CHAMBRES DE RECOURS
Décision de la Grande Chambre de recours en date du 16 juillet 2019 - G 2/19
(Traduction)
Composition de la Chambre:
Président : | C. Josefsson |
Membres : | J. Gröning |
| I. Beckedorf |
| M. Sachs |
| G. Weiss |
| G. Eliasson |
| P. Gryczka |
Requérant/Tiers au sens de l'article 115 CBE :
Jostarndt Patentanwalts-AG
Intimé/Titulaire du brevet :
IPCom GmbH & Co. KG
Référence :
Droit d'être entendu et lieu approprié d'une procédure orale
Dispositions juridiques pertinentes :
Articles 6(2), 15, 16, 17, 84, seconde phrase, 106, 107, 112(1)a), 113, 115, 116(1), première phrase, CBE
Dispositions juridiques pertinentes (CBE 1973) :
Article 6(2) CBE 1973
Mots-clés : "Droit d'un tiers au sens de l'article 115 CBE à la tenue d'une procédure orale en cas de recours pour manque de clarté des revendications d'un brevet délivré – non" – "Examen, par la Grande Chambre de recours, des motifs de recevabilité d'une saisine au titre de l'article 112(1)a) CBE" – "Effet suspensif du recours formé par un tiers au sens de l'article 115 CBE pour manque de clarté des revendications d'un brevet délivré – non" – "Irrecevabilité manifeste d'un moyen de recours – moyen de recours manifestement irrecevable lorsqu'une personne non admise à exercer ledit moyen (en l'occurrence un tiers au sens de l'article 115 CBE) invoque un motif de recours non reconnu en vertu de la CBE (en l'occurrence le manque de clarté des revendications du brevet au sens de l'article 84 CBE)" – "Procédures orales devant les chambres de recours – peuvent avoir lieu à Haar"
Exergue :
1. Un tiers au sens de l'article 115 CBE, qui a formé un recours contre la décision de délivrer un brevet européen, n'a aucun droit à ce qu'une procédure orale ait lieu devant une chambre de recours de l'Office européen des brevets concernant sa demande de rouvrir la procédure d'examen afin de remédier à un prétendu manque de clarté des revendications du brevet européen (article 84 CBE). Un recours formé sur cette base n'a pas d'effet suspensif.
2. Les procédures orales tenues devant les chambres de recours sur leur site de Haar ne violent pas les articles 113(1) et 116(1) CBE.
Exposé des faits et conclusions
I. La procédure T 831/17, qui porte sur la délivrance, le 12 janvier 2017, du brevet européen no 2 378 735 (ci-après dénommé le "brevet litigieux"), est en instance devant la chambre de recours technique 3.5.03. La mention de la délivrance a été publiée le 8 février 2017 au Bulletin européen des brevets. Le brevet litigieux découle d'une demande divisionnaire issue de la demande de brevet européen antérieure no 06113477.1 (ci-après dénommée la "demande initiale") et concerne un procédé destiné au fonctionnement d'un réseau hertzien mobile ayant plusieurs revendications indépendantes. La revendication 1 est formulée comme suit :
"Procédé d'établissement d'une instance de protocole (35) dans une couche de protocole de convergence (1) d'une première station radioélectrique (15), de sorte que réglages et fonctionnement de l'instance de protocole (35) dans la couche de protocole de convergence (1) de la première station radioélectrique (15) correspondent aux réglages et au fonctionnement d'une instance de protocole dans une couche de protocole de convergence (2) d'une deuxième station radioélectrique (16), comprenant les étapes suivantes :
réception d'un message de configuration de porteuse (70) de la part de la deuxième station radioélectrique (16),
une porteuse (45) devant être établie, reconfigurée ou supprimée par l'intermédiaire du message de configuration de porteuse (70), et une demande de configuration (40, 41, 42) étant intégrée dans le message de configuration de porteuse (70), avec laquelle l'instance de protocole (35) dans la couche de protocole de convergence (1) de la première station radioélectrique (15) peut être établie, reconfigurée ou supprimée,
établissement, reconfiguration ou suppression de la porteuse (45) de la première station radioélectrique (15) et établissement, reconfiguration ou suppression de l'instance de protocole (35) dans la couche de protocole de convergence (1) de la première station radioélectrique (15)."
La demande initiale a également donné lieu, sur la base d'une autre demande divisionnaire, à la délivrance du brevet européen no 2 890 082 (ci-après dénommé le "brevet collatéral"), qui, de manière quasi complémentaire au brevet litigieux, porte également sur un procédé destiné au fonctionnement d'un réseau hertzien mobile.
Lors des deux procédures de délivrance, le cabinet de conseil en brevets Jostarndt Patentanwalts-AG (ci-après dénommé "J.") a présenté comme tiers au sens de l'article 115 CBE des observations sur la brevetabilité. Celles-ci concernaient en dernier lieu la clarté des revendications (article 84 CBE) au vu de la caractéristique de la porteuse (45). À cet égard, un élément a été ajouté à la revendication 1 du brevet no 2 890 082 ("... porteuse (45) reliant la couche de protocole de convergence (1) à une couche de commande de liaison RLC (10) ; ...").
II. Dans le recours du 6 mars 2017 reçu le 8 mars 2017, J. a demandé l'annulation de la décision de délivrer le brevet litigieux, ainsi que la reprise de la procédure d'examen. Sur le plan procédural, J. a d'abord demandé à titre subsidiaire la tenue d'une procédure orale, puis, après avoir été cité par la chambre de recours à une procédure orale sur le site de Haar, il a demandé que cette procédure orale soit déplacée à Munich. Il a par ailleurs présenté une requête en saisine de la Grande Chambre de recours.
Pour motiver sa requête quant au fond, J. a allégué, pour l'essentiel, une violation de droits substantiels et du droit d'être entendu. Selon lui, malgré la concordance entre le brevet collatéral et le brevet litigieux, la division d'examen n'a pas appliqué, s'agissant du brevet litigieux, en violation de l'exigence de clarté prévue à l'article 84 CBE, le même degré de précision concernant la caractéristique de la porteuse que dans le brevet collatéral et n'a pas traité quant au fond les observations de tiers au sens de l'article 115 CBE présentées par J. à ce sujet.
À l'appui de sa demande visant à faire déplacer la procédure orale, J. a tout d'abord avancé que Haar n'est pas prévu dans la Convention sur le brevet européen (CBE) comme lieu pour l'accomplissement d'actes ou la tenue de procédures orales. Il a ajouté que, conformément à l'article 6(1) CBE, l'Organisation européenne des brevets a son siège à Munich et que seul l'Office européen des brevets (OEB) a, comme il ressort de l'article 6(2) CBE, un siège supplémentaire, situé à La Haye. Lors de la procédure orale devant la Grande Chambre de recours, il a en outre fait valoir qu'il y a violation du droit d'être entendu si une procédure orale se tient à Haar et non à Munich.
III. Après réception de la demande visant à faire déplacer la procédure orale, la chambre de recours a annulé celle-ci et rendu sa décision intermédiaire en date du 25 février 2019, dans laquelle elle soumet les questions suivantes à la Grande Chambre de recours :
1. Dans la procédure de recours, le droit à une procédure orale prévu par l'article 116 CBE est-il limité si le recours est manifestement irrecevable ?
2. S'il est répondu par l'affirmative à la question 1, un recours dirigé contre la décision de délivrer le brevet, est-il, en ce sens, manifestement irrecevable s'il est formé par un tiers au sens de l'article 115 CBE, qui fait valoir, pour justifier son recours, que la CBE ne prévoit aucun autre remède juridique contre une décision de la division d'examen de ne pas tenir compte de ses objections concernant une violation alléguée de l'article 84 CBE ?
3. S'il est répondu par la négative à l'une des deux premières questions, la chambre de recours peut-elle tenir la procédure orale à Haar sans enfreindre l'article 116 CBE, si le requérant a fait valoir que cette localité n'est pas conforme à la CBE et s'il a demandé que la procédure orale soit déplacée à Munich ?
