SEANCE DE TRAVAIL
Quel est le rôle de l'intention dans les revendications ?
Rainer MOUFANG - Membre juriste des chambres de recours de l'OEB - Mentions relatives à une utilisation ou à une finalité dans les revendications de brevets
I. Problématique
1. Il est fréquent que les revendications mentionnent une finalité particulière pour laquelle il convient d'utiliser l'objet selon la revendication. Cela vaut aussi bien pour les revendications de produit que pour les revendications de procédé, et notamment les revendications d'utilisation. La question de l'importance qu'il convient d'accorder à ces indications de finalité ou d'utilisation joue un rôle capital à chaque étape de la vie d'un brevet, que ce soit lors de l'examen d'une demande de brevet, lors du maintien du brevet suite à une procédure d'opposition ou de nullité, ou encore dans le cadre d'une action en contrefaçon. Cette question est particulièrement pertinente en ce qui concerne l'exigence de clarté (art. 84 CBE), l'examen des conditions de fond de la brevetabilité (nouveauté, activité inventive et suffisance de l'exposé) ainsi que l'étendue et les effets de la protection conférée par un brevet. Bien souvent, l'interprétation de ces indications de finalité revêt ici une importance décisive.
2. Dans le contexte du droit européen des brevets, il y a tout particulièrement lieu de rechercher une approche harmonisée. Si l'invention définie dans la revendication est interprétée de manière radicalement différente par les instances européennes et par les juridictions nationales, il en résultera d'importantes distorsions au sein du système. Certes, il ne sera pas toujours possible d'éviter que soient données, pour un brevet particulier, des interprétations divergentes du contenu d'une revendication et que ces dissensions soient suivies par les tribunaux. Il serait toutefois beaucoup plus fâcheux que les divergences soient de nature fondamentale, par exemple dans le cas où les indications de finalité seraient toujours considérées par une instance comme limitatives, et par l'autre comme non limitatives.
II. Mentions relatives à une utilisation ou à une finalité dans les revendications de produit
3. Dans les revendications de produit, les indications relatives à une finalité ou à une utilisation se caractérisent par des formulations introduites par les prépositions "pour" ou "de", qui contribuent à définir le produit selon l'invention au-delà de ses caractéristiques structurelles et matérielles explicites. Souvent, ces indications figurent dans le préambule de la revendication (par ex. presse d'injection pour polymères thermoplastiques, caractérisée en ce que…)1. La finalité ou l'utilisation peuvent également être mentionnées sous une autre forme, par exemple sous une forme substantivée (par ex. canne à pêche, insecticide).
4. Trois types d'interprétation radicalement différents sont possibles. D'abord, on peut voir dans ces indications de finalité un moyen de limiter véritablement la revendication aux produits destinés à l'utilisation indiquée, ou effectivement utilisés de la manière décrite. Bien qu'elle s'efforce de rendre à la caractéristique sa signification naturelle, cette approche n'est pas retenue dans la jurisprudence des chambres de recours et la pratique de l'OEB. Ces réticences s'expliquent par l'idée que l'objet d'une revendication de produit est le produit lui-même, et qu'il serait donc contradictoire d'inclure dans sa définition des fins d'utilisation ou des usages futurs.
5. La deuxième interprétation consiste en principe à ne reconnaître aux indications de finalité ou d'utilisation absolument aucune vertu limitative, et donc à en faire abstraction lors de l'examen2. Ce qui est problématique ici, c'est qu'il est contraire à la méthodologie d'interprétation bien établie de n'accorder aucune considération à des caractéristiques intégrées délibérément par le titulaire du brevet dans la formulation de sa revendication.
6. L'approche habituellement adoptée par les instances de l'OEB vise donc un juste allemande milieu entre les deux modes d'interprétation précités. Les indications de finalité et d'utilisation ont pour effet de limiter les produits définis dans la revendication à ceux qui conviennent à la finalité ou à l'usage indiqués. Les directives relatives à l'examen citent l'exemple d'un "moule pour acier liquide"3. Ici, la mention de l'utilisation prévue entraîne certaines restrictions au niveau du moule : un plateau en plastique pour cubes de glace ayant un point de fusion nettement inférieur à celui de l'acier ne serait donc pas couvert par la revendication. On pourrait encore citer, à titre d'illustration, les décisions des chambres de recours T 352/944, T 132/025 et T 918/026.
