chambres de recours, édition spéciale n° 3 du JO OEB 2007, 115). Voir aussi le chapitre IV.E.6. "Remboursement de la taxe de recours".
D. Restitutio in integrum
Dans l'affaire J 5/11, la chambre de recours juridique a estimé que lorsqu'une requête en restitutio in integrum n'a pas été correctement motivée au cours de la procédure devant l'instance du premier degré, et ce bien que le requérant ait été expressément invité à le faire, il n'est normalement pas possible de remédier à l'absence de fondement en produisant des preuves supplémentaires avec les motifs du recours. S'il est exact que les chambres de recours ont pour fonction première de statuer sur le bien-fondé d'une décision rendue par l'Office en première instance (cf. J 18/98), cela ne signifie pas nécessairement que de nouvelles preuves soumises pour la première fois au stade du recours sont automatiquement irrecevables. Une règle rigide excluant la production de toute nouvelle preuve pendant la procédure de recours pourrait être injuste et non équitable dans certains cas, et ne serait pas compatible avec les principes généralement admis en matière de droit procédural dans les États contractants (cf. art. 125 CBE).
E. Régime linguistique
1. Dérogations à la langue de la procédure dans les procédures orales – Prestation d'interprétation simultanée
Dans l'affaire T 2422/10 (langue de la procédure : anglais), les mandataires des deux parties étaient de langue maternelle allemande et tous les moyens écrits avaient été rédigés en allemand. Le mandataire du requérant (opposant) avait annoncé qu'il utiliserait l'allemand lors de la procédure orale. Le mandataire de l'intimé (titulaire du brevet) avait indiqué qu'il s'exprimerait en anglais et qu'il serait accompagné d'un expert qui s'adresserait à la chambre ; il avait en outre demandé qu'une interprétation simultanée soit assurée de l'allemand vers l'anglais. La chambre n'a toutefois pas fait droit à la requête ni pour le mandataire de l'intimé, ni pour la personne l'accompagnant.
L'intimé avait fait valoir qu'en vertu de la règle 4(5) CBE, il avait un droit absolu à une interprétation dans la langue de la procédure si l'autre partie utilisait une langue différente. C'est en ce sens qu'il convenait, en liaison avec la règle 4(1) CBE, d'interpréter l'expression "en tant que de besoin" figurant à la règle 4(5) CBE, et la chambre ne disposait à cet égard d'aucun pouvoir d'appréciation. La chambre a déclaré qu'elle ne partageait pas ce point de vue. La règle générale devait être examinée à la lumière du principe d'efficacité de la procédure et du devoir incombant à tous les services de l'OEB, y compris les chambres de recours, de veiller aux finances de l'OEB. La chambre a considéré que la règle 4(5) CBE était rédigée de telle manière qu'elle autorisait la chambre à apprécier la nécessité d'une interprétation (cf. T 131/07). Il était évident que le mandataire de l'intimé était tout à fait en mesure de comprendre tout moyen soumis oralement en allemand par le requérant sans qu'il soit nécessaire de recourir à des interprètes.
La chambre, s'appuyant sur les critères énoncés dans la décision G 4/95 (JO OEB 1996, 412), a décidé de ne pas entendre la personne accompagnant le mandataire de l'intimé, cette personne devant s'exprimer sur des questions réservées au mandataire agréé. Elle a estimé qu'il ne serait pas justifié de fournir un service d'interprétation pour cette personne aux frais de l'OEB car les personnes accompagnant les parties ou leur mandataire n'ont pas droit automatiquement à une interprétation. Cela pourrait dépendre par exemple de la question de savoir si la chambre envisage de les entendre (cf. T 131/07). La prestation d'un service d'interprétation pour le simple confort d'une partie ne constitue pas un motif suffisant (cf. T 418/07).
2. Privilège du choix de la langue – réduction du montant des taxes
Voir affaire T 642/12, dont il est rendu compte au chapitre III.K. "Règlement relatif aux taxes".
Voir également les modifications apportées à la règle 6 CBE en vertu de la décision du Conseil d'administration (CA/D 19/13) en date du 13 décembre 2013 (JO OEB 2014, A4).
F. Droit de la preuve
1. Auditions de témoins et avis d'experts – Délais de soumission des moyens de preuve
Dans l'affaire T 480/11, le requérant (titulaire du brevet) avait demandé, lors de la procédure orale devant la chambre, qu'un certain M. J. soit autorisé à parler de "l'expérience du requérant en ce qui concerne la reproduction de l'invention revendiquée" eu égard à la revendication 1 contenue dans une requête subsidiaire nouvellement présentée. La chambre a indiqué qu'elle savait que le requérant avait fait mention de M. J. en qualité d'expert technique dans une lettre qui remontait à quatre semaines avant la procédure orale et qu'il avait demandé que cette personne soit autorisée à formuler des observations sur toute question technique relative à l'invention revendiquée et susceptible de se poser au cours de l'audition. Toutefois, le sujet sur lequel il avait l'intention de s'exprimer selon la demande formulée par le requérant lors de la procédure orale, n'était pas une simple question technique mais un événement dans le passé, à savoir la réalisation d'expériences et leurs résultats, ces expériences s'étant déroulées dans le laboratoire du requérant. Par conséquent, la demande du requérant portait en fait sur l'audition de M. J. en tant que témoin plutôt qu'en qualité d'expert technique.
Le requérant a argué que le titulaire du brevet avait fait, au cours de la procédure d'opposition, une déclaration similaire à celle qu'allait faire M. J. au stade du recours. Toutefois, cette déclaration avait été contestée par l'intimé dans sa réponse au mémoire exposant les motifs du recours. Ainsi, au plus tard à la réception de cette réponse, le requérant aurait dû savoir que la déclaration qu'il avait faite au cours de la procédure d'opposition risquait de ne pas être une preuve suffisante et qu'il lui faudrait donc présenter des preuves supplémentaires. Or, il avait choisi d'attendre le tout dernier moment de la procédure de recours pour proposer de nouvelles preuves sous la forme d'une "déclaration de témoin". Si le témoin avait été autorisé à s'exprimer, il aurait fallu accorder à l'intimé suffisamment de temps pour qu'il puisse contester la déclaration du témoin et il aurait donc fallu ajourner la procédure orale. La chambre a donc décidé de ne pas faire droit à la demande du requérant de procéder à l'audition de M. J., conformément à l'art. 13(3) RPCR.
G. Soupçon de partialité
1. Soupçon de partialité à l'égard de membres de la division d'opposition
Le principe général selon lequel une personne ne devrait pas statuer sur une affaire lorsque l'une des parties concernées peut avoir de bonnes raisons d'en soupçonner la partialité s'applique non seulement aux membres des chambres de recours conformément à l'art. 24(1) CBE, mais également aux agents des organes de première instance de l'OEB amenés à rendre des décisions affectant les droits des parties (cf. G 5/91, JO OEB 1992, 617).
Dans la décision T 1674/12, les opposantes 1 et 3 ont fait valoir une série de vices de procédure qui à leurs yeux étaient substantiels, en particulier, un parti pris de la division d'opposition, qui résultait de plusieurs points particuliers. Un point invoqué concernait la participation d'un des membres de la division d'opposition (autre que le président) à la délivrance d'un brevet pour une demande divisionnaire du brevet contesté. Les opposantes soutenaient qu'au moins le premier examinateur de la division d'opposition avait fait preuve de partialité, en délivrant un brevet pour une demande divisionnaire, sans attendre que la décision concernant le brevet antérieur soit prise, alors qu'il connaissait les objections soulevées à l'encontre du brevet antérieur.
La chambre a constaté à cet égard que la participation d'un membre d'une division d'examen à une procédure d'opposition concernant le même brevet est admissible, dans la mesure où ce membre ne préside pas la division d'opposition (voir art. 19(2) CBE), ce qui est reconnu par les opposantes. Cette réglementation diffère de celle qui s'applique aux membres des chambres de recours (art. 24(1) CBE). Une telle participation ne suffit pas à récuser ce membre ou à le suspecter de partialité.
L'allégation des opposantes 1 et 3 selon laquelle le premier examinateur s'est montré partial, relève du fait qu'elles considèrent que l'examinateur ne devrait pas prendre de décision concernant une demande divisionnaire avant que le résultat de l'opposition contre le brevet antérieur dont elle est issue, ne soit connu, mais surtout devrait en tenir compte pour décider du sort de la demande divisionnaire. À cet égard, il convient de rappeler que la décision de délivrer un brevet se prend par la division d'examen, et non par le premier examinateur seul. La chambre a déclaré qu'exiger que la division d'examen attende forcément le résultat concernant un autre dossier, traité par une autre division, même si ce dossier est apparenté, porterait préjudice à l'indépendance de la division d'examen. Ceci montre clairement que la décision de l'examinateur de traiter la demande divisionnaire ne peut pas être considérée comme un signe certain de partialité.
Les opposantes 1 et 3 ont fait valoir durant la procédure orale devant la chambre de recours que même si les différents points relevés, pris isolément ne pouvaient pas justifier un parti pris de la part de la division d'opposition, dans leur ensemble ces points démontraient cependant que la titulaire avait été systématiquement avantagée. Cependant, la chambre a fait observer que, selon la jurisprudence de l'OEB, pour constater un parti pris, il ne suffit pas qu'une des parties ait une impression subjective, mais il faut inclure un observateur objectif (voir T 190/03, JO OEB 2006, 502 et T 281/03, toutes deux du 18 mars 2005).
2. Soupçon de partialité à l'égard de membres des chambres de recours
Dans l'affaire T 1677/11, tous les membres de la chambre avaient été récusés pour partialité en vertu de l'art. 24(3) CBE. Il était allégué que comme le recours était pour l'essentiel identique au recours parallèle relatif à l'affaire T 1760/11, qui avait été tranché une semaine auparavant par la chambre siégeant dans la même formation, la présente chambre ne pourrait en l'espèce pas statuer sur le recours avec un esprit ouvert.
La chambre devait tout d'abord déterminer si la récusation était recevable. Conformément à l'art. 24(3), deuxième phrase CBE, "la récusation n'est pas recevable lorsque la partie en cause a accompli des actes de procédure bien qu'elle ait déjà eu connaissance du motif de récusation". Cette disposition est fondée sur le principe selon lequel la récusation doit intervenir "immédiatement après que la partie concernée a eu connaissance du motif de récusation" car, "dans le cas contraire, le système pourrait conduire à des abus" (cf. G 5/91, JO OEB 1992, 617).
La chambre a noté qu'en l'espèce, les intimés savaient dès le début qu'un recours parallèle étroitement lié était en instance dans l'affaire T 1760/11. La composition des chambres était identique dans les deux affaires, ainsi que le prévoit l'art. 7 du plan de répartition des affaires (cf. supplément au JO OEB 1/2012). Or, aucune des parties n'a émis la moindre réserve à cet égard. Ce n'est qu'après le prononcé d'une décision défavorable dans cette affaire que les intimés ont récusé les membres de la chambre pour soupçon de partialité. La chambre a également déclaré qu'indépendamment de la question de savoir si les intimés avaient ou non accompli un acte de procédure dans la présente procédure de recours, il était évident qu'ils n'avaient pas récusé les membres de la chambre immédiatement après avoir eu connaissance des motifs de la récusation. Étant donné que les récusations étaient liées aux deux recours, la participation à la procédure orale dans l'affaire T 1760/11 devait être considérée comme un acte de procédure dans le cadre factuel de la présente affaire au sens de l'art. 24(3) CBE. Vu la date à laquelle elles sont intervenues, les récusations faites en application de l'art. 24(3) CBE ont dès lors été rejetées comme irrecevables.
3. Membres de la Grande Chambre de recours soupçonnés de partialité
L'art. 24 CBE s'applique expressément aux membres des chambres de recours comme aux membres de la Grande Chambre de recours. Pour ces derniers, cela vaut donc à la fois pour les fonctions découlant de l'art. 112 CBE et pour celles qui leur ont été confiées ultérieurement en vertu de l'art. 112bis CBE.
Dans l'affaire R 2/12, l'objection pour soupçon de partialité s'appuyait exclusivement sur le texte de la notification rédigée par le rapporteur et informant l'auteur de la requête en révision de l'avis provisoire de la Grande Chambre sur la requête. Le soupçon de partialité doit être justifié sur une base objective (suivant la décision G 2/08 du 15 juin 2009, non publiée). Un observateur raisonnable examinant les faits de la cause conclurait que la partie en question pouvait avoir de bonnes raisons de douter de l'impartialité du membre récusé (suivant la décision G 1/05, JO OEB 2007, 362). Selon la Grande Chambre, rien dans la notification ne pouvait justifier un quelconque soupçon de partialité. Si un membre d'une chambre pouvait être "destitué" au motif qu'il n'a pas opiné en faveur d'une partie en particulier dès le début de la procédure, cela ne permettrait pas une appréciation objective de l'affaire et serait contraire au principe de l'équité de la procédure dans les procédures inter partes.
H. Aspects formels des décisions des instances de l'OEB
1. Fin du processus interne de prise de décision
Dans la décision G 12/91 (JO OEB 1994, 285), la Grande Chambre de recours a déclaré que le processus de prise de décision en procédure écrite est terminé à la date de la remise de la décision, en vue de sa signification, au service du courrier interne de l'OEB par la section des formalités de la division. Dans l'affaire T 2573/11, le requérant a fait valoir que, conformément aux décisions G 12/91, T 556/95 (JO OEB 1997, 205) et T 394/96 ainsi qu'à la pratique constante de l'OEB, la date de la fin de la procédure était antérieure de trois jours à la date de l'envoi effectif de la décision qui était apposée sur le bord supérieur droit de la décision, indépendamment de celle apparaissant dans la case marquée "au service du courrier interne de l'Office".
La chambre a déclaré qu'elle ne partageait pas ce point de vue. Si la date à laquelle la section des formalités avait remis la décision au service du courrier interne de l'Office était clairement indiquée sur ladite décision, cette date était portée directement à la connaissance des parties et constituait donc la date à laquelle la procédure écrite devant l'instance chargée de la décision était terminée. Cette conclusion est conforme à la décision G 12/91; dans l'affaire ayant donné lieu à cette décision, la date à laquelle la section des formalités avait remis la décision au service du courrier interne de l'Office n'avait pas été indiquée.
I. Rectification d'erreurs dans les décisions
L'affaire G 1/10 portait sur la question de procédure suivante : une requête qui a été présentée par le titulaire d'un brevet en vertu de la règle 140 CBE après qu'une procédure d'opposition a été introduite, et qui vise à faire rectifier la décision de délivrance constitue-t-elle une mesure corrective admissible à propos de laquelle seule la division d'examen est compétente pour rendre une décision contraignante ? La Grande Chambre de recours a répondu qu'étant donné que la règle 140 CBE ne permet pas de rectifier le texte d'un brevet, une requête formulée par le titulaire d'un brevet aux fins d'une telle rectification est irrecevable quel que soit le moment où elle est présentée, y compris après qu'une procédure d'opposition a été introduite. La décision de la Grande Chambre de recours vise uniquement les rectifications de la description, des revendications et des dessins (pièces du brevet) et non les corrections apportées aux données bibliographiques. C'est pourquoi la Grande Chambre de recours a conclu que la règle 140 CBE ne permet pas de rectifier des brevets, y compris pendant une procédure d'opposition ou de limitation. Cependant, le titulaire d'un brevet a toujours la possibilité de demander une modification de son brevet pendant une procédure d'opposition ou de limitation et de supprimer ainsi ce qui est perçu comme une erreur. Une telle modification doit satisfaire à toutes les exigences juridiques applicables en matière de modifications, y compris celles énoncées à l'art. 123 CBE.
J. Inspection publique et suspension de la procédure
1. Inspection publique
1.1 Exclusion de l'inspection publique
Dans l'affaire T 1839/11, la situation était atypique et, à la connaissance de la chambre, sans précédent dans les procédures devant l'Office, dans la mesure où l'intimé avait obtenu du requérant les documents faisant l'objet de la requête, dans le cadre du système de la discovery anglais, mais sous réserve d'une obligation de confidentialité, et avant de savoir si l'intimé serait libéré de cette obligation après un jugement dans la procédure anglaise. La cour anglaise avait ordonné aux deux parties de faire tout leur possible pour préserver la confidentialité des divulgations dans les proportions admises, entre autres, par la CBE.
Cependant, rien n'empêchait l'intimé d'utiliser les documents dans la procédure de recours, et il était même expressément autorisé à le faire. Les documents dont il était recherché l'exclusion de l'inspection publique contenaient en partie des informations ne visant pas à informer le public à propos du brevet, et la chambre a également fait observer que leur publication nuirait probablement aux intérêts économiques du requérant et de l'intimé.
La chambre a conclu que lorsqu'un document déposé contient des informations dont certaines visent à informer le public au sujet du brevet, mais d'autres pas, le dépôt d'une version adaptée du document, dans laquelle ces dernières informations ont été supprimées, peut servir de base adéquate pour exclure le document non adapté de l'inspection publique au titre de la règle 144 CBE, la version adaptée étant ouverte à l'inspection publique.
Dans la décision T 99/09, le document en question contenait des éléments techniques précis, en particulier en ce qui concerne les sources des composants d'un médicament commercialisé et certaines caractéristiques de fabrication de ce médicament. En raison de la nature technique du document, la chambre a conclu que la publicité dudit document pourrait effectivement porter atteinte aux intérêts économiques de la requérante.
Par ailleurs la requête d'exclusion de l'inspection publique de ce document n'a été ni objectée, ni commentée par les intimées. Le document en question est de ce fait exclu de l'inspection publique au vu de l'art. 128(4) et de la règle 144d) CBE, en vertu de l'art. premier 2)a) de la décision de la Présidente de l'Office européen des brevets en date du 12 juillet 2007 (édition spéciale n° 3 du JO OEB 2007, J.3.).
2. Suspension de la procédure au titre de la règle 14(1) CBE
2.1 Généralités
Dans la décision J 9/12, la chambre a souligné qu'une personne souhaitant obtenir une décision au sens de l'art. 61 CBE ne peut demander à l'OEB, au titre de la règle 14(1) CBE, de suspendre automatiquement et immédiatement une procédure concernant une demande divisionnaire découlant d'une demande antérieure par le biais d'une extension de la suspension de la procédure relative à la demande antérieure.
L'OEB n'est en droit de suspendre la procédure de délivrance au titre de la règle 14(1) CBE que s'il est prouvé de façon claire et sans équivoque que la procédure devant le tribunal national a été introduite par la partie demanderesse à l'effet d'établir que le droit à l'obtention du brevet européen visé par la requête en suspension lui appartient. La requête en suspension ne peut porter sur aucune autre demande, quel que soit son lien de parenté. Par ailleurs, une procédure de délivrance ne peut être suspendue que si elle concerne une demande de brevet européen en instance à la date de présentation de la requête en suspension.
De plus, la procédure de délivrance ne peut être suspendue avant la publication de la demande de brevet européen. On ne saurait donc considérer que la règle 14(1) CBE autorise les services de l'OEB à étendre d'office une suspension de la procédure de délivrance, concernant une demande antérieure, à une procédure relative à une demande divisionnaire déposée ultérieurement.
Selon la jurisprudence constante de la chambre de recours juridique, une requête en suspension de la procédure peut être présentée, conformément à la règle 14(1) CBE, jusqu'à la veille de la date de publication de la mention de la délivrance du brevet européen au Bulletin européen des brevets (J 7/96, JO OEB 1999, 443 ; J 36/97). La suspension de la procédure prévue par la règle 14(1) CBE prend effet immédiatement à compter de la date à laquelle est présentée une requête admissible. L'OEB est responsable de la procédure de délivrance jusqu'à la date de publication de la mention de la délivrance du brevet. Cette compétence inclut la publication de toute rectification nécessaire de la mention de la délivrance publiée (J 15/06). La publication de la mention de la délivrance ne prive donc pas la division juridique de sa compétence d'émettre une notification et, sur requête, une décision ordonnant la suspension de la procédure de délivrance, pour autant qu'une requête admissible soit présentée avant la publication (J 15/06, J 33/95, J 36/97). Pour les motifs précités, la chambre n'a pas accepté l'argument selon lequel une suspension de la procédure de délivrance notifiée après la publication de la mention de la délivrance doit automatiquement être considérée comme nulle et non avenue. Le recours a été rejeté.
