SEANCE DE TRAVAIL
Exclusions de la brevetabilité dans le domaine médical en particulier
Brigitte GÜNZEL - Présidente de la chambre de recours juridique - Exclusions de la brevetabilité dans le domaine médical - récentes affaires instruites par la Grande Chambre de recours
Depuis le 14e Colloque des juges européens de brevets à Bordeaux, la Grande Chambre de recours a rendu trois décisions concernant des questions relatives à des exclusions de la brevetabilité qui jouent un rôle important dans le domaine médical. Le présent article portera principalement sur la décision G 1/07 du 15 février 2010 de la Grande Chambre, qui a pour objet l'exclusion de la brevetabilité de méthodes de traitement chirurgical du corps humain ou animal.
1. Décision G 2/06
La décision G 2/06 du 25 novembre 2008 (JO OEB 2009, 306) a été la première des trois décisions rendues. Dans l'affaire concernée, la Grande Chambre a examiné des questions relatives à la délivrance de brevets pour des cellules souches embryonnaires humaines. Dans le cadre de la saisine, il avait été demandé à la Grande Chambre de recours si la règle 28 c) CBE interdit de délivrer des brevets sur la base de revendications portant sur des produits (en l'espèce : des cultures de cellules souches embryonnaires humaines) qui - comme indiqué dans la demande - ne pouvaient être obtenus à la date de dépôt qu'à l'aide d'une méthode impliquant nécessairement la destruction des embryons humains à l'origine desdits produits. La chambre à l'origine de la saisine avait également posé la question de savoir si, en cas de réponse négative à cette question, l'article 53 a) interdit de délivrer des brevets sur la base de telles revendications. De plus, elle avait demandé s'il est utile de savoir que les mêmes produits pouvaient être obtenus après la date de dépôt sans devoir recourir à une méthode impliquant nécessairement la destruction d'embryons humains.
Conformément à l'article 53 a) CBE, les brevets européens ne sont pas délivrés pour les inventions dont l'exploitation commerciale serait contraire à l'ordre public ou aux bonnes mœurs. La règle 28 c) CBE, qui correspond à l'article 6(2)c) de la Directive 98/44/CE du 6 juillet 1998 (Directive "Biotechnologie"), traite spécifiquement de la question des embryons humains en disposant que conformément à l'article 53 a) CBE, les brevets européens ne sont pas délivrés pour les inventions biotechnologiques qui ont pour objet des utilisations d'embryons humains à des fins industrielles ou commerciales.
Pour ce qui est du fond, la Grande Chambre a jugé que la règle 28 c) CBE interdit de délivrer des brevets sur la base de revendications portant sur des produits qui - comme indiqué dans la demande - ne pouvaient être obtenus, à la date de dépôt, qu'à l'aide d'une méthode impliquant nécessairement la destruction des embryons humains à l'origine desdits produits, même si ladite méthode ne fait pas partie des revendications. Dans ce contexte, il est sans importance que les mêmes produits puissent être obtenus après la date de dépôt sans devoir recourir à une méthode impliquant nécessairement la destruction d'embryons humains (cf. supra, réponses aux questions 2 et 4). Etant donné que la règle 28 c) CBE interdit de délivrer des brevets sur la base de telles revendications, il n'a pas été nécessaire d'établir si la délivrance de brevets fondés sur des revendications de ce type contreviendrait de surcroît à l'article 53 a) CBE (cf. supra, réponse à la question 3). La Grande Chambre s'est donc bornée à déclarer sur un plan général, mais dans un autre contexte, que la règle 28 c) CBE s'inscrit dans le champ d'application de l'article 53 a) CBE (cf. supra, point 31 des motifs).
2. Décision G 1/07
Dans la décision G 1/07 du 15 février 2010, la Grande Chambre a examiné l'étendue de l'exception à la brevetabilité prévue à l'article 53 c) CBE pour les méthodes de traitement chirurgical du corps humain ou animal. Les questions qui lui ont été soumises portaient plus spécifiquement sur des méthodes d'imagerie utilisées pour l'établissement d'un diagnostic (limité à la phase d'investigation au sens de la décision G 1/04) et comprenant une étape invasive (injection dans le cœur) en vue de l'administration d'un agent de contraste au patient.
2.1 La première question soumise visait principalement à établir si l'exception à la brevetabilité doit être interprétée en ce sens qu'elle est limitée aux méthodes chirurgicales mises en œuvre dans un but thérapeutique. Ce point de vue a été défendu dans plusieurs décisions récentes des chambres de recours (à commencer par la décision T 383/03, JO OEB 2005, 159), lesquelles ont renversé ce faisant la jurisprudence antérieure des chambres de recours (voir en particulier les décisions T 182/90, JO OEB 1994, 641, et T 35/99, JO OEB 2000, 447).
