TRAITÉS INTERNATIONAUX
Union européenne
Communication de la Commission en date du 5 fèvrier 1999 au Conseil, au Parlement européen et au Comité économique et social (COM (1999) 42)
Promouvoir l'innovation par le brevet - Les suites à donner au Livre vert sur le brevet communautaire et le système des brevets en Europe
Résumé des actions et recommandations
1. Introduction
1.1. Le Livre vert sur le brevet communautaire et le système des brevets en Europe
1.2. La consultation des milieux intéressés et des autres institutions communautaires
1.3. L'objet de la présente Communication
2. Le brevet communautaire
2.1. Le rôle des brevets dans le processus d'innovation : pour un renversement des priorités
2.2. La nécessité d'un titre unitaire de protection par brevet
2.3. Les caractéristiques essentielles d'un brevet communautaire
2.4. L'action envisagée par la Commission
3. L'harmonisation complémentaire des législations nationales
3.1. La nécessité d'une harmonisation complémentaire du droit des brevets
3.2. Les programmes d'ordinateurs
3.2.1. Les difficultés causées par la situation actuelle
3.2.2. L'action envisagée par la Commission
3.3. Les inventions d'employés
3.3.1. La situation actuelle
3.3.2. L'action envisagée par la Commission
3.4. Les formalités
3.5. Le recours aux agents et la reconnaissance des qualifications professionnelles
3.5.1. La situation actuelle
3.5.2. Les actions envisagées par la Commission
3.6. La portée des droits conférés par les brevets dans certains secteurs
3.7. Les mesures complémentaires pour rendre le système des brevets plus attractif
3.7.1. Pour les petites et moyennes entreprises
3.7.2. L'assurance « protection juridique » en matière de litiges liés aux brevets
3.7.3. Le délai de grâce
4. Le brevet européen
4.1. La structure générale du brevet européen
4.2. Le problème du coût du brevet européen
4.2.1. Les taxes
4.2.2. La clé de répartition des taxes de maintien en vigueur
4.2.3. Les traductions
5. Le rôle des offices nationaux de brevets
5.1. Le résultat de la consultation
5.2. L'action envisagée par la Commission
6. L'elargissement
Résumé des actions et recommandations
Actions urgentes à engager au niveau communautaire
Brevet communautaire : élaboration d'une proposition de règlement basée sur l'article 235 CE
Brevetabilité des programmes d'ordinateur : élaboration d'une proposition de directive basée sur l'article 100 A CE
Agents en brevets : élaboration d'une Communication interprétative
Offices nationaux de brevets : lancement d'une action pilote visant à soutenir leurs efforts pour la promotion de l'innovation
Assurance "protection juridique" en matière de litiges liés aux brevets : organisation d'une conférence européenne
Convention sur le brevet européen : lancement de la procédure d'adhésion de la Communauté
Meilleure diffusion de l'information sur le droit des brevets auprès des inventeurs, des chercheurs et des PME : préparation d'une Communication de la Commission
Actions à moyen terme à envisager au niveau communautaire
Inventions d'employés : lancement d'une étude portant notamment sur les clauses "types" et les procédures arbitrales
Droit des brevets dans les secteurs soumis à autorisation préalable de mise sur le marché : harmonisation de la portée des exceptions
Recommandations
Office européen des brevets : soutien aux propositions de réduction des taxes de procédure
Office européen des brevets : encouragement en matière de réduction des coûts de traductions du brevet européen
Etats membres : encouragement au processus de révision de la convention sur le brevet européen, notamment en vue de l'adapter aux évolutions technologiques, pour tenir compte des textes législatifs communautaires et des accords internationaux pertinents et envisager l'adhésion de la Communauté à la convention
Soutien à la formation continue des agents en brevets
1. Introduction
Le Plan d'action en faveur du marché unique, adopté par le Conseil européen d'Amsterdam en juin 1997, a identifié la propriété industrielle comme un secteur dans lequel une action est nécessaire en vue de le rendre plus efficace et plus accessible à l'utilisateur, afin de tirer toutes les potentialités du marché intérieur dans le domaine des produits et services innovants. Par son action dans le domaine de la propriété industrielle, la Communauté entend marquer qu'elle prend pleinement en compte l'importance du lien entre l'innovation, la croissance et l'emploi.
