CHAMBRES DE RECOURS
Décisions des Chambres de recours techniques
Décision de la Chambre de recours technique 3.2.1, en date du 11 janvier 1993 - T 789/89 - 3.2.1*
(Traduction)
Composition de la Chambre :
Président : | F. Gumbel |
Membres : | F.J. Pröls |
| W.M. Schar |
Titulaire du brevet/requérant : McALPINE & COMPANY LIMITED
Opposant : AB Sjöbo Bruk
Référence : Vanne de sous-pression/Mc ALPINE
Article : 52, 56, 107, deuxième phrase CBE
Mot-clé : "Activité inventive (oui)" - "Parties au recours - retrait de l'opposition - questions de fond/questions ne portant pas sur le fond, par ex. question des coûts"
Sommaire
L'ancien opposant devenu intimé qui déclare qu'il n'entend pas poursuivre son opposition cesse d'être partie à la procédure de recours pour ce qui concerne les questions de fond (existence et étendue du brevet), sans que cette déclaration de retrait influe sur sa qualité de partie à la procédure lorsqu'est examinée la question de la répartition des frais selon l'article 104 CBE (cf. point 2).
Exposé des faits et conclusions
I. Le brevet européen n° 0 059 558 a été délivré le 29 juillet 1987 sur la base de la demande de brevet européen n° 82 300 821.4, déposée le 17 février 1982.
II. Une opposition a été formée contre le brevet au motif que son objet était dénué de nouveauté et d'activité inventive (articles 100a), 54 et 56 CBE). L'opposition se fondait sur les documents suivants : ...
III. Par décision en date du 9 octobre 1989, la division d'opposition a révoqué le brevet pour absence de nouveauté par rapport au document D1.
IV. La requérante s'est pourvue contre cette décision le 6 décembre 1989 et a acquitté la taxe de recours dans le délai prévu. Le mémoire exposant les motifs du recours a été reçu le 7 février 1990.
V. ...
VI. ...
VII. Par lettre en date du 17 janvier 1992 (reçue le 21 janvier 1992), l'ancienne intimée a déclaré qu'elle avait décidé de ne pas poursuivre son opposition.
Motifs de la décision
1. Le recours répond aux conditions énoncées aux articles 106, 107 et 108, ainsi qu'aux règles 1(1) et 64 CBE. Il est donc recevable.
2. Désistement de l'opposition
2.1 Au cours de la procédure de recours, l'intimée avait déclaré qu'elle avait décidé de "ne pas poursuivre son opposition" ("to discontinue the opposition"), montrant ainsi clairement qu'elle souhaitait mettre fin à l'opposition. Cette déclaration doit donc être interprétée comme un désistement de l'opposition.
2.2 Une telle déclaration n'a pas d'incidence directe sur la procédure (cf. décision T 629/90, point 2.2, JO OEB 1992, 654), puisque contrairement à ce qui se produit en cas de retrait d'un recours (cf. décision G 7/91 en date du 5 novembre 1992), la procédure de recours demeure en instance. Dans les procédures en matière de brevets prévues par la CBE, à la différence d'autres procédures où les parties disposent seules de l'instance, les organes de l'OEB doivent prendre en considération l'intérêt du public (cf. décision G 7/91, points 7 à 10). La déclaration de retrait est intervenue après que la division d'opposition a rendu sa décision et que le recours a été valablement formé. Le recours a un effet suspensif (article 106(1) CBE), ce qui signifie que bien que la décision attaquée lie la division d'opposition, elle n'a néanmoins pas encore force de chose jugée. La décision finale rendue par la division d'opposition a mis fin à la procédure d'opposition en tant que telle (cf. décision G 4/91 en date du 3 novembre 1992).
Par conséquent, la déclaration en cause ne saurait affecter rétroactivement la procédure d'opposition qui avait été close par la décision finale de la division d'opposition (décision contre laquelle est dirigé le présent recours).
2.3 Il se pose toutefois la question de savoir dans quelle mesure une telle manifestation de volonté affecte la qualité de partie de l'intimée dans la procédure en instance devant la Chambre.
La déclaration de retrait de l'opposition doit être considérée comme une décision de retrait de toutes les requêtes et requêtes en réponse encore en instance et comme un désistement de la procédure de recours. Il est ainsi manifeste que l'intimée se propose de renoncer à sa qualité de partie à la procédure pour ce qui concerne les questions de fond relatives à l'existence et à l'étendue du brevet.
