CHAMBRES DE RECOURS
Décisions des Chambres de recours techniques
Décision de la Chambre de recours technique 3.3.1, en date du 5 août 1993 - T 843/91 - 3.3.1
(Traduction)
Composition de la Chambre :
Président : | K. J. A. Jahn |
Membres : | R. K. Spangenberg |
| J. A. Stephens-Ofner |
Titulaire du brevet/intimé : Eastman Kodak Company
Opposant/requérant : Fuji Photo Film Co., Ltd.
Référence : élément photographique/EASTMAN KODAK COMPANY
Article : 133, 134, 106, 111(1), (2), 112(1), 125, 104 CBE
Mot-clé : "Mandataire agréé (non)" - "Lettre de critiques à l'encontre de la procédure de recours non versée au dossier d'opposition après le renvoi de l'affaire (pas de vice substantiel de procédure)" - "Effet contraignant des décisions des chambres de recours (res judicata ; ratio decidendi)" - "Intérêt du public à ce qu'il soit mis fin aux litiges (procédures relevant de la chicane)" - "Révision d'une décision d'une chambre de recours en application de l'art. 125 CBE (ne peut jouer en l'espèce ; preuve insuffisante de l'existence d'une pratique généralement admise dans tous les Etats contractants)" - "Saisine de la Grande Chambre de recours (non)"
Sommaire
Une décision par laquelle une affaire est renvoyée devant la division d'opposition, à charge pour celle-ci de maintenir le brevet sur la base du texte modifié des revendications, a un effet contraignant en ce sens que le texte et la brevetabilité de ces revendications ne peuvent plus être contestés dans la suite de la procédure devant l'OEB. Les constatations sur lesquelles se fonde cette décision, c'est-à-dire les constatations sans lesquelles la chambre n'aurait pu aboutir à cette décision, ont un effet tout aussi contraignant et ne peuvent donc être réexaminées, conformément à l'article 111(2) CBE (point 3.4.2 des motifs).
Exposé des faits et conclusions
I. Le brevet européen n° 0 080 355, délivré sur la base de la demande de brevet européen n° 82 306 197.3, a été révoqué par la division d'opposition. Le titulaire du brevet a introduit un recours contre la décision de révocation. Par la décision T 215/88 - 3.3.1 en date du 9 octobre 1990, il a été fait droit au recours et l'affaire a été renvoyée devant la division d'opposition, à charge pour celle-ci de maintenir le brevet sous une forme modifiée, sur la base du texte modifié de la revendication 1 déposé le 7 février 1990 et des revendications 2 à 7 telles que délivrées. Le 8 février 1991, le titulaire du brevet a déposé un texte modifié de la description. Par sa décision en date du 17 septembre 1991, la division d'opposition a maintenu le brevet sur la base desdites revendications et du texte modifié de la description.
II. Il était déclaré dans cette décision que les objections soulevées par l'opposant à l'encontre du texte modifié du brevet ne portaient que sur des points qui avaient déjà été examinés et tranchés définitivement par la Chambre dans sa décision T 215/88. Or, en application de l'article 111(2) CBE, ces points ne pouvaient être réexaminés par la division d'opposition, si bien qu'il ne pouvait être tenu compte des conclusions de l'opposant, et notamment du compte rendu de tests qu'il avait produit le 12 août 1991 plus le document suivant, auquel il avait fait référence : "The Theory of the Photographic Process", quatrième édition (Macmillan Publishers, 1977), pages 340 à 345 (document 6a).
La division d'opposition indiquait également dans sa décision qu'elle n'avait pas reçu la lettre du 14 novembre 1990 mentionnée par l'opposant dans ses observations, mais qu'il pouvait en être fait abstraction, car cette lettre ne pouvait avoir porté que sur des questions sans rapport avec celles que devait trancher la division d'opposition.
III. Le 17 octobre 1991, le requérant (opposant) a formé un recours contre cette décision et acquitté la taxe correspondante. Le mémoire exposant les motifs du recours est parvenu à l'OEB le 7 janvier 1992.
Dans ce mémoire, le requérant soulevait plusieurs objections à l'encontre de la décision T 215/88 rendue par la Chambre et demandait, en application de l'article 24 CBE, la récusation des membres de la Chambre qui avaient pris part à cette décision, ceux-ci ne pouvant selon lui statuer sur le présent recours du fait qu'ils "avaient pris part à la décision qui faisait l'objet du recours" et pouvaient être soupçonnés de partialité.
IV. En réponse, l'intimé (titulaire du brevet) a fait valoir que la seule question qui restait à trancher dans la présente procédure de recours était de savoir si le brevet tel que modifié était conforme ou non aux dispositions de la CBE, compte tenu de la décision T 215/88 qui avait précédé. A cet égard, les conclusions soumises par le requérant à la division d'opposition le 12 août 1991 ne pouvaient prouver la nécessité d'apporter d'autres modifications au brevet. L'intimé a en outre déclaré qu'il était souhaitable que les membres qui avaient rendu la décision T 215/88 statuent sur le présent recours, car ils connaissaient déjà le dossier.
V. Le 17 mars 1993, à l'issue de la procédure orale tenue devant la Chambre, procédure au cours de laquelle les membres de la Chambre avaient été remplacés par leurs suppléants en application de l'article 24(4) CBE, la demande du requérant visant à obtenir que la procédure se poursuive devant une chambre de recours compétente composée uniquement de membres n'ayant pas pris part à la décision T 215/88, ou que le président et le membre juriste ayant pris part à cette décision soient remplacés, a été rejetée. Les motifs de cette décision intermédiaire ont été notifiés aux parties le 19 juillet 1993.