2.2 Règle 14(3) CBE
Dans l'affaire J 13/12, la chambre s'est référée à la décision J 33/03 et a fait valoir que contrairement à la règle 14(1) CBE, la règle 14(3) CBE confère à l'OEB un pouvoir d'appréciation pour décider si la procédure doit être reprise.
Dans l'exercice du pouvoir d'appréciation au titre de la règle 14(3) CBE, l'OEB et, partant, la division juridique ainsi que, conformément à l'art. 111(1), deuxième phrase CBE, la chambre, qui exerce dans ce cadre les compétences de la division juridique, sont tenus de peser les intérêts du demandeur et du tiers ayant introduit l'action nationale en revendication du droit à la demande contre le demandeur. L'OEB doit notamment se fonder sur la finalité de l'art. 61 CBE, qui est d'apporter "une solution bien équilibrée et équitable au conflit d'intérêts" (G 3/92, JO OEB 1994, 607). Les Directives relatives à l'examen peuvent également être utilisées en tant qu'instructions administratives internes.
La division juridique n'a donc commis aucune irrégularité en ordonnant la reprise de la procédure de délivrance du brevet sans avoir fixé auparavant de date pour cette reprise dans une notification distincte. Elle s'est au contraire appuyée sur les instructions administratives internes de l'OEB (Directives relatives à l'examen) qui lui confèrent un pouvoir d'appréciation. Elle ne pouvait fixer pour la première fois une date que dans la décision faisant l'objet du recours.
De même, on ne saurait déduire des Directives relatives à l'examen qu'avant de fixer une date pour la reprise de la procédure de délivrance, et en tout cas avant la reprise effective de la procédure, la division juridique aurait dû attendre la clôture définitive de l'action en revendication du droit à la demande, le cas échéant après épuisement de toutes les voies de droit (procédure devant la première instance, procédure d'appel et procédure de cassation), ou qu'elle aurait dû attendre au moins la clôture de la procédure d'appel.
K. Observations présentées par des tiers
1. Présentation anonyme d'observations dans la procédure de recours
Dans l'affaire T 1439/09, un tiers avait présenté pendant la procédure de recours des observations de manière anonyme et sans les signer.
Dans la décision T 146/07, la même chambre, dans une composition différente, avait estimé que lorsque des observations étaient présentées par un tiers au cours de la procédure d'opposition, il était particulièrement important de pouvoir identifier ce dernier afin de permettre à l'instance compétente de l'OEB de vérifier si ces observations étaient effectivement présentées par un tiers et non par une partie à la procédure.
En effet, une partie pourrait être tentée de soumettre tardivement des observations et/ou des documents sous la forme d'observations de tiers présentées de manière anonyme dans le but d'éviter des conséquences négatives sur le plan procédural comme une répartition des coûts. De plus, lorsqu'une partie à la procédure présente des moyens non signés, ceux-ci sont réputés ne pas avoir été produits si, après l'envoi par l'OEB d'une notification au titre de la règle 50(3) CBE, ils ne sont pas signés en temps utile. Étant donné que des observations de tiers présentées de manière anonyme et non signées ne permettent pas à l'OEB d'envoyer une telle notification, celles-ci demeurent nécessairement dépourvues de signature. La chambre avait donc considéré que ces observations étaient réputées ne pas avoir été présentées. Dans la présente affaire, la chambre a estimé qu'il n'y avait pas lieu de s'écarter de ce raisonnement. Elle a donc conclu que les observations présentées au titre de l'art. 115 CBE de manière anonyme étaient réputées ne pas avoir été produites et a décidé de ne pas en tenir compte.
2. Observations de tiers présentées à un stade avancé de la procédure
Dans l'affaire T 637/09, la chambre a indiqué qu'un tiers au sens de l'art. 115 CBE n'est pas une partie à la procédure. Par conséquent, l'admission dans la procédure de recours d'observations présentées par un tiers pendant ladite procédure relève du pouvoir d'appréciation de la chambre. En exerçant son pouvoir d'appréciation, la chambre a tenu compte du fait qu'elle ne devait pas réserver au tiers au sens de l'art. 115 CBE un traitement plus favorable que celui qu'elle accorderait à une véritable partie désireuse de présenter de tels moyens à ce stade de la procédure.
Les observations de tiers présentées moins d'un mois avant la procédure orale, ainsi que celles présentées un mois avant la poursuite de la procédure orale, n'ont pas été admises dans la procédure, car si cela avait été le cas, le tiers aurait bénéficié d'un traitement plus favorable qu'une véritable partie. Rien ne justifiait une présentation aussi tardive des observations. Celles-ci comportaient notamment de nouveaux moyens qui, s'ils avaient été admis à ce stade tardif de la procédure, en auraient compromis l'équité.
3. Objections de tiers irrecevables dans la procédure de révision
Dans l'affaire R 18/11, des observations avaient été présentées par un tiers. A l'ouverture de la procédure orale, le président de la Grande Chambre de recours a déclaré que la Grande Chambre considérait ces observations comme irrecevables, car en vertu de l'art. 115 CBE, de tels moyens doivent porter sur la brevetabilité ; or, les questions de brevetabilité ne sauraient faire l'objet d'une procédure de révision.
L. Règlement relatif aux taxes
1. Modes de paiement – ordre de débit
L'affaire J 14/12 portait sur une requête en remboursement de surtaxes au titre de taxes annuelles dues pour une demande divisionnaire européenne (cf. règle 51(3) CBE). Celles-ci avaient été acquittées par débit d'un compte courant ouvert auprès de l'OEB.
Dans une lettre adressée dans le délai de quatre mois visé à la règle 51(3), deuxième phrase CBE, le mandataire avait simplement demandé que les taxes qui venaient à échéance avec le dépôt de la demande divisionnaire précitée soient prélevées sur un compte courant numéroté.
La chambre a estimé, en ce qui concerne les taxes annuelles dues pour les 3e à 10e années, que si l'on considérait conjointement la lettre du mandataire et la feuille de calcul des taxes interne produite lors du dépôt de la demande, les conditions étaient remplies pour que l'ordre de débit soit valable (cf. notamment le point 6.3 de la réglementation applicable aux comptes courants (RCC) et ses annexes (en vigueur à compter du 1er avril 2009, Supplément au JO OEB 3/2009). Par conséquent, la date qui devait être considérée comme celle à laquelle le paiement de ces taxes annuelles avait été effectué, était comprise dans le délai de quatre mois et aucune surtaxe n'était exigible.
Toutefois, cela ne valait pas pour les taxes annuelles dues pour les 11e et 12e années, car ni l'objet, ni le montant de chacune de ces taxes n'étaient précisés dans aucun des documents précités. D'ailleurs, les décisions T 170/83 (JO OEB 1984, 605) ou T 152/82 (JO OEB 1984, 301) ne permettaient pas de tirer de conclusion différente.
N.B. Conformément à la réglementation applicable aux comptes courants (RCC) en vigueur à compter du 1er avril 2014, il est désormais obligatoire d'utiliser le formulaire standard pertinent (formulaire OEB 1010 ou formulaire PCT/RO/101 ou PCT/IPEA/401) pour déposer des ordres de prélèvement sur papier ou par télécopie (cf. points 6.2 et 6.3 RCC, ainsi que le Communiqué en date du 11 février 2014, publication supplémentaire 4, JO OEB 2014).
2. Paiements insuffisants – parties minimes non encore payées
Dans l'affaire T 642/12, le requérant, qui était enregistré en tant que société ayant une adresse en Suisse, avait déposé l'acte de recours en néerlandais et acquitté une taxe de recours réduite conformément à la règle 6(3) CBE. Par la suite, il n'avait pas contesté qu'il n'avait pas le droit de bénéficier de la réduction de taxe, mais il avait affirmé notamment que l'OEB devait accepter le paiement partiel de la taxe et ne pas tenir compte des 20 % manquants en application de l'art. 8, dernière phrase RRT.
La chambre a déclaré qu'elle ne partageait pas le point de vue du requérant, et a résumé ses conclusions au point 3 de l'exergue de sa décision comme suit :
"Les parties minimes non encore payées", visées à l'art. 8 RRT, doivent être interprétées comme étant des montants "insignifiants ou négligeables". Le législateur est parti du principe qu'une réduction de la taxe de 20 % conformément à la règle 6(3) CBE n'avait pas un simple caractère symbolique, mais qu'elle visait à alléger effectivement la charge que représente l'établissement de traductions. On ne pouvait donc considérer que l'intention du législateur était que cette réduction de taxe soit jugée comme minime au sens de négligeable ou insignifiant. Cf. également T 905/90 (JO OEB 1994, 306).
NB : La règle 6(3) CBE et l'art. 14(1) RRT ont été modifiés par décision du Conseil d'administration (CA/D 19/13) en date du 13 décembre 2013 (entrée en vigueur : 1er avril 2014), JO OEB 2014, A4.
3. Remboursement partiel de la taxe d'examen
On se reportera au chapitre IV.B. en ce qui concerne la décision J 9/10, dans laquelle la chambre de recours juridique a traité de la question de savoir à quelle date débute l'"examen quant au fond" aux fins du remboursement partiel de la taxe d'examen au titre de l'art. 10ter b) RRT (cf. l'actuel art. 11 b) RRT). Voir également la décision antérieure J 25/10 (JO OEB 2011, 624).
L'attention des lecteurs est également attirée sur le Communiqué de l'OEB, en date du 29 janvier 2013, concernant l'adaptation du système de remboursement des taxes de recherche et d'examen (art. 9(1) et 11 b) du règlement relatif aux taxes, suite aux décisions J 25/10 et J 9/10 de la chambre de recours juridique (JO OEB 2013, 153).
M. Représentation
1. Mandataires agréés
1.1 Obligation des personnes sans domicile ni siège dans un État contractant de se faire représenter par un mandataire agréé
Dans l'affaire J 9/13, la section de dépôt avait rejeté la demande de brevet européen conformément à l'art. 90(5) CBE, au motif que le demandeur, domicilié à Moscou, n'avait pas désigné de mandataire agréé, comme l'exige l'art. 133(2) CBE.
Le requérant (demandeur) a affirmé que l'art. 133(2) CBE ne s'appliquait pas aux personnes domiciliées dans la Fédération de Russie. La Fédération de Russie est partie à l'accord de partenariat et de coopération (APC) entre l'Union européenne et la Russie, ainsi qu'à l'accord sur les ADPIC/OMC. Compte tenu de ces accords internationaux, le demandeur ayant son domicile dans la Fédération de Russie ne devait pas être traité de manière moins favorable qu'un ressortissant des pays de l'Union européenne en ce qui concerne l'application de la procédure de délivrance de brevet au titre de la CBE.
La chambre a fait observer que l'acte de recours et le mémoire exposant les motifs du recours avaient été signés conjointement par M. D.P., qui était apparemment l'auteur de ces deux textes sans pour autant apparaître comme étant un mandataire agréé, et par M. N.N., qui était en l'occurrence le demandeur et requérant. Dans ces conditions, l'on ne pouvait considérer le recours comme valablement formé que si l'affirmation du requérant selon laquelle il n'était pas tenu d'être représenté, conformément aux art. 133(2) et 134 CBE, par un mandataire agréé dans les procédures au titre de la CBE, était correcte.
La chambre a souligné que ni l'Organisation européenne des brevets, ni l'Office européen des brevets n'étaient membres de l'Union européenne. Ceci a été notamment confirmé par la Grande Chambre de recours dans sa décision R 1/10 en date du 22 février 2011. Par conséquent, l'Organisation européenne des brevets et l'Office européen des brevets n'étaient aucunement liés par les dispositions de l'APC, ni l'un ni l'autre n'étant une "partie" ou "une autre partie" au sens de l'art. 98 APC. Pour cette seule raison, cet accord international ne pouvait pas servir de base juridique pour accorder au requérant le même traitement que celui réservé aux demandeurs domiciliés dans les États parties à la CBE, au regard de la procédure établie par la CBE. Le même raisonnement s'applique en ce qui concerne l'accord ADPIC/OMC. Les accords internationaux de portée générale, tels que l'accord sur les ADPIC, sont une source de droit international pour leurs États contractants, et eux seuls. La chambre a déclaré en outre que, d'un point de vue juridique, ni la législation des États contractants, ni les conventions internationales signées par ces derniers font partie du système autonome de la CBE.
Par conséquent, le requérant était tenu d'être représenté par un mandataire agréé conformément aux art. 133(2) et 134 CBE dans les procédures prévues par la CBE. Étant donné que les dispositions de l'art. 133(2) CBE ont un caractère contraignant y compris dans les procédures de recours et qu'aucune désignation de mandataire agréé n'a été notifiée à l'Office européen des brevets dans le délai de trois mois imparti dans la notification du greffier, le présent recours était réputé ne pas avoir été formé (règle 152(6) CBE par analogie).
2. Pouvoir de représentation
Dans l'affaire T 637/09, le requérant avait informé la chambre et l'intimé que M. Sc, mandataire agréé, le représenterait conjointement avec M. M., le mandataire agréé qui agissait déjà en son nom. L'habilitation de M. Sc. à agir comme mandataire pour le compte du requérant a été contestée par l'intimé dès le début de la procédure orale. La chambre a fait observer que, comme on peut le déduire de la règle 152(10) CBE, une partie peut être représentée par plusieurs mandataires agissant en commun. De plus, la désignation de M. Sc. en tant que comandataire ne constituait pas un remplacement de mandataire au sens de l'art. 1(2) de la décision de la Présidente de l'Office européen des brevets, en date du 12 juillet 2007, relative au dépôt de pouvoirs (édition spéciale n° 4 du JO OEB 2007, 128). Aussi, pour représenter le requérant, M. Sc. n'était pas tenu, sur le fondement de l'art. 1(2) de cette décision, de produire un pouvoir signé. La chambre n'avait également aucune raison de douter du fait que M. Sc. était habilité à agir pour le compte du requérant. Dans les circonstances particulières de cette affaire, il n'était donc pas nécessaire de produire un (autre) pouvoir conformément à l'art. 1(3) de la décision précitée. La chambre a conclu que M. Sc. était dûment autorisé à représenter le requérant en plus de M. M.
2.1 Dépôt du pouvoir
Si un mandataire européen forme une opposition pour le compte d'une partie et qu'il ne produit pas dans les délais un pouvoir signé après y avoir été invité par la chambre de recours, l'opposition est réputée non avenue (règle 152(1) et (6) CBE).
Ainsi en a décidé la chambre dans l'affaire T 1700/11 après un exposé des motifs très détaillé. Celle-ci a estimé en outre que cette fiction juridique entraînait une perte de droits (règle 112(1) CBE) et qu'un examen de la recevabilité de l'opposition réputée non avenue ne pouvait être envisagé.
Dans l'affaire T 1542/10, une lettre avait été produite le 10 janvier 2011 par le mandataire agréé P. Cette lettre mentionnait "Nokia Siemens Networks OY" comme opposant et utilisait le même numéro de référence interne que celui indiqué par le mandataire B dans l'acte d'opposition. Elle se référait en outre à un pouvoir de mandataire figurant en pièce jointe. En vertu de ce pouvoir, le mandataire B autorisait P à représenter "Nokia Siemens Networks GmbH & Co.KG" comme opposant dans la procédure devant l'OEB concernant le brevet européen en cause. En réponse, le titulaire du brevet / requérant a estimé que la lettre produite par le mandataire P le 10 janvier 2011 ne pouvait être considérée comme une réponse écrite de l'intimé aux fins de l'art. 12(1)b) RPCR, mais plutôt comme des observations de tiers au sens de l'art. 115 CBE. Il a fait valoir que la lettre avait été produite pour le compte d'une personne morale différente de l'intimé puisque le pouvoir joint à cette lettre ne mentionnait pas le nom de l'intimé mais celui de Nokia Siemens Networks GmbH & Co.KG.
Le requérant a en outre affirmé que l'intimé n'ayant ainsi pas répondu à l'exposé des motifs du recours avait perdu son statut de partie de droit à la procédure au sens de l'art. 107, deuxième phrase CBE, ou tout au moins son droit à présenter des observations en ce qui concerne la cause du requérant telle que développée dans le mémoire exposant les motifs du recours. Compte tenu des circonstances, il était tout à fait évident pour la chambre, d'un point de vue objectif, que l'indication du nom "Nokia Siemens Networks GmbH & Co.KG" dans le pouvoir était une erreur. Le fait que le greffe de la chambre n'ait pas reçu de réponse après l'envoi de la notification signalant que le nouveau mandataire de l'intimé n'avait pas produit de pouvoir valable, n'entraînait aucune conséquence négative pour l'intimé. Il a été relevé en particulier que la notification ne spécifiait aucun délai, de sorte que la sanction prévue par la règle 152(6) CBE ne pouvait s'appliquer.
De même, l'absence de réponse ne constituait pas un motif suffisant pour donner rétrospectivement un sens différent à la lettre du 10 janvier 2011, puisque le sens de cette lettre devait être apprécié de manière objective comme étant celui qui avait été compris à la date de réception de ladite lettre. Au vu des pouvoirs produits par l'intimé dans sa lettre datée du 13 juin 2013 et lors de la procédure orale, la chambre n'avait aucun doute sur le fait que le mandataire P avait été mandaté pour représenter l'intimé. Par conséquent, la lettre du 10 janvier 2011 devait être considérée comme une réponse écrite au mémoire du requérant exposant les motifs de son recours aux fins de l'art. 12(1)b) RPCR.
IV. PROCÉDURE DEVANT L'OEB
A. Procédure de dépôt et examen quant à la forme
1. Attribution d'une date de dépôt
1.1 Production ultérieure de parties manquantes de la description ou de dessins manquants (règle 56 CBE)
1.1.1 Interprétation de la règle 56 CBE
Conformément à la décision J 27/10, il convient d'interpréter de la même façon les termes "des parties de la description … ne semblent pas figurer dans la demande", tels que visés à la règle 56(1), première phrase CBE, et les termes "parties manquantes de la description", tels qu'utilisés dans les paragraphes suivants de la règle 56 CBE, lorsqu'il s'agit de décider si une partie ne figure pas dans la description. Le terme "description" employé à la règle 56 CBE dans l'expression "parties manquantes de la description" correspond à la description qui a été déposée initialement afin qu'une date de dépôt soit accordée à la demande, et non à une autre description. La description incomplète déposée au départ doit être complétée au moyen des parties manquantes, lesquelles doivent être ajoutées au texte de la description qui a déjà été déposé. Par conséquent, il n'est pas correct d'interpréter la règle 56 CBE en ce sens que l'on peut modifier, remplacer ou supprimer une partie ou la totalité de la description, telle qu'elle a été déposée initialement afin qu'une date de dépôt soit accordée à la demande.
Dans l'affaire J 15/12, la section de dépôt a déclaré à juste titre que la règle 56 CBE n'autorise en aucun cas le remplacement de dessins; il serait incorrect d'interpréter cette règle en ce sens que certaines pièces de la demande, ou la totalité de ces pièces, telles que déposées initialement en vue d'obtenir une date de dépôt, peuvent être modifiées, remplacées ou supprimées (cf. J 27/10). La règle 56(1), première phrase CBE mentionne les dessins auxquels il est fait référence dans la description ou dans les revendications et qui ne semblent pas figurer dans la demande. Par conséquent, lorsqu'un dessin auquel il est fait référence dans la description ne figure pas dans les pièces de la demande telle que déposée, la règle 56 CBE s'applique et le dessin en question peut être déposé ultérieurement conformément à la procédure prévue à ladite règle.