En vertu de l'article 107 CBE, deuxième phrase, toute partie à la procédure d'opposition est de droit partie à la procédure de recours. La question se pose ainsi de savoir si un ancien opposant devenu intimé est en droit de cesser d'être partie à la procédure de recours.
Afin de déterminer la signification qu'il convient de donner à cet article 107, deuxième phrase, CBE la Chambre applique les règles d'interprétation énoncées dans les articles 31 et 32 de la Convention de Vienne sur le droit des Traités, conclue le 23 mai 1969 (cf. JO OEB 1984, 192), comme l'a fait la Grande Chambre dans la décision G 6/83, points 1 à 6 (JO OEB 1985, 67). Aux termes de l'article 31 de la Convention de Vienne, "un traité doit être interprété de bonne foi suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à la lumière de son objet et de son but" (article 31(1) de la Convention de Vienne).
Or, le sens ordinaire de l'article 107 CBE ne fournit pas de réponse. La deuxième phrase de cet article précise qui devient partie à la procédure de recours. Il n'est pas question dans cette phrase de désistement d'instance, ni de la perte de la qualité de partie à cette procédure, et en particulier il n'est pas spécifié qu'il soit impossible de cesser d'être partie à la procédure.
Le contexte de la phrase en question est constitué par les dispositions de la CBE ainsi que par les règlements et autres accords s'y rattachant. Or, nulle part dans ces règlements ou accords il n'est fait état du désistement d'une opposition. Le cas du désistement (ou retrait) de l'opposition n'est évoqué qu'à la règle 60(2). Toutefois, cette règle vise la procédure devant la division d'opposition, et non la procédure de recours, ainsi qu'il a été dit dans la décision G 7/91 rendue le 5 novembre 1992 par la Grande Chambre de recours (cf. également point 2.2 supra).
L'article 125 CBE dispose qu'en l'absence d'une disposition de procédure dans la présente convention, l'Office européen des brevets prend en considération les principes généralement admis en la matière dans les Etats contractants.
Une règle de procédure couramment admise dans les Etats contractants veut qu'une partie titulaire du droit d'engager une procédure ou d'intervenir dans une procédure peut également déclarer renoncer à ce droit, et cesser ainsi d'être partie à cette procédure, sous réserve dans certains cas de l'approbation des autres parties à l'instance et de l'autorisation de la juridiction. Selon une autre règle de procédure généralement admise dans les Etats contractants, les questions principales ou les questions de fond peuvent faire l'objet d'un examen distinct de celui des questions subsidiaires ou des questions ne concernant pas le fond, telles que par exemple les problèmes de frais.
En ce qui concerne l'objet et le but de l'article 107 CBE, la question de savoir si une partie est libre de quitter l'instance dépend notamment du statut juridique de cette partie au sein d'une pluralité de parties à la procédure de recours faisant suite à une opposition. En l'occurrence, il s'agit notamment de la qualité de partie de l'opposante devenue plus tard intimée, autrement dit il s'agit non pas de la titulaire du brevet européen, mais de la partie qui estime être affectée par le brevet européen. Cette partie peut, comme toute autre personne (article 99(1) CBE), former ou non une opposition. Une fois l'opposition formée, l'affaire est examinée non seulement dans l'intérêt de cette partie, mais également dans celui du public (cf. point 2.2 supra). Pour déterminer si une réponse positive peut être apportée à cette question, il peut également être fait appel à des moyens complémentaires d'interprétation, et notamment aux travaux préparatoires, dans le cas où le sens d'une disposition demeure confus (ambigu ou obscur) après interprétation donnée conformément à l'article 31 de la Convention de Vienne (cf. art. 32 de la Convention de Vienne). A la page 115 des documents préparatoires M/54 de la Conférence diplomatique de Munich de 1973, figure un projet de rédaction de l'article 106, formulé comme suit : "Toute partie à la procédure ayant conduit à une décision peut recourir contre cette décision pour autant qu'elle n'ait pas fait droit à ses prétentions. Les autres parties à ladite procédure sont de droit parties à la procédure de recours, à l'exception de celles qui ont renoncé à ce droit."(C'est la Chambre qui souligne).