Le Livre vert sur le brevet communautaire et le système des brevets en Europe a suscité de grandes attentes, tant au niveau de l'industrie que des Etats membres.
La mise en place d'un brevet unitaire couvrant toute la Communauté apparaît désormais comme une priorité politique; elle s'inscrit dans le cadre de l'action de la Communauté destinée à adapter et à simplifier l'environnement réglementaire dans lequel évoluent les entreprises actives en Europe. Cette action est également nécessaire pour maintenir la compétitivité des entreprises innovantes dans la Communauté. Cet instrument devrait permettre également l'accroissement de la protection des résultats de la recherche, et donc d'encourager leur accomplissement et leur exploitation commerciale.
Les programmes d'ordinateurs sont un élément important pour le développement de nombreuses activités économiques et contribuent directement à la mise en place de la société de l'information ; les conditions de leur protection par brevet doivent être mieux précisées et harmonisées dans la Communauté.
Les agents en brevets jouent un rôle éminent de conseil et d'assistance auprès des entreprises innovantes et des inventeurs ; il faut assurer que cette profession puisse pleinement bénéficier des libertés prévues par le traité.
Plusieurs sujets sont apparus au cours de la consultation, alors qu'ils ne figuraient pas dans le Livre vert, comme le délai de grâce ou la portée des droits conférés par les brevets dans certains secteurs réglementés. Ceci démontre que plus l'intégration économique progresse dans la Communauté grâce au marché intérieur, plus les opérateurs économiques sont sensibles à l'environnement juridique dans lequel ils doivent évoluer.
Il est très important d'assurer la cohérence du système des brevets en Europe, notamment par une meilleure coordination entre la Communauté et l'Organisation européenne des brevets.
Les offices nationaux de brevet jouent un rôle très important pour de nombreuses entreprises européennes ; celui-ci doit être affirmé et soutenu.
1.1. Le Livre vert sur le brevet communautaire et le système des brevets en Europe
Le 24 juin 1997, la Commission a présenté le Livre vert sur le brevet communautaire et le système des brevets en Europe1. L'objectif de cette initiative, qui s'inscrivait dans la foulée du Premier Plan d'action pour l'innovation en Europe2, était de lancer un vaste débat avec tous les milieux intéressés sur la nécessité de prendre de nouvelles initiatives en matière de brevets et de réfléchir sur la nature et le contenu de ces éventuelles initiatives.
Cette démarche a été couronnée de succès au-delà des attentes de la Commission ; en effet, dès son adoption, le Livre vert a suscité un très grand intérêt : de nombreuses conférences et réunions ont été organisées à travers toute la Communauté sur ce thème, des prises de positions multiples ont été soumises à la Commission… Ceci démontre que le Livre vert répondait à un véritable besoin de modernisation et d'amélioration du système des brevets en Europe.
Le message général qui ressort de l'ensemble de ces discussions est la nécessité de mettre davantage l'accent sur les aspects pratiques du système des brevets et d'y intégrer pleinement les besoins des utilisateurs. Les brevets sont un instrument très important au service de la promotion de l'innovation, de la créativité et de l'emploi. Ils doivent devenir une partie intégrante de la réalité économique des entreprises, des inventeurs, des PME et leur procurer une protection adéquate, à des coûts raisonnables et moyennant une sécurité juridique optimale. En aucun cas, les brevets ne doivent constituer un frein à l'innovation.
Le bon fonctionnement du marché intérieur appelle, de l'avis unanime des utilisateurs, une double action: d'une part, la mise en place d'un système unitaire de protection par brevet et, d'autre part, diverses mesures d'harmonisation complémentaires afin de rendre le système plus transparent et plus efficace.