2.2 La Grande Chambre a tout d'abord rejeté le principe que le requérant avait fait valoir dans l'affaire sous-jacente à la décision de saisine, et selon lequel il y a lieu d'interpréter de façon restrictive les dispositions en matière d'exclusion visées à l'article 53 c) CBE. La Grande Chambre a estimé que les articles 31 et 32 de la Convention de Vienne sur le droit des traités ne permettaient pas de conclure à un tel principe général, qui régirait a priori l'interprétation des exclusions. Il importe au moins tout autant, si ce n'est davantage, de prendre non seulement en considération le sens ordinaire à attribuer aux termes d'une disposition, mais aussi d'interpréter la disposition en question de manière qu'elle prenne pleinement effet et atteigne l'objectif pour lequel elle a été conçue (cf. point 3.1 des motifs).
2.3 Se référant à son avis antérieur G 1/04 (JO OEB 2006, 334, point 6.2.1 des motifs), la Grande Chambre a ensuite confirmé le principe à la base de la pratique et de la jurisprudence appliquée jusqu'alors, et qui veut qu'une revendication de méthode tombe sous le coup de l'interdiction de breveter des méthodes de traitement chirurgical ou thérapeutique prévue (désormais) à l'article 53 c) CBE si elle comprend ou englobe au moins une caractéristique définissant une activité physique ou un acte qui constitue une étape de traitement chirurgical ou thérapeutique du corps humain ou animal (points 3.2 s. des motifs).
Ce principe vaut également pour les méthodes destinées à l'établissement d'un diagnostic, lorsqu'elles comprennent ou englobent une étape chirurgicale. La Grande Chambre a rejeté l'argument invoqué par le requérant et consistant à affirmer que cela compromettrait l'interprétation restrictive de l'exclusion de la brevetabilité adoptée dans l'avis G 1/04 pour les méthodes de diagnostic. Une invention revendiquée est brevetable à condition de satisfaire à toutes les exigences en matière de brevetabilité et de n'être exclue de la brevetabilité par aucune des exclusions que prévoit la CBE. Les trois cas d'exclusion énoncés à l'article 53 c) CBE sont donc des critères cumulatifs (point 3.3 des motifs).
2.4 De plus, le fait que l'exclusion des méthodes de traitement chirurgical de la brevetabilité corresponde à l'un de ces trois cas tend à montrer que les situations couvertes par chacun d'eux ne sont pas censées être identiques, car l'inclusion du terme "chirurgical" à l'article 53 c) CBE n'aurait aucun sens si ce cas particulier était déjà entièrement contenu dans l'exclusion de la brevetabilité de l'autre alternative, à savoir le "traitement thérapeutique" (point 3.3.1 des motifs). Dans l'usage linguistique médical et juridique actuel, le terme "traitement" n'est pas limité à un traitement à but curatif, mais peut également recouvrir des traitements visant d'autres buts non curatifs, comme le traitement esthétique, l'interruption de grossesse, la castration, la stérilisation, l'insémination artificielle, les transplantations d'embryons, les traitements à des fins expérimentales et de recherche, et le prélèvement d'organes, de peau ou de moelle osseuse sur un donneur vivant. Mis en œuvre par voie chirurgicale, ces traitements sont considérés comme des traitements chirurgicaux (point 3.3.3 des motifs, faisant référence à la décision T 182/90). Après avoir examiné en détail la genèse de l'article 52(4) CBE 1973, dont le texte n'a pas été modifié dans le cadre de la révision de la CBE en 2000, mais a été seulement transféré à l'article 53 c) CBE, la Grande Chambre a conclu que les Travaux Préparatoires ne confirment pas que seules les méthodes chirurgicales de nature thérapeutique étaient censées être exclues de la brevetabilité (point 3.3.2.3 des motifs).
2.5 Sachant que, conformément à la raison d'être généralement admise de l'article 53 c) CBE, médecins et vétérinaires doivent être libres d'utiliser leurs compétences et leurs connaissances des meilleurs traitements disponibles pour servir au mieux les intérêts de leurs patients, sans avoir à s'inquiéter de ce qu'un traitement puisse être breveté, il est nécessaire d'exclure de la brevetabilité toute intervention chirurgicale sérieuse et risquée qui exige de grandes compétences médicales pour être mise en œuvre et comporte un risque important pour la santé, même s'il est fait preuve de la diligence professionnelle et de l'expertise requises (p.ex. dans les domaines de la chirurgie esthétique, de la transplantation d'organes, de la transplantation d'embryon, du changement de sexe, de la stérilisation et de la castration) (point 3.3.7 des motifs).