La chambre a motivé cette saisine essentiellement comme suit :
La troisième question soumise, qui concerne le lieu approprié d'une procédure orale, revêt une importance fondamentale pour un grand nombre de procédures de recours et contribue à assurer une application uniforme du droit. Quelle que soit la manière dont elle trancherait elle-même, en tant que chambre à l'origine de la saisine, la question du lieu approprié d'une procédure orale, une insécurité juridique et des problèmes organisationnels non négligeables subsisteraient le temps qu'une pratique uniforme se dégage parmi les chambres de recours.
La chambre à l'origine de la saisine a estimé qu'il était indiqué, dans ce contexte, de soumettre également à la Grande Chambre de recours des questions concernant le besoin de tenir une procédure orale.
D'un côté, dans la pratique quotidienne des chambres de recours, une requête en procédure orale présentée par une partie donne lieu pour ainsi dire automatiquement à l'organisation d'une telle procédure, même s'il semble plus ou moins évident que le recours est irrecevable ou non fondé. De l'autre côté, dans la décision G 1/97 (JO OEB 2000, 322), la Grande Chambre de recours a développé le principe selon lequel un recours contre une décision définitive au fond d'une chambre de recours qui, en raison de l'utilisation d'un moyen de recours inexistant, est manifestement irrecevable peut être rejeté par cette dernière, sans observer davantage de formalités et, en particulier, sans tenir de procédure orale. Par la suite, les chambres de recours ont appliqué ce principe à plusieurs reprises. Une ligne jurisprudentielle s'est même formée (par exemple dans la décision T 1042/07, non publiée au JO OEB), selon laquelle il est statué sans procédure orale si, dans un premier temps, une requête en procédure orale est certes présentée, mais que, ultérieurement, aucun mémoire exposant les motifs du recours n'est déposé.
Dans ce contexte, la première question soumise vise à établir si selon la Grande Chambre de recours, la jurisprudence issue de la décision G 1/97, ainsi qu'éventuellement la série de décisions issues de la décision T 1042/07, font ressortir l'idée, susceptible d'être généralisée, que le droit à la tenue d'une procédure orale est subordonné à l'existence d'un recours qui ne soit pas manifestement irrecevable. La deuxième question soumise applique cela au cas concret de la présente affaire.
IV. Le Président de l'OEB a présenté par écrit ses observations au sujet de la saisine, en réponse à l'invitation correspondante que la Grande Chambre de recours lui avait adressée en vertu de l'article 9 de son règlement de procédure (RPGCR).
Ces observations partent du principe qu'une personne qui, à l'instar d'un tiers au sens de l'article 115 CBE, n'a pas été partie à la procédure de délivrance, ne peut pas former de recours contre la décision prise au cours de cette procédure, et n'a pas été lésée, et que cela vaut entre autres dans le cas où il s'agit de remédier au prétendu manque de clarté de revendications. Selon ces observations, le recours par un tiers au sens de l'article 115 CBE n'a pas pour conséquence qu'une procédure de recours est en instance sur le plan juridique, et, faute de procédure, le tiers ne peut avoir qualité de partie à une quelconque procédure. Dans une telle situation, il n'existe donc aucun droit à la tenue d'une procédure orale au stade du recours au titre de l'article 116(1) CBE.
Par conséquent, l'une des conditions régissant la recevabilité d'une saisine de la Grande Chambre de recours, à savoir l'existence d'une procédure de recours en instance, n'est pas remplie. Il est certes dérogé à cette condition de recevabilité lorsque la saisine concerne précisément la recevabilité du recours, mais la présente affaire ne s'inscrit pas dans un tel cadre. Les première et deuxième questions soumises ne portent pas sur la recevabilité du recours, mais sur un aspect isolé d'ordre procédural lié à l'appréciation de la recevabilité, à savoir le droit à une procédure orale. De plus, il n'y a aucune décision divergente des chambres de recours sur ce point.
Pour ce qui est de la troisième question soumise, il convient d'interpréter l'article 6(2) CBE d'après son sens et sa finalité, ainsi que conformément à la pratique des États membres au sein du Conseil d'administration, de telle sorte que l'indication "Munich" ne suppose pas une limitation aux frontières de la ville, mais inclut également, pour l'OEB et ses instances, les biens immeubles situés dans la région de Munich ou, à tout le moins, dans la circonscription ("Landkreis") éponyme.
V. Dans la communication publiée le 9 mai 2019 sur sa page d'accueil, et annonçant la tenue d'une procédure orale le 16 juillet 2019, la Grande Chambre de recours a en outre donné aux tiers la possibilité de présenter des observations écrites conformément à l'article 10(1) RPGCR.
Des observations de tiers ont été adressées par les conseils en brevets Peter de Lange et Roel van Woudenberg, l'IPO (Intellectual Property Owners Association), l'Institut des mandataires agréés près l'OEB (epi) et la CIPA (Chartered Institute of Patent Attorneys). Elles peuvent être consultées dans la documentation de la partie publique du site Internet des chambres de recours, dans la rubrique "Saisines en instance" de la Grande Chambre de recours.
Motifs de la décision
A. Recevabilité
I. Conformément à l'article 112(1)a) CBE, afin d'assurer une application uniforme du droit ou si une question de droit d'importance fondamentale se pose, la chambre de recours, soit d'office, soit à la requête de l'une des parties, saisit en cours d'instance la Grande Chambre de recours lorsqu'elle estime qu'une décision de cette dernière est nécessaire à ces fins.
Il est également nécessaire – et il s'agit là d'une condition tacite pour la recevabilité de la saisine – qu'une procédure de recours engagée au moyen d'un recours recevable soit en instance devant la chambre de recours à l'origine de la saisine, à moins que la saisine ne concerne précisément un aspect de la recevabilité. Cette exception tient compte du fait que les chambres seraient sinon privées de la possibilité de soumettre à la Grande Chambre de recours des questions qui revêtent une importance fondamentale pour la recevabilité d'un recours (G 2/04, JO OEB 2005, 549, point 1.2 des motifs ; G 1/12, JO OEB 2014, A114, point 9 des motifs).
II. Conformément à l'article 112(1)a) CBE, il incombe en premier lieu à la chambre de recours effectuant la saisine de vérifier que ces conditions de recevabilité sont réunies (cf. G 1/14, point 2 des motifs).
La Grande Chambre de recours, qui n'est cependant pas liée par le résultat de cette vérification, contrôle elle-même si – ou dans quelle mesure – elle doit statuer pour assurer une jurisprudence uniforme ou répondre à une question de droit d'importance fondamentale, et si – ou dans quelle mesure – les autres conditions de recevabilité de la saisine sont remplies (G 1/14, JO OEB 2016, A95, points 1 et 2 du sommaire et point 2 des motifs).
Elle a à cet égard la possibilité de reformuler, s'il y a lieu, les questions soumises, notamment lorsque cela semble approprié et pertinent pour mieux cibler les questions de droit à trancher (concernant la reformulation, cf. par exemple G 1/12, point 16 des motifs). Les questions soumises peuvent rester sans réponse si elles vont au-delà d'un véritable besoin de clarification.
III. Pour ce qui est des deuxième et troisième questions soumises, la décision intermédiaire indique suffisamment en quoi les conditions de recevabilité de la saisine sont remplies.
1. Comme indiqué précédemment, la chambre à l'origine de la saisine a démontré pourquoi une décision de la Grande Chambre de recours est, selon elle, nécessaire pour assurer une jurisprudence uniforme et répondre à une question de droit d'importance fondamentale.
2. Concernant la question de savoir si la requête qualifiée de recours qui est en instance devant la chambre est recevable, question qui détermine, entre autres facteurs, la recevabilité de la saisine de la Grande Chambre de recours, il ressort des motifs de la décision intermédiaire que la chambre considère le moyen de recours utilisé par J. comme étant à première vue, c'est-à-dire manifestement, irrecevable (T 831/17, point 3.4 des motifs).