Toutefois, dans l'affaire J 2/12, la chambre de recours juridique a estimé que lorsque a) la description telle que déposée avec la demande comporte des renvois à des dessins numérotés et que b) les dessins avec les numéros correspondants sont également déposés avec la demande, des dessins différents peuvent néanmoins être produits ultérieurement en vertu de la règle 56 CBE comme "dessins manquants" s'il peut être établi sans avoir recours à des connaissances techniques que les dessins déposés initialement avec la demande ne sont pas ceux auxquels il est fait référence dans la description et que les dessins déposés ultérieurement sont ceux visés dans la description. Dans l'affaire en cause, il apparaissait immédiatement que les chiffres auxquels il était fait référence dans la description ne correspondaient pas à ceux produits initialement. Dans d'autres affaires, il n'aurait peut-être pas été possible de parvenir aussi aisément à une telle conclusion, mais comme la situation était tout à fait claire dans le cas d'espèce, la chambre de recours juridique n'avait pas à examiner où devrait, de manière générale, se situer la limite.
B. Procédure d'examen
1. Première étape de l'examen quant au fond
1.1 Début de l'"examen quant au fond"
Dans la décision J 9/10, la chambre a estimé qu'une notification émise au titre de l'art. 94(3) CBE sur le formulaire OEB 2001A, qui est générée automatiquement par ordinateur et postée par un agent des formalités sans la participation d'un examinateur désigné pour former la division d'examen, ne constitue pas un acte juridiquement valable de la division d'examen. Elle ne peut donc être considérée comme le début de l'"examen quant au fond" visé à l'art. 10ter b) RRT (inséré par décision du Conseil d'administration en date du 10 juin 1988, tel que modifié en dernier lieu par décision du Conseil d'administration en date du 15 décembre 2005).
Le respect de la seconde condition afférente au remboursement de la taxe d'examen conformément à l'art. 10ter b) RRT a soulevé des questions sur la nature de l'"examen quant au fond" et le type d'acte(s) équivalant au début de l'"examen quant au fond". La chambre a noté que pour garantir la possibilité de prévoir et de vérifier l'application de l'art. 10ter b) RRT, le début de l'"examen quant au fond" doit être interprété comme exigeant un acte concret et vérifiable de la division d'examen relatif à l'"examen quant au fond" et accompli après qu'elle est devenue compétente pour examiner la demande (J 25/10). La chambre a estimé que pour être juridiquement valable, une notification émise par une division d'examen doit être rédigée au nom des membres désignés pour former la division chargée d'examiner les questions faisant l'objet de la notification et reproduire leur avis. Toutefois, il ne ressortait pas du dossier que le premier examinateur désigné avait effectivement authentifié la notification établie au titre de l'art. 94(3) CBE avant son envoi par l'agent des formalités. Par conséquent, la notification ne pouvait pas être attribuée à la division d'examen, mais uniquement à l'agent des formalités dont le nom était indiqué sur le formulaire OEB 2001A.
1.2 Modifications en vertu de la règle 137(3) CBE
1.2.1 Pouvoir d'appréciation conféré à la division d'examen par la règle 137(3) CBE
En vertu de l'art. 123(1) CBE, la demande de brevet européen ou le brevet européen peut être modifié dans les procédures devant l'OEB conformément au règlement d'exécution. La règle 137(3) CBE revêt à cet égard une importance particulière.
Dans l'affaire T 937/09, la chambre a constaté que, conformément à la règle 137(3) deuxième phrase CBE (dans la version de la décision du Conseil d'administration en date du 7 décembre 2006 ; voir texte de la "Convention sur le brevet européen", 13e édition, Office européen des brevets 2007), la décision d'autoriser des modifications de la demande de brevet européen après l'envoi du premier avis au stade de la recherche relève du pouvoir d'appréciation de la division d'examen. La chambre a estimé que la division d'examen devait autoriser les modifications déposées par le demandeur en réponse à une notification motivée signalant pour la première fois la présence d'une irrégularité, dès lors que cette irrégularité aurait déjà pu être constatée dans la première notification et que les modifications apportées représentaient une tentative objectivement appropriée d'y remédier.
Dans l'affaire T 996/12, le requérant objectait que la division d'examen avait non seulement fait un usage déraisonnable du pouvoir d'appréciation que lui confère la règle 137(3) CBE, mais qu'elle avait également appliqué des principes erronés concernant l'irrecevabilité des dernières modifications.
La chambre a affirmé qu'en général, la manière dont la division d'examen doit exercer son pouvoir d'appréciation, pour autoriser la modification d'une demande, dépend de chaque cas d'espèce, ainsi que du stade de la procédure préparatoire à la délivrance où se trouve la demande.
Elle a fait observer qu'une chambre de recours contrôle la façon dont a été exercé ce pouvoir d'appréciation non pas en déterminant comment elle aurait statué en l'occurrence, mais en établissant si ce pouvoir a été exercé sur la base de principes erronés, sans prendre en considération les principes corrects, ou si le pouvoir a été exercé de manière déraisonnable. À cet égard, la chambre a constaté que les Directives applicables n'étayent pas l'idée selon laquelle les jeux de revendications doivent être convergents pour que des modifications soient autorisées, ou à l'inverse, l'idée selon laquelle un jeu de revendications divergent n'est pas admissible.
S'agissant de ce critère, la division d'examen s'était référée aux décisions T 1685/07 et T 745/03 des chambres de recours. En dehors du fait que ces décisions s'appliquent en particulier au cas où le titulaire d'un brevet présente plusieurs requêtes subsidiaires en plus d'une requête principale dans une procédure de recours sur opposition, la chambre a souligné que ce critère est justifié par l'efficacité de la procédure de recours, qui revêt un caractère judiciaire, à la différence du caractère purement administratif des procédures qui sont menées, par exemple, devant la division d'examen ou la division d'opposition. La chambre a estimé qu'à elle seule, cette distinction fondamentale rend douteuse l'application inconditionnelle de ce critère par la "première instance" de l'OEB. L'objection du requérant, selon laquelle la division d'examen avait exercé son pouvoir d'appréciation de manière erronée concernant l'irrecevabilité des dernières modifications, a été jugée non fondée.
Dans l'affaire T 573/12, la chambre a fait observer que conformément à la règle 137(3) CBE (dans la version applicable en décembre 2007, qui correspond à la règle 86(3) CBE 1973), toute modification ultérieure à la réponse à la première notification est subordonnée à l'autorisation de la division d'examen.
Cela signifie que la division d'examen dispose d'un pouvoir d'appréciation. L'un des critères appliqués dans ce contexte et acceptés par les chambres de recours consiste à déterminer si, de prime abord, la modification lève les objections soulevées précédemment. Toutefois, comme indiqué dans la décision G 7/93 (JO OEB 1994, 775), la division d'examen doit prendre en considération tous les éléments pertinents du cas d'espèce lorsqu'elle détermine si une modification doit ou non être admise. Elle doit notamment tenir compte de l'intérêt du demandeur à obtenir un brevet, ainsi que de l'intérêt de l'OEB à conclure la procédure d'examen, et les mettre en balance.
En l'occurrence, la première notification de la division d'examen était assez vague et évaluait l'invention dans des termes assez généraux, sans analyser les caractéristiques individuelles. La modification ultérieure du requérant ajoutait certaines caractéristiques aux revendications indépendantes. La chambre a jugé qu'il s'agissait d'une réaction de bonne foi. La première modification était en outre celle qui était subordonnée à l'autorisation de la division d'examen, et le procès-verbal montrait que la division d'examen pouvait discuter – et avait discuté – des caractéristiques ajoutées. Admettre la requête n'aurait pas impliqué un surcroît de travail injustifié. De plus, les Directives relatives à l'examen (partie C-VI, 4.7 – version d'avril 2010) précisaient que "lorsque les modifications sont de moins grande portée, l'examinateur devrait se montrer compréhensif et tenter de concilier une attitude équitable à l'égard du demandeur et la nécessité d'éviter des retards inutiles ou un surcroît de travail injustifié pour l'OEB." Compte tenu des circonstances précitées, la chambre a estimé que la division d'examen n'avait pas correctement mis en balance tous les éléments pertinents, et elle n'a donc pas approuvé la conduite de la division.
Dans l'affaire T 158/12, le requérant faisait valoir qu'aucun article ni aucune règle de la CBE n'empêchait le demandeur d'opter, pendant l'examen, pour une invention plutôt que pour une autre, si elles avaient fait l'objet d'une recherche.
La chambre a toutefois considéré que les articles et les règles de la CBE forment un système légal qui permet clairement de conclure qu'aucune disposition n'autorise le paiement de plusieurs taxes d'examen pour une demande de brevet. La chambre a affirmé qu'un seul examen doit être effectué par demande, une seule taxe d'examen étant acquittée. Après avoir choisi de faire porter l'examen sur une invention (ou une pluralité d'inventions), il n'est pas possible de modifier ce choix une fois que l'examen de cette invention a débuté. La chambre a estimé que cette approche, qui repose sur les dispositions de la CBE, a été confirmée dans l'avis G 2/92 (JO OEB 1993, 591, point 2 des motifs). Par conséquent, l'opinion du requérant selon laquelle l'examen d'une demande pouvait se baser sur plusieurs inventions n'était pas étayée par cet avis de la Grande Chambre de recours.
2. Étapes de la délivrance dans la procédure d'examen
2.1 Notification au titre de la règle 71(3) CBE : texte soumis pour approbation
Dans l'affaire T 1849/12, le requérant demandait que la notification de la division d'examen soit annulée, qu'il soit ordonné à celle-ci d'établir sans délai une notification au titre de la règle 71(3) CBE – en particulier avant l'expiration du délai de 18 mois à compter de la date de priorité –, et partant, que le brevet européen soit délivré au plus vite.
La chambre a fait observer que la possibilité de délivrer un brevet avant l'expiration des 18 mois est régie par l'art. 93(2) CBE. La délivrance d'un brevet avant l'expiration du délai précité n'est donc pas exclue, à condition que la division d'examen ait déjà constaté que la demande remplit toutes les exigences de la CBE.
Toutefois, comme cela n'était pas encore le cas en l'occurrence, la possibilité de délivrer un brevet avant l'expiration du délai de 18 mois, telle que prévue à l'art. 93(2) CBE, n'était pas applicable.
La chambre n'a vu là aucune contradiction entre les dispositions des art. 93(2) et 97(1) CBE. Avant qu'un brevet ne puisse être délivré, la Convention impose de vérifier que toutes les exigences de la CBE sont remplies. La délivrance d'un brevet ne peut être ordonnée que si la division d'examen estime que toutes les exigences à examiner sont remplies.
Contrairement à l'opinion du requérant, la division d'examen ne dispose d'aucun pouvoir d'appréciation à cet égard. Dans ce contexte, il est à noter que l'OEB doit préserver les intérêts des demandeurs comme ceux du public, qui doit pouvoir compter sur le respect de cette obligation. Par ailleurs, l'exigence de nouveauté par rapport à l'état de la technique visé à l'art. 54(3) CBE n'est pas secondaire, comme le requérant semble le penser. Au contraire, l'absence de nouveauté par rapport à cet état de la technique constitue un motif d'opposition au titre de l'art. 100a) CBE, ainsi qu'un motif de nullité au titre de l'art. 138(1)a) CBE.
2.2 Rectification du retrait de la demande en vertu de la règle 139 CBE
Dans l'affaire J 6/13, il n'était pas contesté que la lettre du demandeur constituait un retrait sans équivoque de la demande. La chambre a indiqué qu'un demandeur est lié par les actes de procédure qu'il a notifiés à l'OEB, pour autant que la déclaration aux fins de la procédure soit dépourvue d'ambiguïtés et inconditionnelle (J 19/03).
La chambre a considéré qu'un retrait ne pouvait être révoqué si les tiers n'avaient aucune raison de penser que le retrait était erroné. Elle s'est référée à la décision J 12/03, qui citait et approuvait la décision J 25/03 (JO OEB 2006, 395), dans laquelle la chambre avait affirmé qu'"une requête en révocation d'une lettre annonçant le retrait d'une demande de brevet n'est plus possible une fois que le retrait a été mentionné au Registre européen des brevets si, compte tenu des circonstances de l'espèce, même à l'issue d'une éventuelle inspection du dossier complet, les tiers n'auraient eu aucune raison de soupçonner, au moment où le retrait fut officiellement porté à la connaissance du public, que le retrait était susceptible d'être erroné et d'être révoqué par la suite".
La chambre a fait observer que pour la sécurité juridique des tiers, et compte tenu du caractère public du registre, la révocation d'un retrait ne peut être autorisée que si un tiers a eu de bonnes raisons de soupçonner, lors de l'inspection publique, que le retrait a été commis par erreur.
La chambre devait donc déterminer si de telles raisons existaient en l'espèce. Elle a estimé, sur la base des décisions J 12/03 et J 18/10, que les perspectives concernant la demande, qui étaient certes prometteuses, ne permettaient pas de déduire une contradiction manifeste, ou même éventuelle, avec un retrait ultérieur. Une demande de brevet peut être retirée pour des motifs de stratégie commerciale, de préférence d'investisseur, d'évolution du portefeuille, d'accord avec des concurrents, etc. Du fait de considérations financières, la plupart des brevets européens délivrés ne sont validés que dans un nombre limité de pays. Ces considérations peuvent entrer en ligne de compte à tout moment, même après le paiement récent de taxes annuelles, ou après la notification d'un rapport de recherche positif. En l'occurrence, les perspectives favorables concernant la demande n'inciteraient donc pas un tiers à conclure que le retrait résultait peut-être d'une erreur. Le mandataire qui a instruit l'affaire et notifié le retrait n'est pas non plus parvenu à cette conclusion. Le recours a donc été rejeté.
2.3 Taxes de revendication dues en réponse à une notification au titre de la règle 71(3) CBE
En vertu de la règle 71(4) CBE, si le texte dans lequel il est envisagé de délivrer le brevet européen comporte plus de quinze revendications, la division d'examen invite le demandeur à acquitter dans le délai prévu au paragraphe 3 des taxes de revendication pour toutes les revendications à partir de la seizième, dans la mesure où ces taxes n'ont pas déjà été acquittées en vertu de la règle 45 ou 162 CBE.
Dans l'affaire J 6/12, le recours était dirigé contre la décision de l'agent des formalités agissant pour la division d'examen de rejeter la requête en remboursement de dix taxes de revendication après que leur nombre avait été réduit suite aux modifications apportées par le requérant conformément à la règle 71(5) CBE. Le requérant ne conteste pas que la règle 71(6) CBE, qui était en l'espèce applicable dans sa version entrée en vigueur en décembre 2007 avec le texte révisé de la Convention sur le brevet européen, constitue le fondement juridique pour le paiement des taxes de revendication. D'après le libellé de cette règle, "le texte dans lequel il est envisagé de délivrer le brevet" représente la base sur laquelle doit s'effectuer le paiement des taxes de revendication supplémentaires. Or, la chambre a constaté que ce texte est définitivement établi seulement après que les modifications déposées sont admises par la division d'examen, et non pas dès le moment où est établie la notification selon la règle 71(3) CBE. Le montant des taxes déjà acquittées à ce stade précoce ne correspondait pas à celui devenu exigible du fait de la réduction par le demandeur du nombre de ses revendications, en réponse à la notification émise au titre de la règle 71(3) CBE. La chambre a souligné que les taxes acquittées sans aucun fondement juridique et ne pouvant être considérées comme des montants insignifiants ne peuvent être conservées par l'Office.
3. Recherches additionnelles au cours de l'examen
3.1 Recherche additionnelle : pouvoir d'appréciation limité de la division d'examen
Dans l'affaire T 1924/07, la chambre a estimé que le fait que le demandeur déclare, dans la demande initiale, qu'un état de la technique donné est connu, n'est généralement pas un motif suffisant pour ne pas effectuer de recherche additionnelle. Il ne peut être renoncé à une recherche additionnelle que si toutes les caractéristiques techniques d'une revendication correspondent à un état de la technique notoire.
C. Particularités de la procédure d'opposition et de la procédure de recours
1. Transfert de la qualité d'opposant
1.1 Principes généraux
Dans l'affaire T 1911/09, la chambre a estimé que la décision G 4/88 (JO OEB 1989, 480), bien que considérant le patrimoine et l'opposition comme étant inséparables, ne permet pas de conclure que le transfert de la qualité d'opposant est une obligation ou une conséquence inévitable d'un transfert d'élément patrimonial lié à l'opposition. Au contraire, le terme choisi ("transmissible") souligne que la décision cherche plutôt à définir les conditions dans lesquelles un transfert de l'opposition est possible. Par conséquent, la décision G 4/88 ne prévoit pas un transfert "automatique" de la qualité d'opposant dans les cas où un transfert du patrimoine a été convenu par contrat.
Afin de garantir la sécurité procédurale, la jurisprudence (T 1137/97, T 1421/05) a établi qu'un transfert de la qualité d'opposant convenu par contrat doit avoir été requis explicitement et avec suffisamment de preuves à l'appui.
1.2 Preuves et effets d'un transfert
Dans l'affaire T 1982/09, il était entendu entre les parties que l'opposant initial (Siemens AG) transfère l'élément de son patrimoine dénommé "Carrier Networks Geschäft" à Siemens Networks GmbH & Co. KG, qui a ensuite changé de nom pour s'appeler Nokia Siemens Networks GmbH & Co. KG. Pour les motifs exposés ci-après, la chambre a conclu que la qualité d'opposant n'avait pas été valablement transférée.
Selon la chambre, la déclaration déposée par Nokia Siemens Networks GmbH & Co. KG à l'appui du transfert de l'opposition ne constituait pas une preuve suffisante permettant de conclure que l'élément patrimonial transféré englobait toutes les technologies auxquelles se rapportait le brevet en cause. Plus précisément, le terme "Carrier Networks" pouvait donner lieu à différentes interprétations et la déclaration ne fournissait aucun détail sur les domaines techniques couverts par l'élément patrimonial transféré. De même, l'autre preuve fournie en réponse à la première notification, dans laquelle il était confirmé que Siemens AG avait transféré "ses actifs, son passif ainsi que les contrats afférents à ses activités de services et d'équipement de réseaux avec des opérateurs de réseaux de télécommunications et des fournisseurs de services du groupe de communication de Siemens (COM) comprenant : a) les réseaux de téléphonie mobile, les réseaux fixes et les divisions des services réseaux, et b) les divisions fonctionnelles réseaux (gestion de la chaîne d'approvisionnement et développement de base des réseaux)", n'était pas suffisamment probante pour pouvoir conclure que l'élément patrimonial transféré englobait toutes les technologies auxquelles se rapportait le brevet en cause.
La chambre a relevé que le brevet en cause portait sur un procédé d'attribution de ressource de communication pour adapter la capacité de transmission d'une liaison sans fil entre un dispositif de terminal mobile et une station de base connectés à un réseau de communication cellulaire. La revendication indépendante 9 telle que délivrée avait pour objet un terminal mobile. Par conséquent, le brevet avait trait notamment à des activités relevant du domaine de la téléphonie mobile. Lors de la procédure orale devant la chambre, le mandataire représentant à la fois Siemens AG et Nokia Siemens Networks GmbH & Co. KG n'a pas contesté que Siemens AG était alors le demandeur ou le titulaire de brevets portant sur des téléphones mobiles.