Cependant, considérée sous cet angle, l'interprétation large des interventions de nature chirurgicale, telle qu'énoncée dans la décision T 182/90 (cf. supra, points 2.2 et 2.3 des motifs), est trop générale à la lumière des réalités techniques actuelles, étant donné qu'elle couvre n'importe quelle intervention non insignifiante pratiquée sur la structure d'un organisme par des procédés conservateurs (non invasifs ou non sanglants) comme la réduction, ou par des procédés opératoires (sanglants) faisant appel à des instruments, y compris l'endoscopie, la ponction, l'injection, l'excision, l'ouverture de cavités corporelles et l'insertion de cathéters, ou, à l'instar de la pratique suivie par l'OEB, n'importe quelle méthode qui implique une détérioration irréversible ou la destruction de cellules vivantes ou de tissus d'un corps vivant, quel que soit le mode d'intervention (p.ex. mécanique, électrique, thermique, chimique).
Les progrès réalisés en matière de sécurité et le caractère désormais routinier de certaines techniques pourtant invasives, à tout le moins quand elles sont pratiquées sur des parties non vitales de l'organisme, font qu'un grand nombre de ces techniques sont, de nos jours, généralement mises en œuvre dans un environnement commercial non médical, par exemple dans les salons de beauté et les centres d'esthétique. Leur exclusion de la brevetabilité ne semble donc plus guère justifiable. Ceci s'applique en règle générale à des traitements tels que le tatouage, le piercing, l'épilation par rayonnement optique et la micro-abrasion de la peau.
Dans ce cas, cette réalité ne peut pas non plus être ignorée pour les interventions de routine dans le domaine médical.
A l'heure actuelle, de nombreuses technologies de pointe existent dans le domaine médical relativement à l'utilisation de dispositifs qui, pour fonctionner, doivent être d'une façon ou d'une autre raccordées au patient. Les méthodes destinées à recueillir des données sur un patient afin de poser un diagnostic nécessitent parfois l'administration d'un agent à ce patient, éventuellement via une étape invasive telle que l'injection, pour produire des résultats, ou bien elles atteignent à tout le moins de meilleurs résultats lorsque cette étape est mise en œuvre.
Compte tenu de cette réalité technique, exclure de la brevetabilité les méthodes faisant appel à des techniques de routine qui revêtent certes un caractère invasif, mais sont en principe sûres, semble aller au-delà du but poursuivi par l'exclusion des traitements chirurgicaux pour des raisons de santé publique.
2.6 En ce qui concerne la portée de la définition fournie dans la décision G 1/07, la Grande Chambre souligne qu'en se fondant sur l'ensemble des circonstances particulières sous-jacentes à la saisine, elle ne peut pas, lorsqu'elle tente de redéfinir le sens des termes "traitement chirurgical", donner une définition qui délimiterait une fois pour toutes de façon stricte un nouveau concept eu égard à la totalité des situations techniques qu'il pourrait concerner. Les instances du premier degré et les chambres de recours sont mieux à même d'accomplir cette tâche. Pour délimiter ce concept, il convient de tenir compter du fait que les compétences médicales requises et les risques pour la santé ne sont pas nécessairement les seuls critères à prendre en considération pour déterminer si une méthode revendiquée est effectivement un "traitement chirurgical" au sens de l'article 53 c) CBE. D'autres critères comme le caractère plus ou moins invasif ou la complexité de l'opération effectuée pourraient aussi faire d'une intervention physique sur le corps humain ou animal un "traitement chirurgical" au sens de l'article 53 c) CBE (point 3.4.2.4 des motifs).
2.7 La chambre à l'origine de la saisine avait demandé en deuxième lieu si, en cas de réponse affirmative à la question 1, l'exclusion de la brevetabilité pourrait être évitée en modifiant le libellé de la revendication de manière à omettre l'étape en question, à l'exclure au moyen d'un disclaimer ou à faire en sorte que la revendication l'englobe sans être limitée à cette étape.
2.7.1 Dans sa réponse, la Grande Chambre a tout d'abord confirmé la jurisprudence constante des chambres de recours, selon laquelle une revendication englobant un mode de réalisation exclu de la brevetabilité au titre de l'article 53 c) CBE actuel (ancien article 52(4) CBE 1973) ne peut pas être maintenue sous une forme non modifiée (point 4.1 des motifs).