7. Or, "ce qui convient" est une notion aux contours relativement flous : a-t-on affaire à une destruction de la nouveauté par une antériorité, voire à une contrefaçon, lorsque l'antériorité ou la contrefaçon éventuelle attaquée est mal adaptée à l'utilisation mentionnée dans le brevet7, ou lorsqu'il faut lui faire subir certaines modifications ou certains traitements (cas des produits intermédiaires) en vue de cet usage ? Dans certains cas, il se peut même que l'exigence de clarté visée à l'article 84 CBE ne soit pas respectée8.
8. Pour les inventions pharmaceutiques, les principes exposés précédemment sont balayés par les exceptions prévues à l'article 54(4) et (5) CBE. Si une substance était déjà connue en tant que telle, mais que son application pharmaceutique ne l'était pas, cette antériorité n'empêche pas que la substance soit revendiquée comme médicament. Depuis l'entrée en vigueur de la CBE 2000, dans le cas de la deuxième application thérapeutique (et de toutes les suivantes), les revendications de produit portant sur la substance pour l'utilisation spécifique en question sont également admissibles9. Il en va de même pour les posologies et modes d'administration particuliers de médicaments10. Il faut donc sans doute s'attendre à ce que, dans les actions en contrefaçon, la définition d'éléments subjectifs puisse prendre une importance décisive. Néanmoins, de nombreux aspects mériteraient encore d'être tirés au clair11.
III. Finalité et utilisation dans les revendications de procédé
9. En ce qui concerne les revendications de procédé, les indications de finalité et d'utilisation semblent à première vue moins problématiques. Un procédé étant généralement défini par une série d'opérations techniques, le but poursuivi par un procédé ou son domaine d'application peuvent souvent être compris comme une détermination additionnelle d'une ou plusieurs de ces opérations techniques. Un procédé pour la fabrication du produit A est la même chose qu'un procédé de fabrication du produit : la fabrication du produit est donc l'une des caractéristiques de la revendication. Le problème que l'on rencontre avec les revendications de produit, à savoir qu'une indication de finalité ou d'utilisation dépasse dans une certaine mesure l'objet de la revendication, ne se pose pas avec la même acuité pour les revendications de procédé.
10. Pourtant, cet aspect soulève aussi une vaste gamme de questions de droit complexes. Au cœur de ces questions, on trouve deux décisions de la Grande Chambre de recours concernant les utilisations non thérapeutiques (G 2/8812 et G 6/8813), qui ont suscité d'importantes controverses dans les juridictions nationales lorsqu'elles ont été rendues, il y a plus de 20 ans, et dont les conséquences nous occupent aujourd'hui encore. La teneur générale de ces décisions peut être résumée comme suit :
L'utilisation d'une substance connue dans un but nouveau est considérée comme nouvelle au sens du droit des brevets si son mode de réalisation se distingue de celui des utilisations connues jusqu'alors. Ce cas de figure n'est pas problématique.
Si le mode de réalisation ne se distingue pas de celui des utilisations connues, le nouveau but recherché ne saurait fonder la nouveauté en droit des brevets si on considère cette finalité comme une caractéristique subjective, c'est-à-dire comme une idée présente dans l'esprit de celui qui exécute l'invention. Une telle caractéristique subjective n'est pas pertinente pour l'examen de la nouveauté.
En revanche, l'indication d'une finalité dans une revendication d'utilisation n'est pas nécessairement une simple caractéristique renvoyant à une représentation mentale. En règle générale, il faut y voir au contraire une caractéristique technique d'ordre fonctionnel, au sens où la substance utilisée provoque l'effet particulier qui correspond au but recherché.
Peu importe que l'effet particulier se soit déjà produit dans le cadre d'une utilisation connue sans être remarqué (refus de la doctrine dite "du contenu intrinsèque").