Avec la deuxième question soumise, la chambre souhaite donc savoir si, nonobstant cela, le droit à la tenue d'une procédure orale prévu par l'article 116(1), première phrase CBE s'applique – ou bien s'il est limité – lorsqu'un tiers au sens de l'article 115 CBE présente une telle requête contre une décision de délivrer un brevet.
Cette question vise par là même à déterminer s'il est satisfait aux prescriptions de la CBE relatives à la procédure de recours lorsqu'il est statué sans procédure orale sur une requête qui est présentée comme un moyen de recours et qui, compte tenu des circonstances et du contexte mentionnés, est à l'évidence irrecevable en tant que recours, alors même que l'auteur de cette requête avait demandé la tenue d'une procédure orale.
Contrairement au point de vue adopté dans les observations du Président de l'OEB, la saisine porte donc sur une question dont le traitement, par la Grande Chambre de recours, ne saurait échouer, en vertu de la jurisprudence de cette dernière (G 2/04, point 1.2 des motifs ; G 1/12, point 9 des motifs), au motif que le moyen de recours utilisé est irrecevable.
Le besoin de clarification est lié à l'irrecevabilité du recours, résultant elle-même de circonstances particulières. La deuxième question soumise ne se pose que si – et parce que – le recours introduit est irrecevable en raison de spécificités ou d'une certaine conjonction d'éléments. Celles-ci tiennent en l'espèce au fait que c'est un tiers au sens de l'article 115 CBE qui est requérant et qui poursuit l'objectif du recours, qui est de remédier à un prétendu manque de clarté de revendications d'un brevet délivré.
Si la possibilité d'une saisine était néanmoins déniée dès lors que le moyen de recours est irrecevable, les chambres de recours ne pourraient pas demander à la Grande Chambre de recours de clarifier la manière dont il convient de traiter sur le plan procédural ces cas de figure, une situation que l'exception susmentionnée à l'exigence d'un recours recevable en instance (cf. A.I. ci-dessus) est censée éviter. L'instruction d'une affaire dépendrait en conséquence de la manière dont la juridiction compétente en l'espèce interprète la portée de l'article 116(1), première phrase CBE. Une telle approche ne serait pas correcte.
3. La deuxième question soumise revêt en outre une importance fondamentale.
Selon la jurisprudence de la Grande Chambre de recours, une question de droit revêt une importance fondamentale lorsque la réponse qui lui est apportée peut avoir des conséquences qui vont au-delà du cas concret en question et qu'elle peut devenir pertinente dans un nombre potentiellement élevé d'affaires similaires (G 1/12, point 11 des motifs).
Dans l'affaire G 1/12, la Grande Chambre de recours a estimé que la question relative à la recevabilité ou à l'irrecevabilité d'un recours qui est introduit par une personne ne semblant pas avoir qualité pour le faire est une question de droit d'importance fondamentale. Par analogie, il en va de même pour la deuxième question soumise en l'espèce à la Grande Chambre de recours. De plus, son objet peut concerner un grand nombre d'affaires, d'autant que, indépendamment des questions concrètes soumises, la procédure de saisine soulève, conformément à l'analyse effectuée dans les observations du Président de l'OEB, des aspects fondamentaux concernant la participation de tiers à des procédures prévues par la CBE.
4. La deuxième question posée n'est pas non plus irrecevable au motif qu'elle serait déjà tranchée dans la jurisprudence de la Grande Chambre de recours, à savoir dans les décisions G 1/97 et G 3/14 (JO OEB 2015, A102).
Considérées ensemble, les deux décisions susmentionnées peuvent certes donner à penser que les dispositions d'ordre procédural de la CBE ne devraient probablement pas s'opposer au rejet sans procédure orale d'une requête telle que celle formée par J. (cf. règle 101 CBE). Dans la décision G 3/14, il est indiqué en détail, motifs à l'appui, que force est de s'accommoder d'une revendication qui a été admise alors qu'elle ne satisfait pas aux exigences de l'article 84 CBE (G 3/14, points 55, 69 s.). Dans la décision G 1/97, il a été établi qu'il convient de réserver une suite juridictionnelle d'irrecevabilité aux requêtes fondées sur la violation alléguée d'un principe fondamental de procédure qui tendent à la révision d'une décision passée en force de chose jugée prise par une chambre de recours de l'OEB, et qu'il peut être statué en ce sens immédiatement et sans autre formalité processuelle.
Même si l'on peut relever des parallèles avec la requête de J. visant à faire revenir la procédure de délivrance à un stade antérieur à la délivrance du brevet, la décision G 1/97 n'apporte pas pour autant de réponse à la deuxième question soumise. Une telle conclusion ne pourrait être tirée que si les deux affaires se recoupaient sur le fond. Or, cela n'est pas le cas.
La saisine G 1/97 portait sur une affaire ayant fait l'objet précédemment d'une procédure de recours en tout point recevable qui avait été instruite par une chambre de recours technique et qui avait été conclue par une décision sur le recours, après la tenue d'une procédure orale. La requête qui avait conduit à la saisine de la Grande Chambre de recours, et qui émanait du titulaire du brevet, visait à rouvrir la procédure de recours et était fondée sur des griefs qui, en raison de leur nature, pourraient donner lieu aujourd'hui, dans le cadre de la version révisée de la CBE (article 112bis CBE), à la présentation d'une requête en révision auprès de la Grande Chambre de recours.
À l'inverse, la présente affaire porte de manière générale sur la possibilité de former un recours contre la prétendue non-prise en compte d'observations qu'un tiers au sens de l'article 115 CBE soumet à propos de la clarté de revendications dans la procédure de délivrance, et concerne en particulier l'effet contraignant de la requête en procédure orale. La décision G 1/97 n'apporte pas de réponse à cette question.
5. La saisine est également recevable s'agissant de la portée de la troisième question. Pour l'évaluation de la recevabilité, il suffit que l'une des solutions possibles – et pas simplement concevables sur un plan purement théorique – pour la deuxième question appelle une réponse à la troisième question.
Tel est précisément le cas et, dès lors, le besoin de clarification exprimé dans la troisième question va au-delà de l'affaire en cause et vaut pour un grand nombre d'affaires similaires. Les exigences énoncées dans la jurisprudence de la Grande Chambre de recours (G 1/12, point 10 des motifs) concernant la démonstration de l'importance fondamentale d'une question de droit sont ainsi également respectées.
IV. Il convient en revanche d'apprécier différemment la recevabilité de la première question soumise, à laquelle il n'est pas nécessaire de répondre au sens de l'article 112(1)a) CBE pour l'affaire ayant conduit à la saisine.
Le besoin de clarification formulé par la chambre à l'origine de la saisine pour la procédure instruite par elle est amplement pris en considération dans la deuxième question soumise ; comme la chambre l'a elle-même indiqué dans sa décision intermédiaire, cette question est concrètement adaptée aux circonstances de l'affaire à l'origine de la saisine (T 831/17, point 4.5 des motifs).
La première question soumise constitue au contraire une généralisation à toutes les affaires dans lesquelles le recours semble "manifestement irrecevable". Compte tenu des éléments concrets qui nécessitent une clarification dans l'affaire à l'origine de la saisine, le traitement de cette question est superflu et présente un intérêt plutôt académique. Cela ne suffit pas pour juger ladite question recevable, d'autant moins que le critère du "recours manifestement irrecevable" auquel il est fait référence relève d'un concept juridique indéterminé qui ne provient pas de la CBE, et que celle-ci ne contient aucun indice précis permettant de le clarifier. Dans la décision intermédiaire, ce concept juridique n'est pas davantage défini.