Il convient en outre d'adapter le système des brevets afin d'accroître la protection des résultats de la recherche, et donc d'encourager leur accomplissement et leur exploitation commerciale. Cela permettrait aussi une optimisation des investissements publics (communautaires et nationaux) dans le domaine de la recherche.
C'est en ayant à l'esprit ce message général d'un système des brevets au service de l'innovation que la Commission a défini ses choix en ce qui concerne les mesures à prendre dans ce domaine.
1.2. La consultation des milieux intéressés et des autres institutions communautaires
La consultation des milieux intéressés a été entamée par l'adoption du Livre vert et s'est poursuivie durant la seconde partie de 1997. Un très grand nombre de prises de position ont été envoyées aux services compétents de la Commission (plus de 150, totalisant plus de 1.200 pages) ; celles-ci se caractérisent par une réflexion très approfondie sur les différents thèmes traités dans le Livre vert. Pour clôturer cette partie de la consultation avec les milieux intéressés, la Commission a pris l'initiative, conjointement avec la présidence luxembourgeoise du Conseil, d'organiser une audition ouverte à tous les utilisateurs du système des brevets (entreprises, inventeurs, agents en brevets… ). Celle-ci s'est tenue à Luxembourg les 25 et 26 novembre 1997 et plus de 220 personnes y ont participé. Cette audition s'est terminée par l'adoption de "conclusions" qui ont été largement diffusées.
Le Comité économique et social a rendu un avis détaillé sur le Livre vert, le 25 février 1998. Le Comité partage très largement l'analyse esquissée par la Commission dans le Livre vert. Il estime qu'il est urgent d'affronter le problème du brevet communautaire en lui donnant une priorité absolue eu égard à ses retombées économiques et en termes de compétitivité et de développement technologique et industriel dans un marché global. Il invite la Commission à soumettre une proposition de règlement sur le brevet communautaire dans les meilleurs délais en 1999.
Une réunion d'experts des Etats membres a été organisée par la Commission le 26 janvier 1998 ; elle a permis d'appréhender les réflexions des Etats membres et leurs suggestions visant à améliorer le système des brevets en Europe. Une très large majorité de représentants des Etats membres ont encouragé la Commission à aller de l'avant avec la plupart des suggestions présentées dans le Livre vert, afin de mettre un place un système unitaire de protection par brevet et de moderniser et de simplifier le système des brevets en Europe. Enfin, le Parlement européen a adopté son avis le 19 novembre 1998. Le Parlement considère qu'une législation communautaire cohérente et efficace dans le domaine des brevets constitue un élément essentiel en vue de favoriser la compétitivité des entreprises dans l'Union européenne ; c'est pourquoi il estime que l'harmonisation de quelques dispositions matérielles des législations nationales sur les brevets n'est aujourd'hui plus suffisante et qu'il faudrait élaborer un règlement communautaire dont la base juridique sera l'article 235 du traité CE. Il demande que toute conception du futur système de brevet communautaire prenne en compte une analyse comparative des systèmes de brevet existant aux Etats-Unis et au Japon et inclue tant le coût de la demande de brevet, de sa gestion et du développement industriel potentiel de l'Union européenne.
Il faut également souligner que, durant tout le processus de consultation, la Commission a maintenu des relations de travail étroites et fructueuses avec l'Office européen des brevets.
1.3. L'objet de la présente Communication
Au terme de ce vaste processus de consultation, l'objet de la présente Communication est d'en dresser un bilan général et d'annoncer les différentes mesures et initiatives nouvelles que la Commission envisage de prendre ou de proposer à l'avenir pour rendre le système des brevets attractif, au service de la promotion de l'innovation en Europe. Cette Communication s'inscrit dans le droit fil du Premier Plan d'action pour l'innovation en Europe et vise à matérialiser différentes pistes de réflexion qui avaient été amorcées à cette occasion.
