CHAMBRES DE RECOURS
Décisions de la Chambre de recours juridique
Décision de la Chambre de recours juridique, en date du 5 août 1992 - J 11/91 et J 16/91 - 3.1.1*
(Traduction)
Composition de la Chambre :
Président : | O.P. Bossung |
Membres : | G. Davies |
| M.K.S. Aùz Castro |
Demandeur : THE DOW CHEMICAL COMPANY
Référence : Délai pour le dépôt d'une demande divisionnaire/DOW
Mot-clé : "Dépôt de demande divisionnaire autorisé jusqu'à la délivrance du brevet initial" - "Refus du rétablissement du droit de déposer une demande divisionnaire"
Sommaire
I. Par dérogation à la règle 25(1) CBE, une demande divisionnaire européenne relative à une demande européenne initiale encore en instance peut encore être valablement déposée après que le demandeur a donné, conformément à la règle 51(4) CBE, son accord sur le texte dans lequel il est envisagé de délivrer le brevet européen sur la base de la demande initiale, à condition toutefois que ce dépôt tardif d'une demande divisionnaire soit sans incidence sur le texte du brevet européen proposé pour la demande initiale, tel qu'il a été approuvé par le demandeur, et qu'il ne retarde pas la clôture de la procédure de délivrance dudit brevet.
II. Le dépôt d'une demande divisionnaire européenne est exclu une fois que l'OEB et le demandeur sont liés par la décision, prise en vertu de l'article 97(2) CBE, de délivrer un brevet européen sur la base de la demande initiale.
III. Un demandeur ne peut faire jouer l'article 122 CBE pour être rétabli dans son droit à déposer une demande divisionnaire s'il a déposé cette demande après qu'a été prise la décision de délivrer un brevet européen sur la base de la demande initiale.
IV. Les taxes payées au titre de la règle 25(2) CBE pour une demande divisionnaire sont remboursées si la demande n'est pas acceptée comme demande divisionnaire, c'est-à-dire si elle ne bénéficie pas de la date de dépôt et, le cas échéant, de priorité, de la demande initiale.
Exposé des faits et conclusions
I. Les affaires J 11/91 et J 16/91, examinées conjointement avec l'accord de la requérante, concernent deux tentatives distinctes de dépôt d'une demande divisionnaire relative à la demande initiale n° 86 906 040.0 (dénommée ci-après "demande initiale"), déposée le 5 août 1986, qui revendiquait une priorité en date du 5 août 1985.
La demande initiale a abouti à la délivrance d'un brevet européen, et le rappel chronologique qui va suivre des étapes de la procédure qui a conduit à cette délivrance vaut pour les deux recours examinés par la Chambre. Conformément à la règle 51(4) CBE, l'OEB a notifié à la demanderesse le 14 mars 1990 le texte dans lequel la division d'examen envisageait de délivrer le brevet européen. La demanderesse a donné son accord sur ce texte le 19 juillet 1990, et le 3 août 1990, conformément à la règle 51(6) CBE, l'OEB lui a envoyé une notification l'invitant à acquitter les taxes de délivrance et d'impression et à produire les traductions des revendications. Lesdites taxes ont été acquittées et les traductions déposées le 6 novembre 1990.
La demanderesse a été informée de la décision de l'OEB de délivrer le brevet par une notification en date du 21 décembre 1990, postée ce même jour, dans laquelle on pouvait lire : "il est délivré un brevet européen ... la présente décision prendra effet au jour de la publication au Bulletin européen des brevets de la mention de cette délivrance (article 97(4) et (5) CBE)". La mention de la délivrance devait être publiée dans le Bulletin européen des brevets n° 91/05 du 30 janvier 1991.
Le 11 janvier 1991, la demanderesse a prié l'OEB "d'user de son pouvoir d'appréciation" pour l'autoriser à déposer une demande de brevet divisionnaire relative à la demande initiale.
Le 30 janvier 1991, conformément à l'article 97(4) CBE, la mention de la délivrance du brevet européen n° 0 231 373 sur la base de la demande initiale a été publiée dans le Bulletin européen des brevets.
II. Le 29 janvier 1991, la demanderesse a déposé sous le numéro 91 101 158.3 une demande de brevet européen divisionnaire relative à la demande initiale, et elle a acquitté les taxes correspondantes.
III. Le 22 février 1991, la section de dépôt de l'OEB a envoyé à la demanderesse, conformément à la règle 69(1) CBE, une notification l'informant qu'elle refusait de traiter la demande comme demande divisionnaire européenne, car en vertu de la règle 25(1) CBE, il ne pouvait être déposé de demande divisionnaire une fois que le demandeur avait donné son accord sur le texte de la demande initiale, conformément à la règle 51(4) CBE.
Le 15 mars 1991, la demanderesse a requis une décision en l'espèce en vertu de la règle 69(2) CBE. Le 19 avril 1991, la section de dépôt, s'appuyant sur la règle 25(1) CBE, a décidé de refuser d'admettre la demande en tant que demande divisionnaire relative à la demande initiale. Cette décision était motivée comme suit :
(1) il ne pouvait être déposé de demande divisionnaire une fois que la procédure concernant la demande initiale avait abouti à la délivrance d'un brevet (cf. Directives relatives à l'examen, partie A, chapitre IV, 1.1.2 et partie C, chapitre VI, 9.3). De l'avis de la section de dépôt, la procédure avait été close en l'occurrence le 19 juillet 1990, date à laquelle le texte de la demande initiale avait été approuvé par la demanderesse conformément à la règle 51(4) CBE ;
(2) l'OEB ne pouvait user de son pouvoir d'appréciation pour admettre une demande divisionnaire une fois que le texte de la demande initiale avait été approuvé (règle 25(1) CBE).