C'est sur cet article que se fonde l'actuel article 107 CBE, mais dans la seconde phrase, le dernier membre de phrase du texte initial "à l'exception de celles qui ont renoncé à ce droit" a été supprimé. La proposition de suppression a été motivée comme suit :
"Il a été considéré que les parties à une procédure ayant conduit à une décision qui fait l'objet d'un recours restent ipso jure parties à la procédure de recours et que ce principe doit être maintenu pour éviter des difficultés notamment au cas où l'instance de recours réformerait la décision de l'instance précédente également en ce qui concerne la répartition des frais entre les parties."
"Les mots dont la suppression est proposée peuvent être interprétés comme un abandon dudit principe, ce qui n'était pas l'intention. On a voulu exprimer que la qualité de parties devant l'instance de recours reconnue aux parties devant l'instance précédente n'implique pas l'obligation pour celles qui n'y auraient pas d'intérêt à participer de manière active à la procédure de recours, mais cette non-obligation reste acquise même sans disposition expresse". (Cf. prises de position sur les documents préparatoires de la Conférence diplomatique de Munich 1973, M/14, page 93).
Outre la question des frais, une autre raison pour laquelle il a été estimé qu'un opposant ne devrait pas être autorisé à se retirer de la procédure de recours faisant suite à la révocation d'un brevet est que la décision de la première instance n'est pas définitive pour lui non plus, puisqu'elle est susceptible d'être modifiée par la chambre de recours. Cette partie pourrait considérer sinon que s'étant retirée de la procédure, elle n'est pas affectée par la décision finale de la chambre de recours (cf. procès-verbaux de la Conférence diplomatique de Munich M/PR/I, page 55, nos. 434, 443).
Toutefois, la Chambre ne peut se rallier à ce point de vue, car de par sa nature juridique, le brevet confère un droit "absolu" ou "réel" ("in rem"), opposable à tous ("erga omnes"). C'est pourquoi il est parfois question de "propriété intellectuelle" pour désigner le droit conféré par le brevet. En outre, la décision définitive de maintenir ou de révoquer le brevet faisant l'objet du recours n'est pas rendue par la Chambre de recours de l'OEB dans le seul intérêt des parties, mais également dans l'intérêt du public (cf. point 2.2 supra). Elle affecte donc toute personne, que celle-ci ait participé ou non à la procédure d'opposition ou de recours (cf. article 64 CBE).
Il ressort de ce qui précède que les auteurs de la Convention n'envisageaient pas de contraindre une partie à participer activement à la procédure de recours et qu'ils avaient prévu au départ la possibilité de renoncer au droit d'être partie à la procédure. Si le membre de phrase prévoyant cette possibilité a été supprimé par la suite, c'est uniquement pour que l'on puisse disposer d'une base juridique au cas où l'on entendrait faire jouer la responsabilité de cette partie en matière de frais. Les Etats contractants ne pouvaient donc s'être proposé d'interdire la possibilité de renoncer au droit en tant que tel d'être partie. S'ils avaient voulu sinon faire ressortir qu'une partie reste liée par sa qualité de partie, ils l'auraient clairement spécifié.
2.4 En vertu de la CBE, chacune des parties à la procédure d'opposition supporte en principe les frais qu'elle a exposés (cf. Singer R., Europäisches Patentübereinkommen, article 104, point 2, p. 419).
Conformément à l'article 104(1) CBE, il est possible de déroger à ce principe dans le cadre d'une procédure d'opposition ou d'une procédure de recours. C'est donc précisément ces frais qui ont été visés dans les travaux préparatoires susmentionnés relatifs à l'article 107 CBE.
L'article 104(1) CBE dispose : "Chacune des parties à la procédure d'opposition supporte les frais qu'elle a exposés, sauf décision de la division d'opposition ou de la chambre de recours, prise conformément au règlement d'exécution, prescrivant, dans la mesure où l'équité l'exige, une répartition différente des frais occasionnés par une procédure orale ou une mesure d'instruction".
Par conséquent, c'est sur l'article 104(1) CBE et non sur l'article 107 CBE que peut se fonder en droit la répartition des frais. Il découle de l'article 104(1) CBE que toute partie demeure partie à la procédure tant qu'il est possible de faire jouer sa responsabilité pour ce qui concerne les frais exposés au cours de la procédure et tant qu'il n'a pas été statué définitivement sur ces frais.