11. Ces principes appellent une plus ample clarification des trois points suivants :
(i) Si l'on considère l'indication de finalité comme une caractéristique objective d'ordre fonctionnel de la revendication ("obtention de l'effet correspondant au but recherché"), peut alors devenir contrefacteur celui qui utilise la substance de la manière connue, dans la mesure où cela implique aussi de façon inhérente l'effet décrit dans le brevet. Or, ceci est contraire au principe traditionnel selon lequel un brevet ne peut conduire à l'interdiction d'un procédé technique faisant partie de l'état de la technique. Pour sortir de ce dilemme, il est parfois possible de faire tout de même appel, lors de la procédure en contrefaçon, aux éléments subjectifs que sont les connaissances et les intentions de celui qui agit.
ii) Les principes sur lesquels s'appuient les chambres de recours dans leurs décisions sont-ils valables non seulement pour les revendications d'utilisation "classiques", mais aussi pour d'autres revendications de procédé, notamment celles qui portent sur des procédés de fabrication ? La pratique des chambres de recours présente une certaine hétérogénéité à cet égard (voir, d'une part, la décision T 1092/0114 et, d'autre part, les décisions T 1139/0615, T 1855/0616 et T 1179/0717).
iii) Où se trouve exactement la limite entre une utilisation pour une nouvelle finalité, qui est brevetable, et la simple découverte, quant à elle non brevetable, d'un mécanisme d'action d'une utilisation déjà connue ? Il est dans certains cas difficile de répondre à cette question (voir, d'une part, T 892/9418 et, d'autre part, T 816/0519), ce qui a conduit au développement d'une abondante casuistique, notamment dans le domaine des applications thérapeutiques. Il importe, pour cette distinction, de savoir si le mode d'action nouvellement décrit implique le traitement d'un nouveau groupe de patients ou une nouvelle situation clinique (pour plus de détails, voir T 486/0120, T 1229/0321, T 406/0622, T 1642/0623 et T 1652/0624).
1 De même, dans les systèmes juridiques en dehors de l'Europe, comme le prouve une décision récente de la Cour d'appel des Etats-Unis pour le Circuit fédéral du 22 mars 2010 (Marrin v. Griffin, 94 USPQ2d 1140), l'interprétation de telles indications de finalité figurant dans le préambule peut susciter d'importantes controverses. Ainsi, il est dit dans l'opinion divergente du juge Newman (94 USPQ2d 1140, 1146), entre autres : "L'expression 'pour utilisation' dans le préambule objet de l'affaire Bicon, et d'autres façons similaires de rédiger le préambule dans [...] d'innombrables autres affaires, ont été considérées comme limitant fondamentalement la revendication. La majorité de la chambre s'écarte loin de la jurisprudence antérieure lorsqu'elle affirme qu'il convient, dans l'affaire Griffin, d'ignorer le préambule, étant donné qu'il indique une 'utilisation', puis annule la revendication pour défaut de nouveauté, dès lors qu'elle ne comporte plus de limitations dans son préambule."
2 C'est en tout cas la tendance qui se dégage de la récente jurisprudence de la Cour fédérale de justice (Bundesgerichtshof), cf. BGH, décision du 31 août 2010, X ZB 9/09 - Bildunterstützung bei Katheternavigation, numéro de marge 11 : "Mais il ne découle pas de ces prescriptions légales que tous les éléments linguistiques utilisés pour formuler une revendication décrivent des caractéristiques de l'objet que la revendication a pour but de faire protéger. Ainsi, les revendications de produit ou de dispositif peuvent contenir des indications de finalité ou d'effets, ou des indications d'ordre fonctionnel, qui ne contribuent, en tant qu'éléments de la revendication, qu'à certaines conditions à remplir sa fonction, qui est de définir l'objet de la protection et, en même temps, de le limiter, par exemple en ce qui concerne sa finalité supposée. Mais en règle générale, le produit ou le dispositif est défini en tant qu'objet de protection par des caractéristiques physico-spatiales, indépendamment de la finalité pour laquelle il est censé être utilisé d'après les indications contenues dans la revendication (cf. BGH, décision du 7 juin 2006 - X ZR 105/04, GRUR 2006, 923, numéro de marge 15 ; décision du 28 mai 2009 - Xa ZR 140/05, GRUR 2009, 837, numéro de marge 5, Bauschalungsstütze). Dans ces cas-là, les indications de finalité ou d'effets, ou les indications d'ordre fonctionnel ne décrivent pas de caractéristiques de l'objet breveté."