IV. Le 17 juin 1991, le mandataire de la requérante a formé un recours (n° J 11/91) contre cette décision ; il a acquitté la taxe de recours à cette même date. Le mémoire exposant les motifs du recours a été déposé le 4 août 1991.
Dans ce mémoire, la requérante expliquait pourquoi elle tentait de déposer une demande divisionnaire relative à la demande initiale. Au départ, le 5 août 1986, la demande initiale avait été déposée au nom de Commtech International. Elle avait ensuite été cédée à la requérante parmi un lot important de brevets et de demandes de brevet également transférés. Conformément à l'accord qui avait été conclu, la poursuite et le maintien des brevets et demandes transférés s'effectuaient désormais au nom de la requérante. Il avait fallu de nombreux mois pour examiner tous les problèmes posés par chacun de ces documents, si bien que ce n'est que le 17 ou 18 décembre 1990 qu'un employé de la requérante s'était rendu compte pour la première fois du risque d'interférence entre l'exposé de la demande initiale et les revendications d'une autre demande de brevet européen déposée par la requérante le 27 mai 1987, revendiquant une priorité en date du 27 mai 1986. Le dépôt d'une demande divisionnaire sur la base de la demande initiale était le seul moyen d'obtenir un brevet européen pour l'objet commun aux deux demandes. Les évènements qui avaient alors suivi ont été rappelés plus haut.
La requérante a soutenu que, quelle que soit l'intention exprimée par le Conseil d'administration de l'Organisation européenne des brevets en ce qui concerne la modification de la règle 25(1) CBE entrée en vigueur le 1er octobre 1988, cette règle n'excluait pas le dépôt d'une demande divisionnaire une fois que le texte de la demande initiale avait été approuvé conformément à la règle 51(4) CBE. Elle a prétendu que dans la version anglaise de la règle 25(1) CBE les mots "may file" (tout comme les mots "peut" et "kann" dans les versions française et allemande) n'excluent pas le dépôt d'une demande divisionnaire à une autre date. Une autorisation par laquelle on permet à un demandeur de faire quelque chose dans des circonstances données ne préjuge en rien de ce qui pourrait être autorisé dans des circonstances différentes. Par ailleurs, la requérante a fait valoir que dans des circonstances tout à fait exceptionnelles, telles que celles rencontrées en l'espèce, l'OEB pouvait user de son pouvoir d'appréciation pour autoriser le dépôt d'une demande divisionnaire après l'expiration du délai prévu par la règle 25(1) CBE, mais avant la délivrance du brevet. Autoriser le dépôt d'une telle demande divisionnaire ne pouvait nuire aux tiers et respecterait l'équité vis-à-vis de l'intéressée.
La requérante a signalé également que dans la version de la règle 25 CBE antérieure à 1988, il était prévu expressément qu'une demande divisionnaire pouvait être déposée à tout moment sous réserve que la division d'examen estime ce dépôt justifié. La période pendant laquelle un demandeur avait le droit de déposer une demande divisionnaire était strictement délimitée. Depuis la modification apportée à la règle 25, il n'était plus exigé que la division d'examen approuve le dépôt de la demande divisionnaire. Cela ne signifiait pas pour autant que l'OEB avait perdu tout pouvoir d'appréciation. La section de dépôt avait expliqué qu'autoriser le dépôt d'une demande divisionnaire après l'expiration du délai fixé par la règle 25(1) CBE modifiée reviendrait à faire fi de l'objectif poursuivi par cette modification. La requérante a déclaré que c'était le libellé de la règle qui comptait et non l'objectif poursuivi par celle-ci, que ce soit son objectif déclaré ou son objectif tel qu'on le comprenait. Supprimer le pouvoir d'appréciation de l'OEB irait à l'encontre de la volonté clairement exprimée de celui-ci de respecter l'équité vis-à-vis de l'intéressé sans porter atteinte aux droits des tiers.
V. En ce qui concerne la demande initiale, la requérante a demandé par courrier en date du 4 février 1991 à être rétablie en application de l'article 122 CBE dans son droit de déposer une demande divisionnaire relative à la demande initiale conformément à l'article 76 CBE ; elle a acquitté la taxe requise.
La requête en restitutio in integrum a été rejetée par une décision de la division d'examen (assistant principal au Bureau des formalités) en date du 6 mai 1991. Les motifs de cette décision étaient exposés comme suit :
La restitutio in integrum n'est possible que si le demandeur n'a pas observé un délai à l'égard de l'OEB. Or, la règle 25(1) CBE ne fixe pas de délai. Elle indique seulement à partir de quel moment il n'est plus possible au cours de la procédure de délivrance de déposer une demande divisionnaire. C'est le demandeur qui décide de ce moment lorsqu'il donne son accord sur le texte de la demande initiale conformément à la règle 51(4) CBE. Comme il n'y a pas de délai à observer, la restitutio in integrum ne peut jouer. Par ailleurs, en vertu de la règle 25(1) CBE, l'OEB ne dispose pas d'un pouvoir d'appréciation pour autoriser le dépôt d'une demande divisionnaire une fois que le demandeur a donné son accord sur le texte de la demande initiale. La règle indique jusqu'à quelle date il est possible au cours de la procédure de délivrance de déposer une demande divisionnaire. Il en découle que passé cette date, il n'est plus possible de déposer une demande divisionnaire. La modification de la règle 25 CBE, adoptée le 1er octobre 1988, visait à clarifier la procédure de délivrance à cet égard, en fixant une date précise, identifiable à l'avance par le demandeur, à partir de laquelle il y a accord sur l'objet pour lequel une protection est demandée.
VI. Par courrier en date du 17 juin 1991, parvenu le même jour à l'OEB par télécopie, le mandataire de la requérante a formé un recours (n° J 16/91) contre cette décision, en acquittant la taxe de recours. Le mémoire exposant les motifs du recours a été déposé le 4 août 1991.