VI. Lors d'une procédure orale qui s'est tenue le 5 août 1993, le requérant a présenté la lettre du 14 novembre 1990 qui n'était pas parvenue à la division d'opposition. Il a en outre déposé quatre requêtes en vue d'obtenir :
1. que la décision attaquée soit annulée et renvoyée à la division d'opposition (selon la Chambre, le requérant demandait par là que l'affaire soit renvoyée à la division d'opposition pour suite à donner, de manière à ce qu'elle établisse un texte modifié du brevet, comme l'avait ordonné la Chambre dans sa première décision (T 215/88)) ;
2. que la décision T 215/88 soit annulée ;
3. au cas où il ne serait pas donné suite à la requête n° 2, que la Chambre soumette les questions 1 a), 1 b) et 2 ci-après à la Grande Chambre de recours :
1a) si une partie à une procédure en instance devant l'OEB dépose des requêtes, avec justifications à l'appui, et que du fait d'une pratique suivie à l'intérieur de l'OEB, ces pièces justificatives se voient délibérément écartées du dossier et ne sont communiquées ni à l'instance compétente de l'OEB, ni à l'autre partie à la procédure, y-a-t-il lieu de considérer que cette pratique constitue un vice substantiel de procédure ?
1b) Dans l'affirmative, la décision rendue dans la suite de la procédure doit-elle être considérée comme nulle et non avenue ?
2) Une chambre de recours peut-elle, dans une procédure en cours, réviser une décision antérieure d'une chambre de recours si cette décision est entachée d'un grave vice de procédure, du fait par exemple que des requêtes ont été soumises par une personne qui n'est pas mandataire agréé au sens de l'article 134 CBE ?
4. que le brevet attaqué soit révoqué.
A l'appui de sa requête n° 1, le requérant alléguait que la décision qu'il attaquait était entachée de deux vices substantiels de procédure : d'une part la division d'opposition n'avait pas pris en considération la lettre du 14 novembre 1990 ainsi que les requêtes qu'elle contenait, d'autre part les pièces qu'il avait soumises le 12 août 1991 avaient été "ignorées". Selon lui, l'intervention d'un organe autre qu'une division d'opposition ou qu'une chambre de recours pour le traitement des pièces soumises au cours d'une procédure relative à la délivrance ou au maintien d'un brevet européen était contraire aux règles 9 et 10 CBE et, d'une manière plus générale, la non-communication par l'OEB des observations formulées après une décision finale d'une chambre de recours était une pratique qui portait atteinte aux droits du grand public, notamment dans le cas où un document qui détruit manifestement la nouveauté est produit après qu'a été rendue une telle décision. Le requérant faisait également valoir que du fait de ces vices de procédure, la décision qu'il attaquait devait être annulée, même s'il devait se révéler qu'il n'y avait pas lien de cause à effet entre ces vices de procédure et l'issue de la procédure d'opposition.
En outre, le requérant contestait le caractère contraignant de la décision T 215/88 pour ce qui est de la question de savoir s'il convenait ou non de supprimer certains exemples dans la description, notamment le coupleur n° 5. En particulier, la mention du coupleur n° 5 au point 4.2 de cette décision n'était pas pertinente, du fait qu'elle se fondait sur des considérations erronées et que le contexte était différent. En outre, il ressortait clairement du compte rendu de tests du 12 août 1991 qu'un élément photographique contenant le coupleur n° 5 consommait plus de deux équivalents d'halogénure d'argent. D'après le requérant, ce coupleur ne répondait donc pas à la définition d'un "coupleur à deux équivalents" donnée au point 4.5 de la décision T 215/88. Le requérant ajoutait qu'à première vue, ceci devait valoir aussi pour tous les coupleurs ayant une position para libre dans le radical aryle du groupe libéré lors du couplage (coupling-off group : COG), lesquels n'étaient donc pas des coupleurs selon la revendication 1 telle que l'avait interprétée la décision T 215/88, et devaient donc tous être supprimés.
A l'appui de ses requêtes nos 2 et 3, le requérant alléguait qu'en tout état de cause, l'OEB devait prévoir la possibilité d'une révision des décisions des chambres de recours lorsqu'il avait pu être constaté que ces décisions enfreignaient les règles de procédure, par exemple les dispositions de l'article 24(1) et (3) sur lesquelles se fondait sa requête en récusation de tous les membres de la Chambre dans sa composition actuelle. Le vice substantiel de procédure qu'il invoquait tenait à ce que, dans la procédure qui avait précédé, la Chambre avait autorisé selon lui une personne qui n'était pas un mandataire agréé (article 133 CBE) à "défendre une partie importante ou essentielle du dossier du titulaire du brevet". Le requérant alléguait notamment que cette personne avait modifié certaines des requêtes antérieures formulées par le mandataire agréé, ce qui allait à l'encontre des dispositions des articles 133 et 134 CBE et de la jurisprudence constante des chambres de recours, notamment la décision T 80/84 (JO OEB 1985, 269). Tout en reconnaissant, en réponse à certaines questions que lui avait posées la Chambre, que la CBE n'autorisait pas de manière expresse la révision d'une décision d'une chambre de recours, il déclarait, se fondant sur l'article 125 CBE, qu'à son avis cette possibilité existait dans l'ensemble ou du moins dans la plupart des Etats parties à la CBE, vu que c'était le cas au moins dans un Etat contractant (Allemagne), ce qui semblait prouver que cette pratique était généralement admise et suivie dans l'ensemble ou du moins dans la plupart des autres Etats contractants. La question de la révision revêtant un intérêt général dans tous les cas où la procédure devant l'OEB n'avait pas été clôturée, il estimait qu'il convenait de soumettre à la Grande Chambre de recours les questions de droit soulevées à ce sujet dans la requête n° 3.