Dans l'affaire T 184/11, la chambre est parvenue à la conclusion que ce n'est que lors de la procédure orale devant la chambre de recours, le 14 mai 2013, que la preuve complète a été apportée que l'opposition avait été transférée par contrat avec les activités de l'opposant et requérant Fontaine à la société TMGL avec effet au 31 octobre 2010, et que ce n'est donc qu'à la date du 14 mai 2013 qu'il pouvait être fait droit à la requête en transfert de la qualité de partie de l'opposant et requérant.
La chambre n'a pu partager le point de vue du requérant selon lequel la décision T 956/03 devait être appliquée par analogie, à savoir qu'en cas de transfert avant l'expiration du délai de recours, il convient d'apporter la preuve de ce transfert également avant l'expiration du délai de recours. Dans la décision T 956/03, la chambre s'est conformée à la jurisprudence constante selon laquelle un transfert peut être reconnu au plus tôt à compter de la date à laquelle le transfert a été prouvé de manière appropriée. Dans cette affaire, la chambre devait en outre statuer sur la recevabilité du recours formé par l'un des requérants qui avait prétendu être le successeur en droit de l'un des opposants de la procédure de première instance sans présenter de preuve à l'appui de cette affirmation dans le délai de recours. Compte tenu de cette situation, le principe énoncé dans la décision T 956/03 devait être interprété en ce sens que le pouvoir de la partie concernée d'agir à la place de l'opposant devait être prouvé également avant l'expiration du délai de recours en apportant les preuves nécessaires, lorsque le transfert a eu lieu avant l'expiration du délai de recours.
Or, dans la présente affaire, l'opposant partie à la procédure de première instance avait tout d'abord agi en qualité de requérant, et ce n'est que pendant la procédure de recours que la demande de transfert de la qualité de partie a été présentée, de sorte que, du point de vue de la chambre, une application par analogie du principe précité n'était pas justifié en l'espèce. Ceci était également conforme à la jurisprudence des chambres de recours selon laquelle la qualité de partie de l'opposant peut être transférée à un tiers pendant la procédure de recours même après l'expiration du délai de recours, et ce que l'opposant soit le requérant ou l'intimé.
2. Intervention
2.1 Recevabilité
2.1.1 Action nationale en contrefaçon
Dans l'affaire T 1713/11, la chambre a estimé que la CBE ne peut pas donner de définition précise de ce qu'est une action en contrefaçon, mais seulement se référer à la contrefaçon en des termes très généraux. De plus, il est clair que l'intervention a été conçue comme une situation procédurale exceptionnelle qui n'est justifiée que lorsque le contrefacteur présumé a un intérêt légitime substantiel à intervenir dans la procédure d'opposition. Cet intérêt légitime substantiel ne découle pas du respect de dispositions procédurales particulières, mais du fait d'avoir été effectivement confronté à une action en contrefaçon (ou tout du moins d'avoir été invité à cesser une contrefaçon alléguée de manière suffisamment sérieuse pour justifier une réaction).
En raison de ce caractère exceptionnel de l'intervention, il semble peu probable que le législateur ait eu l'intention de créer un système sophistiqué et complexe de dispositions procédurales régissant la recevabilité des interventions ; aussi la chambre devrait-elle s'abstenir elle aussi de créer un tel système par le biais de sa jurisprudence. Il apparaît au contraire préférable de se concentrer sur l'examen des conditions de fond relatives à la recevabilité d'une intervention, autrement dit sur la question de savoir si l'action engagée par le titulaire est suffisante pour établir un intérêt légitime substantiel à intervenir.
De la même manière, il convient d'examiner si les conditions de la règle 89(1) CBE sont remplies, en s'appuyant notamment sur l'intention du législateur plutôt qu'en créant de nouvelles conditions procédurales. Or, selon la chambre, tous les moyens ne sont pas appropriés. Comme dans la décision T 305/08, la chambre a estimé que ni une action en nullité portant sur le brevet en cause ni une action en saisie-contrefaçon ne permettraient de remplir les conditions requises. Elle a cependant déclaré qu'elle ne voyait pas pourquoi la notion d'"action en contrefaçon" devrait se limiter aux procédures au civil, aux procédures permettant de demander réparation ou aux procédures entre deux parties. La chambre a donc conclu que, dans la mesure où un titulaire de brevet, ou toute autre partie habilitée, engage une action visant à établir si un tiers est commercialement actif dans un domaine qui relève du droit exclusif conféré au titulaire du brevet, une telle action est une action en contrefaçon au sens de l'art. 105 CBE.
2.1.2 Procédures devant l'OEB
a) Intervention dans la procédure de recours
Dans le sommaire de la décision T 1961/09, la chambre a énoncé ce qui suit : tandis qu'une intervention au titre de l'art. 105 CBE effectuée peu avant la tenue d'une procédure orale dans le cadre d'un recours et soulevant de nouveaux points nécessite normalement un ajournement de la procédure orale, voire le renvoi de l'affaire dans son ensemble (G 1/94, JO OEB 1994, 787), la procédure orale peut être poursuivie si et dans la mesure où ceci n'est pas inéquitable à l'égard des autres parties, en particulier du titulaire du brevet.
L'intervention s'appuyait sur une action en déclaration de non-contrefaçon que l'intervenant avait introduite auprès de tribunaux portugais à l'encontre du titulaire du brevet, après avoir reçu de ce dernier une demande de cesser la contrefaçon et d'y renoncer. Un acte d'intervention a été déposé le 23 juin 2013. Au cours de la procédure orale, qui s'est tenue le 26 juin 2013, la chambre a déclaré que l'intervention était recevable. Le titulaire du brevet s'est opposé à la poursuite de la procédure, estimant qu'il n'avait pas disposé de suffisamment de temps pour pouvoir réagir aux nouveaux points présentés.
Après en avoir discuté avec les parties, la chambre a décidé de poursuivre la procédure orale et d'examiner au moins une objection soulevée par l'opposant, l'intervenant ayant accepté de ne présenter aucun moyen sur cette question. Celle-ci pouvait donc être examinée sans porter préjudice au titulaire du brevet puisque la discussion se limiterait à un point qui figurait déjà dans la procédure avant le dépôt de l'acte d'intervention. Cette façon de procéder était également équitable vis-à-vis de l'opposant qui avait un intérêt légitime à ce que la procédure prenne fin sans plus attendre.
Le titulaire du brevet a ensuite demandé que l'affaire soit renvoyée pour plus ample examen des nouveaux points abordés, ce que la chambre a refusé. Celle-ci a décidé au contraire de poursuivre la procédure en écoutant les objections en matière de clarté émises par l'opposant à l'encontre des requêtes subsidiaires qui figuraient alors au dossier. Ceci a de nouveau été possible car l'intervenant a accepté de retirer toutes les objections en matière de clarté qu'il avait lui-même formulées à l'encontre des requêtes subsidiaires du titulaire du brevet. La chambre a donc été en mesure d'entendre les arguments de l'opposant et du titulaire du brevet sur ces questions de clarté sans que l'intervenant n'ajoute d'autres objections.
3. Répartition des frais de procédure
3.1 Abus de procédure
Dans l'affaire T 2165/08, l'intimé (opposant) avait demandé une répartition des frais au motif que le requérant (titulaire du brevet) avait déposé ses requêtes subsidiaires 1 à 3 ainsi que le document D51 un mois avant la procédure orale, et le document D52 encore plus tardivement.
Les requêtes déposées par le requérant avec le mémoire exposant les motifs du recours en décembre 2008 consistaient en une requête principale et quatre requêtes subsidiaires, lesquelles étaient toutes identiques aux requêtes déposées auprès de la division d'opposition.
Selon la chambre, il semblait clair qu'en motivant son recours, le requérant avait décidé en toute connaissance de cause de maintenir les requêtes qui n'avaient pas abouti en première instance et de ne présenter aucune requête supplémentaire. En agissant de la sorte, le risque pour lui était double : s'il changeait d'avis à un stade ultérieur et déposait des requêtes supplémentaires ou de substitution, de telles requêtes risquaient non seulement de ne pas être admises (art. 13 RPCR), mais l'intimé pouvait, selon les circonstances, demander une répartition des frais. La requête subsidiaire 3 a été admise dans la procédure, l'intimé n'ayant élevé aucune objection à son encontre. La chambre a toutefois estimé que les autres requêtes déposées un mois avant la procédure orale auraient pu être présentées avec le mémoire exposant les motifs du recours (et elles auraient dû l'être pour satisfaire à l'art. 12(2) RPCR), et que le requérant ne s'était pas comporté de manière équitable.
En ce qui concerne les documents produits tardivement, la chambre a constaté que non seulement les règles de procédure dissuadaient de produire de nouvelles preuves à la dernière minute, mais que le fait d'agir ainsi entraînait inévitablement un surcroît de travail et des coûts supplémentaires pour la partie confrontée à ces nouvelles preuves. Dans la présente affaire, l'absence d'explication à la fois en ce qui concerne les preuves elles-mêmes et le fait qu'elles aient été produites tardivement, ne faisaient qu'empirer les choses. Il est toujours inacceptable qu'une partie produise des preuves sans aucune explication à moins que, ce qui n'est pas exclu, leur pertinence soit évidente. Or, le fait de produire des preuves quasiment à la fin de la procédure et simplement accompagnées d'une déclaration selon laquelle des explications seraient fournies à un stade encore plus tardif, est non seulement discourtois, mais constitue une tentative manifeste et apparemment délibérée de faire échouer les préparatifs de l'intimé en vue de la procédure orale.
Agir de la sorte est non seulement préjudiciable à la bonne conduite de la procédure orale mais constitue également un abus de procédure (art. 16(1)c) et e) RPCR) qui justifie une répartition des frais. Il a donc été ordonné au requérant d'acquitter les frais exposés par l'intimé en raison du dépôt tardif des requêtes et des autres documents.
Dans la décision T 1404/10, lors de la première procédure orale, le 26 avril 2013, l'intimé avait mis en cause l'identité du requérant. La procédure orale avait alors été ajournée, la citation étant assortie d'un délai réduit de 6 semaines, et il avait été demandé que la preuve de l'identité du requérant ou d'un éventuel transfert de droits soit apportée au plus tard deux semaines avant la nouvelle date fixée.
Le requérant avait demandé que l'intimé supporte les frais d'hôtel et de voyage aller et retour du responsable du service brevets de l'opposant et requérant générés par la fixation d'une nouvelle date pour la tenue de la procédure orale.
La chambre a constaté qu'en l'espèce, ce n'est que lors de la procédure orale que l'intimé avait mis en doute l'identité de l'opposant et requérant ayant comparu, de sorte qu'il avait fallu fixer une nouvelle date pour la procédure orale. L'intimé, comme il l'a reconnu lui-même, connaissait déjà quatre jours avant la date de la procédure orale les circonstances pertinentes.
Par ailleurs, le requérant, comme il l'a admis lui-même, avait omis de signaler le transfert de ses activités économiques. Or, un changement de partie ne pouvait intervenir dans la procédure que si une demande de transfert avait été présentée et que la preuve en avait été apportée à la chambre, démarches qui, en l'espèce, ne pouvaient être entreprises que par le requérant.
Selon la chambre, les deux parties avaient dans la présente affaire une part de responsabilité dans le fait qu'une nouvelle date ait dû être fixée pour la procédure orale. La chambre n'a pu notamment déceler aucun abus de procédure délibéré, de sorte que l'équité n'exigeait pas d'ordonner une répartition différente des frais en faveur du requérant conformément à l'art. 104(1) CBE 1973. Il n'a donc pas été fait droit à la requête en répartition des frais.
D. Procédure d'opposition
1. Formation de l'opposition et conditions à remplir pour qu'elle soit recevable
Dans les deux affaires parallèles T 1553/06 et T 2/09 intéressant les mêmes parties mais portant sur des brevets différents, la même chambre a traité de la question de la recevabilité des oppositions respectives formées dans le cadre d'un dossier-test. Elle a notamment examiné si les parties et leurs mandataires avaient collaboré sur un dossier-test afin d'obtenir des réponses de l'OEB à des questions juridiques particulières concernant l'état de la technique.
A l'appui de la recevabilité des oppositions qu'il a formées, l'opposant (requérant) a essentiellement fait valoir que le caractère contentieux d'une procédure d'opposition n'était pas érigé en principe général et que, même si tel était le cas, les parties à l'affaire en cause satisfaisaient aux conditions d'une procédure contentieuse. La relation de coopération qui a existé entre les mandataires des parties dans le cadre de ce dossier-test à la suite d'une discussion dans un comité d'étude n'a pas privé la procédure de son caractère contentieux.
Suivant les principes énoncés dans les décisions G 9/93 (JO OEB 1994, 891) et G 3/97 (JO OEB 1999, 245), la chambre a souligné que le caractère contentieux d'une procédure d'opposition était une condition nécessaire à la recevabilité de cette dernière et elle a examiné si, dans l'affaire dont elle était saisie, un abus de la procédure rendait l'opposition irrecevable au motif que l'opposant avait agi pour le compte du titulaire du brevet ("homme de paille"). La chambre n'a constaté aucun contournement abusif de la loi, ne voyant aucune raison de douter de l'argument avancé par les parties selon lequel l'opposant n'était lié par aucune instruction du titulaire du brevet ou du comité d'étude.
Quant à la question de savoir si la procédure d'opposition était privée de son caractère contentieux par le fait même que les parties défendaient leurs positions dans le cadre d'un dossier-test, la chambre n'a vu aucune raison de remettre en cause le fait que la procédure soit de nature contentieuse. Le seul fait qu'une opposition est formée dans le cadre d'un dossier-test ne suffit pas à rendre celle-ci irrecevable pour autant que le déroulement de la procédure qui en résulte soit contentieux en cela que les parties défendent pour l'essentiel des positions divergentes. Les oppositions respectives ont donc été jugées recevables.
2. Identité de l'opposant
Une personne physique ou morale formant une opposition doit pouvoir être identifiée au plus tard à l'expiration du délai d'opposition.
Dans la décision T 22/09, la société au nom de laquelle l'opposition avait été formée avait cessé d'exister en 2005 mais avait été réinscrite ultérieurement au registre des sociétés conformément au droit national. La société de l'opposant avait été dissoute avant que la division d'opposition rende sa décision, mais réinscrite au registre des sociétés en vertu du droit national après la formation du recours. Or, selon la législation nationale, la réinscription avait un effet rétroactif.
De l'avis de la chambre, la question de savoir si une société existe est régie par le droit en vertu duquel elle a été créée. Cependant, la chambre a également estimé que, bien que l'opposition ait été recevable lorsqu'elle a été formée, la procédure d'opposition aurait pu être clôturée à tout moment entre le 4 octobre 2005 (date de la dissolution de la société de l'opposant) et le 29 octobre 2008 (date de la décision faisant l'objet du recours) au motif que l'unique opposant avait cessé d'exister.
En outre, étant donné que le requérant n'existait pas juridiquement lorsque le recours a été formé en son nom, ni à aucun moment au cours du délai de deux mois prévu par l'art. 108 CBE pour former le recours, le recours aurait pu être rejeté comme irrecevable au titre de la règle 101(1) CBE, au motif qu'il n'était pas conforme à l'art. 107 CBE.
La question était de savoir s'il pouvait être remédié rétroactivement à ces irrégularités en vertu d'une disposition de la législation nationale qui permet de réinscrire une société au registre sept ans après sa dissolution et de considérer que la société n'a jamais été dissoute. De l'avis de la chambre, la question n'est clairement tranchée ni dans la CBE ni dans la jurisprudence des chambres de recours de l'OEB.
La chambre n'étant pas en mesure de déterminer, en l'absence de réponse à cette question, s'il existait une base adéquate pour la poursuite de la procédure d'opposition par la société réinscrite et si le recours était recevable, elle a jugé utile de saisir la Grande Chambre de recours conformément à l'art. 112(1)a) CBE. La chambre a donc soumis les questions suivantes à la Grande Chambre de recours :
1. Si une opposition est formée par une société qui est dissoute avant que la division d'opposition ait rendu une décision maintenant le brevet attaqué sous une forme modifiée, mais que cette société est ensuite réinscrite au registre des sociétés au titre d'une disposition de la législation nationale qui s'applique à cette société, en vertu de laquelle la société est réputée avoir continué à exister comme si elle n'avait pas été dissoute, l'Office européen des brevets doit-il reconnaître l'effet rétroactif de cette disposition de la législation nationale et autoriser la poursuite de la procédure d'opposition par la société réinscrite ?
2. Si un recours est formé au nom de la société dissoute contre la décision maintenant le brevet sous une forme modifiée, et que la société est réinscrite au registre des sociétés, avec effet rétroactif comme décrit à la question 1, après la formation du recours et après l'expiration du délai de recours prévu par l'art. 108 CBE, la chambre de recours doit-elle considérer le recours comme recevable ?
3. S'il est répondu par la négative à l'une des questions 1 et 2, cela signifie-t-il que la décision de la division d'opposition maintenant le brevet attaqué sous une forme modifiée cesse automatiquement de produire ses effets, de sorte que le brevet doit être maintenu tel qu'il a été délivré ?
L'affaire est en instance sous le numéro G 1/13.
3. Fondement des motifs d'opposition
3.1 Nécessité de préciser les faits et justifications
Conformément à la jurisprudence constante, la règle 76(2)c) CBE n'exige nullement une "indication exhaustive des moyens invoqués à l'appui des motifs de l'opposition" permettant déjà à elle seule de procéder à un examen définitif. Pour qu'une opposition soit recevable, il n'est même pas nécessaire que le contenu de l'acte d'opposition soit exact ou que les arguments soient probants en eux-mêmes. La division d'opposition et le titulaire du brevet doivent seulement être en mesure de les suivre.
Dans la décision T 613/10, le formulaire d'opposition, déposé dans le délai prescrit, ainsi que les deux feuilles supplémentaires y afférentes, mentionnaient 26 moyens de preuve qui n'ont cependant été déposés auprès de l'OEB qu'après l'expiration du délai d'opposition. En l'espèce, il s'agissait de savoir s'il était satisfait à l'obligation, visée à la règle 76(2)c) CBE, d'indiquer dans l'acte d'opposition les faits invoqués à l'appui des motifs, c'est-à-dire si l'opposition était suffisamment étayée.
L'acte d'opposition n'indiquait pas quels documents cités devaient être rapprochés de chacun des deux motifs d'opposition invoqués (absence de nouveauté et défaut d'activité inventive). Aucun des passages ou dessins cités n'était comparé aux caractéristiques de l'objet de l'une des 26 revendications du brevet, et il n'était pas non plus établi de lien d'ordre technique entre chaque document cité et la revendication correspondante du brevet en litige.
En ce qui concerne la recevabilité de la présente opposition, la chambre a considéré que la question décisive était de savoir si les quelques indications figurant dans le formulaire d'opposition et les deux feuilles supplémentaires étaient suffisantes pour permettre à la division d'opposition et au titulaire du brevet de comprendre sur quoi portait l'opposition sans entreprendre de plus amples recherches. En particulier, il importait de savoir si, au vu des indications données et sans aucun effort de recherche supplémentaire, la division d'opposition et le titulaire du brevet étaient en mesure de suivre l'argumentation développée par l'opposant concernant au moins une des 26 revendications du brevet en litige pour étayer au moins un des motifs d'opposition invoqués.
Même si, en vertu de la jurisprudence, une opposition est suffisamment étayée lorsque les informations données au sujet de l'un des documents cités permettent à la division d'opposition et au titulaire du brevet d'examiner le bien-fondé de l'un des motifs d'opposition avancés, la chambre a estimé que la recevabilité d'une opposition devait être appréciée en fonction des circonstances de chaque espèce, en particulier lorsqu'il n'était pas satisfait clairement et sans ambiguïté aux exigences de la règle 76(2)c) CBE. Font partie des circonstances de l'espèce non seulement le degré de technicité du brevet en cause et des documents cités, mais également le nombre de revendications du brevet en cause et des documents cités, même s'il n'existe pour une opposition aucune limite de principe quant au nombre d'objections ou d'antériorités.