Dans ce mémoire, la requérante rappelait quels étaient les faits dans l'affaire J 11/91 : elle alléguait que, bien qu'ayant fait preuve de toute la vigilance nécessitée par les circonstances, elle n'avait pas été en mesure de déposer la demande divisionnaire nécessaire avant que le texte de la demande initiale ait été approuvé, si bien qu'elle n'avait pu satisfaire aux conditions requises par la règle 25(1) CBE et avait perdu de ce fait le droit de déposer une demande divisionnaire conformément à l'article 76 CBE. Elle invoquait par conséquent l'article 122 pour obtenir le rétablissement de ce droit. L'article 122 visait à empêcher que des erreurs de procédure ou des omissions n'entraînent dans certains cas la perte de droits essentiels. Si la requérante ne s'était pas aperçue plus tôt du problème qui se posait, c'est parce que dans le cas de la demande initiale elle s'était trouvée devant un concours de circonstances tout à fait exceptionnel, totalement indépendant de sa volonté. Dès qu'elle avait pris conscience du problème, elle avait agi avec promptitude pour remédier à la situation.
En ce qui concerne la décision attaquée, la requérante faisait valoir qu'il n'était pas correct d'affirmer que la division d'examen n'était pas compétente pour traiter une requête au titre de l'article 122 qui avait été formulée après la délivrance du brevet. L'article 122 suppose qu'il y a eu perte de droits. Normalement, il n'y a plus alors de demande en instance devant l'OEB, la demande ayant été réputée retirée. Or, en l'espèce, il y avait encore une demande en instance à cette époque. La requérante faisait valoir également que la règle 25(1) CBE stipule bien un délai. La date ultime à laquelle peut expirer ce délai est la date d'expiration du délai indiqué à la règle 51(4), mais le délai peut expirer plus tôt si le demandeur donne plus tôt son accord sur le texte de la demande.
VII. Le Président de l'OEB a été invité, à sa demande, à présenter ses observations sur l'affaire en application de l'article 12bis du règlement de procédure des chambres de recours de l'Office européen des brevets (JO OEB 1989, 361). Ses observations peuvent être résumées comme suit : dans le cas du recours J 11/91, la demande ne pouvait être traitée comme demande divisionnaire, parce qu'elle n'avait pas été déposée en temps utile. La règle 25(1) CBE n'autorise le dépôt d'une demande divisionnaire relative à une demande de brevet initiale en instance que jusqu'au moment où le demandeur donne, conformément à la règle 51(4) CBE, son accord sur le texte dans lequel il est envisagé de délivrer le brevet européen. Il s'agit là d'une disposition impérative. De même, l'OEB ne dispose pas d'un pouvoir d'appréciation pour autoriser le dépôt d'une demande divisionnaire après que le demandeur a donné son accord sur le texte. Le mot "may" dans la version anglaise de la règle 25(1) CBE et les mots "peut" et "kann" dans les versions française et allemande ont été utilisés afin de mettre en lumière le caractère non obligatoire du dépôt d'une demande divisionnaire, qui s'effectue à l'initiative du demandeur. L'article 76(3) CBE a prévu que la procédure à suivre et les conditions particulières auxquelles doit satisfaire une demande divisionnaire sont fixées par le règlement d'exécution. la règle 25(1) CBE a fixé une modalité importante de cette procédure, à savoir le délai de dépôt d'une telle demande, et il en est résulté a contrario qu'il ne peut être déposé de demande divisionnaire passé la date d'expiration de ce délai.
Les auteurs de la modification apportée en 1988 à la règle 25(1) CBE entendaient interdire le dépôt d'une demande divisionnaire une fois que le demandeur a donné son accord sur le texte. Dans la version antérieure de la règle 25 CBE, il était établi une distinction entre la division effectuée à l'initiative du demandeur (pour laquelle l'accord de la division d'examen était requis) et la division obligatoire, imposée par la division d'examen. Afin de simplifier la procédure et de réduire la charge de travail pour la division d'examen, cette distinction a été abandonnée et la règle a fixé clairement le délai dans lequel le demandeur doit déposer une demande divisionnaire. Reconnaître à l'OEB un pouvoir d'appréciation en la matière reviendrait à tourner la véritable intention du législateur.
Dans le cas du recours J 16/91, le rétablissement des droits n'était pas possible, l'OEB n'étant plus compétent une fois le brevet délivré. Revenir sur une question déjà tranchée serait violer le principe de la force de chose jugée. La date limite prévue par la règle 25(1) CBE ne pouvait être considérée comme la fixation d'un délai au sens de l'article 122 CBE. En outre, l'article 122 CBE ne pouvait être utilisé par une partie pour faire accepter un revirement de sa part.
VIII. Le 19 mars 1992, la requérante a présenté des observations au sujet des observations écrites du Président de l'OEB telles qu'elles viennent d'être rappelées ci-dessus au point VII. Elle a fait valoir que ni la Convention sur le brevet européen, ni le règlement d'exécution, que ce soit dans le texte adopté à l'origine en 1973 ou dans le texte modifié de 1988, ne pouvaient être interprétés comme interdisant le dépôt d'une demande divisionnaire, du moins tant que le brevet relatif à la demande initiale n'avait pas été délivré. Pour le cas où l'interprétation du Président serait reconnue correcte, la requérante a fait savoir par ailleurs qu'elle considérerait comme un détournement de pouvoir la modification apportée en 1988 à la règle 25(1) CBE. Pour appuyer son point de vue, elle a indiqué que ni la Convention, ni le règlement d'exécution, dans leur texte initial, n'édictaient une quelconque interdiction de déposer une demande divisionnaire avant la délivrance du brevet, et qu'ils ne prévoyaient pas non plus le pouvoir d'éditer une telle interdiction. L'article 76(3) CBE fixait trois choses :
a) la procédure à suivre lors du dépôt de demandes divisionnaires européennes ;
b) les conditions particulières auxquelles doit satisfaire une telle demande ;
c) les délais pour le paiement de certaines taxes.