En vertu de l'article 104(1), (2) et (3) CBE, il est prévu des règles distinctes pour la répartition et la détermination du montant des frais et pour l'exécution de cette décision dans les Etats contractants. La règle 63 CBE qui régit elle aussi la question des frais dispose que la répartition des frais est prescrite dans la décision rendue sur l'opposition, ceci valant également pour la décision rendue au sujet du recours (règle 66, paragraphes 1 et 2(h) CBE). L'article 106(5) CBE et l'article 11 du règlement relatif aux taxes prévoient la possibilité de former un recours contre une décision relative à la fixation des frais. L'on trouvera d'autres dispositions régissant les frais à l'article 106(4) CBE et à la règle 74 CBE, ce qui montre bien que dans les procédures d'opposition et de recours instituées par la CBE, la répartition des frais constitue une question spécifique, qui a été traitée à part (cf. également décisions T 154/90, JO OEB 1993, 505 ; T 117/86, JO OEB 1989, 401 ; T 85/84). Par conséquent, il n'est pas nécessaire d'obliger une partie à demeurer partie à la procédure si la question des frais n'est pas débattue.
2.5 Cette conclusion est également corroborée par deux considérations d'ordre plus général. Dans la présente procédure, seuls les intérêts des autres parties et les intérêts du public seraient susceptibles de restreindre les droits d'une partie (cf. point 2.2 supra). Si, comme c'est le cas dans la présente instance, l'autre partie (la titulaire du brevet) ou les autres parties sont dûment informées de la déclaration de désistement de l'intimée et qu'elles ne formulent aucune objection à ce sujet, la Chambre ne voit pas pourquoi il conviendrait, pour préserver les intérêts du public, d'interdire à l'intimée (opposante) de renoncer à être partie à la procédure quant au fond, puisqu'il ne serait pas possible de la contraindre à poursuivre sa participation au fond du débat, même si la Chambre le jugeait nécessaire par la suite.
En outre, dès lors qu'un requérant a le droit de mettre fin à une procédure en retirant son recours, et ce non seulement en ce qui le concerne, mais également en ce qui concerne toutes les autres parties impliquées (cf. décision G 7/91), il serait injuste d'apporter plus de limitations aux droits de l'intimée qu'à ceux de la requérante, en interdisant à l'intimée de renoncer à participer à la procédure pour ce qui est des questions de fond.
2.6 Il ressort de ce qui précède qu'un intimé qui ne poursuit pas son opposition cesse d'être partie à la procédure de recours quant au fond. En revanche, sa déclaration de désistement n'influe aucunement sur sa qualité de partie à la procédure pour ce qui est de la répartition des frais selon l'article 104 CBE. Ainsi que l'a constaté la Chambre au point 2.3 (dernier paragraphe) supra, cette conclusion correspond au but poursuivi par l'article 107 CBE, deuxième phrase (cf. également Schulte R., Patentgesetz, 4ème édition, § 73, 29, point 1.5, paragraphe 3).
2.7 Dans la présente affaire, la question de la répartition des frais n'a pas été soulevée. Par conséquent, l'intimée a cessé d'être partie à la procédure et ne doit donc plus y figurer en tant que partie à l'instance. Toutefois, si la question de la répartition des frais s'était posée dans la présente espèce, l'ancienne intimée aurait eu le droit d'être entendue sur ce point et aurait dû figurer comme partie dans la décision finale.
2.8 Par la décision faisant l'objet du présent recours, la division d'opposition a révoqué le brevet. En dépit de la déclaration de désistement de l'intimée, l'intérêt juridique de la requérante (titulaire du brevet) à l'annulation de la décision en question demeure entier. La Chambre doit donc apprécier l'affaire quant au fond et rendre une décision. Ce faisant, elle agit d'office pour appliquer les dispositions de la Convention compte tenu de tous les faits consignés dans le dossier (cf. décision T 629/90, point 2.2, JO OEB 1992, 654).
3. Admissibilité des documents modifiés
....
4. Etat de la technique et délimitation de la revendication 1 (règle 29(1)a) CBE), nouveauté
5. Activité inventive
Dispositif
Par ces motifs, il est statué comme suit :
1. La décision attaquée est annulée.
2. L'affaire est renvoyée à la première instance pour maintien du brevet sur la base des pièces suivantes :
...
* Seul un extrait de la décision est publié. Une copie de la décision complète dans la langue de la procédure peut être obtenue auprès du service d'information de l'OEB à Munich moyennant versement d'une taxe de photocopie de 1,30 DEM par page.