A l'appui de sa requête n° 4, le requérant faisait valoir que, comme il l'avait déjà mentionné à propos de ses requêtes 1 et 2, ainsi que dans la lettre du 14 novembre 1990, le brevet attaqué ne pouvait être maintenu sur la base du texte actuel des revendications et de la description.
VII. Le 2 juillet 1993, l'intimé a produit un compte rendu de tests visant à prouver qu'il ne se formait pas de colorant bleu-vert pendant le traitement d'un élément photographique contenant uniquement le coupleur n° 5. Dans une lettre d'accompagnement et également pendant la procédure orale, il a signalé que dans la définition de l'expression "coupleur à deux équivalents" donnée dans la décision T 215/88, il était précisé expressément que le coupleur ne devait pas, au cours de réactions ultérieures se déroulant au sein de l'élément photographique, consommer plus que les deux équivalents d'halogénure d'argent requis pour la formation du colorant d'image désiré. La consommation supplémentaire d'halogénure d'argent dans le cadre d'autres réactions au sein de l'élément photographique n'était donc pas exclue par cette définition. Or, les tests effectués par le requérant se bornaient à montrer que la consommation globale d'halogénure d'argent par mole de colorant d'image obtenue était supérieure à deux équivalents. En d'autres termes, ce test montrait la différence de réactivité de deux coupleurs différents. Afin de prouver que la définition ci-dessus n'était pas respectée, il aurait toutefois fallu prouver que l'élément photographique contenait des produits de réaction provenant d'une réaction ultérieure du phénol obtenu par la réaction de développement, c'est-à-dire du phénol correspondant au COG. Selon l'intimé, cette réaction ultérieure devait conduire au moins à la formation de colorant bleu-vert détectable par spectrophotométrie. Or, comme les tests prouvaient que ce n'était pas le cas, il n'y avait aucune raison de supprimer de la description les coupleurs mentionnés par le requérant.
En ce qui concerne les autres requêtes du requérant, l'intimé faisait savoir que le requérant ne pouvait obtenir la révision d'une affaire ayant déjà fait l'objet d'une décision finale de la Chambre. L'intimé contestait par ailleurs l'existence de graves vices de procédure ayant pu influencer l'issue de la procédure. Il estimait donc qu'il n'y avait pas lieu d'examiner les questions que le requérant aurait souhaité poser à la Grande Chambre de recours.
VIII. Le requérant a demandé qu'il soit fait droit aux requêtes 1 à 4 qu'il avait présentées pendant la procédure orale et que chaque partie supporte les frais qu'elle avait elle-même exposés.
L'intimé a conclu au rejet du recours et au maintien du brevet tel qu'il avait été modifié par décision de la division d'opposition en date du 17 septembre 1991, rendue conformément à la décision T 215/88. Estimant que la procédure orale du 5 août 1993 était superflue et que le requérant avait commis un abus en demandant la tenue de cette procédure, il a demandé en outre que tous les frais qu'il avait exposés pour cette procédure soient mis à la charge du requérant.
A l'issue de la procédure orale, la Chambre a annoncé qu'elle rejetait le recours ainsi que les requêtes 2, 3 et 4 du requérant, de même que la requête de l'intimé visant à faire ordonner une répartition des frais au titre de l'article 104 CBE.
Motifs de la décision
1. Le recours est recevable, car les requêtes du requérant visent à faire annuler non seulement une décision antérieure d'une chambre de recours - ainsi qu'il avait été demandé à titre de seule et unique requête dans l'affaire T 934/91 (JO OEB 1994, 184), dans laquelle le recours avait été jugé irrecevable -, mais également une décision par laquelle une division d'opposition avait statué sur une question qui n'avait pas encore fait l'objet d'une décision finale d'une chambre de recours, à savoir la question de l'adaptation du texte de la description au texte des revendications.
2. Le compte rendu de tests produit par l'intimé le 2 juillet 1993 a été examiné par la Chambre, qui a jugé qu'il n'était pas suffisamment pertinent pour pouvoir être pris en considération dans la procédure. La Chambre, exerçant le pouvoir d'appréciation que lui confère l'article 114(2) CBE, a donc décidé de ne pas en tenir compte.
3. La première requête du requérant vise à faire annuler la décision attaquée aussi bien pour des raisons de forme (vice de procédure) que pour des raisons de fond. La Chambre va examiner ces conclusions dans l'ordre dans lequel elles ont été présentées.
3.1 S'agissant de la première conclusion, qui vise à faire annuler la décision attaquée pour la simple raison qu'elle n'a pas tenu compte des "requêtes" contenues dans la lettre du 14 novembre 1990, qui n'a pas été versée au dossier d'opposition, la Chambre note que dans la lettre qu'il avait fait parvenir à l'OEB le 12 août 1991, le requérant avait repris ces requêtes qui visaient pour l'essentiel à faire annuler la décision T 215/88 ou à faire soumettre l'affaire au Président de l'OEB, celui-ci devant juger s'il y avait lieu ou non de saisir la Grande Chambre de recours d'une question de droit. Par conséquent, la division d'opposition avait eu la possibilité d'examiner ces requêtes, et elle les a effectivement examinées dans l'exposé des motifs de la décision attaquée. Toutefois, elle a estimé qu'elle devait considérer la décision T 215/88 comme une décision finale et qu'elle n'avait compétence que pour adapter le texte de la description au texte des revendications retenu par la Chambre. Elle a déclaré en outre qu'il n'y avait pas lieu de soumettre l'affaire au Président de l'OEB, puisque l'article 112 CBE n'autorisait pas ce dernier à saisir la Grande Chambre de recours d'une affaire qui avait déjà été tranchée par une chambre. Ainsi, les seuls points que la division d'opposition n'avait pu examiner, faute d'avoir reçu la lettre du 14 novembre 1990, étaient les motifs invoqués à l'appui des requêtes présentées dans cette lettre, mais la division d'opposition ayant estimé qu'elle ne pouvait de toute façon faire droit à ces requêtes quels que soient les faits qui auraient pu être invoqués comme motifs, l'absence dans le dossier d'opposition de la lettre du 14 novembre 1990 ne peut de toute évidence être considérée comme un vice substantiel de procédure.