3 Directives relatives à l'examen pratiqué à l'Office européen des brevets (avril 2010), Partie C, chapitre III, 4.13.
4 Décision de la chambre de recours 3.4.02 du 3 février 1998 - Coriolis mass flow meter/MICRO MOTION, point 2.1.2 des motifs de la décision : "Il y a lieu de tenir compte, par exemple lors de l'appréciation de la nouveauté du dispositif, des caractéristiques implicites découlant d'une utilisation particulière d'un dispositif, l'exemple donné étant celui d'un crochet de grue comparé à un hameçon (connu) de forme similaire, la différence de taille découlant implicitement de la différence d'usage. En outre, comme l'a soutenu l'intimé de façon crédible dans la présente affaire, l'utilisation du collecteur pour un débimètre de Coriolis à trajets parallèles, servant à mesurer le débit massique d'un fluide, implique clairement que les tubes de circulation doivent être raccordés à un collecteur pouvant supporter les oscillations mécaniques auxquelles sont soumis les tubes de circulation lorsqu'on mesure le débit massique d'un fluide circulant par lesdits tubes de circulation."
5 Décision de la chambre de recours 3.5.01 du 21 juin 2005 - Management pattern/IBM, point 5 des motifs de la décision : "Il convient toutefois d'interpréter une caractéristique fonctionnelle dans une revendication de produit comme une définition implicite des caractéristiques structurelles qui sont nécessaires pour obtenir un effet particulier quand le produit est utilisé ou appliqué conformément à l'enseignement contenu dans la revendication ; l'effet à obtenir et l'utilisation doivent être divulgués dans la demande."
6 Décision de la chambre de recours 3.2.06 du 12 novembre 2004 - Seil als Tragmittel für Aufzüge/INVENTIO, point 2.2 des motifs de la décision : [...] "Ainsi, l'indication selon laquelle le câble est entraîné par l'intermédiaire d'une poulie de commande doit être considérée comme une mention relative à l'utilisation, c'est-à-dire qu'il s'agit d'un câble approprié pour être entraîné par une poulie de commande. On ne saurait déduire d'autres caractéristiques techniques de cette indication."
7 Voir la décision T 918/02 du 12 novembre 2004 (point 2.4 des motifs de la décision), dans laquelle il est dit : "A ce sujet, la requérante a soutenu qu'il était connu du brevet D6 que le câble divulgué dans D3 n'était pas optimal pour être entraîné par une poulie de commande ('not optimal for traction'). Cette indication dans D6 ne comporte toutefois que la constatation que le câble n'est pas la meilleure option, comme câble de traction, et ne signifie pas qu'il soit entièrement inadapté à l'entraînement par l'intermédiaire d'une poulie de commande, mais seulement qu'il existe des câbles plus appropriés à cette fin."
8 Dans la décision T 455/92 du 5 octobre 1993, il n'a pas été appliqué de critères très sévères en ce qui concerne les exigences de l'article 84 CBE, cf. par ex. points 2.2 et 2.5 des motifs de la décision : "Dans la revendication 2 de la requête principale, qui concerne un enrobage et doit être considérée comme revendication indépendante, la finalité de l'enrobage est indiquée dans le préambule. Il en ressort que l'enrobage doit être approprié pour pouvoir être introduit dans la chambre de compression d'une presse pour balles rectangulaires ou cylindriques et pour enrubanner le produit ensilé compressé à l'intérieur de cette chambre. Par cette indication s'effectue déjà une certaine sélection l'enrobage concernant aussi bien l'ordre de dimension, à savoir celui qui correspond à la taille habituelle des balles d'ensilage, que sa forme, à savoir apte à être introduit et enrubanné dans la chambre de compression." [...] Certes, les caractéristiques (implicitement) exprimées par la mention de finalité sont susceptibles d'une très large interprétation ; elles n'en sont pas moins nécessaires pour définir l'objet de la demande. Il n'est donc pas porté atteinte à l'exigence de concision de l'article 84 CBE."
Voir aussi la décision T 194/99 de la chambre de recours 3.4.01 du 7 mai 2004 - Medical laser/MATSUSHITA, point 3 des motifs de la décision : "En ce qui concerne la clarté des revendications, il est en principe possible de définir, dans une revendication portant sur une première entité, certaines caractéristiques de cette entité comme étant une fonction des caractéristiques d'une seconde entité utilisée quand on se sert de la première entité."