Selon la chambre, il n'appartient pas au titulaire du brevet, au vu des informations fournies dans l'acte d'opposition mais n'étayant pas suffisamment les motifs de l'opposition, d'élaborer lui-même l'argumentation. Pour les raisons exposées plus haut, la chambre a décidé que l'acte d'opposition produit dans le délai de neuf mois ne contenait pas d'indications suffisantes pour étayer les motifs d'opposition, tant en ce qui concerne l'absence de nouveauté que le défaut d'activité inventive. Par conséquent, aucun des motifs d'opposition invoqués n'était suffisamment étayé et en l'espèce, il n'était pas satisfait aux exigences de la règle 76(2)c) CBE. Dès lors, c'est à raison que la division d'opposition avait rejeté l'opposition pour irrecevabilité au titre de la règle 77(1) CBE. La chambre de recours n'a donc pas fait droit au recours.
4. Moyens invoqués tardivement
4.1 Exercice du pouvoir d'appréciation par les divisions d'opposition
Une chambre de recours ne devrait statuer dans un sens différent de la manière dont l'instance du premier degré a exercé son pouvoir d'appréciation pour prendre une décision dans une affaire particulière que si elle parvient à la conclusion que l'instance du premier degré a exercé son pouvoir d'appréciation selon des principes erronés ou sans prendre en compte les principes appropriés, ou encore de manière déraisonnable (G 7/93, JO OEB 1994, 775). La question à examiner était donc de savoir si la division d'opposition avait exercé correctement son pouvoir d'appréciation.
Dans l'affaire T 1485/08, le document (16T), qui était une traduction en anglais d'un brevet coréen (document 16), avait été produit par le requérant au cours de la procédure orale devant la division d'opposition et avait été de nouveau présenté avec le mémoire exposant les motifs du recours. La division d'opposition avait estimé que la traduction avait été produite à un stade trop tardif de la procédure et que, par conséquent, il ne fallait pas en tenir compte. Cette décision a été contestée par le requérant au motif que la division d'opposition, en ne tenant pas compte du document (16T) qui était particulièrement pertinent eu égard à la question de la nouveauté, n'avait pas exercé correctement son pouvoir d'appréciation. La chambre a déclaré qu'en vertu de l'art. 114(2) CBE, une division d'opposition peut, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, ne pas tenir compte de preuves qui n'ont pas été produites en temps utile. Conformément à la jurisprudence constante des chambres de recours, un critère décisif pour admettre des documents produits tardivement consiste à déterminer s'ils se révèlent de prime abord pertinents (T 1002/92, JO OEB 1995, 605).
Dans ce contexte, la chambre a relevé que le document (16) avait été déposé avec l'acte d'opposition qui mettait en cause la nouveauté du brevet litigieux. Bien que le document (16) ne soit pas rédigé dans l'une des langues officielles de l'OEB, l'on pouvait d'ores et déjà déduire de l'utilisation dans la description de ce document de plusieurs termes anglais que son objet se rapportait bien à l'objet revendiqué.
La chambre a estimé qu'en n'admettant pas le document (16T) au seul motif qu'il avait été produit tardivement, sans avoir examiné sa pertinence ou pris d'autres critères en considération, la division d'opposition n'avait pas exercé correctement son pouvoir d'appréciation (cf. également T 418/10).
Dans l'affaire T 2165/10, les documents E1-E10, qui avaient trait à un prétendu usage antérieur public, avaient été produits par le requérant après l'expiration du délai d'opposition de neuf mois. La division d'opposition, appliquant le critère de la pertinence de prime abord, a décidé de ne pas les admettre dans la procédure. La chambre a partagé la conclusion de la division d'opposition selon laquelle les documents E1-E10 avaient été déposés tardivement sans aucune raison valable. En effet, le dossier n'avait fait l'objet d'aucune modification pendant la procédure d'opposition, comme le dépôt d'une nouvelle requête par le titulaire du brevet, qui aurait pu justifier le dépôt tardif des documents. De plus, la chambre a considéré que la division d'opposition, en exerçant son pouvoir d'appréciation, avait appliqué correctement et de manière raisonnable le principe de la pertinence prima facie. Elle a donc estimé qu'il n'y avait aucune raison d'annuler la décision de la division d'opposition.
Les motifs invoqués par le requérant pour justifier le dépôt tardif des documents E1-E10 étaient que l'usage antérieur public avait eu lieu plus de 20 ans auparavant dans un pays étranger. Le délai légal pour conserver des documents ayant expiré depuis longtemps, de nombreux documents pertinents avaient été détruits. La chambre a toutefois partagé le point de vue de l'intimé selon lequel le requérant aurait dû mentionner dans son acte d'opposition l'existence du prétendu usage antérieur public et indiquer/produire toutes les preuves en sa possession à ce moment-là. Il aurait pu mentionner que toutes les autres preuves, comme la documentation commerciale, seraient produites ultérieurement, en faisant état des difficultés rencontrées pour retrouver ces documents dans les archives, à l'étranger et/ou auprès de tiers.
E. Procédure de recours
1. Formation et recevabilité du recours
1.1 Décisions susceptibles de recours
1.1.1 Décisions
a) Exemples de décisions susceptibles de recours
Lorsqu'une demande de brevet européen est finalement réputée retirée après qu'un recours recevable a été formé contre la décision de rejet de la demande, ce recours peut en principe être considéré comme réglé, car aucun brevet européen ne pourra plus être accordé sur la base de ladite demande. Toutefois, si, comme en l'espèce, le recours a pour seul objectif de faire constater par la chambre que la procédure de première instance est entachée d'un vice substantiel de procédure tel que la décision attaquée doit être annulée et la taxe de recours remboursée, le sort du recours ne saurait être identique. Dans ce cas, le requérant possède en effet un intérêt légitime à ce qu'il soit statué sur le fond du recours. Le recours doit donc être traité et la procédure de recours ne saurait être close avant qu'une décision n'ait été rendue sur le fond (T 2434/09).
1.2 Chambre de recours compétente
Dans la décision G 1/11, la Grande Chambre de recours a estimé que le traitement d'un recours formé contre une décision de la division d'examen est du ressort d'une chambre de recours technique lorsque la décision en cause a pour objet le non-remboursement de taxes de recherche au titre de la règle 64(2) CBE et qu'elle n'a pas été rendue avec une décision relative à la délivrance d'un brevet européen ou au rejet d'une demande de brevet européen.
Dans l'affaire T 1676/08, la chambre a estimé que pour satisfaire aux exigences de l'art. 21(4)b) CBE 1973, il suffisait que la chambre de recours compétente indique dans le formulaire OEB 3303.15 la complexité de l'affaire comme motif pour porter de trois à cinq le nombre de membres de la chambre. Elle n'était pas tenue d'exposer en détail pourquoi elle considérait que l'affaire en cause était complexe. Un changement de la composition d'une chambre, qu'il porte sur le nombre de membres au titre de l'art. 21(4)b) CBE 1973 ou le remplacement d'un membre au titre de l'art. 4 du plan de répartition des affaires des chambres de recours techniques pour l'année 2012 (Supplément au JO OEB 1/2012, 12) ne constituait pas une décision au sens de l'art. 106 CBE et de l'art. 113(1) CBE 1973.
1.3 Personnes admises à former un recours
1.3.1 Partie déboutée
a) Opposant
Dans l'affaire T 1982/09, la chambre a estimé que la qualité d'opposant n'avait pas été valablement transmise, si bien que la division d'opposition avait considéré, à tort, la société "A" comme étant le nouvel opposant. En conséquence, le recours avait été formé sous le mauvais nom. Suivant la décision T 1178/04 (JO OEB 2008, 80), le fait que la décision de la division d'opposition concernant la qualité d'opposant était erronée ne saurait signifier que la société "A" n'était pas partie à la procédure à la date à laquelle le recours a été formé. Une personne doit être considérée comme partie aux fins de l'art. 107 CBE, même si sa capacité à prendre part à la procédure est mise en question et fait l'objet d'une décision en instance. Bien qu'elle puisse cesser d'être partie si elle est jugée ne pas avoir la capacité pour prendre part à la procédure, cela ne signifie pas qu'elle n'a jamais été partie. Le recours était recevable.
1.4 Forme et délai du recours
1.4.1 Forme et contenu de l'acte de recours (règle 99(1) CBE)
Lorsqu'une irrégularité objectivement constatée dans l'acte de recours indique une véritable erreur sur l'identité du requérant et que le dossier contient des preuves objectives permettant d'identifier, avec un degré suffisant de probabilité, le véritable requérant, l'acte de recours peut être corrigé en vertu de la règle 101(2) CBE (T 1961/09, suivant la décision T 97/98, JO OEB 2002, 183). La saisine de la Grande Chambre de recours (affaire G 1/12) par la chambre chargée de l'affaire T 445/08 (JO OEB 2012, 588) ne remet pas en question la compétence pour corriger une erreur dans l'acte de recours dans des circonstances telles que celles de l'affaire T 97/98.
1.5 Mémoire exposant les motifs du recours
1.5.1 Principes généraux
a) Nécessité d'exposer les motifs de droit ou de fait
Dans l'affaire J 10/11, la chambre a fait le point sur la jurisprudence des chambres de recours concernant les conditions que doit remplir le mémoire exposant les motifs du recours. Si le requérant conteste le bien-fondé de la décision faisant l'objet de son recours, le mémoire exposant les motifs du recours doit permettre à la chambre de comprendre immédiatement et sans investigation pour quelle raison la décision attaquée serait erronée et quels sont les faits sur lesquels reposent les arguments du requérant (cf. T 220/83, JO OEB 1986, 249, et T 177/97 ; ce principe étant confirmé dans de nombreuses décisions, notamment dans la décision récente T 573/09).
La question de savoir s'il est satisfait aux exigences de l'art. 108, troisième phrase CBE ensemble la règle 99(2) CBE doit être tranchée sur la base du mémoire exposant les motifs du recours et des motifs de la décision contestée (cf. p. ex. J 22/86, JO OEB 1987, 280 ; T 162/97). Il a été reconnu, à titre exceptionnel, que les conditions de recevabilité pouvaient être considérées comme remplies s'il apparaissait immédiatement à la lecture de la décision attaquée et du mémoire exposant les motifs que cette décision devait être annulée (cf. J 22/86).
Or, le requérant n'avait dans cette affaire invoqué aucun moyen quant au lien de causalité entre les motifs avancés dans le mémoire exposant les motifs du recours et l'allégation selon laquelle les conclusions de la décision contestée n'étaient pas valables. Si un tel lien n'était pas exigé, tout argument serait acceptable, même sans rapport aucun avec les motifs de la décision attaquée. Les dispositions de l'art. 108 CBE seraient alors dépourvues d'objet. Les motifs du recours ne doivent certes pas être concluants en soi, en ce sens qu'ils justifient l'annulation de la décision attaquée, mais ils doivent permettre à la chambre de déterminer si la décision était erronée ou non. Le recours a été rejeté comme étant irrecevable.
Dans l'affaire T 395/12, le recours a également été jugé irrecevable, le demandeur ayant uniquement fait valoir au sujet de la décision contestée que la division d'examen avait eu tort, sans expliquer pourquoi. Il ressort clairement des décisions T 213/85 (JO OEB 1987, 482) et T 95/10 que la procédure de recours n'est pas un simple prolongement de la procédure d'examen (conformément à l'avis G 10/91, JO OEB 1993, 420 et aux décisions G 9/92, JO OEB 1994, 875 et G 4/93, JO OEB 1994, 875), mais en est distincte. Un demandeur qui, dans le mémoire exposant les motifs du recours, reproduit les arguments qu'il a avancés au cours de la procédure d'examen sans tenir compte de la décision faisant l'objet du recours, se méprend sur la fonction des chambres de recours. En effet, celles-ci n'ont pas pour rôle d'offrir au demandeur une deuxième procédure d'examen, mais de réexaminer les décisions rendues par les divisions d'examen, en se fondant sur des objections soulevées contre ces décisions dans le mémoire exposant les motifs du recours, lequel doit donc se rapporter aux motifs de la décision contestée.
Il a également dû être conclu à l'irrecevabilité du recours car le mémoire ne traitait pas tous les motifs de rejet de la demande avancés par la division d'examen. Conformément aux décisions T 213/85 et T 1045/02, le mémoire exposant les motifs du recours doit porter sur tous les motifs sur lesquels est fondée la décision contestée. Cela est conforme à la condition énoncée à l'art. 12(2) RPCR, selon laquelle "le mémoire exposant les motifs du recours et la réponse doivent contenir l'ensemble des moyens invoqués par une partie ".
Voir aussi l'affaire T 473/09, dans laquelle le recours a également été jugé irrecevable au motif que le mémoire n'abordait pas tous les motifs de rejet de la demande.
Dans l'affaire T 2532/11, le recours a été jugé irrecevable au motif que le mémoire exposant les motifs du recours déposé par le requérant ne contenait ni de référence à la décision attaquée ni, à plus forte raison, d'explication quelconque indiquant pourquoi cette décision était erronée et devait être annulée (voir aussi le point 1.5.2 ci-dessous).
1.5.2 Nouvelles questions soulevées
a) Par le titulaire du brevet ou le demandeur et le requérant
Dans l'affaire T 2532/11, la question s'est posée de savoir si de nouvelles requêtes pouvaient être considérées comme des motifs de recours implicites. Un mémoire exposant les motifs du recours accompagné de revendications modifiées peut définir, au moins implicitement, dans quelle mesure le requérant souhaite l'annulation de la décision contestée. Dans de nombreuses décisions, une approche tolérante a été adoptée et les recours ont été jugés recevables si la chambre compétente pouvait déduire des circonstances de l'espèce les intentions présumées du requérant et les motifs qui sous-tendaient vraisemblablement ses actions (T 729/90, T 563/91, T 574/91, T 162/97). Des recours ont également été jugés recevables lorsque l'objet de la procédure avait changé en raison du dépôt de nouvelles revendications avec le mémoire exposant les motifs du recours, lequel expliquait en détail pourquoi les motifs d'opposition soulevés ne s'opposaient pas au maintien du brevet sous une forme modifiée selon ces nouvelles revendications (T 717/01, T 934/02 renvoyant à la décision J xx/87, JO OEB 1988, 323 et T 105/87).
Selon la chambre, le mémoire exposant les motifs du recours a pour objet, avec l'acte de recours, de définir la portée du recours. Cette définition est laissée à l'appréciation du requérant dans le cadre du principe de la libre disposition de l'instance.
Sans préjudice des dispositions de l'art. 114 CBE, dont l'application est limitée dans une procédure d'opposition, la chambre de recours doit juger du bien-fondé d'un recours dans le cadre des arguments présentés par les requérants, mais elle ne peut pas deviner la teneur de ces arguments ni, à plus forte raison, en présenter à la place des requérants. Inversement, le principe de la libre disposition de l'instance ne saurait être interprété comme allant jusqu'à permettre aux requérants de soulever de nouvelles questions, ce qui rendrait la décision contestée sans objet. Un lien direct doit être maintenu entre la décision contestée et le mémoire exposant les motifs du recours. Si le requérant ne doit pas être privé de son droit de déposer des revendications modifiées, il doit aussi présenter des arguments pour expliquer quel(s) élément(s) de la décision il juge erroné(s) et étayer son argumentation, preuves à l'appui.
Dans l'affaire T 933/09, le recours a également été rejeté comme étant irrecevable. La chambre a estimé que le simple fait de déposer des revendications modifiées ne dispensait pas le requérant de l'obligation de préciser dans le mémoire exposant les motifs du recours en quoi ces modifications étaient pertinentes pour lever les objections sur lesquelles était fondée la décision contestée.
1.5.3 Circonstances exceptionnelles justifiant la recevabilité du recours
a) Vice substantiel de procédure
Dans l'affaire T 1020/13, la chambre a estimé que lorsqu'un vice substantiel de procédure est invoqué et suffisamment motivé dans le mémoire exposant les motifs du recours, il est sans importance pour trancher la question de la recevabilité que le recours puisse également être considéré comme étant suffisamment motivé en ce qui concerne les motifs décisifs de la décision.
1.6 Vérification de la recevabilité du recours à chaque stade de la procédure de recours
Dans l'affaire T 670/09, l'intimé avait invoqué l'irrecevabilité du recours pour la première fois deux jours avant la procédure orale.
Or, la chambre a indiqué que, conformément à l'art. 12(2) RPCR, toute réponse, dans le cadre d'un recours, doit contenir l'ensemble des moyens invoqués par une partie. En principe, les objections quant à la recevabilité d'un recours ou à la compétence d'une chambre doivent être soulevées in limine litis, c'est-à-dire avant que la partie ne présente sa défense quant au fond. Une partie n'est certes aucunement tenue de contester la recevabilité d'un recours, et peut tout à fait se limiter dans sa réponse au titre de l'art. 12(2) RPCR à une défense quant au fond, mais une telle approche signifie que l'intimé accepte que la chambre de recours examine les faits. L'objection de l'intimé quant à l'irrecevabilité du recours n'a dès lors pas été prise en considération.
1.7 Révision préjudicielle
Selon l'affaire T 1060/13, il est de jurisprudence constante des chambres de recours que, dans la mesure où le recours doit objectivement être considéré comme recevable et fondé, l'instance du premier degré est tenue d'y faire droit (T 139/87, JO OEB 1990, 68 ; T 180/95 ; T 2528/12) ; dans un souci d'efficacité procédurale, aucune marge d'appréciation n'est laissée (G 3/03, JO OEB 2005, 344 ; J 32/95, JO OEB 1999, 713 ; T 919/95).
Un recours doit être considéré comme "fondé" si au moins la requête principale présentée avec le recours comprend des modifications rendant clairement sans objet les objections sur lesquelles la décision est basée, de sorte que l'on peut raisonnablement attendre de l'instance du premier degré qu'elle reconnaisse cet état de fait et rectifie sa décision en conséquence. Le fait qu'il existe d'autres objections qui n'ont pas été éliminées, mais qui n'ont pas été l'objet de la décision attaquée, ne peut pas exclure l'application de l'art. 109(1) CBE 1973 (T 139/87 ; T 47/90, JO OEB 1991, 486 ; T 219/93 ; T 919/95).
Par conséquent, même si les modifications soulèvent de nouvelles objections qui n'ont pas encore été examinées, il convient de faire droit au recours dans le cadre de la révision préjudicielle car un demandeur doit avoir le droit à un examen par deux instances. Des objections ou remarques formulées dans une opinion incidente d'une décision faisant l'objet d'un recours ne sauraient être prises en considération (cf. p. ex. T 1640/06 et T 726/10, la chambre est en désaccord avec la décision T 1034/11). La chambre a indiqué qu'il y avait des incohérences entre les Directives et la jurisprudence constante sur cette question (Directives E-X, 7.4.2 – version de septembre 2013 également).
Lorsqu'un recours est recevable et fondé, le fait de ne pas y faire droit constitue un manquement à l'obligation de faire droit au recours en pareil cas, ce qui est contraire au principe d'efficacité procédurale (contrairement à la conclusion énoncée dans la décision T 704/05) et ne peut pas être considéré comme un vice substantiel de procédure au sens de la règle 103 CBE (cf. p. ex. T 794/95).
1.8 Procédure accélérée
Dans l'affaire T 734/12, le requérant (titulaire) du brevet a demandé une procédure de recours accélérée sur la base des trois arguments suivants : la possibilité de renvoyer l'affaire à la première instance, le fait que la décision contestée, qui portait sur la nouveauté, soulevait une question de droit importante nécessitant du temps supplémentaire ; et l'importance commerciale et médicale du traitement breveté et approuvé.