2.7.2 L'exclusion de la brevetabilité au titre de l'article 53 c) CBE peut être évitée en écartant au moyen d'un disclaimer un ou des modes de réalisation qui constituent des méthodes de traitement chirurgical au sens de l'article 53 c) CBE. Toutefois, pour être brevetables, les revendications obtenues doivent d'une manière générale satisfaire aux autres exigences de la CBE ainsi que, le cas échéant, aux critères définis dans les décisions G 1/03 et G 2/03. Cela doit être décidé au cas par cas, au même titre que la forme que doit ou peut prendre le disclaimer, à savoir s'il peut ou doit - uniquement - exclure un mode de réalisation particulier ou s'il peut et/ou doit revêtir une forme plus générale, en utilisant par exemple les termes "non chirurgical" (point 4.2 des motifs).
2.7.3 Une question plus complexe a trait à la possibilité d'omettre l'étape chirurgicale. Sur ce point, la Grande Chambre a commencé par des observations d'ordre général, pour se pencher ensuite sur la question spécifique des méthodes qui ne concernent que le fonctionnement d'un dispositif.
L'article 84 CBE ensemble la règle 43 CBE disposent que les revendications définissent l'objet de la protection demandée. Par conséquent, la revendication doit mentionner explicitement l'ensemble des caractéristiques essentielles qui sont nécessaires à la définition de l'invention. De plus, la revendication doit être claire (avis G 1/04, supra, point 6.2 des motifs). Du point de vue de l'article 84 CBE, il importe de savoir si l'invention revendiquée est entièrement et complètement définie par les caractéristiques de la revendication une fois que l'étape constituant ou englobant une composante chirurgicale exclue de la brevetabilité a été supprimée, afin d'établir si cette étape peut être omise en employant une formulation positive du type "préalablement administré(e)" ou simplement en ne la mentionnant pas dans la revendication (point 4.3.1 des motifs).
Néanmoins, dans des cas classiques où l'invention ne porte que sur le fonctionnement d'un dispositif, elle serait entièrement définie sans que la présence d'une étape potentiellement chirurgicale en tant que caractéristique positive de la revendication soit nécessaire, puisque les chambres de recours ont toujours estimé en l'occurrence qu'une méthode qui ne concerne que le fonctionnement d'un dispositif, sans qu'il y ait de rapport fonctionnel entre la méthode revendiquée et les effets exercés sur le corps par ce dispositif, ne peut en aucun cas être considérée comme une méthode de traitement au sens de l'article 52(4) CBE, même si l'application du dispositif en tant que tel nécessite la mise en œuvre d'une étape chirurgicale sur le corps. Des expressions du type "préalablement administré(e)" ou "préalablement implanté(e)" ont été admises pour indiquer clairement que la caractéristique inhérente à ladite étape ne faisait pas partie de l'invention revendiquée.
La Grande Chambre souligne qu'elle ne voit aucune raison de remettre en cause cette approche. Les méthodes qui portent uniquement sur le fonctionnement d'un dispositif sans fournir elles-mêmes d'interaction d'ordre fonctionnel avec les effets produits par le dispositif sur le corps sont des enseignements où une activité physique ou un acte constituant une étape de traitement chirurgical ou thérapeutique du corps humain ou animal ne sont pas nécessaires pour que l'enseignement selon l'invention revendiquée soit complet. Par conséquent, même si en pareil cas l'utilisation du dispositif en soi nécessite l'application d'une étape chirurgicale sur le corps ou est destinée à un traitement thérapeutique, il n'en va pas de même de la méthode revendiquée pour le fonctionnement du dispositif. Aussi peut-on affirmer à bon droit que de telles inventions ne sont pas des méthodes de traitement du corps humain ou animal au sens de l'article 53 c) CBE, et que la jurisprudence des chambres de recours techniques distingue convenablement les méthodes brevetables de nature purement technique des inventions qui tombent sous le coup de l'exclusion au titre de l'article 53 c) CBE (point 4.3.2 des motifs).
Cependant, en ce qui concerne l'omission d'une étape dans une revendication, il doit également être satisfait aux autres exigences de la CBE pour que cette omission soit admissible et que la revendication qui ne contient plus la caractéristique omise soit brevetable. Il s'agit notamment de l'article 123(2) CBE et, dans les procédures d'opposition, de l'article 123(3) CBE, mais les articles 83 ou 56 CBE peuvent également entrer en ligne de compte, par exemple si, en conséquence de l'omission, l'invention revendiquée ne peut plus être mise en œuvre sur toute la portée de la revendication ou si le problème que se proposait de résoudre l'invention n'est pas résolu (point 4.3.3 des motifs).