9 De telles revendications de produit limitées à une application spécifique remplacent aujourd'hui la formulation de revendications de type suisse, qui était courante sous le droit précédemment en vigueur et qui avait été entérinée dans les décisions G 1/83, G 5/83 et G 6/83 (JO OEB 1985, 60, 64, 67). Voir la décision G 2/08, JO OEB 2010, 456 - Posologie/ABBOTT RESPIRATORY, point 7 des motifs de la décision, prévoyant un délai de trois mois après la publication de la décision à titre de disposition transitoire. Voir à ce sujet le communiqué de l'OEB du 20 septembre 2010 relatif à la non-acceptation des revendications de type suisse portant sur une deuxième utilisation médicale ou toute utilisation médicale ultérieure faisant suite à la décision G 2/08 de la Grande Chambre de recours, JO OEB 2010, 514 : la date pertinente fixée est le 29 janvier 2011. Il ne sera plus délivré de brevets européens présentant des revendications de type suisse pour les demandes dont la date de dépôt ou - si une priorité a été revendiquée - la date de priorité la plus ancienne est la date fixée ou une date ultérieure.
10 G 2/08, JO OEB 2010, 456 - Posologie/ABBOTT RESPIRATORY. Tout récemment, le Tribunal de grande instance de Paris a toutefois adopté un point de vue opposé dans son jugement du 28 septembre 2010 (n° 07/16296) - traitement de l'alopécie androgène/MERCK.
11 Certes, il ressortira souvent de la notice accompagnant un médicament s'il est destiné à l'application qui fait l'objet du brevet. Dans l'affirmative, le titulaire du brevet essaiera généralement d'attaquer le fabricant ou l'importateur du médicament. Mais si la notice ne fait pas mention de l'application brevetée, ce sont surtout le médecin et le pharmacien qui entrent en ligne de compte comme contrefacteurs, en tout cas, quand le médecin utilise le médicament pour le traitement en cause ou s'il se trouve, dans l'ordonnance médicale, des références à l'application protégée. Dans cette mesure, il peut aussi y avoir une contrefaçon indirecte, nonobstant le fait que le brevet ne s'étend pas aux actes privés du patient (voir par ex. l'art. 10 (3) de la loi allemande sur les brevets - PatG). Il semble que le choix du législateur en faveur d'une protection de produit limitée à un usage déterminé pour la deuxième indication médicale puisse aboutir à ce que le traitement médical constitue plus souvent une contrefaçon que lorsqu'on utilisait la forme de revendication dite de type suisse.
12 G 2/88, JO OEB 1990, 93 - Additif réduisant le frottement/MOBIL OIL III.
13 G 6/88, JO OEB 1990, 114 - Agent de régulation de la croissance des plants/BAYER.
14 Décision de la chambre de recours technique 3.3.04 du 26 avril 2005 - Lutein/INDUSTRIAL ORGANICA ; point 17 des motifs de la décision : ... [B]ien que les revendications du brevet en cause portent sur un procédé et non sur une utilisation, le raisonnement de la décision G 2/88 est applicable puisque la question qui se pose ici, comme dans la situation faisant l'objet de la décision G 2/88, est de savoir si la nouveauté peut reposer sur un effet nouveau produit par des moyens connus, à savoir une composition dans l'affaire G 2/88 ou un procédé dans la présente affaire." En fin de compte, la nouveauté n'a toutefois pas été admise, étant donné que le procédé revendiqué, malgré l'indication de l'effet nouveau (isomérisation de la lutéine dans la zéaxanthine), visait à atteindre le même résultat final, à savoir l'obtention de pigments pour l'industrie alimentaire.
15 Décision de la chambre de recours technique 3.3.02 du 19 février 2009 - Preparation of microcapsules/QUADRANT DRUG DELIVERY, point 4.5.2 des motifs de la décision : "Il convient donc d'apprécier si la caractéristique 'utilisation d'un matériau qui modifie la charge des microcapsules en vue d'un ciblage sélectif vis-à-vis d'une zone du corps humain ou animal' peut ou non induire la nouveauté.