Selon la chambre, ces motifs ne justifiaient pas en soi une accélération de la procédure. En effet, de nombreux recours sont dirigés contre des décisions ne portant que sur une question et impliquent donc un éventuel renvoi s'il y est fait droit.
La chambre a estimé qu'aucune question de droit importante ne se posait et même si tel avait été le cas, la jurisprudence en la matière était abondante si bien qu'il n'était pas forcément nécessaire de prévoir du temps supplémentaire. Enfin, pratiquement tous les titulaires de brevet considèrent leur brevet comme important du point de vue commercial et si ce critère était pertinent, il serait impossible pour la chambre de déterminer dans quels cas une accélération serait justifiée. Cet aspect est sans doute l'une des raisons pour lesquelles l'accélération a été jugée appropriée lorsqu'une procédure en contrefaçon menace d'être engagée ou est en instance, ce qui n'était pas le cas dans la présente espèce.
Il n'en demeure pas moins qu'un large consensus s'était clairement dégagé entre les parties en faveur d'une résolution rapide des questions. En outre, le public a également intérêt à ce que des litiges relatifs à l'existence ou à l'étendue d'un brevet soient tranchés rapidement. Une procédure accélérée servirait dès lors au mieux les intérêts des parties comme du public.
2. Examen du recours au fond
2.1 Effet obligatoire des requêtes – pas de reformatio in peius
Selon la décision T 1843/09 (JO OEB 2013, 502), l'interdiction de la reformatio in peius, dans la mesure où elle implique une limitation procédurale de la liberté du titulaire du brevet de modifier l'étendue de la protection demandée par le biais de modifications, s'impose "en principe" (G 4/93, JO OEB 1994, 875) jusqu'à ce que l'action en opposition soit définitivement tranchée et, en conséquence, s'impose également dans toute procédure faisant suite à un renvoi au titre de l'art. 111 CBE, y compris une nouvelle procédure de recours.
La chambre a poursuivi en déclarant qu'il ressortait clairement de la décision G 1/99 (JO OEB 2001, 381) que des exceptions au principe d'interdiction de la reformatio in peius étaient admissibles pour des raisons d'équité, afin de protéger le titulaire du brevet non requérant contre une discrimination procédurale, lorsqu'une telle interdiction nuirait à la défense légitime de son brevet. En conséquence, les exceptions ne se limitent pas à la situation spécifiquement envisagée dans la décision G 1/99. Au contraire, l'approche fondée sur l'équité adoptée par la Grande Chambre de recours couvre, au-delà d'une erreur de jugement de la part de la division d'opposition, tout changement de la situation de fait ou de droit sur la base de laquelle les limitations ont été introduites par le titulaire du brevet avant le recours formé par l'opposant et unique requérant, dans la mesure où l'interdiction de la reformatio in peius empêcherait le titulaire de défendre son brevet de manière adéquate contre de nouveaux faits ou objections introduits dans la procédure au stade du recours.
Dans l'affaire T 1979/11, le titulaire du brevet (intimé) a présenté, lors de la procédure de recours, une nouvelle revendication 1 de portée plus large que la revendication 1 telle qu'admise par la division d'opposition. De l'avis de l'opposant (requérant), la nouvelle requête principale était contraire au principe de l'interdiction de la reformatio in peius en raison de cet élargissement.
La chambre n'a pas partagé cet avis. Bien qu'en général, le titulaire d'un brevet (intimé) qui élargit une revendication au cours de la procédure de recours enfreint le principe de l'interdiction de la reformatio in peius, l'intimé avait en l'espèce élargi la revendication pour répondre à l'objection au titre de l'art. 83 CBE qui avait été soulevée par le requérant pour la première fois dans le mémoire exposant les motifs du recours.
Comme il a été exposé dans la décision G 1/99, il ne serait pas équitable d'autoriser le requérant (opposant) à lancer une nouvelle attaque tout en privant le titulaire du brevet (intimé) d'un moyen de défense. Même si cette décision traitait spécifiquement de la réaction du titulaire du brevet à une erreur de jugement commise par la division d'opposition quant à l'admissibilité d'une modification, l'approche fondée sur l'équité, telle qu'exposée par la Grande Chambre de recours, ne se limite pas à la situation spécifiquement traitée dans la décision G 1/99, mais couvre aussi tout changement de la situation de fait ou de droit sur la base de laquelle des limitations ont été introduites par le titulaire du brevet avant le recours formé par l'opposant et unique requérant (cf. T 1843/09). La chambre a donc décidé d'admettre la requête principale dans la procédure.
Dans l'affaire T 61/10, la chambre a fait observer que l'existence d'un lien de causalité entre la caractéristique restrictive à supprimer et la nouvelle situation au stade du recours était une condition préalable pour justifier une exception au principe de l'interdiction de la reformatio in peius pour des raisons d'équité. Dans les affaires G 1/99, T 1843/09 et T 1979/11, cette condition était remplie. Dans le cas d'espèce, en revanche, la question de priorité soulevée était tout aussi pertinente pour les autres revendications, indépendamment de la caractéristique restrictive. De même, les documents cités par le requérant à l'appui d'une objection pour absence d'activité inventive concernaient la méthode de production, que celle-ci comporte ou non la caractéristique restrictive. La condition préalable n'étant pas remplie, il n'était pas justifié de s'écarter du principe de l'interdiction de la reformatio in peius par analogie avec les affaires précitées.
2.2 Objet examiné
Dans l'affaire T 226/09, le requérant (titulaire du brevet) avait demandé dans l'acte de recours l'annulation de la décision attaquée et le maintien du brevet selon la requête subsidiaire 1. Dans le mémoire exposant les motifs du recours, il a motivé cette requête et présenté, en sus, une requête principale tendant au rejet de l'opposition.
De l'avis de l'opposant, l'objet du recours était limité à la requête subsidiaire 1 et la requête principale ne faisait pas partie de la procédure de recours. La chambre n'a pas partagé cet avis. Selon la jurisprudence des chambres de recours, le texte modifié de la règle 99 CBE ne changeait pas sur le fond les conditions régissant l'acte de recours et le mémoire exposant les motifs du recours. Dès lors que l'annulation de la décision attaquée est demandée dans l'acte de recours, il est satisfait aux exigences de la règle 99(1)c) CBE.
L'objet du recours doit toujours être apprécié au regard de l'objet de la décision attaquée. Si une décision comporte plusieurs éléments, il se peut qu'un requérant ne souhaite pas les contester tous. Il peut donc former un recours contre tout ou partie de la décision. Les parties en question doivent toutefois être indépendantes les unes des autres. Or, en l'espèce, la décision ne se composait pas de parties juridiquement distinctes, mais portait uniquement sur la validité du brevet. Un recours ayant été formé contre cette décision, l'objet du recours était évident. Ce n'est qu'au stade du mémoire exposant les motifs du recours que le requérant doit indiquer dans quelle mesure il souhaite que la décision attaquée soit modifiée. Si une telle indication figure déjà dans l'acte de recours, celle-ci anticipe simplement sur l'exposé des motifs mais n'a pas pour effet de limiter la possibilité de formuler des motifs.
Dans l'affaire T 1799/08, l'opposant avait cessé de participer activement à la procédure de recours. La chambre a renvoyé à l'avis G 10/91 (JO OEB 1993, 420), où il est indiqué que la finalité de la procédure de recours inter partes est principalement d'offrir à la partie déboutée la possibilité de contester le bien-fondé de la décision de la division d'opposition.
En outre, contrairement au caractère purement administratif de la procédure d'opposition, la procédure de recours inter partes doit être considérée comme une procédure de type juridictionnel qui a, par sa nature même, un caractère moins inquisitoire qu'une procédure administrative et dans laquelle les parties doivent bénéficier d'un traitement équitable. Il appartient donc à l'opposant de convaincre la chambre que la décision contestée de maintenir le brevet sous une forme modifiée est erronée et que les conditions de brevetabilité ne sont pas remplies.
Comme il est indiqué dans la décision G 8/91 (JO OEB 1993, 346 et 478), le système du brevet européen protège l'intérêt du public principalement en permettant de faire opposition. En principe, il n'appartient pas aux chambres de recours de procéder à un examen général des décisions rendues en première instance, qu'un tel examen ait été requis par les parties ou non. Compte tenu du caractère de la procédure de recours inter partes, on ne saurait attendre de la chambre qu'indépendamment de l'avis préliminaire qu'elle a émis sur certaines questions déterminantes pour statuer sur un motif invoqué par un opposant mais qui n'a pas été correctement étayé, elle mène un examen approfondi de ce motif, et ce en violation du principe d'égalité de traitement des parties, et qu'elle présente de sa propre initiative une argumentation complète et détaillée en lieu et place de l'opposant qui reste passif. La chambre a donc accepté, en l'absence de preuve contraire, les arguments du titulaire du brevet.
2.3 Révision de décisions rendues par une instance du premier degré exerçant son pouvoir d'appréciation
En vertu de l'art. 106(2) CBE, une décision qui ne met pas fin à une procédure à l'égard d'une des parties ne peut faire l'objet d'un recours qu'avec la décision finale, à moins que ladite décision ne prévoie un recours indépendant.
Il est incontesté qu'une instance du premier degré, qui est amenée à rendre des décisions en exerçant son pouvoir d'appréciation conformément à la CBE, dispose d'une certaine marge d'appréciation, laquelle doit être respectée par la chambre de recours. C'est pourquoi une chambre de recours ne devrait statuer dans un sens différent de la manière dont l'instance de premier degré a exercé son pouvoir discrétionnaire que si elle estime que ladite instance a outrepassé les limites de ce pouvoir (cf. également G 7/93, JO OEB 1994, 775).
Dans l'affaire T 1849/12, la notification contestée de la division d'examen, qui avait valeur de décision, ne mettait pas fin à la procédure à l'égard du requérant. Dans cette notification, la division d'examen avait déclaré qu'un demandeur ne pouvait prétendre à une notification au titre de la règle 71(3) CBE tant que l'examen de la demande n'était pas terminé. La division avait expressément rejeté la requête subsidiaire du requérant visant à obtenir une décision susceptible de recours, et ce pour défaut de fondement juridique. Ce faisant, elle n'a visiblement pas attaché suffisamment d'importance au fait que, s'il était fait droit à un recours après la décision finale sur la délivrance, il ne serait plus raisonnablement possible de répondre à la requête du requérant demandant l'envoi immédiat d'une notification au titre de la règle 71(3) CBE pour permettre la délivrance rapide d'un brevet. La notification contestée causait donc un grief auquel il ne pouvait être remédié en formant un recours après la décision finale. Dans ces circonstances, la division d'examen aurait dû autoriser un recours indépendant, d'autant plus que la CBE ne prévoit aucun recours pour inaction de l'OEB (cf. également en ce sens J 26/87, JO OEB 1989, 329).
La division d'examen n'avait pas suffisamment tenu compte dans ses considérations d'un aspect essentiel et n'avait pas exercé son pouvoir d'appréciation correctement. La notification de la division d'examen devait donc être considérée comme une décision susceptible de faire l'objet d'un recours indépendant.
3. Clôture de la procédure de recours
3.1 Retrait du recours
3.1.1 Obligation faite à la chambre de rendre sa décision par écrit en cas de retrait du recours postérieur au prononcé de la décision
Dans l'affaire T 1518/11, après que la chambre a prononcé sa décision de ne pas faire droit au recours contre le rejet de la demande en cause et clos la procédure orale, le requérant a indiqué par lettre qu'il retirait son recours. Cependant, la décision avait été déjà prononcée par la chambre lors de la procédure orale et prenait dès lors effet ce même jour, si bien que la procédure de recours était close (suivant la décision T 843/91, JO OEB 1994, 818). Le moyen invoqué par le requérant après le prononcé de la décision était par conséquent dépourvu d'effet juridique.
Par ailleurs, une déclaration de retrait du recours présentée par le requérant (unique) après que la chambre a prononcé sa décision finale lors de la procédure orale ne supprime pas l'obligation pour la chambre de rendre par écrit une décision motivée et de la signifier au requérant (suivant la décision T 1033/04).
4. Renvoi à la première instance
4.1 Renvoi consécutif au dépôt ou à la production tardive d'un nouveau document pertinent
Dans l'affaire T 78/11, l'intimé (titulaire du brevet) a demandé le renvoi de l'affaire, alors que le requérant et les intervenants ont demandé que la chambre rende une décision finale. La chambre s'est référée à la décision G 1/94 (JO OEB 1994, 787), selon laquelle, lorsque de nouveaux motifs d'opposition sont exceptionnellement admis, il y a lieu de renvoyer l'affaire devant la première instance pour suite à donner, à moins que des raisons particulières conduisent à agir différemment.
Il appartenait donc à la chambre d'exercer son pouvoir d'appréciation pour décider d'ordonner ou non le renvoi de l'affaire à la première instance. Conformément à la décision G 1/94, de nouveaux motifs d'opposition soulevés par un intervenant peuvent être admis. Autrement dit, la procédure d'intervention est pour l'essentiel assimilée à une procédure d'opposition indépendante. La nature des nouveaux moyens de preuve était donc aussi déterminante que le stade de la procédure pour l'exercice du pouvoir d'appréciation.
Une procédure de contrefaçon en instance contre les intervenants est généralement à l'origine d'une intervention, ce qui a été pris en considération par la Grande Chambre de recours lorsqu'elle a estimé dans l'affaire G 1/94 qu'en règle générale, une procédure qui implique une intervention devrait faire l'objet d'un renvoi. C'est pourquoi, en l'espèce, la chambre a attaché peu d'importance au fait que le requérant, et particulièrement les intervenants, souhaitaient éviter un renvoi en raison de l'action en contrefaçon en cours. En outre, les nouvelles pièces produites soulevaient de nouvelles questions. La chambre a fait observer que les intervenants avaient la possibilité, par le choix des nouveaux moyens de preuve produits, d'influencer la décision de la chambre quant au renvoi (T 1469/07). L'affaire a été renvoyée à la première instance pour suite à donner.
4.2 Autorité des décisions de renvoi à l'instance du premier degré
4.2.1 L'instance du premier degré est liée par la décision de la chambre de recours
Selon l'art. 111(2) CBE, si la chambre renvoie l'affaire à l'instance de l'OEB qui a pris la décision attaquée, cette instance est liée par les motifs et le dispositif de la décision de la chambre de recours. Ainsi, lorsqu'après le renvoi, le titulaire du brevet présente de nouvelles requêtes imposant de réexaminer des questions qui ont déjà été tranchées par la chambre de recours, sans fournir les justifications qui pourraient l'être, par exemple en invoquant une situation nouvelle pour le titulaire du brevet, ces requêtes devraient être jugées irrecevables (T 383/11).
5. Moyens invoqués tardivement pendant la procédure de recours
Le règlement de procédure des chambres de recours indique dans les grandes lignes comment les chambres de recours doivent exercer leur pouvoir d'appréciation pour admettre des moyens produits à différents stades de la procédure de recours, ou ne pas en tenir compte.
5.1 Ensemble des moyens invoqués par une partie (article 12(2) RPCR)
Dans l'affaire T 1544/08, la chambre a déclaré dans l'exergue de sa décision que le fait de ne pas vouloir divulguer à des concurrents des informations précieuses sur le plan commercial ne constitue pas nécessairement un motif valable pour ne pas se conformer aux dispositions de l'art. 12(2) RPCR, selon lequel le mémoire exposant les motifs du recours doit contenir l'ensemble des moyens invoqués par le requérant.
À l'appui de son objection au titre de l'art. 100b) CBE, le requérant avait produit les résultats d'une modélisation à peine plus de deux mois avant la procédure orale. Il avait déclaré que les résultats présentés dans le document en question dataient du 18 janvier 2010, mais qu'ils n'avaient pas été soumis à ce stade de la procédure par crainte qu'ils ne révèlent des informations techniques pouvant être utiles à ses concurrents. Ces craintes s'étaient largement dissipées dans l'intervalle, le requérant faisant valoir à cet égard qu'il avait commercialisé un produit dénommé "ClimaCoat" à partir de décembre 2011. La chambre a estimé qu'un facteur d'ordre purement commercial ne saurait constituer un motif valable pour ne pas se conformer aux dispositions de l'art. 12(2) RPCR. En soumettant les résultats de la modélisation à peine plus de deux mois avant la procédure orale, et non (par exemple) peu après le début de la commercialisation du produit du requérant, celui-ci ne laissait que peu de temps à l'intimé pour effectuer une modélisation en réponse à ces moyens. La chambre a également fait observer que le requérant aurait dû pouvoir sélectionner certains paramètres de la modélisation qui n'avaient pas de rapport avec le produit concerné, afin d'éviter les problèmes de divulgation à la concurrence. La chambre a donc considéré qu'il y avait lieu, dans l'exercice du pouvoir d'appréciation que lui conférait l'art. 13(1) et (3) RPCR, de ne pas admettre dans la procédure les résultats de la modélisation.
5.2 Moyens non examinés par l'instance du premier degré (article 12(4) RPCR)
Conformément à l'art. 12(4) RPCR, la chambre de recours peut, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, ne pas admettre dans la procédure de recours les faits, preuves et requêtes qui auraient pu être produits ou n'ont pas été admis au cours de la procédure de première instance.
5.2.1 Cas où une partie s'abstient de produire des preuves pendant la procédure de première instance
Dans l'affaire J 5/11, la chambre de recours juridique a indiqué que l'obligation qui pèse sur l'OEB d'examiner d'office les preuves est plus étendue pour celles faisant partie du domaine public, et cela plaide davantage en faveur de l'admission de telles preuves lorsqu'elles sont produites par les parties tardivement. L'obligation qui incombe à l'OEB de procéder à l'examen d'office des preuves qui relèvent du domaine privé de la partie concernée est bien évidemment limitée. L'Office ne peut prendre en considération ces preuves que si la partie concernée les porte à sa connaissance. Si de telles preuves ne sont pas présentées lors de la procédure devant l'instance du premier degré de l'Office, on peut difficilement trouver une raison qui obligerait la chambre de recours à user du pouvoir d'appréciation que lui confèrent l'art. 114(2) CBE et l'art. 12(4) RPCR de manière à admettre ces preuves quand elles ne sont produites qu'avec le mémoire exposant les motifs du recours, voire à un stade encore plus avancé de la procédure de recours. Cela est d'autant plus vrai lorsque, comme c'était le cas dans la présente espèce, l'instance du premier degré a expressément attiré l'attention du requérant sur la nécessité de fournir des preuves, indiqué précisément le type de preuve requis et imparti au requérant un délai approprié pour les présenter. Par conséquent, une partie ayant présenté une requête en restitutio in integrum sans la motiver de façon adéquate au cours de la procédure de première instance, a fortiori après avoir été expressément invitée à le faire, ne peut normalement pas remédier à cette omission en présentant des preuves supplémentaires avec les motifs du recours.
Dans l'affaire T 724/08, la chambre a indiqué que l'art. 12(4) RPCR lui conférait le pouvoir de ne pas admettre dans la procédure les documents D10/10a et D11/11a, que le requérant (opposant) avait cités pour la première fois en tant qu'antériorités dans le mémoire exposant les motifs de son recours, dans la mesure où ces preuves auraient pu être produites au cours de la procédure de première instance.