La formulation d'une opinion au sujet d'une question aussi générale suppose soit de prédéterminer des critères universels utilisables pour la définition du concept juridique d'un recours manifestement irrecevable, soit de recenser les situations concrètes qu'il englobe. Il n'en est nullement besoin en l'espèce.
V. La première question étant supprimée, il convient d'adapter le libellé de la deuxième question soumise, afin que celle-ci puisse être comprise de manière autonome. Dans la troisième question soumise, la chambre de recours avait fait porter son interrogation (uniquement) sur la violation de l'article 116 CBE, conformément aux moyens écrits soumis par J. Étant donné que celui-ci fait désormais également valoir, au sujet de sa demande de déplacement de la procédure orale, que son droit d'être entendu a été enfreint, cette question doit elle aussi être adaptée en conséquence. L'ancienne numérotation étant conservée par souci d'efficacité, les deux questions peuvent être formulées comme suit :
2. Le droit à la tenue d'une procédure orale, tel que prévu par l'article 116 CBE, devant une chambre de recours est-il limité si un tiers au sens de l'article 115 CBE forme un "recours" contre la décision de délivrer le brevet et qu'il fait valoir, pour justifier son recours, que la CBE ne prévoit aucun autre moyen de recours contre une décision de la division d'examen de ne pas tenir compte de ses observations concernant une violation alléguée de l'article 84 CBE ?
3. Une chambre de recours peut-elle tenir la procédure orale à Haar sans enfreindre les articles 113(1) et 116(1) CBE s'il est demandé que cette procédure soit déplacée à Munich ?
B. Opinion concernant la question n° 2 de la saisine
I. L'article 116(1), première phrase CBE prévoit, de manière très générale, qu'il est recouru à la procédure orale sur requête d'une partie à la procédure. La chambre à l'origine de la saisine est partie du principe que J. est devenu, en formant son recours, partie à la procédure de recours et qu'il peut donc exiger la tenue d'une procédure orale, même si son recours semble manifestement irrecevable puisqu'il n'est pas admis à en former un en vertu de l'article 107, première phrase CBE (T 831/17, point 3.4 des motifs). La chambre a ajouté que dans une affaire présentant des circonstances similaires, dans laquelle un requérant qui n'avait pas été partie à la procédure de délivrance avait formé un recours contre le rejet de sa requête en rectification de la décision de délivrance, la chambre compétente avait également statué après avoir tenu une procédure orale (T 1259/09, non publiée au JO OEB).
II. Ce point de vue est réducteur, puisqu'il fonde l'élément constitutif de la qualité de partie sur la seule qualité de partie à la procédure de recours. Raisonnablement interprété, l'article 116(1), première phrase CBE n'impose pas un tel automatisme procédural, mais tolère au contraire des exceptions. Les circonstances de la procédure à l'origine de la saisine justifient une telle exception.
1. Le contenu normatif des dispositions de la CBE doit être déterminé conformément aux principes généraux d'interprétation appliqués de manière constante par la Grande Chambre de recours dans sa jurisprudence. Outre le libellé (dans toutes les langues de procédure), il convient de prendre en compte le contexte systématique dans lequel la disposition en question est ancrée, ainsi que son sens et sa finalité (cf. G 3/08, JO OEB 2011, 10, points 7.1 s. des motifs ; Schachenmann, Die Methoden der Rechtsfindung der Großen Beschwerdekammer, Festschrift für Teschemacher, GRUR Int. 2008, 702 s.).
2. L'article 116(1), première phrase CBE n'est pas conçu spécialement pour la procédure de recours. Cette disposition est en effet intégrée dans les dispositions générales du chapitre I des "Dispositions communes" réunies dans la septième partie de la CBE. Celles-ci contiennent des prescriptions fondamentales concernant l'intervention de toutes les instances de l'OEB dans les procédures pour lesquelles elles sont chacune compétentes.
L'article 116(1), première phrase CBE régit ainsi un éventail de procédures qui se distinguent en partie considérablement les unes des autres en fonction de leur structure, de leur conception, de leur finalité, mais également des parties aux procédures concernées. Ces procédures ont parfois un caractère purement administratif, à l'instar de celles instruites par la section de dépôt, devant laquelle il n'est, en tout état de cause, recouru à une procédure orale sur requête que lorsqu'elle le juge utile ou lorsqu'elle envisage de rejeter la demande de brevet européen (article 116(2) CBE), ou à l'instar de celles devant les divisions d'examen. Les procédures d'opposition ont, du fait que les opposants et les titulaires de brevets y sont parties (article 99(3) CBE), des éléments d'un contentieux administratif à caractère contradictoire devant une autorité supérieure compétente pour trancher des contestations.
La procédure de recours (articles 106 s. CBE) correspond en revanche à une procédure de nature juridictionnelle. Dans le système des brevets institué par la CBE, les chambres de recours (article 23(3) CBE) se voient confier le rôle de juridiction indépendante (G 3/08, point 7.2.1 des motifs ; cf. également G 6/95, JO OEB 1996, 649, points 2 s. des motifs).
Cette grande diversité de champs d'application, s'oppose à ce que l'on attribue un caractère absolu à l'article 116(1), première phrase CBE. À l'évidence, cette disposition a été conçue par le législateur en tant que principe directeur pour les cas de figure standard auxquels les instances procédurales de l'OEB sont confrontées au quotidien. Des exceptions à ce principe ne sont toutefois pas exclues dans les cas où son application serait absurde au regard des circonstances particulières de l'affaire en question. Il en va ainsi dans la procédure à l'origine de la saisine.
3. L'objection introduite sous forme de recours par J. est arrivée devant la chambre dans le cadre normal du traitement des affaires. Il convient de lui appliquer les dispositions de la sixième partie de la CBE concernant la procédure de recours.
Conformément à ces dispositions, la chambre de recours ne rend une décision au fond que si le recours formé satisfait à certaines conditions de recevabilité. L'une des conditions est que le requérant soit précisément admis à exercer un tel moyen de recours. À cette fin, conformément à l'article 107, première phrase CBE, il doit satisfaire à titre personnel à deux conditions, à savoir, d'une part, être partie à une procédure dans laquelle une décision a été rendue et, d'autre part, avoir été lésé par cette décision. Aucune de ces deux conditions n'est remplie dans la procédure à l'origine de la saisine.
a) En l'espèce, c'est au cours de la procédure de délivrance qu'une décision a été rendue au sens de l'article 107, première phrase CBE. Un tiers au sens de l'article 115, première phrase CBE qui présente des observations sur la brevetabilité d'une invention objet d'une demande de brevet européen n'acquiert pas pour autant la qualité de partie à ladite procédure, ainsi que le prévoit expressément l'article 115, seconde phrase CBE.
J. ne remplit donc pas à titre personnel la condition prévue à l'article 107 CBE pour être admis à former un recours. Il n'est pas partie à la procédure au sens de cette disposition. La qualité de partie à la procédure de J. est au demeurant discutable pour la simple raison que J. a précisé, dans son mémoire exposant les motifs du recours en date du 18 mai 2017, que c'était au nom d'un client qu'il avait fait valoir les observations de tiers dans le cadre de la procédure de délivrance, alors que c'est en son propre nom qu'il a formé le recours. Si la disposition de l'article 115, seconde phrase CBE n'existait pas, la question pourrait se poser de savoir si l'on ne pourrait pas, conformément à des principes généraux, considérer seul le client comme partie à la procédure, et non J. lui-même, en sa qualité de conseil (en brevets) de ce dernier. Il n'est toutefois pas besoin d'approfondir cette question, étant donné qu'en vertu de l'article 115, seconde phrase CBE, J. ne pouvait pas, en tout état de cause, acquérir la qualité de partie à la procédure de délivrance.