Il est important de noter que la Communication ne concerne pas exclusivement le droit des brevets au sens strict, mais qu'elle traite d'autres mesures très importantes pour la promotion de l'innovation, comme le recours aux agents en brevets, le rôle des offices nationaux de brevets, l'assurance en matière de litiges...
Toutefois, le Livre vert ayant traité de sujets très différents, il est normal que les mesures qu'il est envisagé de prendre dans les différents domaines soient de nature différente. Pour certains sujets, des mesures législatives s'imposent, alors que pour d'autres, il s'agit davantage, pour la Commission, de donner une impulsion ou de disséminer les bonnes pratiques qui existent déjà ici ou là.
Trois sujets prioritaires ont été identifiés au cours de la consultation, pour lesquels des propositions de la Commission devraient être présentées rapidement ; il s'agit des sujet suivants :
- le brevet communautaire ;
- la brevetabilité des programmes d'ordinateurs ;
- le rôle des agents en brevets.
Pour les autres sujets mentionnés dans la Communication, le rôle de la Commission doit se concevoir davantage comme un rôle d'appui et pourra s'étaler sur une plus longue période.
2. Le brevet communautaire
2.1. Le rôle des brevets dans le processus d'innovation : pour un renversement des priorités
La plupart des commentaires insistent sur la nécessité de renverser les priorités. Le système des brevets ne doit plus être conçu de manière isolée par rapport à la réalité économique et industrielle dans laquelle il s'insère ; il est urgent d'affronter la question du brevet communautaire en lui donnant une priorité nouvelle, eu égard à ses conséquences économiques et ses effets sur la compétitivité des entreprises. Il faut repenser le système du brevet et le relancer sur des bases permettant un démarrage effectif, avant de nouveaux élargissements de l'Union. Comme le Parlement européen le souhaite, il convient, pour surmonter les problèmes des systèmes actuels et contribuer à stimuler l'innovation, que le système des brevets réformé soit "simple, rapide, juridiquement sûr, accessible et peu coûteux, sans dépenses excessives".
La consultation a mis en évidence le rôle essentiel joué par les brevets comme instrument de stimulation des investissements dans le secteur de la recherche et de la technologie. Une législation européenne cohérente et efficace en matière de brevets constitue dès lors un élément essentiel pour la compétitivité des entreprises dans l'Union. Un marché européen de l'innovation pleinement intégré exige un système européen de protection de la propriété industrielle au moyen d'un brevet accessible, notamment aux petites et moyennes entreprises innovatrices à haute intensité technologique. Un système de protection unitaire par brevet permet d'assurer pleinement un accès égal aux nouvelles technologies pour les utilisateurs et les consommateurs de tous les Etats membres de l'Union. Il permet également d'assurer une meilleure transparence des conditions de concurrence pour les entreprises innovatrices.
2.2. La nécessité d'un titre unitaire de protection par brevet
Il ressort clairement de la consultation qu'il existe un besoin réel pour un brevet communautaire unitaire, couvrant l'ensemble du territoire de la Communauté européenne. Cela contribuera à renforcer le fonctionnement du marché intérieur, facilitera grandement la gestion des droits liés aux brevets et permettra de mieux faire valoir ces droits. Il convient aujourd'hui de mettre en place un système plus cohérent que celui envisagé par la convention de Luxembourg conclue en 1975 et révisée en 1989. Il est frappant de constater qu'un nombre de plus en plus élevé d'entreprises considèrent le marché intérieur de la Communauté comme leur marché "naturel", ce qui a des conséquences en termes d'instruments juridiques à mettre à leur disposition. De l'avis unanime des utilisateurs du système des brevets, la convention de Luxembourg présente des inconvénients tels (coûts prohibitifs, insécurité juridique) qu'elle n'apparaît plus à même d'assurer la protection unitaire recherchée.