Pour pouvoir comprendre le sens de l'expression "conditions particulières", il y avait lieu de comparer les dispositions de l'article 76(3) avec celles de l'article 78(3) CBE. L'article 78(3) vise les conditions auxquelles doit satisfaire une demande ordinaire de brevet européen. Il s'agit là des conditions ayant trait au contenu de la demande lui-même, et non des modalités de dépôt de cette demande. L'article 76(3) CBE quant à lui ne pouvait être interprété comme signifiant que la fixation de "conditions particulières" pourrait impliquer l'adoption d'une nouvelle disposition supprimant le droit de déposer une demande divisionnaire passé un certain stade de la procédure. Adopter une telle disposition ne serait pas fixer une des conditions auxquelles doit satisfaire la demande divisionnaire. Avant 1988, la règle 25 CBE permettait le dépôt d'une demande divisionnaire à l'initiative du demandeur chaque fois que la division d'examen l'estimait justifié. Les auteurs de la Convention n'avaient pas songé à créer un obstacle au dépôt d'une demande divisionnaire avant la délivrance du brevet.
L'article 33 CBE avait reconnu au Conseil d'administration un certain nombre de compétences, avec néanmoins deux réserves importantes :
1) le règlement d'exécution ne visait pas à créer des règles de fond, mais à mettre en application la Convention.
2) l'article 33 CBE s'appliquait sous réserve des dispositions de l'article 164(2) CBE qui prévoit que, en cas de divergence entre le texte de la Convention et le texte du règlement d'exécution, c'est le premier de ces textes qui fait foi. Le Conseil d'administration n'avait donc pas compétence pour apporter au règlement d'exécution une modification incompatible avec la Convention. Il ne s'agissait pas dans la règle 25(1) CBE d'une simple question de procédure ; la création de ce délai nouveau et irrévocable constituait une décision de fond.
Or, il arrivait dans certains cas que l'accord du demandeur sur le texte de la demande ne soit pas considéré comme ayant des conséquences irrévocables. La division d'examen pouvait décider de rouvrir un dossier lorsqu'elle le jugeait bon. Le Président acceptait en pareil cas que l'on puisse déposer une demande divisionnaire. Il reconnaissait ainsi qu'une telle situation pouvait donner naissance fortuitement au droit de déposer une demande divisionnaire alors qu'en revanche, dans la présente affaire, il prétendait que l'OEB ne pouvait faire usage de son pouvoir d'appréciation pour autoriser le dépôt d'une demande divisionnaire.
Dans ses observations, le Président s'était appuyé sur un passage des travaux préparatoires à la modification de 1988 de la règle 25(1) CBE, passage rédigé en ces termes : "Il convient de préciser que le dépôt d'une demande divisionnaire n'est en aucun cas admis après que le demandeur a approuvé le texte". Comme il avait toutefois été reconnu qu'il y avait des cas dans lesquels un tel dépôt était admis, il n'était pas possible de s'appuyer sur ce passage. En outre, il fallait noter que, d'après ces travaux préparatoires, la règle 25(1) CBE visait à "supprimer des restrictions inutiles et gênantes et à apporter des assouplissements dans l'intérêt des demandeurs" (CA/29/88, Résumé, 2e paragraphe).
En ce qui concerne la date à laquelle une décision de délivrance prenait effet, le Président indiquait qu'une fois prise la décision de délivrer le brevet, la demande initiale ne pouvait plus être réputée encore en instance. Cette interprétation était contraire aux dispositions de l'article 97(4) CBE qui prévoit expressément que "La décision relative à la délivrance du brevet européen ne prend effet qu'au jour de la publication au Bulletin européen des brevets de la mention de cette délivrance".
S'agissant des observations présentées par le Président à propos de la question de la restitutio in integrum, la requérante a fait remarquer que, lorsqu'elle avait tenté de déposer la demande divisionnaire, le délai imposé par la règle 25(1) CBE avait expiré et que l'OEB était donc en mesure de la rétablir dans son droit de déposer une demande divisionnaire. Le Président avait également soutenu que la règle 25(1) CBE ne fixait pas de délai, bien qu'il se soit référé plusieurs fois dans ses observations à ce délai en tant que tel (cf. p.ex. points 2, 9 et 10 de sa lettre).
En résumé, la requérante a expliqué que l'interprétation que le Président avait donnée de la règle 25(1) CBE était incompatible avec la fonction dévolue au règlement d'exécution, et qu'elle allait à l'encontre de la Convention. Par conséquent, c'est la Convention qui devait prévaloir, et l'OEB devait disposer d'un pouvoir d'appréciation pour autoriser le dépôt de la demande divisionnaire une fois que le texte avait été approuvé. La requérante a allégué en outre que l'OEB pouvait user de son pouvoir d'appréciation pour accorder la restitutio in integrum.
IX. A la demande de la requérante, une procédure orale, à laquelle la requérante et le Président de l'OEB étaient également représentés, s'est tenue le 25 mars 1992.
Le mandataire de la requérante a avancé un nouvel argument :
il a soutenu que la décision de la division d'examen de délivrer un brevet ne prenait effet qu'à partir de la date de publication au Bulletin européen des brevets de la mention de la délivrance. Avant cette date, la demande était encore en instance, comme le montrait le fait que jusqu'à cette date, l'OEB enregistrait les transferts de propriété relatifs à une demande et exigeait le paiement de taxes annuelles.