b) Contrairement à la position défendue par J., le fait que la division d'examen se penche sur les observations qu'il a présentées en tant que tiers ne lui confère pas non plus de manière implicite la qualité de partie à la procédure. De façon analogue, le requérant, dans la procédure G 1/97, avait argué que, lorsque la chambre de recours technique révoquait un brevet délivré, elle intervenait ("en fait") en exerçant les compétences d'une division d'opposition, en conséquence de quoi une telle décision était selon le requérant nécessairement susceptible de recours (G 1/97, point IV de l'exposé des faits). La Grande Chambre de recours n'avait pas retenu ce point de vue. Par analogie, il en va de même dans la présente affaire ; un tiers au sens de l'article 115 CBE n'acquiert pas la qualité de partie à la procédure du fait que ses observations sont prises en compte dans le cadre de cette procédure.
c) Il existe une correspondance entre le fait que J. ne remplit pas à titre personnel la condition pour être admis à former un recours, c'est-à-dire avoir été partie à la procédure précédente, et le fait que, conformément à la CBE, le prétendu manque de clarté des revendications du brevet délivré ne peut fonder ni une opposition (article 99 CBE), ni un quelconque moyen de recours en vue d'un réexamen par une autre instance (article 15 CBE). La Grande Chambre de recours a déjà indiqué que si la revendication d'un brevet délivré s'avère non conforme à l'article 84 CBE, force est de s'accommoder de cette irrégularité (G 3/14, point 55 des motifs). La non-acquisition de la qualité de partie à la procédure par un tiers au sens de l'article 115 CBE et l'exclusion, par la CBE, de la possibilité de rectifier des revendications d'un brevet délivré qui manquent prétendument de clarté forment ainsi, pour employer des termes imagés, les deux faces d'une même médaille.
d) J. n'est pas non plus lésé au sens de l'article 107, première phrase CBE par la délivrance du brevet litigieux contenant des revendications prétendument dénuées de clarté.
Pour des raisons juridiques, seule une partie à la procédure peut être lésée au sens juridique par une décision rendue dans le cadre de cette procédure. Une décision fait formellement grief à une partie qui a présenté une requête si cette décision est restée en deçà de ses prétentions ; la mesure dans laquelle la partie adverse est elle lésée, est fonction de la mesure dans laquelle il a été fait droit auxdites prétentions. Un grief en substance peut aussi exister en l'absence de présentation d'une requête, ce qui suppose toutefois d'avoir qualité de partie à la procédure, soit après intervention forcée, soit après intervention dans la procédure.
Par conséquent, l'absence de qualité de partie à la procédure pour le tiers s'accompagne du fait que ce tiers n'est pas lésé par la décision rendue dans le cadre de celle-ci. Cela correspond au sens et à la finalité de l'article 115, première phrase CBE. Cette disposition vise à protéger l'intérêt du public, qui est d'éviter la délivrance de brevets européens non conformes aux exigences de la CBE, et, pour cette raison, permet que des tiers, en agissant pour ainsi dire en tant que "porte-voix" du public, mettent des informations supplémentaires au service de l'expertise de l'OEB.
Il n'est toutefois pas rare que les tiers qui consentent un tel effort soient motivés par des intérêts propres, étant donné, par exemple, qu'ils exercent eux-mêmes une activité économique dans le domaine dans lequel l'invention est pertinente. Si, dès lors, ils tiennent d'une certaine manière à ce que leurs observations soient prises en considération par l'instance concernée de l'OEB, ils n'en acquièrent pas pour autant la qualité de partie à la procédure, de même que la non-prise en considération de leurs observations ne suffit pas pour qu'ils puissent être considérés comme ayant été lésés au sens juridique du terme.
e) Du reste, il n'est pas fait abstraction des intérêts des tiers. L'article 115, première phrase CBE doit être interprété en ce sens que les divisions d'examen sont tenues de prendre connaissance des observations présentées par des tiers sur la brevetabilité.
Indépendamment de la question de savoir dans quelle mesure une violation de cette obligation peut faire l'objet d'un recours, il ressort du dossier de la procédure de délivrance que la division d'examen a, en particulier, également pris connaissance des observations provenant de l'écrit de J. en date du 26 octobre 2016, dont le contenu est au centre de la procédure de recours. La division d'examen n'était toutefois pas tenue à l'égard de ce tiers au sens de l'article 115 CBE de traiter d'une quelconque manière ces observations quant au fond. Elle aurait eu cette obligation si le tiers avait eu la qualité de partie à la procédure, ce qui, comme indiqué, est exclu.
4. La limitation de la recevabilité qui est prévue dans la CBE pour l'exercice d'un recours, et selon laquelle le requérant doit avoir été partie à une procédure dans laquelle a été rendue une décision qui n'a pas fait droit à ses prétentions, relève des principes généraux d'ordre procédural.
À la différence, par exemple, de l'opposition au titre de l'article 99 CBE, qui peut être formée par toute personne, un recours a ceci de caractéristique qu'il n'est pas destiné au public. En principe, l'introduction d'un recours contre une décision administrative ou juridictionnelle est donc ouverte non pas à toute personne extérieure, mais seulement aux personnes qui étaient parties à la procédure précédente en question ou qui, en raison de circonstances et de dispositions juridiques spécifiques, sont admises – également aux fins de l'exercice d'un recours – à intervenir dans la procédure.
La possibilité d'intervenir ultérieurement dans une procédure et d'acquérir par là même la qualité de partie à la procédure est certes également prévue dans la CBE. Celle-ci autorise dans des conditions bien définies certains tiers, contrefacteurs présumés, à intervenir dans la procédure d'opposition après l'expiration du délai d'opposition ou dans la procédure de recours sur opposition (article 105(1) CBE ; G 1/94, JO 1994, 787), ce qui leur confère la qualité de partie à la procédure au sens de l'article 107, première phrase CBE (cf. article 105(2) CBE). Une disposition correspondante n'existe toutefois pas pour la procédure de recours.
5. Sachant qu'une objection pour manque de clarté fondée sur l'article 84, seconde phrase CBE n'est pas reconnue en tant que motif d'opposition (article 100 CBE), tout tiers au sens de l'article 115 CBE qui choisit comme voie de former un "recours", afin de porter malgré tout devant une autre instance une telle objection, procède à une tentative de contourner les dispositions existantes et utilise un moyen de recours manifestement irrecevable. Est manifestement irrecevable tout moyen de recours qui, par exemple, émane d'une personne non admise à en faire usage (en l'occurrence un tiers au sens de l'article 115 CBE), ou encore tout moyen de recours poursuivant une finalité qui n'est pas reconnue dans la CBE en tant que motif d'un recours au sens de l'article 106(1) CBE et qui est au contraire exclue (en l'occurrence remédier au prétendu manque de clarté des revendications du brevet au sens de l'article 84 CBE).
6. La chambre à l'origine de la saisine a considéré, à juste titre, que le recours formé par J. constitue un tel moyen de recours irrecevable, et a fait observer qu'il ne pourrait être remédié au manque de clarté des revendications du brevet délivré que dans le cadre d'une voie de recours extraordinaire, non prévue par la CBE, qu'elle ne se voit pas en mesure de créer, compte tenu de la décision G 1/97 de la Grande Chambre de recours (point 3 b) des motifs) (cf. T 831/17, point 4.6 des motifs).
Une telle voie de recours extraordinaire ne répondrait de surcroît à aucun besoin.
a) Comme J. l'a lui-même indiqué, la Grande Chambre de recours a déjà précisé dans sa décision G 3/14 que le prétendu manque de clarté des revendications d'un brevet au sens de l'article 84, seconde phrase CBE ne peut être reconnu comme un motif d'opposition, et que la conformité des revendications avec les exigences prévues à l'article 84 CBE n'est examinée que si et dans la mesure où une modification apportée au cours de la procédure d'opposition conduit à un manque de clarté.