La consultation a clairement fait ressortir que, à ce stade de la réalisation du marché intérieur, le brevet communautaire doit être établi sous la forme d'un règlement communautaire, basé sur l'article 235 du traité CE. Cet instrument est largement préféré à celui d'une convention internationale, en raison de ses caractéristiques propres (inclusion plus facile dans " l'acquis communautaire" dans le contexte de l'élargissement, effet direct dans tous les Etats membres, etc.).
Dans un marché unique, où la grande majorité des opérateurs disposeront bientôt d'une monnaie unique, il apparaît naturel d'envisager aujourd'hui la création d'un brevet unitaire.
L'adoption d'un système européen de brevets comprenant le brevet communautaire est essentielle pour parvenir à transformer en succès industriels et commerciaux les résultats de la recherche et les nouvelles connaissances techniques et scientifiques et mettre ainsi fin au "paradoxe européen" de l'innovation, tout en stimulant les investissements privés en R&D, actuellement très inférieurs dans l'Union par rapport à ceux des Etats-Unis et du Japon.
2.3. Les caractéristiques essentielles d'un brevet communautaire
Le brevet communautaire doit avoir un caractère unitaire, être abordable, garantir la sécurité juridique et coexister avec les systèmes de brevets actuels.
Le brevet communautaire doit avoir un caractère unitaire. Cela signifie qu'il doit produire les mêmes effets dans toute la Communauté. Il doit pouvoir être délivré, acquis, révoqué et s'éteindre seulement pour l'ensemble de la Communauté. A l'inverse, cela veut dire que les suggestions présentées par la Commission en ce qui concerne un brevet communautaire "à la carte", permettant d'obtenir ou de maintenir en vigueur une protection uniforme dans un nombre limité d'Etats membres, n'ont pas reçu d'accueil favorable au cours de la consultation.
Le brevet communautaire doit être abordable, d'un coût comparable à un brevet européen couvrant un nombre limité de pays. La question des coûts du brevet en Europe est largement perçue comme une des causes majeures de la difficulté d'accès des entreprises innovantes, et spécialement des PME, au système des brevets. Des efforts particuliers doivent être faits pour réduire ces coûts, dans toute la mesure du possible. Ceci a des conséquences, notamment sur la question des traductions du fascicule du brevet. Il ressort clairement de la consultation que le statu quo par rapport au brevet européen, qui consisterait à obliger le titulaire du brevet à traduire l'intégralité du brevet dans toutes les langues communautaires, est intenable dans le contexte du brevet communautaire. Il conduirait, en effet, à des coûts de traduction de l'ordre de 12.000 ECU ; si ce système était retenu, il signifierait la mise en place d'un brevet communautaire sans avenir.
Diverses solutions ont été suggérées dans le Livre vert. Plusieurs représentants de l'industrie se sont prononcés pour une solution radicale, consistant à n'utiliser qu'une seule langue pour la procédure de délivrance, sans traduction ultérieure du brevet délivré. D'autres commentaires ont préconisé des solutions moins radicales et quelques prises de position ont prôné l'utilisation de toutes les langues officielles.
La Commission sera amenée à proposer une solution au problème des traductions, en visant à concilier les objectifs suivants : faciliter l'accès de tous les utilisateurs au système des brevets, assurer la diffusion des informations techniques pertinentes au moment le plus opportun et maintenir les coûts du brevet communautaire à un niveau raisonnable. Dans ce contexte, la proposition formulée par le Parlement européen présente des avantages et sera examinée très attentivement ; elle consiste à maintenir la diversité linguistique au niveau du dépôt de la demande de brevet et de la délivrance, tout en assurant l'efficacité de la procédure de recherche et d'examen auprès de l'Office européen des brevets. La Commission veillera à ce que sa proposition assure, sur certains points, le maintien des acquis du système européen (par exemple, en ce qui concerne les langues de procédure) et constitue, sur d'autres points, une amélioration réelle par rapport à la situation qui prévaut actuellement. La solution au problème des traductions doit également se fonder sur une fonction essentielle du brevet, qui est d'assurer des droits exclusifs opposables aux tiers ; ainsi, les effets juridiques d'une contrefaçon ne pourraient être invoqués contre un autre opérateur qu'à partir du moment où celui-ci dispose d'une traduction officielle du brevet. Par ailleurs, le dépôt centralisé des traductions (de quelque nature qu'elles soient) auprès de l'Office européen des brevets sera prévu.