A l'issue de la procédure orale, la requérante a présenté les conclusions suivantes :
à titre principal, en ce qui concernait le recours J 11/91, elle demandait que la décision de la section de dépôt, en date du 19 avril 1991, soit annulée et que la demande de brevet européen n° 91 101 158.3 puisse être considérée comme demande divisionnaire relative à la demande n° 86 906 040.0.
A titre subsidiaire, en ce qui concernait le recours J 16/91, elle demandait à l'OEB d'annuler la décision de la division d'examen en date du 6 mai 1991 (rendue par l'assistant principal au Bureau des formalités) et de la rétablir dans son droit à déposer une demande divisionnaire relative à la demande de brevet européen n° 86 906 040.0.
La décision de la Chambre a été maintenue.
Motifs de la décision
1. Les recours joints J 11/91 et J 16/91 sont recevables.
2. Recours J 11/91
2.1 Les dispositions juridiques pertinentes : rappel historique
2.1.1 L'article 76(1) CBE prévoit la possibilité de déposer des demandes divisionnaires européennes pour des éléments qui ne s'étendent pas au-delà du contenu de la demande initiale telle qu'elle a été déposée ; dans la mesure où il est satisfait à cette exigence, la demande divisionnaire est considérée comme déposée à la date de dépôt de la demande initiale et bénéficie de son droit de priorité. Aux termes de l'article 76(3), la procédure destinée à assurer l'application du paragraphe 1, les conditions particulières auxquelles doit satisfaire une demande divisionnaire ainsi que le délai pour le paiement des taxes de dépôt, de recherche et de désignation sont fixés par le règlement d'exécution.
2.1.2 La règle 25 CBE, disposition d'exécution régissant le dépôt des demandes divisionnaires européennes, prévoit que le demandeur peut déposer une demande divisionnaire relative à une demande de brevet européen initiale encore en instance "jusqu'au moment où il donne, conformément à la règle 51, paragraphe 4, son accord sur le texte dans lequel il est envisagé de délivrer le brevet européen".
2.1.3 Avant 1988, la règle 25 CBE ne fixait pas de date limite pour le dépôt d'une telle demande et, dans la pratique, ce dépôt pouvait intervenir à tout moment jusqu'à la délivrance. A l'origine, la règle 25, paragraphes (1) et (2) CBE, qui a ensuite été modifiée à deux reprises, était rédigée comme suit :
"(1) Une demande divisionnaire européenne peut être déposée :
a) à tout moment après la date de réception par l'Office européen des brevets de la demande initiale de brevet européen, sous réserve qu'après réception de la première notification de la division d'examen, la demande divisionnaire soit déposée dans le délai imparti dans la notification ou, après ce délai, que la division d'examen estime justifié le dépôt d'une demande divisionnaire ;
b) dans les deux mois à compter de la limitation de la demande initiale de brevet européen effectuée à la requête de la division d'examen, lorsque cette demande ne satisfait pas aux exigences de l'article 82.
(2) La description et les dessins, soit de la demande initiale de brevet européen, soit de toute demande divisionnaire de brevet européen, ne doivent, en principe, se référer qu'aux éléments pour lesquels une protection est recherchée dans cette demande. Toutefois, s'il est nécessaire de décrire dans une demande les éléments pour lesquels une protection est recherchée dans une autre demande, référence doit être faite à cette autre demande."
2.1.4 A l'époque, il était distingué au paragraphe (1) entre la division imposée en raison du défaut d'unité de la demande ((1) b)) et la division à l'initiative du demandeur ((1) a)). Dans le cas de cette dernière, il était envisagé trois possibilités en ce qui concerne la date de dépôt :
a) à n'importe quel moment avant la requête en examen visée à l'article 94,
b) une fois reçue la première notification de l'Office visée à l'article 96(2), dans le délai prescrit pour répondre à cette notification,
c) après l'expiration de ce délai, si l'examinateur estimait que le dépôt d'une telle demande était justifié.
La version initiale de la règle 25 CBE n'excluait donc pas le dépôt d'une demande divisionnaire une fois que le demandeur avait donné son accord sur le texte de la demande, conformément à la règle 51(4) CBE.
2.1.5 En ce qui concerne la procédure, il était précisé auparavant dans les Directives (partie C, chapitre VI, 9.4) qu'il "est toutefois nécessaire de comparer la demande divisionnaire à la demande initiale pour s'assurer que, dans toute la mesure du possible, chaque demande ne décrit que l'élément concerné par ses revendications". Ceci signifiait que la procédure d'examen pour la demande initiale s'en trouvait retardée, car, dans la plupart des cas, la demande initiale devait être modifiée. En outre, il fallait attendre que la demande divisionnaire qui avait d'abord été examinée par la section de dépôt de La Haye du point de vue du respect des conditions de forme soit transmise à la division d'examen. C'est pourquoi, dans le cas où le demandeur, après avoir donné son accord sur le texte de la demande initiale, déposait une demande divisionnaire sans demander de modification de la demande initiale, le dépôt de la demande divisionnaire était considéré comme justifié, parce que la demande initiale n'était en rien affectée par le dépôt de la demande divisionnaire (cf. décision T 229/86 en date du 28 septembre 1988, non publiée).
2.1.6 Par la suite, il a été jugé que cette procédure était trop lourde et faisait perdre trop de temps, et l'accord de la division d'examen n'a plus été considéré comme nécessaire pour le dépôt d'une demande divisionnaire à l'initiative du demandeur.
2.1.7 En conséquence, par une décision du Conseil d'administration en date du 10 juin 1988 (entrée en vigueur le 1er octobre 1988, et publiée au JO OEB 1988, 290), le paragraphe 1 de la règle 25 CBE a été modifié et l'on a adopté la version simplifiée actuelle, qui ne fixe plus qu'un seul délai pour tous les cas de dépôt d'une demande divisionnaire. Les différences de procédure entre division obligatoire et division à l'initiative du demandeur ont été abolies.