Cette situation juridique serait compromise s'il était conféré un droit de recours extraordinaire en vertu duquel un problème de manque de clarté des revendications d'un brevet délivré pourrait malgré tout être soumis pour vérification à une chambre de recours.
b) Les arguments de J. à ce sujet n'apportent rien de nouveau à la discussion concernant la question de savoir si des revendications manquant de clarté peuvent faire l'objet d'un moyen de recours.
aa) J. juge inacceptable qu'un homme du métier, même en donnant le meilleur de soi-même, ne puisse pas déterminer sans ambiguïté l'étendue de la protection d'un brevet délivré, en raison du manque de clarté des revendications de ce dernier.
Il convient de relativiser le poids de cette objection ne serait-ce qu'en considération de son point de départ. La question de la clarté ou du manque de clarté ne peut résulter que d'un jugement et la conclusion tirée peut donc varier selon les intérêts en jeu. Du reste, il ne faut pas perdre de vue le fait que la clarté n'est pas la finalité unique et absolue de l'article 84 CBE. En effet, conformément à l'article 84, seconde phrase CBE, les revendications doivent également être concises. L'expérience montre que, pour satisfaire dans la même mesure à ces deux exigences, il peut parfois être nécessaire de faire des concessions d'ordre linguistique dans la formulation des revendications, qui peuvent éventuellement nuire à la clarté, sans que le résultat soit contestable au regard des objectifs fixés à l'article 84 CBE.
bb) À cet égard, il est certes exact que les Directives relatives à l'examen pratiqué à l'OEB soulignent en particulier le fait que la clarté des revendications est d'une extrême importance, étant donné qu'elles définissent l'objet pour lequel une protection est demandée (Directives, Partie F, IV-4.1).
Il serait toutefois erroné de voir dans l'existence de ce passage des directives un indice tendant à poser la clarté des revendications "en pratique" comme une condition absolue, en conséquence de laquelle un défaut de clarté devrait être considéré comme ouvrant droit à un recours. Ladite directive est plutôt destinée à inciter les divisions d'examen à vérifier la clarté des revendications avec une attention particulière, précisément parce qu'une correction ultérieure du résultat n'est pas prévue et qu'elle se trouve donc exclue.
La Grande Chambre de recours a déjà indiqué à ce propos dans la décision G 3/14 qu'il ressort des travaux préparatoires que la reconnaissance du manque de clarté comme motif d'opposition avait certes fait l'objet de discussions pour la CBE 1973, mais qu'elle ne s'était pas imposée. S'il avait été décidé de ne pas inscrire de motif d'opposition fondé sur l'article 84 CBE dans la convention, c'était au moins en partie en raison du fait que les autres motifs d'opposition existants, à savoir ceux prévus à l'article 100b) CBE, semblaient constituer une base suffisante pour traiter ce problème. La Grande Chambre de recours a en outre considéré que cette disposition traduisait la volonté du législateur de ne pas admettre le manque de clarté des revendications comme motif d'opposition, afin que la procédure ne puisse pas être indûment retardée, et qu'elle soit au contraire rationalisée (cf. G 3/14, points 69 s. des motifs).
De plus, comme précisé par la Grande Chambre de recours dans ladite décision (G 3/14, points 70 s. des motifs), l'article 84 CBE avait certes également fait l'objet de propositions de modifications dans le cadre des négociations concernant la révision de la CBE. Ces propositions concernaient toutefois uniquement la question, non pertinente en l'espèce, du fondement des revendications sur la description et, du reste, elles ne s'étaient finalement pas, elles non plus, imposées. Au contraire, après avoir examiné en détail les propositions et rappelé que la liste des motifs d'opposition et des causes de nullité recevables en vertu des articles 100 et 138 CBE était conforme aux normes internationales, l'OEB a proposé de ne reconnaître ni le manque de clarté des revendications, ni le défaut de fondement sur la description comme motif d'opposition ou comme cause de nullité (cf. CA/PL 27/99).
La disposition existante ayant été conservée dans le cadre de la révision de la CBE, la Grande Chambre de recours a conclu que le législateur avait rejeté toute proposition visant à faire des exigences de l'article 84 CBE relatives au manque de clarté un motif d'opposition (G 3/14, point 71 des motifs).
c) Cette conclusion reste valable. Dans l'absolu, des revendications qui manquent de clarté sont tout à fait susceptibles de présenter un certain risque abstrait pour les intérêts du grand public. On ne sait toutefois pas si – et dans quelle mesure – cela peut nuire dans un cas concret à des tiers. La genèse de la CBE, esquissée ci-dessus, atteste en tout état de cause que le législateur a mis en balance ce risque abstrait avec d'autres intérêts et qu'il a finalement décidé de ne pas reconnaître le manque de clarté comme motif d'opposition.
Cette volonté du législateur ne donne prise à aucun doute sérieux. C'est pourquoi, contrairement à ce qu'avance J., le droit au juge légal ("Recht zum gesetzlichen Richter") n'est pas non plus affecté. La Grande Chambre de recours a d'ailleurs fait observer qu'aussi bien la CBE elle-même que les juridictions nationales disposent de certains moyens pour traiter les revendications dépourvues de clarté (G 3/14, point 71 ensemble les points 55 et 59 des motifs).
Cette appréciation est confirmée par exemple dans la jurisprudence de la Cour fédérale de justice allemande en ce qui concerne son champ de compétences. D'après elle, tout défaut de clarté des revendications doit être corrigé par voie d'interprétation du brevet. En cas de formulation ambiguë, l'unique possibilité est d'interpréter le passage concerné de la revendication de manière restrictive, voire de lui attribuer son sens pertinent le plus étroit possible, lorsqu'il ne peut être sinon tenu suffisamment compte de l'exigence prévue dans le Protocole interprétatif de l'article 69 CBE, selon laquelle il convient, en cas d'interprétation d'un brevet, d'assurer également un degré raisonnable de sécurité juridique aux tiers (Cour fédérale de justice, décision du 31 mars 2009 – X ZR 95/05, BGHZ 180, 215, points 16 s. – Straßenbaumaschine).
d) L'introduction d'une voie de recours extraordinaire n'est pas non plus appropriée si elle est considérée sous l'angle de l'égalité de traitement.
J. invoque à ce sujet le fait, selon lui contradictoire, qu'un demandeur a la possibilité de former un recours lorsque, malgré les commentaires de la division d'examen (article 94(3) CBE), il a maintenu des revendications dépourvues de clarté et accepté l'éventuel rejet de sa demande, alors que ce même manque de clarté ne peut pas être réexaminé s'il a été toléré par la division d'examen. Cette objection n'est pas concluante.
Une inégalité de traitement juridiquement caractérisée suppose en général que ce qui est similaire ait été apprécié différemment et qu'à des faits similaires soient attachées de manière injustifiée des conséquences juridiques différentes. Aucune de ces deux conditions n'est remplie.
La délivrance du brevet dans une version donnée montre que la division d'examen a considéré les revendications comme suffisamment claires. Dans l'hypothèse inverse du recours formé par le demandeur, l'examen par la division a donné un résultat contraire et la demande a logiquement été rejetée. Le fait d'accorder dans ce cas un droit de recours au demandeur n'est pas contradictoire, étant donné l'appréciation différente retenue par la division d'examen.
Il serait en outre réducteur de faire reposer sommairement la question de l'inégalité de traitement concernant les moyens de recours disponibles sur le seul fait que, d'un côté, le demandeur peut au besoin porter devant la chambre de recours le litige relatif au manque de clarté, alors que, de l'autre côté, la conclusion inverse de la division d'examen, à savoir que les revendications sont suffisamment claires, est sans appel. Comme indiqué ci-dessus (B.II.6.b)bb)), la rationalisation générale de la procédure s'opposait elle aussi à la reconnaissance du manque de clarté comme motif d'opposition (cf. G 3/14, point 69 des motifs). Si l'opposition – voire un recours – pouvait être fondée sur un tel motif, la délivrance d'un grand nombre de brevets pourrait être retardée plus ou moins longtemps, quel que soit le risque réel auquel les revendications manquant de clarté exposeraient le public. En revanche, le risque de voir un nombre significatif de demandeurs persister à imposer auprès des divisions d'examen des revendications considérées comme manquant de clarté semble comparativement plutôt faible, si ce n'est hypothétique.