De plus, les dispositions de la CBE ne permettent pas d'affirmer, comme l'avait fait le requérant, que dans les procédures devant l'OEB, toute irrégularité, qu'il s'agisse ou non d'un vice substantiel en ce sens qu'il a joué un rôle déterminant dans la décision qui n'a pas fait droit aux prétentions d'une partie à la procédure, doit automatiquement entraîner l'annulation de la décision rendue à l'issue de la procédure ainsi "viciée", laquelle doit par conséquent être reprise à partir du moment où s'est produite cette irrégularité. Au contraire, l'article 111(1) CBE prévoit expressément que la chambre de recours peut soit exercer les compétences de l'instance qui a pris la décision attaquée, soit renvoyer l'affaire à ladite instance pour suite à donner. Dans la jurisprudence antérieure de l'OEB (cf. par exemple la décision T 611/90, publiée au JO OEB 1993, 50), la chambre ne renvoie une affaire devant l'instance du premier degré que si l'équité vis-à-vis de toutes les parties l'exige. Dans la présente espèce, la Chambre juge qu'il n'y a pas lieu de renvoyer l'affaire devant la division d'opposition pour qu'elle examine l'ensemble du contenu de la lettre du 14 novembre 1990, puisqu'elle peut elle-même examiner ce contenu en usant pour cela des pouvoirs que lui confère l'article 111(1) CBE, et remédier par là aux atteintes qui auraient pu être portées au droit du requérant d'être entendu par l'OEB au cours de la procédure devant la division d'opposition.
Dans ces conditions, la Chambre n'a donc pas à examiner si les pratiques administratives suivies actuellement pour le traitement des lettres produites alors qu'une chambre de recours a déjà statué définitivement sur une affaire sont conformes ou non aux règles 9 et 10 CBE, ou s'il conviendrait pour quelque autre raison d'y apporter des modifications. Elle signale toutefois qu'elle n'est pas convaincue par les arguments du requérant : en effet, même si, dans certains cas, par exemple lorsque l'opposant découvre un document qui détruit la nouveauté alors que la chambre de recours a déjà rendu une décision finale, il convient, dans l'intérêt du public, de verser ce document au dossier de recours ou au dossier général, l'adjonction de ce document au dossier ne peut en elle-même modifier la décision de la chambre, qui demeure définitive en vertu de la CBE (cf. aussi le point 10 des motifs de la décision intermédiaire T 843/91 rendue le 17 mars 1993 dans la présente espèce, JO OEB 1994, 818). En outre, en bonne logique, ce n'est pas parce que certaines informations doivent être versées au dossier après qu'a été rendue une décision finale que l'on peut conclure qu'il convient également de verser au dossier toutes les informations, y compris les plaintes, fondées ou non, relatives à des vices de procédure qui auraient été commis au cours de la procédure orale qui a débouché sur la décision finale de la chambre de recours. A ce propos, eu égard en particulier aux faits de la cause, la Chambre fait observer que les suppléants des membres actuels qui avaient examiné, en application de l'article 24(4) CBE, la plainte portée par le requérant en vertu de l'article 24, paragraphes 1 et 3 CBE, avaient déclaré expressément que le vice de procédure invoqué dans la lettre du 14 novembre 1990 (c'est-à-dire la lettre qui n'avait pas été versée au dossier d'opposition par les services administratifs) n'était pas un vice substantiel (cf. décision intermédiaire du 17 mars 1993, point 9.4 des motifs).
3.2 Le second vice de procédure qu'a fait valoir le requérant tient à ce qu'il a été jugé dans la décision attaquée que les pièces soumises par le requérant le 12 août 1991 devaient être "ignorées". La Chambre constate cependant qu'il ressort de l'ensemble de la décision attaquée que la division d'opposition n'a nullement omis de prendre ces pièces en considération, mais qu'elle a estimé qu'elles portaient sur une question définitivement tranchée par la décision T 215/88, si bien qu'elle n'avait pas à en tenir compte lors de l'examen de la seule question sur laquelle elle avait encore à statuer. Cette analyse peut être contestée, et l'a d'ailleurs été pendant la présente procédure de recours ; néanmoins, même s'il avait été constaté au cours de la procédure de recours (ce qui n'est pas le cas) que cette analyse des faits était erronée, cette erreur ne constituerait pas en soi un vice substantiel de procédure pouvant entraîner l'annulation d'une décision fondée sur cette analyse.
3.3 La Chambre estime donc qu'il n'y a pas eu vice substantiel de procédure. Puisqu'il ne peut par ailleurs être invoqué d'autres raisons de forme qui justifieraient une annulation de la décision attaquée, la Chambre va à présent examiner pour le fond la première requête du requérant, sous ses aspects techniques.
3.4 La seule question qui reste encore à trancher à cet égard est de savoir si l'on doit maintenir dans la description les exemples de coupleurs contenant un COG en position para libre (non bloquée). A ce propos, il a été également posé la question de savoir dans quelle mesure la décision T 215/88 devait être considérée comme une décision finale.
3.4.1 En ce qui concerne ce dernier point, c'est-à-dire la question de savoir quelles sont les questions qui ont été tranchées définitivement dans la décision T 215/88, il convient de se reporter au dispositif de cette décision, dans lequel il est stipulé :
"1. le recours est recevable,
2. la décision attaquée est annulée et
3. l'affaire est renvoyée devant la division d'opposition, à charge pour celle-ci de maintenir le brevet conformément à la requête principale du requérant."