2.1.8 Les Directives ont été modifiées elles aussi. Il n'était plus demandé de comparer la demande divisionnaire et la demande initiale. Au lieu de cela, il était prévu qu'il ne serait demandé de modification de la description que si cela était absolument nécessaire. Il n'y avait donc pas lieu de s'opposer à la reprise dans une demande divisionnaire de l'objet de la demande initiale, à moins que cet objet n'ait aucun rapport ou soit en contradiction avec l'invention revendiquée dans la demande divisionnaire.
2.1.9 Affirmer qu'il n'est possible de déposer une demande divisionnaire que jusqu'à la date à laquelle le demandeur approuve le texte de la demande initiale signifierait semble-t-il que l'on a décidé de ne plus tenir compte ou de s'écarter des considérations et motifs pour lesquels il avait été décidé, dans l'affaire T 229/86 mentionnée plus haut, de permettre le dépôt d'une demande divisionnaire après cette date, si le demandeur maintenait son approbation du texte de la demande initiale.
2.1.10 La seconde modification (entrée en vigueur le 1er juin 1991, et publiée au JO OEB 1991, 4) a consisté à supprimer le paragraphe 2 qui était devenu superflu, parce que le chevauchement des descriptions de la demande initiale et de la demande divisionnaire était désormais généralement admis.
2.2 Questions à trancher
La première question à trancher est celle de savoir si la section de dépôt a eu raison de décider que, dans tous les cas, la règle 25(1) CBE interdit à un demandeur de déposer une demande divisionnaire après la date à laquelle il a donné son accord sur le texte de la demande initiale conformément à la règle 51(4) CBE. Dans la négative, la question se pose de savoir à quel stade de la procédure de délivrance le demandeur perd la possibilité de déposer une demande divisionnaire européenne. Deux autres dates possibles ont été envisagées : la date à laquelle la division d'examen décide de délivrer le brevet européen (article 97(2) CBE) ou bien la date à laquelle prend effet la décision de délivrer le brevet, conformément à l'article 97(4) CBE (publication de la mention de la délivrance dans le Bulletin européen des brevets). La Chambre va passer en revue chacune de ces trois dates, dénommées respectivement ci-après "la date visée à la règle 25(1)", "la date visée à l'article 97(2)" et "la date visée à l'article 97(4)".
2.3 La date visée à la règle 25(1)
2.3.1 Dans la décision où elle se prononçait en faveur de la date visée à la règle 25(1) CBE, la section de dépôt soutenait que la modification de la règle 25(1) CBE, en liaison avec la règle 51(4), visait à clarifier la procédure de délivrance, en fixant une date précise, pouvant être connue à l'avance par le demandeur, à savoir celle à laquelle est approuvé le texte définissant l'objet pour lequel une protection est recherchée.
2.3.2 Il faut noter à ce propos qu'il n'est pas contesté que la division d'examen a le droit de rouvrir le dossier après que le demandeur a donné son accord sur le texte dans lequel elle envisage de délivrer le brevet, si elle trouve un document antérieur pertinent. Une fois que la division d'examen a rouvert le dossier, il n'est pas contesté non plus que le demandeur peut déposer une demande divisionnaire. Ceci étant, il convient de donner une interprétation restrictive de la règle 25(1) CBE, en respectant l'intention du législateur, qui était d'éviter les problèmes causés à l'OEB et au demandeur par l'ancienne règle 25 CBE, et de simplifier la procédure. L'on voulait aussi qu'une fois approuvé, le texte de la demande initiale ne puisse plus être remis en question et que la procédure de délivrance du brevet initial ne puisse plus être retardée.
2.3.3 De l'avis de la Chambre, le délai fixé par la règle 25(1) CBE n'est pas justifié ; il est déraisonnable, car il expire plusieurs mois avant la fin de la période pendant laquelle la demande est en instance, c'est-à-dire avant la délivrance du brevet relatif à la demande initiale (date à laquelle l'OEB est lié par sa décision). Il n'est pas nécessaire pour l'OEB et pour les demandeurs de fixer un délai aussi bref. En outre, de l'avis de la Chambre, l'article 76(3) ne peut être interprété comme signifiant qu'il est interdit d'une manière générale de déposer des demandes divisionnaires pendant une période au cours de laquelle la demande initiale dont a été retiré l'objet de ces demandes divisionnaires est encore en instance devant l'OEB. Aux termes de l'article 69(2) CBE, seconde phrase, c'est "le brevet européen tel que délivré" qui "détermine rétroactivement" l'étendue de la protection conférée par la demande de brevet européen. Tant que le brevet n'est pas délivré, l'objet du brevet n'est pas fixé définitivement, car c'est la délivrance qui est décisive lorsqu'il s'agit de déterminer ce qui est compris dans l'étendue de la protection conférée par le brevet et ce qui en est exclu. C'est pourquoi dans la procédure relative à la demande initiale, l'approbation visée à la règle 51(4) CBE ne constitue pas un événement irréversible. En outre, si la division d'examen en a l'occasion et si elle le souhaite, elle peut reprendre la procédure d'examen après que le demandeur a donné son accord sur le texte. En pareil cas, il ne fait aucun doute que le demandeur est en droit de déposer une demande divisionnaire.