Le brevet communautaire doit garantir la sécurité juridique. Le système retenu dans la convention de Luxembourg, qui aurait permis à tout tribunal national saisi d'une demande reconventionnelle (en nullité) d'annuler le brevet communautaire avec effet pour tout le territoire communautaire, est perçu comme un risque majeur et une source d'insécurité juridique. Cette voie ne peut être poursuivie. La solution à ce problème consiste à faire en sorte que le régime concernant les actions en contrefaçon, ainsi que les questions de validité, soit uniforme et prévisible dans toute la Communauté. Les décisions doivent être rendues dans des délais raisonnables.
Des mesures d'interdiction provisoire, valables pour l'ensemble de la Communauté, doivent être obtenues à un coût raisonnable. Dans ce contexte, il convient de réduire au maximum le nombre des tribunaux nationaux qui seront compétents pour traiter de ces questions; la meilleure solution serait de confier à un seul tribunal de première instance par Etat membre la compétence relative aux brevets communautaires. Le Comité économique et social a formulé des suggestions intéressantes, à savoir, d'une part, prévoir que le juge statuant sur la contrefaçon se prononce également sur la validité et, de l'autre, conférer une portée limitée (soit "inter partes", soit avec effet suspensif) à cette décision, afin d'éviter l'apparition de conséquences irréparables, dans le cas d'une décision mal fondée. Ces suggestions méritent certainement d'être approfondies.
Pour sa part, le Parlement européen recommande que des tribunaux nationaux aient compétence pour juger des actions en contrefaçon et en nullité : deux tribunaux nationaux devraient statuer sur le fond, la Cour de justice des Communautés étant une instance de cassation ; le système juridictionnel du brevet communautaire devrait permettre, à un stade aussi précoce que possible, une forme d'harmonisation de la jurisprudence au niveau communautaire par l'intervention de la Cour de justice. De plus, ceci doit évidemment s'insérer dans le système juridictionnel prévu par le traité CE. Il faut enfin noter que la majorité des utilisateurs ne sont pas favorables à ce que l'OEB ait un rôle dans le système juridictionnel applicable au brevet communautaire (contrefaçon ou nullité).
Comme le Parlement l'a demandé, le brevet communautaire devrait, au moins à titre transitoire, coexister avec les brevets nationaux et le brevet européen, auquel des améliorations peuvent encore être apportées (voir infra point 4). L'Office européen des brevets doit continuer à gérer le brevet européen en tant qu'administration centrale chargée de la délivrance de brevets. Compte tenu de son expérience déjà longue et de très haut niveau acquise dans la gestion du brevet européen, il est souhaitable que l'Office européen des brevets devienne l'opérateur technique du futur brevet communautaire. Toutefois, une telle délégation de compétences à un organisme non communautaire pose certains problèmes institutionnels délicats qui devront être résolus le moment venu. Ainsi, il faudra étudier attentivement le contenu des dispositions juridiques qui devront être prévues pour « formaliser » cette compétence d'exécution du brevet communautaire qui devrait être confiée à l'OEB.
Afin de laisser aux opérateurs économiques une possibilité de réévaluer la portée de leur invention au cours de son développement et de ne pas engager des frais exagérés, il apparaît raisonnable de permettre au demandeur d'un brevet communautaire de pouvoir transformer sa demande (jusqu'au terme de la procédure de délivrance) en une demande de brevet européen qui, une fois délivré, donnerait lieu à un faisceau de brevets nationaux. Par contre, apparaît comme incompatible avec les exigences du marché intérieur, la possibilité de transformer un brevet communautaire déjà délivré en un brevet européen. La possibilité de transformer une demande de brevet européen en demande de brevet communautaire ne se conçoit que dans le cas d'un brevet européen qui désigne tous les Etats membres de la Communauté.