Comme souligné plus haut, au point 4.4.2, l'objet de la revendication 2 concerne un procédé pour préparer des microcapsules creuses. Un procédé pour préparer une composition est défini par les différentes étapes de procédé qui sont nécessaires pour obtenir la composition désirée. Toutefois, la caractéristique susmentionnée définit un effet d'un composant utilisé dans la préparation des microcapsules, qui n'a aucune influence, quelle qu'elle soit, sur leur préparation : [...] Par conséquent, la caractéristique susmentionnée a simplement valeur explicative et ne peut donc conférer la nouveauté au procédé permettant de préparer les microcapsules creuses telles que revendiquées dans la revendication 2 de la requête subsidiaire I. Dans ce contexte, eu égard au fait que l'objet de la revendication 2 porte sur un procédé de préparation, plutôt que sur l'utilisation d'un composant pour obtenir un effet quelconque, il est à noter que la décision G 2/88 (JO OEB 1990, 93) ne s'applique pas au cas d'espèce."
16 Décision de la chambre de recours technique 3.3.07 du 18 juin 2009 - Schutz von Elastan-Fasern/BAYER, point 5.3 des motifs de la décision : "Si, comme en l'espèce, l'application soi-disant nouvelle concerne sans aucun doute une utilisation non médicale, la nouveauté de l'application de la composition connue pour la fabrication - selon un procédé connu - d'un produit connu ne saurait découler d'une propriété nouvelle du produit obtenu. [...] Pour satisfaire aux décisions G 2/88 (supra) et G 6/88 (supra), il faudrait que l'utilisation revendiquée porte sur une façon nouvelle d'exploiter la propriété nouvellement découverte et pas seulement sur la fabrication d'un produit qui possède cette propriété."
17 Décision de la chambre de recours technique 3.3.03 du 10 mars 2009 - Verminderung des Aldehyd-Gehalts/BASF, point 2.1.3 des motifs de la décision : "En l'espèce, il est clair, malgré l'indication de finalité, que le procédé revendiqué est destiné à la fabrication d'un produit. [...] Si la Chambre appliquait à la revendication de procédé telle que délivrée le raisonnement suivi dans G 2/88 et G 6/88, il s'ensuivrait que le produit obtenu par le procédé selon la revendication 1 telle que délivrée serait protégé une seconde fois par le biais de l'article 64 (2) CBE, bien que ce produit soit connu du document D1 et ait été fabriqué exactement selon le procédé décrit dans D1. Or, il ne serait pas conforme à l'esprit de l'article 64 (2) CBE que la protection prévue par cet article s'étende aussi à un produit obtenu par un procédé connu."
18 Décision de la chambre de recours technique 3.3.02 - Compositions désodorantes/ROBERTET S.A., JO OEB 2000, 1 ; voir point 3.4 des motifs de la décision : "Inversement, on peut déduire de la décision G 2/88 que la nouveauté fait défaut lorsque la revendication porte sur l'utilisation d'une substance connue pour une application non médicale connue, même si cette revendication fait mention d'un effet technique nouvellement découvert sur lequel se fonde l'application connue."
19 Décision de la chambre de recours technique 3.3.04 du 4 mai 2007 - Detergent compositions/GENENCOR INTERNATIONAL, point 17 des motifs de la décision : "Ce qui est plus important, c'est que, contrairement aux situations traitées dans les décisions T 892/94 et T 706/95, l'objet revendiqué se traduit par une nouvelle application technique distincte de l'application connue. De fait, l'exemple 4 du document D1 se contentait d'enseigner l'utilisation d'une composition détergente comme définie dans la présente revendication 1, afin d'améliorer la conservation/restauration des couleurs par rapport à l'utilisation de la même composition contenant toute la cellulase. Toutefois, l'enseignement technique du brevet en cause, tel qu'il ressort de la revendication 1, permet à l'homme du métier d'étendre le traitement décrit dans l'état de la technique à des cas où l'on cherche à améliorer la qualité de tissus (et vêtements), eu égard à leur souplesse, à leur capacité de conservation/restauration des couleurs, à leur touché et à leur perte de résistance."
20 Décision de la chambre de recours technique 3.3.04 du 3 septembre 2003 - IGF-1/GENENTECH : L'utilisation de la substance active IGF-1 dans le traitement d'affections du système nerveux central était connue. Selon la chambre, la découverte que cette substance améliorait la durée de vie d'un certain type de cellules neuronales ne conduisait pas à une utilisation nouvelle.