2.3.4 La question se pose de savoir si la règle 25(1) CBE, telle que modifiée en 1988, est compatible avec l'article 4G de la Convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle (la Convention de Paris) ainsi qu'avec l'article 76 CBE. La Convention de Paris donne au demandeur le droit de diviser une demande de brevet. Les conditions de l'exercice de ce droit - y compris la détermination de la période pendant laquelle il doit être exercé - sont laissées à l'initiative du législateur national (cf. Bodenhausen, Guide to the Paris Convention, BIRPI, 1968, page 57). La CBE peut donc incontestablement fixer un délai pour le dépôt d'une demande divisionnaire. Néanmoins un tel délai ne doit pas être arbitraire, et il est douteux que l'on puisse s'appuyer sur la Convention de Paris pour justifier la suppression de la possibilité de déposer une demande divisionnaire plusieurs mois avant qu'il ne soit statué de manière définitive sur la demande initiale. Il n'y a aucune raison d'avancer à ce point la date à laquelle le demandeur perd la possibilité de déposer une demande divisionnaire. L'article 76(3) CBE, qui fixe la procédure à suivre pour le dépôt d'une demande divisionnaire, prévoit que le règlement d'exécution fixe, d'une part, les "conditions particulières auxquelles doit satisfaire une demande divisionnaire" et, d'autre part, le délai pour le paiement de certaines taxes. On peut se demander s'il est possible de se fonder sur l'article 76 CBE pour fixer un délai pour le dépôt d'une demande divisionnaire alors que la demande initiale est encore en instance. L'article 76(3) établit une distinction entre les conditions (les exigences) particulières auxquelles doit satisfaire la demande et les délais qui restent à fixer pour le paiement de certaines taxes. A ce propos, il est intéressant de noter que dans le texte initial du règlement d'exécution, adopté en même temps que la CBE par les Etats contractants, il n'était pas prévu de délai particulier pour le dépôt d'une demande divisionnaire. La compétence du Conseil d'administration pour modifier le règlement en ce qui concerne les demandes divisionnaires ne peut découler que de l'article 76 CBE. Le règlement ne peut régir que les questions de procédure et non les questions de fond. La question se pose de savoir si l'introduction d'un nouveau délai par la règle 25(1) CBE relève des questions de procédure ou des questions de fond. Pour répondre, on peut poser cette question test : "La nouvelle règle réduit-elle de façon importante les droits du demandeur ?". De l'avis de la Chambre, l'introduction d'un délai avant la véritable clôture de la procédure constitue une limitation importante d'un droit essentiel du demandeur. Cette limitation, comme cela a été dit plus haut, n'est pas justifiée. La demande initiale étant encore en instance, le dépôt ultérieur d'une demande divisionnaire n'aurait pas d'incidence sur le texte dans lequel il est envisagé de délivrer le brevet, et retarderait pas non plus la clôture de la procédure de délivrance par l'OEB d'un brevet relatif à la demande initiale.
2.3.5 Comme on l'a vu plus haut, au cours de la procédure d'examen devant l'OEB, l'approbation du texte d'une demande ne constitue pas un événement irréversible. La date à laquelle le texte est approuvé n'est pas une date définitive, car le dossier peut être rouvert. Des occasions de déposer une demande divisionnaire peuvent aussi se présenter ultérieurement ; par exemple, si la délivrance d'un brevet a été refusée, une procédure de recours peut être engagée et une demande divisionnaire peut alors être déposée. Il n'est guère justifié de lier une perte de droits définitive à un événement réversible et de permettre à l'OEB de revenir sur cet événement tout en refusant cette même possibilité au demandeur.
2.3.6 Pour toutes ces raisons, la Chambre est d'avis que la règle 25(1) CBE est incompatible avec l'article 76 CBE et ne fixe pas la date limite à laquelle doit être déposée une demande divisionnaire relative à une demande initiale de brevet européen encore en instance.
2.4 La date visée à l'article 97(2)
L'OEB et le demandeur sont liés par la décision de la division d'examen de délivrer le brevet. L'OEB ne peut revenir ultérieurement sur cette décision, qui passe en force de chose jugée ; seules les fautes d'expression, de transcription ou les erreurs manifestes peuvent être rectifiées en vertu de la règle 89 CBE. Dans une procédure écrite, la date à laquelle les parties deviennent liées par la décision de délivrer le brevet est la date à laquelle la notification de cette décision a été remise à la poste - passé cette date, la division d'examen ne peut reprendre la procédure, même avec le consentement du demandeur (cf. également Directives, C-VI, 4.10, et G. Gall dans GRUR Int. 1983, 11).
2.5 La date visée à l'article 97(4)
2.5.1 En vertu de l'article 97(4) CBE, la décision de délivrer le brevet visée à l'article 97(2) ne prend effet qu'au jour de la publication au Bulletin européen des brevets de la mention de cette délivrance.
2.5.2 La publication au Bulletin européen des brevets de la mention de la délivrance du brevet a notamment pour effet de conférer au titulaire du brevet un certain nombre de droits dans les Etats contractants. Elle marque aussi le début du délai pendant lequel il peut être fait opposition au brevet. Ainsi, la date de la publication de la mention de la délivrance du brevet est la date à laquelle la délivrance du brevet prend effet à l'égard des tiers, et à laquelle est déterminée définitivement l'étendue de la protection conférée. La requérante a allégué que la décision de délivrance n'a pas d'effets non plus à l'égard du demandeur tant que la mention de la délivrance n'a pas été publiée au Bulletin européen des brevets, et que la demande reste en instance jusqu'à cette date. Elle a fait valoir comme argument que, à ce stade, la demande était encore traitée par l'OEB comme une demande en instance du fait que, par exemple, les transferts de propriété de la demande étaient enregistrés par l'OEB et que les taxes annuelles restaient dues jusqu'à cette date pour la demande.