7. L'objection soulevée par J. selon laquelle son droit d'être entendu a été enfreint au motif que la division d'examen n'a pas traité quant au fond les observations sur la clarté présentées en dernier lieu, ne tient pas compte des circonstances de la procédure.
Le fait de ne pas analyser des moyens pourtant pertinents peut, dans certaines circonstances, être le signe que l'instance de décision n'en a éventuellement pas pris connaissance ou pas correctement saisi le sens, et qu'elle pourrait ainsi avoir enfreint le droit d'être entendu de la personne concernée.
Cependant, la violation du droit d'être entendu est d'emblée et par nature liée à la qualité de partie à la procédure (article 113(1) CBE). Seule une partie à la procédure peut être lésée par le fait que l'instance de décision n'a pas pris connaissance des moyens qu'elle a soumis. Or, comme déjà indiqué, le tiers qui présente des observations sur la brevetabilité n'est pas partie à la procédure (de délivrance), en conséquence de quoi il ne possède aucun droit procédural propre en la matière et ne peut pas, en particulier, faire valoir le droit d'être entendu (cf. Benkard/Schäfers/Unland, OEB, 3e édition, 2019, article 115, point 12). Comme précisé ci-dessus (B.II.3.e)), il est protégé uniquement dans la mesure où l'instance concernée de l'OEB est tenue de prendre connaissance des observations qu'il a soumises sur la brevetabilité.
8. En définitive, on peut certes considérer J. comme partie de facto à la procédure qui, depuis son recours en date du 6 mars 2017, est en instance devant la chambre de recours technique. Cependant, cet élément à lui seul ne fonde pas le droit à la tenue d'une procédure orale.
Il convient plutôt de retenir une interprétation restrictive de l'article 116(1), première phrase CBE, selon laquelle le fait d'avoir, sur un plan purement formel, la qualité de partie de facto à la procédure de recours ne suffit pas pour exiger la tenue d'une procédure orale si l'auteur de la requête n'est pas admis – comme en l'espèce – à former un recours, puisqu'il n'était pas partie, au sens juridique, à la procédure précédente, ou s'il invoque – comme cela est également le cas ici – un motif qui n'est pas susceptible de recours. Au contraire, la chambre saisie peut immédiatement procéder par écrit et, comme l'a indiqué la Grande Chambre de recours dans la décision G 1/97 (cf. point 6, dernier paragraphe des motifs), sans autre formalité processuelle, au rejet d'une telle requête pour irrecevabilité.
9. À titre complémentaire, il convient de préciser que l'exercice d'un moyen de recours qui, en raison de telles circonstances, est manifestement irrecevable ne produit, par voie de conséquence, aucun effet suspensif.
L'article 106(1), seconde phrase CBE prévoit certes de manière générale que le recours a un effet suspensif. À l'instar de l'article 116(1), première phrase CBE, cette disposition formule toutefois un principe (cf. B.II.2. ci-dessus). Elle s'applique au cas habituel où le recours a été formé par une personne qui était partie à la procédure précédente, où une décision ne faisant pas droit à ses prétentions a été rendue, et où un motif susceptible de recours en tant que tel est attaqué. En revanche, il n'y a pas lieu de conférer également l'effet suspensif à un moyen de recours qui, comme le recours d'un tiers pour manque de clarté des revendications, n'a aucun fondement dans la CBE et est donc manifestement irrecevable. Compte tenu de ce qui précède, il convient de déroger en conséquence au principe directeur établi à l'article 106(1), seconde phrase CBE.
C. Opinion concernant la question n° 3 de la saisine
I. Comme conclu ci-dessus en réponse à la question n° 2 de la saisine, l'article 116(1), première phrase CBE n'a pas pour effet de contraindre les chambres de recours à faire droit à une requête en procédure orale lorsque le recours est manifestement irrecevable.
Cependant, à l'inverse, rien n'interdit à une chambre de recours, dans une affaire dans laquelle elle ne serait pas tenue de faire droit à une requête en procédure orale, d'en organiser une malgré tout. Conformément à l'article 116(1), second membre de la première phrase, CBE, une procédure orale est tenue d'office lorsque l'OEB le juge utile. Il est certes probable qu'une chambre de recours envisagera plutôt rarement, et uniquement en raison de circonstances particulières, de tenir une procédure orale dans le cadre d'un recours manifestement irrecevable, mais rien d'un point de vue procédural n'empêche cette chambre d'opérer de cette manière. La question n° 3 de la saisine doit être examinée précisément pour ces cas de figure. Elle peut d'ailleurs se poser de la même manière dans un nombre indéfini de procédures qui sont en instance en raison de la recevabilité des recours.
II. Le départ des chambres de recours du bâtiment Isar à Munich et leur installation, en 2017, dans les locaux situés à Haar ont été le résultat de décisions et d'actes des organes de l'Organisation européenne des brevets. Ces mesures faisaient suite –si l'on fait abstraction des critiques venant de l'extérieur– à la déclaration que la Grande Chambre de recours avait émise dans la décision intermédiaire R 19/12 en date du 25 avril 2014 (non publiée au JO OEB), selon laquelle, notamment, les liens géographiques et organisationnels entre les chambres de recours et l'OEB constituaient dans une certaine mesure un manquement aux principes gouvernant un État de droit (R 19/12, décision intermédiaire, point 19 des motifs). Cela avait conduit le Conseil d'administration à charger son Bureau institué au titre de l'article 28 CBE de discuter des conséquences possibles de cette décision en ce qui concerne l'autonomie organisationnelle et managériale des chambres de recours, et à demander au Président de lʹOEB de lui présenter des propositions adéquates (cf. CA/16/15 du 6 mars 2015).
Les orientations proposées consécutivement par le Président de l'OEB en vue d'une réforme structurelle incluaient la question de la séparation géographique. Après avoir passé en revue différents emplacements, le Président de l'OEB avait finalement suggéré le site de Haar (CA/82/16, en date du 7 octobre 2016, point 6) et avait été autorisé, par décision du Conseil d'administration, à conclure le bail correspondant (CA/PV 150, point 181).
III. Le fait que, depuis lors, les chambres de recours exercent leurs fonctions à Haar résulte donc d'actes d'ordre organisationnel que les organes de l'Organisation européenne des brevets mandatés à cette fin ont adoptés et mis en œuvre dans le cadre de leurs attributions. Par conséquent, on voit mal ce qui pourrait justifier la demande visant à faire déplacer de Haar à Munich une procédure orale devant une chambre de recours.
1. J. a avancé à ce propos dans son mémoire que Haar n'est pas prévu dans la CBE comme lieu pour réaliser des actes juridiques ou tenir des procédures orales, ce qui revient en l'espèce à alléguer que le transfert des chambres de recours à Haar n'est pas conforme aux dispositions de la CBE et qu'il est donc, dans une certaine mesure, irrégulier.
Cette objection n'est pas en soi du ressort des chambres de recours. Conformément à la CBE, il incombe à celles-ci, par l'exercice de pouvoirs de nature juridictionnelle (article 23 CBE), de concourir à l'exécution de la tâche confiée à l'OEB, qui consiste à délivrer des brevets européens (article 4(3) CBE). L'examen d'une question juridique comme celle de savoir si le choix du site des chambres de recours à Haar est conforme aux dispositions institutionnelles objectives de la CBE, ne relève pas à tout le moins directement de cette compétence. Un tel examen peut donc, dans le meilleur des cas, faire l'objet d'une procédure de recours au titre des articles 106 et suivants CBE s'il est rattaché à la question de savoir si le transfert du site de la chambre de recours à Haar est susceptible de préjudicier à la position juridique subjective – protégée ou à protéger – d'une partie à la procédure qui exerce ses droits devant la chambre.