Au point 11 des motifs de la décision, il est dit : "Pour les mêmes raisons, les différents effets physiologiques soulignés par le requérant ne permettent pas d'identifier un nouveau sous-groupe de patients à traiter. Il est vrai que deux modes d'action différents d'un même médicament peuvent conduire à la division du groupe des patients traités en deux sous-groupes distincts, comme dans les cas déjà examinés (supra) et dans la décision T 893/90 du 22 juillet 1993. Toutefois, il est clair que ce n'est pas le cas en l'espèce, étant donné que le brevet en cause ne contient pas ce genre d'enseignement. Il n'est pas possible d'identifier ici un nouveau sous-groupe de patients à traiter contre une maladie de Parkinson affectant, par exemple, les 'cellules gliales' ou les 'cellules non-cholinergiques', qui se distinguerait des sujets visés dans le document (C17)."
21 Décision de la chambre de recours technique 3.3.02 du 23 novembre 2006 - Estrogen compounds for treating neurodegenerative disorders/UNIVERSITY OF FLORIDA, point 2.2.3 des motifs de la décision : "[...] L'information donnée dans le document (5), dans le passage intitulé 'Gonadal steroid hormone use in the damaged nervous system', concerne l'amélioration de la plasticité neuronale, qui est liée à des mécanismes réparateurs concernant des effets de croissance (entre autres, augmentation des synapses, densité des cellules), mais qui ne saurait être considérée comme anticipant le traitement des affections neurodégénératives qui consiste à empêcher un ensemble de cellules nerveuses de mourir."
22 Décision de la chambre de recours technique 3.3.04 du 16 janvier 2008 - Stimulation of beta cell proliferation/NOVO NORDISK. Elle concernait une revendication de type suisse, qui portait sur l'utilisation du GLP-1 pour le traitement du diabète de type I et de type II et qui mentionnait, comme effet technique, la stimulation de la prolifération des cellules bêta. Bien que cet effet n'eût pas été antérieurement divulgué, la chambre n'a pas considéré que l'objet de la revendication était nouveau. Le GLP-1 était connu comme médicament pour le traitement des diabétiques. Que cet effet fût décrit dans le brevet n'impliquait pas de nouvelle application thérapeutique.
23 Dans cette décision du 23 août 2007 - Sigma receptor/SPRUCE (cf. point 2.1.1 des motifs de la décision), la chambre de recours technique 3.3.02 a reconnu une nouvelle possibilité d'application clinique, pour les raisons suivantes :
"Etant donné que le document (1) et la revendication 1 concernent tous les deux la même composition pour le traitement de la même maladie, il est nécessaire de déterminer si l'utilisation revendiquée à présent représente une nouvelle application thérapeutique différente de celle divulguée dans le document (1).
Le document (1) divulgue l'utilisation de compositions aux fins d'induire l'arrêt du cycle de division des cellules tumorales et/ou l'apoptose (voir, par ex., la revendication 1). Par conséquent, le document (1) enseigne un effet direct sur les cellules cancéreuses, ce qui contraste clairement avec l'effet technique sur lequel compte la revendication 1, à savoir l'influence indirecte des ligands des récepteurs sigma sur les cellules tumorales par le biais de l'inhibition de la néovascularisation des tumeurs.
De plus, cet effet révèle une nouvelle situation clinique, à savoir celle où il semble préférable de cibler les vaisseaux qui irriguent la tumeur, plutôt que les cellules tumorales proprement dites, par exemple dans les cas où les cellules sont résistantes à la chimiothérapie médicamenteuse."
24 Décision de la chambre de recours technique 3.3.02 du 12 mars 2008 - Treatment of portal hypertension/SUCAMPO AG, point 3. 2 des motifs de la décision : "L'hypertension portale est une augmentation de la pression sanguine dans la veine porte. Il apparaît, par conséquent, que le traitement divulgué dans le document (1) nécessite inévitablement de supprimer l'hypertension dans la zone affectée, c'est-à-dire dans la veine porte. [...] l'objet revendiqué et la divulgation du document (1) s'appuient sur le même effet technique. La caractéristique 'pour supprimer l'hypertension affectant la veine porte' ne procure aucune nouvelle information technique au lecteur averti, par rapport au document (1)."