La requête principale visait à faire maintenir le brevet sur la base du texte modifié de la revendication 1 et du texte des revendications 2 à 7 du brevet tel que délivré. Ainsi, ni dans cette requête, ni dans le dispositif de la décision, il n'était fait allusion au contenu que devait avoir la description.
Il semblerait à première vue que l'on puisse interpréter le dispositif ci-dessus comme signifiant que toute l'affaire était renvoyée à la division d'opposition pour suite à donner, conformément à l'article 111(1) CBE, ceci correspondant à l'une des deux possibilités prévues pour le règlement d'un recours, possibilités qui s'excluent mutuellement : soit il est rendu une décision finale sur tous les faits de la cause, y compris sur les modifications à apporter en conséquence à la description, soit l'affaire est renvoyée pour suite à donner, sans qu'aucun des points n'ait été définitivement réglé. Néanmoins, cette interprétation est, de l'avis de la Chambre, tout à fait inexacte, car elle est en désaccord avec les "Motifs de la décision", dans lesquels il était constaté expressément que l'objet des revendications en cause répondait aux conditions requises par la CBE. En outre, la Chambre fait observer que cette interprétation du dispositif ne correspond pas à celle qu'en ont donnée la division d'opposition et les parties à la procédure, et qu'elle n'est pas non plus fondée en droit (cf. également la décision T 79/89, JO OEB 1992, 283).
Par conséquent, la Chambre estime qu'il convient d'interpréter le dispositif susmentionné en le replaçant dans le contexte général des motifs de la décision T 215/88, et donc qu'il doit être considéré que dans cette décision, qui est une décision finale, la Chambre a statué sur la brevetabilité de l'objet des revendications en cause et sur leur libellé en exerçant les compétences de l'instance qui avait pris la décision attaquée (article 106(1) CBE ; cf. également à cet égard la décision intermédiaire du 17 mars 1993, notamment le point 6.1 de cette décision, ainsi que les considérations développées par la Chambre au point 4 ci-après à propos de la requête n° 2 (soumise par le requérant)). Ce n'est que dans le dernier point du dispositif, qui n'avait pas directement trait à la question principale (celle de la brevetabilité), puisqu'il s'agissait de l'adaptation qu'il convenait de donner de la description, que la Chambre a fait usage de la seconde possibilité prévue par l'article 111(1) CBE en renvoyant l'affaire à la division d'opposition. Cette dernière interprétation du dispositif susmentionné est incontestablement en accord avec d'autres décisions rendues par des chambres de recours, comme par exemple la décision T 757/91 en date du 10 mars 1992 (point 2.2 des motifs), et la décision T 113/92 en date du 17 décembre 1992 (point 1 des motifs).
3.4.2 Du fait de ce caractère final de la décision T 215/88, c'est-à-dire de son effet juridique contraignant, il n'est plus possible dans la suite de la procédure, lors de l'examen de la question qui avait été renvoyée à la division d'opposition, de contester à nouveau le texte des revendications susvisées, ni de mettre en cause la brevetabilité de leur objet (cf. là encore la décision T 79/89 susmentionnée).
S'agissant de la deuxième partie du dispositif susmentionné, ordonnant le renvoi de l'affaire à la division d'opposition, à charge pour celle-ci d'adapter la description, il découle de l'article 111(2) CBE que cette instance n'est liée par les motifs de la décision de renvoi que "pour autant que les faits de la cause soient les mêmes". Autrement dit, la division d'opposition est en principe libre d'examiner de nouveaux faits, à condition qu'il ne s'agisse que de faits en relation avec l'adaptation de la description, qui seuls correspondent aux faits visés par l'article 111(2) CBE.
Pour la Chambre, cela signifie que les constatations sur lesquelles se fonde la partie contraignante du dispositif susmentionné (res judicata) ne peuvent être réexaminées en vertu de cet article, et qu'elles sont donc toutes également contraignantes. S'il en allait autrement, c'est-à-dire si les parties étaient libres de les contester et que la division d'opposition puisse par la suite revenir sur ces constatations lors de l'examen de l'affaire qui lui a été renvoyée pour adaptation de la description, la décision dans son ensemble, y compris le dispositif, deviendrait superflue et sans valeur, perdant ainsi en fait son caractère contraignant. Si l'on devait considérer que l'expression "les faits de la cause" figurant à l'article 111(2) CBE englobe également les constatations qui sont à la base de la partie définitive de la décision, en ce sens que sans elles la Chambre n'aurait pu aboutir à cette décision finale, les opposants se verraient offrir tardivement (pour la troisième fois) la possibilité de contester la partie contraignante de la décision en faisant valoir de nouveaux faits, ce qui irait à l'encontre du seul et unique objectif qui avait été assigné expressément à ce renvoi de l'affaire devant la division d'opposition, à savoir l'adaptation de la description. Or, cette possibilité ne ressort pas expressément de la CBE et elle n'en découle pas non plus implicitement, et créer une telle possibilité par le biais d'une interprétation au sens large de l'article 111(2) CBE irait, de l'avis de la Chambre, à l'encontre de ce principe général du droit qu'est le principe de la sécurité juridique par lequel est affirmé l'intérêt général du public au règlement des litiges ("expedit rei publicae ut sit finis litium"), ainsi que le droit de chacun à être protégé contre une multiplication tracassière des procès et poursuites judiciaires.