2. Faisant valoir une telle atteinte, J. a allégué durant la procédure orale que la tenue d'une procédure orale à Haar, et non sur le territoire de la ville de Munich, violait son droit d'être entendu.
La question de la violation du droit d'être entendu a été analysée dans la décision intermédiaire par la chambre à l'origine de la saisine. S'appuyant sur une jurisprudence ancienne des chambres de recours, la chambre a considéré que le droit à une procédure orale est une composante du droit d'être entendu ; il n'importe pas uniquement d'être entendu de façon générale, mais également de pouvoir présenter ses arguments au lieu approprié (T 1012/03, non publiée au JO OEB, point 25 des motifs ; T 689/05, non publiée au JO OEB, point 5.1 des motifs).
Se référant également à ces décisions, la chambre à l'origine de la saisine a estimé que le lieu approprié n'est pas automatiquement le siège de l'Organisation européenne des brevets, mais généralement le lieu où l'instance chargée de la procédure au sens de l'article 15 CBE est implantée, à condition que son implantation soit conforme aux dispositions de la CBE (T 831/17, point 3.2 des motifs ; T 1012/03, point 41 des motifs ; T 689/05, point 5.3 des motifs).
Les questions litigieuses qui devaient être tranchées dans les affaires à l'origine de ces décisions présentent certaines similitudes avec celles de la procédure à l'origine de la saisine. Dans le contexte de l'application provisoire des articles 16 et 17 CBE tels que modifiés, et du regroupement de l'examen et de la recherche sur la base de mesures administratives du Président de l'OEB concernant la répartition des attributions (cf. T 1012/03, point 50 des motifs), les procédures orales devant la division d'examen avaient été à chaque fois organisées à La Haye, alors que les requérants souhaitaient qu'elles soient déplacées à Munich. Les chambres avaient considéré à cet égard que pour établir si La Haye est le lieu approprié pour assurer le droit d'être entendu, il était également nécessaire de se pencher sur la question de savoir si le Président de l'OEB avait pouvoir, conformément aux dispositions de la CBE, pour transférer des divisions d'examen à La Haye (T 1012/03, point 43 des motifs ; T 689/05, point 5.3 des motifs).
IV. Malgré ces circonstances de départ similaires, la Grande Chambre de recours se demande déjà si ce n'est pas méconnaître le concept de violation du droit d'être entendu que de faire reposer de manière isolée et exclusive une telle violation, en tant que conséquence du choix d'un lieu "inadéquat" pour une procédure orale, sur d'éventuelles insuffisances juridiques survenues lors de la détermination formelle d'un lieu pour les procédures orales. En tout état de cause, la Chambre doute fortement que la tenue de la procédure orale devant la chambre de recours à Haar, et non sur le territoire de la ville de Munich, porte atteinte au droit d'être entendu des parties.
1. Il est a priori tout à fait possible de voir un lien entre la reconnaissance ou la violation du droit d'être entendu et le cadre spatio-temporel d'une procédure orale planifiée. Le choix d'un lieu ou d'une date qui sort en tout point du cadre habituel peut apparaître aux yeux du requérant comme une atteinte grave et condamnable à l'exercice de ses droits.
On ne saurait toutefois sérieusement considérer que le déplacement, de Munich à Haar, des procédures orales devant les chambres de recours ressemble de près ou même de loin à ce cas de figure. Cette remarque vaut d'autant plus que, dans le cadre de la CBE, l'échelle de référence pour déterminer si le lieu retenu pour la procédure orale est géographiquement inapproprié au regard du droit d'être entendu serait le territoire de tous les États membres.
La prétendue atteinte au droit d'être entendu que J. impute à la tenue de la procédure orale à Haar ne va pas au-delà de la gêne subjective perçue.
2. Or, si le choix d'un lieu donné pour la procédure orale ne saurait, compte tenu des réalités (géographiques) ou des autres circonstances, avoir entraîné une violation du droit d'être entendu, il n'y a aucune raison, sur le plan juridique, de faire reposer malgré tout de manière isolée la violation de ce droit sur la question de savoir si les actes organisationnels à l'origine d'un tel choix présentent éventuellement d'autres irrégularités juridiques qui sont sans incidence sur les droits subjectifs des parties.
C'est pourquoi les aspects qui, selon la chambre à l'origine de la saisine, étaient vraisemblablement déterminants (cf. T 831/17, point 3.3 des motifs) ne nécessitent pas d'être tranchés de manière définitive. Il n'est pas nécessaire d'établir si le Président de l'OEB ou le Conseil d'administration, qui a autorisé le Président à louer le nouveau bâtiment, étaient habilités à transférer les chambres de recours à Haar, et s'il s'agit d'un lieu qui s'inscrit dans le périmètre couvert par l'article 6(2) CBE, ensemble la section I(3)a) du Protocole sur la centralisation.
Il y a toutefois lieu de noter à ce sujet qu'au moment de créer l'OEB à Munich et de rédiger l'article 6(2), première phrase CBE 1973, le législateur n'avait probablement pas envisagé la possibilité d'une controverse autour de la question de savoir si le terme "Munich" devait recouvrir, de manière restrictive, le seul territoire de la ville, ou s'il devait s'entendre de manière plus extensive. La prise de conscience du fait que les chambres de recours devraient, en tant qu'instance juridictionnelle de l'OEB, jouir de la même indépendance que les juridictions nationales, ne s'est développée qu'au fil du temps et, de même, la volonté de souligner cette nécessité en séparant physiquement les chambres des domaines administratifs de l'OEB a été le résultat d'un processus qui n'a été engagé que longtemps après la création de l'OEB.
Cependant, si, d'un côté, il s'agit de donner une dimension géographique à l'indépendance des chambres de recours en dissociant celles-ci des instances de l'OEB qui sont chargées des procédures au niveau administratif à Munich (abstraction faite du département situé à La Haye), dans une volonté de se conformer au principe de séparation des pouvoirs au niveau étatique, il ne serait guère convaincant de soutenir, de l'autre côté, que cette dissociation ne pourrait se faire qu'à l'intérieur des frontières de la ville de Munich.
Étant donné le changement de perception évoqué au titre de l'indépendance requise des chambres de recours en tant qu'instance juridictionnelle, il ne devrait probablement pas y avoir d'incompatibilité entre les dispositions de l'article 6(2), première phrase CBE, interprété de manière objective, et le fait que, d'une part, les instances administratives de l'OEB dont les domaines d'activités sont rattachés à Munich se trouvent toujours sur le territoire de la ville, où se déroule par conséquent la délivrance des brevets européens au sens strict, et que, d'autre part, pour les raisons invoquées, seule la séparation géographique des chambres de recours, qui veillent, en tant qu'instance juridictionnelle, sur ces instances administratives, entraîne un franchissement minime des frontières de la ville.
Le résultat serait du reste le même si le choix du lieu approprié de la procédure orale n'était pas rattaché au droit d'être entendu, mais au principe de la protection de la confiance légitime. Les utilisateurs des services de l'Organisation européenne des brevets sont certes en droit d'attendre des instances de l'OEB qu'elles n'accomplissent pas leurs actes juridiques dans n'importe quel lieu tiers. Cependant, le principe de protection de la confiance légitime ne va pas jusqu'à impliquer que les frontières de la ville de Munich forment une barrière géographique immanente.
Dispositif
Par ces motifs, il est statué comme suit :
1. Un tiers au sens de l'article 115 CBE, qui a formé un recours contre la décision de délivrer un brevet européen, n'a aucun droit à ce qu'une procédure orale ait lieu devant une chambre de recours de l'Office européen des brevets concernant sa demande de rouvrir la procédure d'examen afin de remédier à un prétendu manque de clarté des revendications du brevet européen (article 84 CBE).
Un recours formé sur cette base n'a pas d'effet suspensif.
2. Les procédures orales tenues devant les chambres de recours sur leur site de Haar ne violent pas les articles 113(1) et 116(1) CBE.