Ayant déjà élevé l'objection d'absence de nouveauté au cours de la procédure d'opposition, le requérant aurait pu présenter ces documents dès la procédure de première instance, voire déjà dans le délai d'opposition. Il importait peu à cet égard que ce soit réellement par hasard que le requérant ait reçu à un stade ultérieur ces fascicules de brevet japonais ou les abrégés de brevets japonais correspondants, ou que ces documents aient été effectivement difficiles à trouver, étant donné que de telles circonstances ne peuvent l'emporter sur l'économie de la procédure et le principe d'équité envers l'autre partie. De même que le titulaire d'un brevet est tenu de produire, au cours de la procédure d'opposition devant l'instance du premier degré, des revendications de brevet modifiées, de même un opposant a l'obligation de présenter, au cours de la procédure de première instance, des documents mettant en cause des revendications de brevet admises. S'il ne les présente qu'avec le mémoire exposant les motifs du recours, comme c'est le cas en l'espèce, il court le risque de voir la chambre ne pas les admettre dans la procédure de recours, en vertu du pouvoir visé à l'art. 12(4) RPCR.
Dans l'exercice de ce pouvoir, la chambre peut faire dépendre l'admission d'un document dans la procédure de recours de la question de savoir s'il est de prime abord pertinent. Cependant, la chambre n'a aucune obligation de le faire, car, dans le cas contraire, un opposant pourrait se contenter de ne produire un document (très) pertinent qu'avec le mémoire exposant les motifs du recours, dans la certitude que ce document sera admis dans la procédure de recours au motif qu'il est pertinent.
Dans la présente affaire, la chambre n'a pas répondu à la question de la pertinence des documents cités, qui a été soulevée par les parties. Elle a en effet estimé que, quand bien même ces documents auraient été pertinents, il n'y avait pas lieu, pour des raisons d'économie de la procédure, d'admettre dans la procédure de recours des documents qui n'avaient été trouvés que fortuitement et qui n'avaient pas fait l'objet d'une recherche ciblée à un stade antérieur de la procédure.
5.2.2 Cas où le titulaire du brevet s'abstient de produire une requête pendant la procédure d'opposition
Dans la décision T 1125/10 le requérant avait eu connaissance de la mise aux débats des deux documents nouveaux par l'opposant (intimé) et de ses arguments (au moins) trois jours avant la date prévue pour la procédure orale devant la division d'opposition. Donc, plusieurs réactions possibles s'offraient au requérant telles que
- demander de ne pas admettre les documents tardifs;
- demander d'ajourner la procédure orale ou
- reconsidérer sa décision de ne pas assister à la procédure orale.
Aucune de ces possibilités n'avait été choisie. Même le mémoire de recours ne contenait aucun argument lié à ce défaut de réaction. Cependant, la question n'était pas celle d'un délai minimum à concéder, et pas plus que celle de combien de temps le requérant aurait eu besoin pour se préparer à la procédure orale en question, à laquelle il n'allait quand même pas assister. En ce que concernait le pouvoir de la chambre de considérer irrecevables des requêtes qui étaient présentées pour la première fois dans la procédure de recours, la question pertinente était de savoir si le fait que les nouvelles requêtes n'avaient pas été examinées déjà par la première instance n'était pas attribuable à celle-là (ici la division d'opposition), mais à la partie concernée (ici le requérant), qui, par son comportement, avait contrecarré, de fait, un tel examen (comme il a été constaté dans l'affaire T 1067/08).
C'était le requérant, qui, par sa passivité totale au vu de nouveaux documents manifestement pertinents, était responsable du fait que la division d'opposition n'avait pas pu rendre une décision motivée sur l'objet des revendications modifiées en réponse à ces documents et, par conséquent, la chambre de recours était dans la situation où elle devrait donner un avis en premier et aussi dernier ressort ou renvoyer le cas à la première instance et cela alors même que le requérant de nouveau n'assistait pas à la procédure. La chambre a donc décidé que les nouvelles requêtes du requérant n'étaient pas admises dans la procédure.
Dans l'affaire T 936/09, la chambre devait décider si l'unique requête produite par le requérant (titulaire du brevet) pour la première fois en même temps que le mémoire exposant les motifs du recours pouvait être admise au titre de l'art. 12(4) RPCR. Au cours de la procédure de première instance, le titulaire du brevet n'avait ni répondu à l'opposition sur le fond, ni demandé de procédure orale, indiquant simplement qu'il souhaitait maintenir le brevet tel que délivré. La division d'opposition avait révoqué le brevet pour absence de nouveauté sans procédure orale préalable. La chambre a souligné que la CBE ne contient aucune disposition obligeant le titulaire d'un brevet à participer activement à la procédure d'opposition. Toutefois, le titulaire du brevet n'est pas libre de présenter ou de compléter ses arguments à n'importe quel moment de la procédure d'opposition ou de la procédure de recours faisant suite à une opposition, en fonction, par exemple, de sa stratégie procédurale ou de sa situation financière. Si le titulaire du brevet décide de s'abstenir de répondre à l'opposition sur le fond (par exemple en produisant des arguments ou des revendications modifiées) ou de ne pas compléter ses moyens au stade de la procédure de première instance et qu'il ne présente ou ne complète son argumentation que dans l'acte de recours ou le mémoire exposant les motifs du recours, il doit s'attendre à ce que la chambre lui demande de répondre de cette conduite, par exemple lorsqu'elle est amenée à exercer le pouvoir d'appréciation que lui confère l'art. 12(4) RPCR. Cela s'applique tout particulièrement dans le cas où le titulaire du brevet connaît l'ensemble des motifs de révocation du brevet attaqué avant de recevoir la décision contestée.
5.2.3 Requêtes admises du fait qu'elles s'inscrivent dans le cadre d'un déroulement normal de la procédure
Dans l'affaire T 134/11, l'intimé avait demandé que, conformément à l'art. 12(4) RPCR, la requête principale ne soit pas admise dans la procédure, étant donné qu'elle aurait déjà pu être produite au cours de la procédure d'opposition devant l'instance du premier degré. La chambre a indiqué que, conformément à l'art. 12(4) RPCR, elle peut, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, considérer (ou non) comme irrecevable une requête qui aurait pu être produite au cours de la procédure de première instance. Par conséquent, le simple fait qu'une requête aurait pu être présentée pendant la procédure de première instance ne conduit pas automatiquement en soi à l'irrecevabilité de cette requête (car cela signifierait en l'occurrence que la chambre n'a pas de pouvoir d'appréciation). Au contraire, ce n'est que dans des cas exceptionnels qu'une telle requête est en principe irrecevable, par exemple lorsqu'elle n'est présentée qu'au stade du recours dans le but d'éviter que certaines questions ne soient tranchées par la division d'opposition, et que la décision est dès lors confiée à l'instance du deuxième degré (une pratique qualifiée de "forum shopping" – ou "vagabondage judiciaire" – dans l'affaire T 1067/08). Dans la présente affaire, l'intention du requérant n'était vraisemblablement pas d'éviter que la division d'opposition ne prenne de décision concernant ladite requête principale. De plus, celle-ci ne soulevait pas de nouvelles questions, mais s'inscrivait simplement dans le prolongement de la démarche adoptée par le requérant tout au long de la procédure d'opposition devant l'instance du premier degré. On ne saurait donc faire valoir que le requérant, en ne déposant cette requête qu'au stade du recours, avait évité que la division d'opposition ne tranche certaines questions, et qu'il s'était livré ainsi à un vagabondage judiciaire entre les instances concernées. La requête principale était donc recevable. Contrairement à l'opinion de l'intimé, cette conclusion ne divergeait pas des décisions T 144/09 et T 936/09. Dans ces décisions, certaines requêtes avaient été rejetées essentiellement au motif que le titulaire du brevet n'avait présenté aucune requête qui aurait pu lever l'objection de la division d'opposition pendant la procédure de première instance, et qu'il n'avait en fait présenté une telle requête qu'au stade du recours.
5.2.4 Procédure de révision
Dans les affaires R 11/11 et R 13/11, les requérants ont reproché aux chambres de recours d'avoir décidé en vertu du pouvoir d'appréciation conféré par l'art. 12(4) RPCR de ne pas admettre les requêtes subsidiaires qu'ils avaient présentées. La Grande Chambre a estimé qu'il ressortait clairement de sa jurisprudence que les procédures de révision ne sauraient être utilisées pour remettre en question l'exercice du pouvoir d'appréciation par une chambre de recours si cela impliquait que des questions de fond soient indûment examinées. Ce principe a également été confirmé dans le contexte spécifique du pouvoir d'appréciation au titre de l'art. 12(4) RPCR.
Dans l'affaire R 4/13, la Grande Chambre de recours a indiqué que, dans les cas où une chambre décide de ne pas admettre une requête en application de l'art. 12(4) RPCR, la question de savoir si et dans quelles circonstances la partie aurait présenté une telle requête est inévitablement une source de conjectures. De telles conjectures sont toutefois sans pertinence pour l'existence et l'exercice du pouvoir d'appréciation, et la chambre, agissant très à propos, ne s'est pas livrée à de quelconques hypothèses. Le fait que la chambre avait compétence pour ne pas admettre les requêtes concernées n'était donc en réalité pas contesté. La question de leur admission avait été soulevée dans la notification de la chambre et le requérant avait été entendu à ce sujet lors de la procédure orale.
5.3 Modification des moyens invoqués par une partie – économie de la procédure (article 13(1) RPCR)
Dans l'affaire T 1033/10, la complexité de la modification n'a pas été considérée comme un facteur qui aurait conduit en tant que tel la chambre à ne pas admettre la requête qui avait été produite à 14 h 40 pendant la procédure orale. La chambre a fait observer que le requérant avait eu de nombreuses occasions de modifier les revendications en réponse aux objections relatives au manque de clarté. Bien que le requérant ait fait valoir qu'il n'avait compris l'objection concernant le manque de clarté qu'après la discussion qui s'était déroulée pendant la procédure orale, cela ne justifiait pas le dépôt, à ce stade de la procédure, d'une requête destinée à répondre à cette objection.
L'état d'avancement de l'instruction, ainsi que la nécessité de veiller à l'économie de la procédure sont deux critères qui, pris conjointement, imposent à une partie de présenter dès que possible des requêtes appropriées dont elle souhaite l'admission et l'examen. Si une objection (soulevée par une partie et/ou par la chambre) pose des problèmes de compréhension dans un cas particulier, il incombe à tout le moins à la partie ayant des difficultés de compréhension de le signaler le plus tôt possible et de s'efforcer d'obtenir des éclaircissements. Un problème de compréhension ne saurait à lui seul justifier qu'une partie attende un stade avancé de la procédure pour modifier les moyens qu'elle a invoqués.
Dans l'affaire T 1732/10, la chambre a estimé que le fait de ne pas répondre sur le fond au recours formé par l'opposant, mais d'attendre l'avis préliminaire de la chambre pour ce faire est considéré comme un abus de procédure. Cette attitude est en effet contraire à la juste répartition des droits et obligations entre les deux parties dans les procédures inter partes, ainsi qu'au principe en vertu duquel les deux parties doivent présenter l'ensemble de leurs moyens dès le début de la procédure. Ces deux critères sont clairement énoncés dans le règlement de procédure des chambres de recours.
Ceci est d'autant plus vrai si tous les éléments destinés à étayer les requêtes présentées après l'envoi de la citation à une procédure orale ne sont produits que peu de temps avant ladite procédure devant la chambre. De telles requêtes – lorsqu'elles ne sont pas évidentes – sont considérées par la chambre comme n'ayant été présentées qu'à la date à laquelle sont fournies les explications destinées à les étayer. Des requêtes présentées aussi tardivement vont à l'encontre du principe d'économie de la procédure, ne tiennent pas compte de l'état de la procédure et ne peuvent être raisonnablement instruites par la chambre sans qu'il soit nécessaire d'ajourner la procédure ou de renvoyer l'affaire à l'instance du premier degré, ce qui est contraire à l'art. 13(1) et (3) RPCR.
Lorsque ces requêtes présentées très tardivement reprennent des objets disponibles uniquement dans la description, il ne peut être systématiquement admis que ces objets étaient couverts par la recherche effectuée initialement, ni qu'il relève automatiquement de la responsabilité de l'opposant d'exécuter une telle recherche.
5.4 Non-comparution d'une partie à la procédure orale (article 15(3) RPCR)
Dans l'affaire T 1949/09, la chambre n'a pas admis dans la procédure les essais produits à un stade tardif. L'unique raison invoquée à l'appui du dépôt tardif de ces essais, à savoir les délais requis pour obtenir une autorisation concernant ces essais et pour les réaliser, ne pouvait justifier le fait qu'ils avaient été soumis presque trois ans après le mémoire exposant les motifs du recours, plus de deux ans après la réponse de l'intimé et seulement quinze jours avant la procédure orale qui avait été organisée, et ce d'autant plus que le requérant n'avait jamais informé la chambre qu'il rencontrait des difficultés pour fournir d'autres preuves, et qu'il n'avait pas non plus demandé une prolongation de délai pour les préparer. Mis à part le dépôt tardif injustifié, un certain nombre de questions se posaient en ce qui concerne la pertinence des essais et ces questions ne pouvaient être réglées sans ajournement de la procédure. L'art. 15(3) RPCR, qui dispose que la chambre n'est pas tenue de différer une étape de la procédure, y compris sa décision, au seul motif qu'une partie est absente lors de la procédure orale, ne va pas jusqu'à vider l'art. 113(1) CBE de sa substance. Par conséquent, l'intimé, qui avait décidé de ne pas assister à la procédure orale, pouvait escompter que les dispositions d'ordre procédural seraient appliquées, à savoir que la décision se fonderait sur les pièces écrites, au sens de l'art. 12 RPCR, et qu'aucune modification significative des moyens invoqués ne serait admise si cette modification allait au-delà du cadre prévu par l'art. 13 RPCR (cf. également T 1621/09).
6. Remboursement de la taxe de recours
Dans l'affaire T 1500/10, la chambre a estimé que si une procédure orale a eu lieu d'office parce que l'OEB l'a jugé utile conformément à l'art. 116(1) CBE, et que la partie dûment citée n'y a pas assisté sans motifs réels, cela peut avoir pour conséquence que le remboursement de la taxe de recours ne serait pas équitable. (Voir également le chapitre III.C. "Procédure orale".)
Concernant le remboursement de la taxe de recours, voir aussi les saisines G 1/14 (décision de saisine T 1553/13) et G 2/14 (décision de saisine T 2017/12).
7. Procédures devant la Grande Chambre de recours
7.1 Question de droit d'importance fondamentale
7.1.1 Situations ne justifiant pas la saisine
Dans l'affaire T 2459/12, le requérant a demandé la saisine de la Grande Chambre de recours au sujet de l'application correcte de la règle 164 CBE, au motif que des questions de droit d'importance fondamentale se posaient. La chambre a reconnu que les questions proposées auraient une incidence sur l'issue de l'affaire, mais a renvoyé à l'affaire T 26/88, dans laquelle une demande de saisine a été rejetée au motif que le règlement d'exécution avait été modifié ultérieurement. Comme il était vraisemblable que le problème ne se pose plus que très rarement à l'avenir, la question n'était pas suffisamment importante pour justifier une saisine.
Une version de la règle 164(1) CBE qui, comme le reconnaissait le requérant, supprimerait les effets désavantageux de la version actuelle, avait été adoptée par le Conseil d'administration. Une réponse aux questions soumises ne présentait donc pas d'intérêt général significatif puisque la décision de la Grande Chambre concernerait uniquement un faible nombre de demandeurs, et ce pour une période limitée, après laquelle cette décision deviendrait obsolète. Il n'était pas non plus raisonnable de croire que la décision de la Grande Chambre de recours serait émise avant l'entrée en vigueur de la nouvelle règle. En outre, la chambre avait rendu sa décision en se fondant sur ce qui représentait selon elle une interprétation correcte de l'avis G 2/92 (JO OEB 1993, 591), si bien qu'aucune saisine n'était nécessaire pour trancher l'affaire.
7.2 Requête en révision au titre de l'article 112bis CBE
7.2.1 Généralités
Dans l'affaire R 15/13, la requête était rédigée dans un style très émotionnel et comprenait de nombreux propos désobligeants qui étaient grande partie déplacés et dénués de fondement apparent dans la requête (il était par exemple question d'une "décision montée de toute pièce", de "partialité", de "brevet volé", de "jalousie", de "mauvaise foi flagrante", d'"agressivité, de corruption et de fraude").
En conséquence, la Grande Chambre de recours a examiné si la requête était "motivée" au sens de l'art. 112bis(4) CBE. Cependant, compte tenu des excuses présentées par écrit par le mandataire pour l'emploi d'un tel langage et du retrait effectif des allégations offensantes au début de la procédure orale, la Grande Chambre de recours ne s'est pas davantage penchée sur cette question. La requête a été jugée recevable. (Elle a finalement été rejetée comme étant manifestement non fondée).
7.2.2 Étendue de la révision par la Grande Chambre de recours
a) Étendue de l'examen effectué par la Grande Chambre de recours
Il a de nouveau été confirmé qu'une requête en révision ne saurait être utilisée aux fins de réexaminer la manière dont une instance juridictionnelle telle qu'une chambre de recours a exercé son pouvoir d'appréciation sur une question de procédure (R 4/13, suivant R 10/09 et R 11/11).
7.2.3 Obligation de soulever des objections conformément à la règle 106 CBE
a) Obligation de soulever des objections
Dans l'affaire R 5/12, la Grande Chambre de recours, renvoyant à l'affaire R 4/08, a indiqué que soulever une objection conformément à la règle 106 CBE était un acte de procédure et, à moins qu'une telle objection n'ait pu être soulevée durant la procédure de recours, une condition préalable pour exercer cette voie de recours extraordinaire contre des décisions des chambres de recours passées en force de chose jugée. La validité de cet acte dépend des deux critères suivants :
- l'objection doit être formulée de telle manière que la chambre de recours soit capable de reconnaître immédiatement et sans nul doute qu'il s'agit d'une objection au sens de la règle 106 CBE et
- l'objection doit être spécifique, en ce sens que la partie doit indiquer sans ambiguïté quel vice particulier visé à l'art. 112bis(2)a) à c) et à la règle 104 CBE elle entend invoquer.
Dans l'affaire T 1544/08, la chambre a rouvert la discussion après que le requérant eut soulevé une objection au titre de la règle 106 CBE selon laquelle la chambre avait commis un vice substantiel de procédure en "décidant" que les dessins de la demande telle que déposée initialement étaient ceux produits par l'intimé. À l'issue de la discussion qui a suivi, la chambre a indiqué qu'elle considérait que les objections de procédure soulevées par le requérant avaient été levées.
b) Objections non conformes à la règle 106 CBE
Dans l'affaire R 2/12, la Grande Chambre de recours a insisté sur l'importance de l'exigence formelle de soulever une objection au titre de la règle 106 CBE (par opposition à la formulation d'une simple remarque accessoire). Les objections viennent s'ajouter aux autres déclarations et en sont distinctes (suivant R 4/08). Il appartient à la partie concernée de vérifier si son objection relative à un vice fondamental de procédure survenu au cours d'une procédure orale a été reconnue par la chambre et sera traitée. Dans l'affaire en cause, les parties et la chambre étaient en désaccord sur ce qui avait été dit exactement. Étant donné que le vice de procédure était manifeste pendant la procédure orale, la requête a été jugée irrecevable en vertu de la règle 106 CBE.
Dans l'affaire T 518/10, le requérant avait soulevé une objection au titre de la règle 106 CBE, invoquant la violation de son droit d'être entendu au titre de l'art. 113(1) CBE en cela que sa demande de report de la procédure orale avait été rejetée et que certains documents n'avaient pas été admis. La chambre n'ignorait pas que la règle 106 CBE posait une condition de recevabilité des requêtes en révision, laquelle était soumise à l'appréciation de la Grande Chambre de recours. Le moment auquel une objection est soulevée a toutefois une incidence sur les possibilités de réaction qui s'offrent à la chambre concernée. Cette dernière doit être en mesure de réagir immédiatement et de manière appropriée, soit en rejetant l'objection soit en en supprimant la cause (R 4/08, R 14/11). Le requérant aurait donc dû soulever toute objection portant sur le refus de reporter la procédure orale immédiatement après la signification de la notification correspondante (R 3/08). De même, la chambre avait annoncé relativement tôt son refus d'admettre les documents en cause, mais le requérant n'avait soulevé son objection qu'après que la chambre eut informé les parties de son avis négatif concernant la suffisance de l'exposé. En adoptant cette attitude attentiste, le requérant avait limité les possibilités s'offrant à la chambre pour réagir à l'objection soulevée ultérieurement au titre de la règle 106 CBE.