3.4.3 S'agissant plus particulièrement de savoir si la question de l'équivalence du coupleur n° 5 avait déjà été tranchée dans l'affaire T 215/88, comme l'avait estimé la division d'opposition, la Chambre fait observer que la décision T 215/88 avait traité expressément de cette question. La Chambre a constaté qu'en fait le coupleur n° 5 était un exemple typique de coupleur à deux équivalents au sens où l'entend la définition donnée à cette expression dans les motifs de la décision T 215/88 (cf. point 4.2 de cette décision - cité ci-après au point 3.5.1 - et point 4.3). En outre, certaines des considérations juridiques de la Chambre étaient fondées sur cette constatation (cf. point 6.2.4 des motifs de cette décision), si bien que cette constatation a été déterminante (au sens indiqué plus haut) pour la décision prise par la Chambre de maintenir le brevet sur la base de certaines revendications, comme l'avait demandé le requérant dans sa requête principale. Aussi la Chambre considère-t-elle que, contrairement à ce que prétend à présent le requérant, cette question de fait a déjà été tranchée définitivement dans la décision T 215/88, autrement dit que le coupleur n° 5 entrait dans la définition du coupleur à deux équivalents selon la revendication 1. Pour les motifs déjà exposés ci-dessus, cette constatation ne peut être remise en question.
3.4.4 La division d'opposition a donc correctement interprété la décision T 215/88 et c'est avec juste raison qu'elle a refusé d'examiner à nouveau cette question.
3.5 Toutefois, la constatation susmentionnée faite à propos du coupleur n° 5 dans la décision T 215/88 ne peut être étendue à tous les autres coupleurs ayant une position para libre dans le COG, et l'on ne peut trouver ainsi dans cette décision de constatation définitive au sujet de l'équivalence de ces autres coupleurs. Il reste donc à savoir si, compte tenu des arguments invoqués par le requérant, il convient ou non de supprimer de la description la mention de quelques-uns ou de l'ensemble de ces coupleurs. Les parties se sont fondées à cet égard sur des interprétations différentes de la définition du terme "coupleur à deux équivalents" donnée dans la décision T 215/88.
3.5.1 Or, il a été déclaré au point 4.2 des motifs de cette décision 215/88 :
"... la question de savoir si c'est à juste titre qu'un coupleur a été dénommé "à deux équivalents" ou "à six équivalents" dépend de ce qui se passe effectivement au cours du développement de l'élément photographique contenant ce coupleur, et il ne suffit pas d'examiner la structure chimique pour pouvoir répondre à cette question. C'est ce que montre en outre la comparaison entre le coupleur n° 5 selon le brevet en litige et le coupleur n° 4 de la série phénol dans le tableau 17.2 du document 6, qui est le phénol correspondant au COG aryloxy du coupleur n° 5. Ce coupleur n° 5 donne cependant une teinte plus jaune que le coupleur n° C-6 (cf. le brevet en litige, p.16, exemples 9 et 10) ayant le substituant acétamido en position para, c'est-à-dire que le coupleur phénol "résultant du développement du coupleur n° 5 ne réagit manifestement pas lui-même comme coupleur pendant le développement de l'élément photographique selon l'exemple 9 du brevet en litige. Dans ces conditions, le phénol ne peut être qualifié de "coupleur" car ce terme n'est utilisé dans l'état de la technique que pour des radicaux qui forment effectivement un colorant pendant le traitement à l'intérieur d'un élément photographique."
Il est dit ensuite au point 4.5 de la décision T 215/88 :
"Compte tenu de ces considérations (c'est-à-dire celles qui viennent d'être exposées plus certaines autres), ..., pour l'interprétation du sens véritable du texte actuel de la revendication 1, il conviendrait de considérer que l'expression "coupleur à deux équivalents" ... désigne un coupleur qui ne consomme, pour la formation d'une molécule de colorant d'image dans l'élément photographique, que deux équivalents d'halogénure d'argent, sans autre consommation d'halogénure d'argent au cours des réactions ultérieures au sein de cet élément".
3.5.2 La définition ci-dessus s'adresse à un homme du métier censé la lire à la lumière de ses connaissances générales. Ces connaissances générales lui apprennent que ce n'est pas le coupleur proprement dit qui réagit avec l'halogénure d'argent ; en fait, deux équivalents d'halogénure d'argent produisent une molécule d'agent de développement oxydé (Dox) qui réagit ensuite principalement avec le coupleur sous sa forme anionique, formant ainsi un leuco-colorant qui donne alors le colorant d'image par élimination de l'anion correspondant au COG, ainsi que d'un proton, c'est-à-dire sans nécessiter une oxydation supplémentaire (cf. par ex. le document 6bis, p. 340, chapitre B, intitulé "Reactions of Oxidised Developing Agent" et le fascicule du brevet en litige, page 2, lignes 31 à 38).
Ainsi, l'homme du métier aurait compris que l'expression "deux équivalents d'halogénure d'argent" utilisée ci-dessus équivaut à l'expression "une molécule d'agent de développement oxydé", et que la définition contestée n'excluait que les éléments photographiques qui consommaient des molécules supplémentaires de Dox "au cours de réactions ultérieures" au sein de l'élément photographique. La Chambre estime que cette dernière expression doit être interprétée à la lumière des explications fournies au point 4.2 de la décision T 215/88 (cf. ci-dessus, point 3.5.1), c'est-à-dire qu'il convient de considérer qu'elle porte exclusivement sur des réactions impliquant une formation supplémentaire de colorant après l'élimination du COG. Par conséquent, c'est à tort que le requérant a interprété la définition susmentionnée comme signifiant qu'un élément photographique contenant un coupleur de ce type ne doit jamais consommer, au cours d'un développement classique, plus de deux équivalents d'halogénure d'argent, et il n'est pas possible de se fonder sur cette interprétation pour apprécier l'admissibilité du contenu de la description.