2.8 La chambre à l'origine de la saisine avait demandé en dernier lieu si une méthode d'imagerie revendiquée dans un but de diagnostic (qui n'est pas exclue en tant que telle en vertu de l'article 52(4) CBE 1973) doit être considérée comme une étape constitutive d'un "traitement chirurgical du corps humain ou animal" conformément à l'article 52(4) CBE 1973, lorsque les données obtenues par la méthode permettent immédiatement au chirurgien de décider de la façon de procéder au cours d'une intervention chirurgicale.
La Grande Chambre a répondu que la méthode d'imagerie constituant dans ce cas un enseignement complet en soi, le fait qu'elle se prête à une utilisation susceptible d'être particulièrement intéressante dans une intervention chirurgicale n'empêche pas qu'elle soit revendiquée en soi. La méthode d'imagerie ne devient pas une étape chirurgicale du fait qu'elle est utilisée pendant une intervention chirurgicale.
L'article 53 c) CBE interdit de breveter les méthodes chirurgicales, et non pas les méthodes susceptibles d'être utilisées lors de la mise en œuvre d'une méthode chirurgicale. Si c'était le cas, maintes méthodes utilisées pendant des interventions chirurgicales - par exemple toutes les méthodes servant à faire fonctionner des dispositifs dans le cadre d'activités chirurgicales - ne seraient pas brevetables, même lorsqu'elles ne nécessitent pas en elles-mêmes la mise en œuvre d'une étape chirurgicale sur le corps.
Aussi la méthode d'imagerie n'est-elle pas exclue de la brevetabilité du fait qu'une des utilisations possibles et décrites de la méthode d'imagerie est une utilisation par un chirurgien au cours d'une opération chirurgicale, utilisation permettant au chirurgien de décider de la façon de procéder au cours de l'intervention en prenant note des données images produites sur-le-champ (point 5 des motifs).
3. Décision G 2/08
Dans la décision G 2/08 du 19 février 2010 (JO OEB 2010, 456), la Grande Chambre a examiné la brevetabilité de revendications fondées sur des utilisations médicales supplémentaires conformément à l'article 54(5) CBE. Dans la décision à l'origine de la saisine, la chambre avait demandé si, lorsque l'utilisation d'un médicament particulier pour traiter une maladie particulière est déjà connue, ce médicament connu peut être breveté, en vertu de l'article 54(5) CBE, pour son utilisation dans un traitement thérapeutique différent, nouveau et inventif de la même maladie et, en cas de réponse affirmative à cette question, si un brevet peut être délivré lorsque l'unique caractéristique nouvelle du traitement réside dans une posologie nouvelle et inventive.
La Grande Chambre de recours a tout d'abord confirmé la jurisprudence antérieure des chambres de recours selon laquelle, lorsque l'utilisation d'un médicament pour traiter une maladie est déjà connue, l'article 54(5) CBE n'exclut pas que ce médicament puisse être breveté pour son utilisation dans un traitement thérapeutique différent de la même maladie (points 5.10 s. des motifs). De plus, la délivrance d'un brevet ne doit pas non plus être exclue lorsque l'unique caractéristique revendiquée qui n'est pas comprise dans l'état de la technique est une posologie (points 6 s. des motifs). Cependant, lorsque l'objet d'une revendication devient nouveau par le seul fait d'une nouvelle utilisation thérapeutique d'un médicament, ladite revendication ne pourra plus, à l'avenir, prendre la forme d'une revendication "de type suisse". Ce changement s'explique principalement par le fait que dans la décision G 6/83, la Grande Chambre avait autorisé ce type de revendications pour combler ce qui avait été perçu comme une lacune juridique dans la CBE 1973. Etant donné que le législateur y a désormais remédié en permettant la protection d'un produit limitée à un usage déterminé pour toute utilisation spécifique supplémentaire d'un médicament connu, il n'y a plus aucune raison d'autoriser les revendications de type suisse. Des objections pourraient être soulevées, et l'ont été, à l'encontre des revendications de type suisse eu égard à l'observation des conditions de brevetabilité, compte tenu de l'absence de toute relation fonctionnelle entre, d'une part, les caractéristiques (thérapeutiques) concernant la nouveauté et, le cas échéant, l'activité inventive et, d'autre part, le procédé de fabrication revendiqué. Cependant, pour garantir la sécurité juridique et protéger les intérêts légitimes des demandeurs, la Grande Chambre a autorisé un délai de trois mois à compter de la publication de la décision au Journal officiel de l'OEB, afin que les futurs demandeurs puissent se conformer à cette nouvelle situation (points 7 s. des motifs).