7.2.4 Contenu de la requête en révision conformément à la règle 107 CBE
Dans la décision R 4/12, il était fait grief à la chambre de recours de ne pas avoir traité la question de D1 en ce qu'il décrit des moyens d'accès à des informations mais en aucun cas à des services. Il n'était pas fait état de ce grief dans la requête en révision. Ce grief étant par conséquent tout à fait nouveau, il ne pouvait, pour cette raison, influencer la décision concernant la recevabilité ou le bien-fondé de la requête en révision prise sur la base des motifs, faits, arguments et éléments de preuve présentés dans la requête.
7.2.5 Violation fondamentale de l'article 113 CBE (article 112bis(2)c) CBE)
a) Pas de violation fondamentale de l'article 113 CBE
(i) Rôle des chambres de recours
Dans l'affaire R 2/13, la Grande Chambre de recours a rejeté le postulat de l'auteur de la requête en révision selon lequel, dans les affaires ex parte, la chambre était tenue d'informer le requérant de ses motifs et arguments, assumant ainsi le rôle habituellement conféré à l'opposant dans les affaires inter partes. Ce postulat est dénué de fondement juridique. Il existe en effet un principe bien établi selon lequel on ne saurait être à la fois juge et partie. Les parties ont certes le droit de présenter leurs observations sur les questions qui revêtent une importance décisive pour la décision, mais le point de vue selon lequel ce droit s'étend à toutes les étapes du raisonnement (les "arguments" au sens de la décision G 4/92, JO OEB 1994, 149) repose sur une interprétation erronée de la terminologie employée. Exiger que la chambre informe le requérant de chaque étape de son raisonnement allait trop loin, comme cela a été confirmé à plusieurs reprises dans la jurisprudence (cf. p. ex. R 18/09 et R 10/10). L'instance appelée à statuer n'est pas non plus tenue d'aborder chacun des arguments présentés par la partie (R 19/10, R 13/12, R 6/11). Dès lors qu'un motif rend l'invention évidente, les arguments à l'appui de l'activité inventive n'ont plus lieu d'être examinés.
Dans l'affaire R 12/12, la Grande Chambre de recours a fait observer que si le requérant découvre d'éventuels faits nouveaux qui n'ont pas été révélés ou ne l'ont été que partiellement, il doit demander une explication à la chambre. Le fait de laisser passer cette occasion et de présenter ensuite une requête en révision ne diffère pas du comportement qui a été jugé potentiellement inéquitable par la Grande Chambre de recours dans l'affaire R 21/11. Il appartient à une partie qui réclame une décision en sa faveur de participer activement à la procédure, et ce au moment opportun et de sa propre initiative (suivant R 2/08).
(ii) Motifs quant au fond
Dans l'affaire R 4/12, la Grande Chambre de recours a estimé que des remarques faites par le président d'une chambre juste avant le prononcé de la décision, souvent à titre de simple information, ne constituent pas les motifs d'une décision. Elles ne sont pas formulées dans ce but, ne font généralement pas l'objet d'un compte rendu officiel et elles ne sont souvent pas le fruit d'une analyse approfondie. Ce sont les motifs écrits du rejet du recours qui sont pertinents. Il importe en outre de savoir si le requérant a eu la possibilité de se prononcer sur ces motifs et/ou si ces motifs prennent dûment en considération les arguments invoqués par le requérant au cours de la procédure.
(iii) Possibilité de prendre position
Dans l'affaire R 13/12, le requérant avait bien précisé que le fond de sa requête ne portait pas sur le fait qu'il n'avait pas eu suffisamment la possibilité de plaider sa cause, mais que les arguments principaux qu'il avait présentés n'avaient pas été pris en considération ou traités dans la décision. La Grande Chambre de recours est convenue qu'il était sans conteste que le droit d'être entendu ne se limitait pas à un droit de parole purement formel mais impliquait aussi l'obligation pour les chambres de recours de considérer les arguments des parties. Cette obligation dépend des circonstances de chaque cas d'espèce. Cela signifie que les chambres sont tenues d'examiner dans leurs décisions les questions et arguments dans la mesure où ils sont pertinents pour la décision et qu'elles peuvent ne pas tenir compte des arguments non pertinents. Les chambres ne sont pas obligées d'utiliser des termes spécifiques ou les mêmes formulations que les parties, et les parties doivent accepter que la réfutation d'arguments puisse découler implicitement du raisonnement particulier développé par les chambres. Dans le cas d'espèce, la Grande Chambre de recours, qui n'avait certes pas compétence pour réexaminer les conclusions de la chambre quant au fond, était convaincue que la décision faisant l'objet de la requête en révision avait pris en considération les arguments du requérant.
Pour approfondir la question, il aurait fallu déterminer si la chambre avait bien compris les arguments du requérant et si elle y avait répondu correctement. Cela impliquait le réexamen de la décision quant au fond (un moyen de recours qui n'est pas prévu par la CBE), ce qui dépasserait la portée d'une requête en révision telle qu'envisagée par le législateur (cf. p. ex. R 4/11). La Grande Chambre de recours devait rester vigilante et prévenir toute tentative d'estomper la frontière entre ce qui relève très clairement de la violation du droit d'être entendu au titre des art. 113 et 112bis(2)c) CBE (par exemple ne pas tenir compte d'un fait invoqué important) et ce qui est présenté comme étant une violation du droit d'être entendu, mais qui concerne en réalité la teneur de la décision.
Dans l'affaire R 1/12, la Grande Chambre de recours a précisé que le respect du droit d'être entendu n'impliquait pas nécessairement que la partie ait eu la possibilité de se prononcer sur toutes les questions de droit et de fait qui lui paraissaient importantes. C'est plutôt sur les motifs de la décision que porte le droit de prendre position au sens de l'art. 113(1) CBE et c'est à l'instance appelée à statuer d'identifier ces motifs. Toute erreur qu'elle commet ce faisant relève alors du bien-fondé de la décision et non d'une violation de l'art. 113(1) CBE. De la même manière, le fait de limiter voire de refuser le droit d'être entendu sur des questions de droit ou de fait non fondamentales au regard des motifs (déterminants) de la décision ne saurait constituer une telle violation. Au contraire, pour garantir le déroulement équitable, régulier et efficace de la procédure, le président de la chambre compétente conduit la procédure orale pour éviter, quelle que soit la partie concernée, toutes interventions qui s'éloignent du sujet, ne sont pas (ou plus) pertinentes ou sont redondantes,.
(iv) Requêtes des parties
Dans l'affaire R 17/11, la Grande Chambre de recours a estimé qu'il n'appartenait pas à une chambre de recours de veiller à ce que tous les points soulevés à un moment quelconque de la procédure de recours soient abordés lors de la procédure orale.
C'est aux parties qu'il incombe de soulever tout point qu'elles jugent pertinent et qui serait susceptible d'être oublié, et de demander qu'il soit traité – le cas échéant en présentant une requête officielle. Ensuite, si la chambre ne lui donne pas l'occasion de présenter ses arguments, il peut y avoir lieu d'invoquer la violation du droit d'être entendu au titre de l'art. 113(1) CBE. Cette approche a été confirmée dans les affaires R 9/11 et R 11/12.
Suivant la décision R 17/11, la Grande Chambre de recours a également confirmé dans l'affaire R 9/11 que la décision prise par une chambre d'admettre ou non une requête produite tardivement relève en premier lieu de son pouvoir d'appréciation et ne peut donc faire l'objet d'un réexamen que lorsque la manière dont la chambre a exercé ce pouvoir d'appréciation constituait une violation fondamentale de l'art. 113 CBE. Les critères pertinents ne sont pas de savoir si la décision était correcte ou non ou si la Grande Chambre de recours aurait rendu la même décision.
Dans l'affaire R 1/13, le requérant avait fait valoir que le droit d'être entendu en vertu de l'art. 113 CBE comportait implicitement le droit à une réaction complète permettant de lever toute objection soulevée tardivement. Selon lui, ce droit ne pouvait être garanti que si toutes les nouvelles requêtes déposées en réponse à une telle objection étaient examinées sur le fond, ce qui impliquait à son tour que ces requêtes soient admises. La Grande Chambre de recours a indiqué qu'elle ne partageait pas ce point de vue. L'art. 113 CBE prévoit simplement que les décisions ne sauraient être fondées sur des questions sur lesquelles les parties n'ont pas eu la possibilité de présenter leurs observations. Or, en l'occurrence, la question était de savoir s'il convenait d'admettre ou non les nouvelles requêtes, et, sur ce point, l'auteur des requêtes avait bien eu la possibilité de prendre position.
(v) Commentaires de l'examinateur au cours de la procédure orale devant la chambre de recours
Le requérant dans l'affaire R 4/12 a affirmé qu'au cours de l'interruption de la procédure orale, il avait été surpris d'apprendre du seul tiers assistant à l'audition, qui s'était présenté comme étant l'examinateur qui avait émis la décision de rejet de la demande, que le recours allait être rejeté, alors même que le greffier n'avait pas encore annoncé la reprise de la procédure orale. La Grande Chambre a estimé toutefois que cette affirmation n'avait aucune incidence sur les moyens invoqués par le requérant au sujet de la violation de son droit d'être entendu prévu à l'art. 113(1) CBE.
(vi) Lien de causalité
Dans l'affaire R 21/11, le requérant avait fait valoir que pour établir la pertinence d'une requête sur laquelle il n'avait prétendument pas été statué au sens de la règle 104 b) CBE, il ne s'agissait pas de savoir si la requête, au cas où il aurait été statué à son sujet, aurait conduit à un autre résultat, mais si elle aurait pu conduire à un autre résultat. La Grande Chambre de recours a indiqué qu'elle partageait globalement ce point de vue. Il n'y avait aucune raison d'admettre une requête en révision lorsque la requête sur laquelle il n'a pas été statué n'aurait pas pu avoir d'incidence sur l'issue du recours, même s'il apparaît clairement qu'elle n'a pas été traitée. En revanche, si une requête n'était jugée pertinente que dans les cas où il peut être établi sans aucun doute possible qu'elle aurait changé l'issue du recours, les dispositions de la règle 104 b) CBE seraient largement dépourvues d'objet (en dehors du fait qu'un réexamen des questions de fond serait nécessaire). Selon la Grande Chambre de recours, il y avait donc lieu de définir une requête "pertinente pour la décision" au sens de la règle 104 b) CBE comme une requête susceptible de changer l'issue de la procédure de recours.
Ce point de vue est conforme à la jurisprudence de la Grande Chambre de recours concernant la violation du droit d'être entendu en tant que motif de révision. L'une des conditions énoncées par la jurisprudence constante de la Grande Chambre de recours est qu'il doit exister un lien de causalité entre le vice de procédure que constitue la violation du droit d'être entendu et la décision rendue. Ce lien suppose que le vice de procédure a eu une incidence déterminante sur la décision rendue (jurisprudence constante suivant la décision R 1/08), en d'autres termes qu'il ne peut être exclu que la décision aurait été différente si le droit d'être entendu dont le requérant invoque en l'occurrence la violation avait été respecté. Dans le cas d'espèce, il était satisfait à cette condition.
Dans l'affaire R 4/12, la Grande Chambre de recours a souligné qu'il ne pouvait y avoir eu atteinte à l'art. 113(1) CBE du seul fait que la décision traitait des arguments qui n'auraient peut-être jamais fait partie des moyens du requérant, même s'ils étaient susceptibles de plaider en sa faveur. En d'autres termes, il n'existait aucun lien de causalité entre le vice de procédure allégué et la décision.
b) Violation fondamentale de l'article 113 CBE
Dans l'affaire R 15/11, la chambre a estimé que la requête subsidiaire ne satisfaisait pas aux exigences de l'art. 84 CBE. Le dossier ne contenait toutefois aucune indication, explicite ou implicite, selon laquelle un éventuel manque de clarté aurait fait l'objet d'une discussion ou d'une objection quelconque. La Grande Chambre de recours a indiqué qu'elle n'avait pas compétence pour mener des recherches plus approfondies afin de déterminer si le requérant avait ou aurait pu avoir connaissance des doutes de la chambre. En l'absence d'une telle indication, il était évident qu'il n'appartenait pas à la partie invoquant la violation de son droit d'être entendu en vertu de l'art. 113 CBE d'apporter la preuve du contraire (negativa non sunt probanda).
C'est à la chambre qu'il appartient de rédiger ses propres textes de manière à ce que le lecteur, au regard de l'ensemble des pièces présentes au dossier, soit en mesure de conclure au respect du droit d'être entendu au sens de l'art. 113 CBE en ce qui concerne les motifs qui avaient fondé la décision de la chambre. La Grande Chambre de recours n'était pas en mesure de déterminer si le droit du requérant d'être entendu avait été respecté. Il y avait donc lieu de supposer qu'il y avait effectivement eu violation des droits conférés au requérant par l'art. 113(1) CBE, violation qui revêtait un caractère fondamental au sens de l'art. 112bis(2)c) CBE puisqu'elle portait sur le motif de rejet final du recours par la décision faisant l'objet de la requête en révision. La requête en révision a donc été admise.
Voir aussi, ci-dessous, l'affaire R 21/11.
7.2.6 Autre vice fondamental de procédure (article 112bis(2)d) CBE)
a) Requêtes des parties au titre de la règle 104b) CBE
(i) Décision sur une requête au titre de la règle 104b) CBE
Dans l'affaire R 21/11, l'auteur de la requête en révision a fait valoir ce qui suit :
(1) La chambre de recours a statué sur le recours sans se prononcer sur une requête pertinente pour la décision, à savoir une requête en vue de l'admission d'un deuxième avis d'expert produit par télécopie (art. 112bis(2)d) et règle 104 b) CBE). De plus, la non-prise en compte du deuxième avis d'expert dans la décision de la chambre de recours constituait une violation du droit du titulaire du brevet d'être entendu (art. 112bis(2)c) et 113(1) CBE) ;
(2) Il y avait violation du principe du contradictoire étant donné que l'auteur de la requête n'a pas disposé de suffisamment de temps (seulement cinq jours ouvrables) pour répondre à l'objection d'absence de nouveauté eu égard au document D8 mentionnée pour la première fois dans une notification de la chambre. Ce deuxième motif a été considéré comme recevable (voir point 7.2.3 b) ci-dessus).
La Grande Chambre de recours a estimé que lorsque l'on interprète l'exigence énoncée à la règle 104 b) CBE, il faut bien avoir à l'esprit que le fait d'invoquer comme motif de révision la non-prise en compte d'une requête est une manifestation particulière du droit d'être entendu et que ce droit existe, que la partie concernée ait ou non des éléments à présenter qui auraient convaincu la chambre. Il serait erroné de définir la pertinence aux fins de la règle 104 b) CBE de manière si stricte que l'on ne puisse constater le motif mentionné à cette règle, alors qu'on pourrait le faire pour le motif visé à l'art. 112bis(2)c) CBE pour des faits identiques. Un tel argument, à savoir que la requête non prise en compte dans la décision n'était pas pertinente puisque son admission n'aurait rien changé au résultat de la procédure, ne pourrait prospérer que s'il pouvait être démontré que tout ce qui a été "perdu" en raison de la non-admission de la requête, a été néanmoins pris en compte dans la décision à examiner.
Selon la Grande Chambre de recours, il est approprié de définir l'expression "pertinente pour cette décision" figurant à la règle 104 b) CBE comme étant de nature à modifier le résultat de la procédure de recours.
Pour qu'il y ait violation du droit d'être entendu, il doit exister un lien de causalité entre le vice de procédure que constitue la violation du droit d'être entendu et la décision prise, en ce sens que le vice de procédure joue un rôle décisif pour la décision prise. Cette condition était remplie en l'espèce (voir point 7.2.5 a) ci-dessus).
Selon la Grande Chambre de recours, le premier vice de procédure constituait également une violation du droit d'être entendu (art. 112bis(2)c) ensemble l'art. 113(1) CBE). L'auteur de la requête avait fait valoir que cette violation découlait de la non-prise en compte du deuxième avis d'expert. La Grande Chambre de recours a en revanche considéré que la violation du droit d'être entendu résultait du fait que la chambre de recours n'avait pas pris en considération la requête en admission de l'avis d'expert. S'il avait été fait droit à cette requête, celle-ci aurait pu influer sur le résultat de la procédure ; il existait donc un lien de causalité entre cette possibilité pour la chambre de recours de prendre position, qui a été refusée en requérant, et la décision de ladite chambre. La décision attaquée a donc été annulée.
7.3 Examen de la requête en révision conformément à la règle 108 CBE
7.3.1 Remplacement de membres de la chambre de recours en application de la règle 108(3) CBE
Si la requête en révision est fondée, la Grande Chambre de recours peut ordonner que les membres de la chambre de recours qui ont participé à la décision annulée soient remplacés (règle 108(3) CBE). Dans l'affaire R 21/11, la Grande Chambre de recours a considéré que l'utilisation du terme "peut" ("kann" et "may" respectivement dans les textes allemand et anglais) revêtait une importance particulière, car ce terme lui conférait un pouvoir d'appréciation quant à la question de savoir s'il convenait ou non d'ordonner le remplacement de membres de la chambre. Ce pouvoir d'appréciation doit être exercé de manière équitable et selon le principe de proportionnalité en tenant compte des faits de la cause. S'il devait par exemple apparaître que les membres qui ont participé à une décision révisée sont partiaux ou seraient susceptibles de l'être, il pourrait être approprié d'ordonner leur remplacement. En l'absence de motif acceptable pour ordonner un remplacement, il y a lieu de s'en abstenir, notamment pour éviter que la réouverture de la procédure de recours n'entraîne des coûts supplémentaires ainsi qu'un surcroît de travail. En l'espèce, il n'y avait aucun indice de partialité. Les membres de la chambre de recours n'ont donc pas été remplacés.
Dans l'affaire R 15/11, le requérant avait fait valoir que le remplacement de tous les membres de la chambre de recours devrait être automatique dès lors que la violation des droits du requérant, qui avait conduit à l'annulation de la décision de la chambre, était attribuable à une erreur commise par la chambre elle-même, et non, comme c'était le cas dans l'affaire R 21/11, à des circonstances indépendantes de la volonté de la chambre. La Grande Chambre de recours a indiqué qu'elle ne partageait pas ce point de vue. Une interprétation si étroite du pouvoir d'appréciation de la Grande Chambre de recours quant au remplacement (ou non) des membres des chambres ne saurait être dégagée du libellé de la règle 108(3) CBE, ni dûment refléter sa finalité. Au contraire, la règle veut que la procédure soit rouverte devant la chambre compétente en vertu du plan de répartition des affaires.
La Grande Chambre de recours a ajouté que le principe appliqué dans l'affaire R 21/11, selon lequel le remplacement des membres de la chambre de recours ne devrait pas être ordonné sans motif valable, n'était pas seulement une question d'économie de procédure. En effet, le respect du plan de répartition des affaires était un élément important de tout système judiciaire fiable, efficace et conforme aux exigences de l'art. 6 CEDH, entre autres.
Il a été admis que tout soupçon de partialité devait être objectivement justifié. Selon la Grande Chambre de recours, il ne suffisait pas pour satisfaire à ce critère qu'une chambre de recours dont faisait partie le membre concerné ait pris position sur une question dans une décision antérieure (suivant la décision G 1/05, JO OEB 2008, 271 et J 15/04).