3.6 En ce qui concerne à présent la question de savoir si la description englobe des éléments photographiques contenant des coupleurs qui ne sont pas des coupleurs à deux équivalents répondant à la définition susmentionnée, si on l'interprète correctement, la Chambre constate que le requérant n'a fourni aucune preuve à ce sujet, mais s'est borné à faire valoir que vu les résultats des tests obtenus avec le coupleur n° 5, l'on pouvait raisonnablement penser que selon toute probabilité, les autres coupleurs ayant une position para libre donneraient des résultats similaires. La Chambre estime que cet argument ne tient pas, car la question de l'équivalence du coupleur n° 5 et la question de savoir si ce coupleur répond à la définition du coupleur à deux équivalents selon le texte actuel de la revendication 1 ont déjà été tranchées (cf. ci-dessus, points 3.4.2 à 3.4.4), si bien qu'il n'est plus possible de revenir sur ce sujet dans le cadre de la présente procédure. Par conséquent, même si la similarité de structure entre ce coupleur et les autres coupleurs mentionnés dans le corps de la description pouvait être considérée comme l'indice d'une activité similaire de ces coupleurs, il semblerait que l'on doive plutôt en conclure que ces coupleurs répondent également à la définition susmentionnée. Cette similarité de structure ne peut donc être invoquée pour essayer de prouver le contraire, comme l'a fait valoir le requérant.
3.7 Pour toutes ces raisons, la Chambre estime qu'il n'y a pas lieu de modifier une nouvelle fois la description et qu'elle n'a pas à faire droit à la première requête soumise par le requérant.
3.8 Cependant, comme le requérant a soumis un grand nombre d'arguments et de justifications à propos de la question de l'équivalence des coupleurs ayant une position para libre (non bloquée), la Chambre tient à signaler qu'elle serait de toute façon parvenue à la même conclusion même si elle avait tenu compte de tous ces arguments et de toutes ces justifications.
Les tests du requérant prouvent qu'aussi bien au cours du développement avec l'agent de développement décrit "dans les exemples du document EP 0 080 355" (c'est-à-dire du brevet en cause) que dans le procédé Kodak C-41, qui est un procédé commercial de développement très répandu, un élément photographique contenant comme seul et unique coupleur le coupleur n° 5 consomme respectivement 3,5 ou 4,6 équivalents d'halogénure d'argent pour la production d'une mole de colorant d'image. En revanche, un coupleur dit "coupleur typique à deux équivalents" ayant la même structure, si ce n'est que le COG est un agent hétérocyclique dont la structure exclut toute réaction ultérieure avec un Dox, ne consomme respectivement que 2,0 ou 2,2 équivalents d'halogénure d'argent pour la formation d'une mole du même colorant d'image. Le requérant en a conclu que le coupleur n°5 ne pouvait être considéré comme un coupleur à deux équivalents, et que même si l'on admettait que l'interprétation correcte de la définition donnée dans la décision T 215/88 (cf. ci-dessus point 3.5.2), n'excluait pas des réactions secondaires concurrentes susceptibles elles aussi de consommer un Dox, ces réactions n'avaient pas à être prises en considération, étant donné que, dans la pratique, ce serait la quantité totale de Dox présente pendant le développement de l'élément photographique qui entrerait en réaction avec le ou les coupleurs existants, si bien que la consommation totale d'halogénure d'argent qu'il avait observée mesurait directement l'équivalence des coupleurs considérés.
Cette affirmation du requérant, vivement contestée par l'intimé, est, de l'avis de la Chambre, en désaccord avec les connaissances générales de l'homme du métier, telles que les reflète par exemple le document 6a, en l'occurrence l'ouvrage cité par le requérant lui-même, où il est dit qu'un Dox peut être consommé non seulement dans une réaction avec l'anion de couplage, mais aussi dans des réactions secondaires concurrentes n'aboutissant pas à la formation de colorant (cf. p. 340, colonne de gauche, alinéa (a) et la phrase allant de la fin de la colonne de gauche au début de la colonne de droite de la page 341, à lire en relation avec le chapitre "Side Reactions of QDI During Development", qui commence à la page 343). Ainsi, comme l'a exposé l'intimé, le requérant a déterminé les réactivités comparées des deux coupleurs testés plutôt que leur équivalence. Le requérant, auquel incombait la charge de la preuve en l'occurrence, n'a donc pas été en mesure de prouver que les résultats de ses tests montraient sans équivoque que l'un des coupleurs à position para libre mentionnés dans la description ne répondait pas à la définition correcte d'un coupleur à deux équivalents.
4. En ce qui concerne la seconde requête du requérant, visant à faire annuler la décision T 215/88, la Chambre fait observer qu'en vertu des articles 21(1) et 106(1) CBE, les seules décisions susceptibles de recours sont les décisions rendues par la section de dépôt, les divisions d'examen, les divisions d'opposition et la division juridique. Ainsi, les décisions des chambres de recours ne font pas partie des décisions présentées expressément par la CBE comme des décisions susceptibles d'être contestées (cf. également la décision intermédiaire du 17 mars 1993, points 6 à 6.3 des motifs) ; elles sont définitives, et il est impossible de les annuler ou de les modifier lors d'une décision ultérieure portant sur le même objet technique. Les dispositions de la CBE n'autorisent donc pas la Chambre à prendre cette requête en considération.