2.6 La Chambre ne conteste pas que certains effets produits par la décision de délivrer le brevet dépendent de la publication de la mention de la délivrance au Bulletin européen des brevets conformément à l'article 97(4) CBE. Néanmoins, la Chambre considère que c'est la date de la décision de délivrer le brevet conformément à l'article 97(2) CBE qui constitue la date décisive dans les relations entre l'OEB et le demandeur. Passé cette date, l'OEB est lié par la décision qu'il a prise au sujet du texte dans lequel doit être délivré le brevet (revendications, description et dessins), et l'objet correspondant à ce texte du brevet prend valeur définitive à cette date. Ce principe général du droit est un principe fondamental appliqué dans toutes les juridictions et dans toutes les procédures en justice afin qu'il puisse être mis fin à un litige. Il signifie que les droits et obligations des parties ont été fixés par la décision qui a été rendue et que l'affaire ne peut plus être rejugée entre les parties. Pour les parties concernées par la décision (en l'espèce la requérante et l'OEB), le fait que la décision ne prenne pas effet à la même date à l'égard des tiers ne change rien à cette situation.
3. Recours J 16/91
3.1 L'article 122 CBE prévoit que le demandeur qui, bien qu'ayant fait preuve de toute la vigilance nécessitée par les circonstances, n'a pas été en mesure d'observer un délai à l'égard de l'OEB, est rétabli dans ses droits si l'empêchement a entraîné une perte de droits.
3.2 En l'espèce, la demande divisionnaire n'a pas été déposée avant la date fixée par la règle 25(1) CBE, ni même avant la date de la décision de délivrance conformément à l'article 97(2) CBE. En fait, elle a été déposée la veille de la date de publication au Bulletin européen des brevets de la mention de la délivrance. Or la restitutio in integrum ne peut jouer que dans le cas du non-respect d'un délai à l'égard de l'OEB : il doit s'agir d'un délai qui a été imparti expressément au demandeur par un agent de l'OEB ou par le jeu des dispositions de la CBE pour l'accomplissement d'un certain acte. En l'espèce, le dernier délai imparti à la demanderesse par l'OEB était celui indiqué dans la notification émise en vertu de la règle 51(4) CBE, qui invitait le demandeur à approuver dans un certain délai le texte dans lequel la division d'examen envisageait de délivrer le brevet. Ce délai a été respecté par la demanderesse qui a donné l'approbation demandée.
3.3 Il n'y avait pas en l'espèce d'autre délai à respecter au sens où l'entend l'article 122 CBE. La date de la décision de délivrer le brevet ne constituait pas une date limite que l'OEB avait demandé à la requérante de respecter au cours de la procédure d'examen. Il ne peut y avoir de restitutio in integrum dans le cas d'une décision qui ne fait pas droit aux prétentions d'une partie : en ce cas, la solution prévue par la CBE est le recours conformément aux dispositions de l'article 108 CBE.
3.4 Pour toutes ces raisons, un demandeur ne peut se voir rétabli dans son droit de déposer une demande divisionnaire en application de l'article 122 CBE si cette demande divisionnaire est déposée après qu'a été prise la décision de délivrer un brevet européen sur la base de la demande initiale.
4. Remboursement de taxes
4.1 Le recours J 11/91 devant être rejeté, la question se pose de savoir s'il y a lieu de rembourser les taxes payées pour la demande divisionnaire, à savoir en l'espèce la taxe de dépôt, la taxe de recherche, les taxes de désignation, les taxes annuelles, les taxes d'examen et les taxes de revendication.
4.2 Il convient à cet égard de se référer à l'article 90(2) CBE qui prévoit que "si une date de dépôt ne peut être accordée... la demande n'est pas traitée en tant que demande de brevet européen". Le paiement de taxes pour une demande de brevet européen est sans objet si, après que les taxes ont été payées, il est refusé d'accorder une date de dépôt à la demande. Les taxes doivent donc être remboursées (Münchner Gemeinschaftsktr., article 90, point n° 81). L'expression "une date de dépôt" à l'article 90(2) CBE pose problème, car une demande divisionnaire peut se voir accorder une date de dépôt autre que la date de dépôt de la demande initiale. Par ailleurs, le demandeur a expressément demandé l'autorisation de déposer une demande divisionnaire au sens de l'article 76 CBE. Le paragraphe (1) de cet article prévoit qu'une demande divisionnaire est "considérée comme déposée à la date de dépôt de la demande initiale et bénéficie du droit de priorité". Aucune autre demande n'était intéressante pour la requérante, car si elle avait déposé une autre demande, la demande initiale aurait fait partie de l'état de la technique par rapport à la demande divisionnaire déposée en dernier. C'est pourquoi les seules dates pertinentes sont les dates de dépôt et de priorité (le cas échéant) de la demande initiale. Si le bénéfice de ces dates ne peut être accordé, il n'y a pas de demande divisionnaire. Ce cas est comparable à celui visé à l'article 90(2) CBE, ce qui justifie une application par analogie de cette disposition. Il convient de distinguer le cas dans lequel le dépôt d'une demande en tant que demande divisionnaire n'est pas autorisé, ce qui signifie implicitement que le demandeur ne bénéficie pas des dates pertinentes de la demande initiale, d'autres cas dans lesquels la demande divisionnaire est rejetée pour des raisons de fond et où, bien entendu, aucun remboursement de taxes n'est possible. C'est seulement lorsque la demande divisionnaire n'est pas recevable parce que le demandeur n'obtient pas le bénéfice des dates de dépôt et de priorité de la demande initiale que les taxes déjà acquittées doivent être remboursées.
4.3 Le principe du non-remboursement des taxes de désignation posé par l'article 79(3) CBE, troisième phrase ne s'applique pas en l'occurrence, car cela supposerait qu'il existe une demande, ce qui n'est pas le cas en l'espèce (cf. également article 77(5) CBE, seconde phrase).
Dispositif
Par ces motifs, il est statué comme suit :
1. Les recours sont rejetés.
2. Il est ordonné le remboursement des taxes suivantes : taxe de dépôt, taxe de recherche, taxes de désignation, taxes annuelles, taxe d'examen et taxes de revendications.
* Cf. à ce propos la question soumise à la Grande Chambre de recours sous le no de recours G 10/92 (JO OEB 1993, 6).