Au cours de la procédure orale qui s'est tenue le 5 août 1993, le requérant a invoqué en outre l'article 125 CBE, mais c'est sans la moindre preuve qu'il a affirmé que la législation allemande prévoit la possibilité de réviser une décision rendue en dernière instance par une juridiction si cette décision est entachée d'un vice grave de procédure. A la connaissance de la Chambre, la législation allemande n'autorise une telle révision que dans des situations très particulières ("Restitutionsklage" et "Nichtigkeitklage"), qui ne sont pas directement comparables à celle visée dans la requête du requérant. En outre, le requérant, sur lequel repose la charge de la preuve, n'a pas prouvé qu'il existe également dans l'ensemble des autres Etats membres de l'Organisation, ou tout au moins dans la plupart d'entre eux, des dispositions semblables à celles qui existent selon lui dans la législation allemande, et qu'il s'agit par conséquent de dispositions "généralement admises" au sens où l'entend l'article 125 CBE. En l'absence de ces preuves, la Chambre ne peut souscrire aux conclusions du requérant selon lesquelles les dispositions existant dans la législation allemande constituent un commencement de preuve de l'existence de dispositions similaires dans la législation des autres Etats contractants, et elle rejette par conséquent ces conclusions.
Il est dit en outre au point 9.4 des motifs de la décision intermédiaire du 17 mars 1993 que "la personne qui n'était pas un mandataire agréé" était intervenue en application de l'article 117 CBE, si bien que, contrairement à ce qu'a affirmé le requérant, qui a fondé sa seconde requête sur cet argument, la procédure orale n'a pas été entachée d'un vice substantiel (violation des articles 133 et 134 CBE) lors de l'examen par la Chambre de l'affaire T 215/88.
Il ne peut par conséquent être fait droit à la requête n° 2.
5. Vu qu'il ne peut être fait droit à la requête n° 2, la Chambre va à présent examiner la requête n° 3, qui vise à saisir la Grande Chambre de recours des questions de droit indiquées ci-dessus au point VI.
5.1 La réponse aux deux premières questions (nos 1a et 1b) ne peut avoir d'incidence sur la décision à rendre dans la présente espèce, étant donné que la procédure n'a pas été entachée d'un vice substantiel (cf. ci-dessus, points 3 à 3.3). Par ailleurs, la question de savoir d'une manière générale si l'OEB est tenu de verser au dossier toute nouvelle pièce qui aurait pu être produite est une question d'ordre purement administratif et non une question juridique, et elle n'est donc pas de la compétence de la Chambre. Par conséquent, la Chambre a estimé qu'il n'y a pas lieu de soumettre les questions 1a et 1b à la Grande Chambre de recours.
5.2 La question n° 2 a trait au pouvoir d'une chambre de recours de réviser (c'est-à-dire d'annuler ou de modifier) une décision rendue par elle-même ou par une autre chambre, lorsque cette décision a enfreint les règles de procédure. Toutefois, la Chambre constituée des membres suppléants (art. 24(4) CBE) a déjà conclu dans sa décision intermédiaire du 17 mars 1993 que contrairement à ce que prétendait le requérant, qui avait fondé sa requête sur cet argument, la procédure n'était pas entachée d'un vice substantiel (cf. point 9.4 de cette décision). Il n'y a donc pas lieu de réexaminer cette question de droit, comme le suggère le requérant en l'occurrence. En outre, bien que la question puisse être d'une importance capitale lorsqu'il s'avère qu'il y a eu vice de procédure, la conclusion de la Chambre selon laquelle la décision T 215/88 est définitive et ne peut être contestée dans la présente procédure est en parfait accord avec l'exposé des motifs donné au point 6 de la décision intermédiaire du 17 mars 1993 et avec la jurisprudence des chambres de recours, qui avait été citée et dont il avait été donné un résumé dans cette décision intermédiaire. De surcroît, l'argument du requérant selon lequel l'article 125 CBE serait applicable en l'espèce n'étant étayé par aucune preuve, qu'il s'agisse de la législation allemande, ou, mieux encore, de la législation des autres Etats contractants, il découle de la réponse donnée par la Chambre à la requête n° 2 (cf. ci-dessus, point 4) qu'il ne se pose pas en l'occurrence de question de droit susceptible d'être soumise à la Grande Chambre de recours.
6. Etant donné que la Chambre a déjà conclu qu'elle n'a pas le pouvoir d'annuler la décision qu'elle a rendue dans l'affaire T 215/88, et vu qu'aucune disposition de la CBE ne s'oppose à ce que le brevet tel que délivré soit maintenu sous une forme modifiée sur la base du texte actuel de la description, qui a été approuvé par l'intimé, il n'existe donc aucun motif de révoquer le brevet en litige, comme l'avait demandé le requérant.
La quatrième requête présentée par le requérant doit donc être également rejetée.
7. S'il est vrai que le requérant a cherché à faire réexaminer au cours de la procédure orale du 5 août 1993 des questions qui avaient déjà été discutées et tranchées lors de la procédure orale qu'avaient tenue le 17 mars 1993 les membres suppléants de la Chambre, il n'en demeure pas moins que la première de ces procédures orales ne se limitait pas à l'examen de ces seules questions, si bien qu'il ne peut être considéré que le requérant a demandé abusivement la tenue d'une procédure orale superflue. Il apparaît au contraire que, conformément à l'article 116(1) CBE, le requérant était en droit d'obtenir la tenue d'une procédure orale, dans la mesure où il s'agissait d'adapter le texte de la description au texte des revendications qui avait déjà été approuvé.
Pour cette raison, la Chambre estime que la requête de l'intimé tendant à faire supporter au requérant la totalité des coûts de la procédure orale du 5 août 1993 n'est pas fondée et qu'elle doit donc être rejetée.
Dispositif :
Par ces motifs, il est statué comme suit :
1. Le recours est rejeté.
2. Les requêtes 2, 3 et 4 soumises par le requérant sont rejetées.
3. La requête de l'intimé visant à obtenir une répartition des frais en vertu de l'article 104 CBE est rejetée.