En matière de taxes, il conviendra de prévoir des taxes de maintien en vigueur du brevet communautaire d'un montant sensiblement inférieur à celui des taxes de maintien en vigueur de brevets européens désignant l'ensemble des Etats membres de la Communauté. Dans la perspective d'un brevet communautaire réellement unitaire, l'exigence de taxes de désignation n'a pas sa place puisque le brevet couvrira automatiquement tout le territoire communautaire. Les taxes du futur brevet communautaire seront adoptées par la Commission, dans le cadre de ses compétences d'exécution. L'évolution des taxes doit tenir compte des besoins spécifiques des entreprises, particulièrement les PME.
La question du droit d'usage antérieur doit être harmonisée à l'échelle communautaire. Il convient de définir en termes appropriés les limites dans lesquelles un tiers ayant pu commencer à utiliser de bonne foi une invention, ou ayant fait des préparatifs sérieux pour l'utiliser commercialement, peut continuer cette utilisation en dépit de la délivrance du brevet communautaire à un tiers.
Enfin, les discussions sur une proposition de règlement relative au brevet communautaire devraient également être l'occasion de trouver une solution au problème des inventions réalisées ou utilisées dans l'espace. En l'absence de disposition réglementaire spécifique réglant cette question en Europe, l'industrie européenne se trouve actuellement défavorisée. Comme l'a souligné l'avis du Comité économique et social sur la Communication de la Commission sur "L'union européenne et l'espace"3, il est fondamental, compte tenu de l'engagement européen considérable dans la Station Spatiale Internationale et de l'absence d'une législation européenne spécifique définissant la protection des droits commerciaux pour les technologies à valeur ajoutée appliquées ou développées en orbite, qu'une telle réglementation soit établie en matière de brevets et de licences, de façon analogue à ce qui a déjà été fait par les Etats-Unis, et est en cours d'élaboration au Japon et en Russie. Pour sa part, le Parlement européen considère que le brevet communautaire devrait assurer la protection des inventions réalisées ou utilisées à bord d'engins spatiaux et satellites, protection qui n'est pas assurée dans le cadre des systèmes juridiques européens actuels.
2.4. L'action envisagée par la Commission
La Commission présentera, dans les meilleurs délais en 1999, une proposition de règlement basée sur l'article 235 du traité CE visant à créer un brevet communautaire selon les orientations décrites au point 2.3.
3. L'harmonisation complémentaire des legislations nationales
3.1. La nécessité d'une harmonisation complémentaire du droit des brevets
L'action communautaire dans le domaine de la propriété industrielle est généralement perçue comme apportant une grande valeur ajoutée par rapport aux actions individuelles des Etats membres, en permettant d'assurer la transparence du marché, l'égalité des conditions de concurrence et le bon fonctionnement du marché intérieur. La consultation a révélé des attentes importantes pour de nouvelles actions dans plusieurs domaines précis de la propriété industrielle.
3.2. Les programmes d'ordinateurs
3.2.1. Les difficultés causées par la situation actuelle
La consultation lancée par le Livre vert a clairement montré que l'environnement juridique actuel concernant les inventions impliquant les programmes d'ordinateur n'assure pas une transparence suffisante et mérite par conséquent d'être clarifié.
Alors que les programmes d'ordinateurs sont protégeables par brevet aux Etats-Unis et au Japon, on utilise, en Europe, un artifice juridique : les programmes en tant que tels ne sont pas brevetables4, alors qu'une invention technique qui fait appel à un programme est brevetable. Le développement d'une pratique qui est peu transparente par rapport au texte de la convention de Munich s'accompagne d'inconvénients importants, comme des différences d'appréciation par les tribunaux. Il existe ainsi une divergence d'appréciation entre l'OEB et certains tribunaux allemands, d'une part, et les tribunaux britanniques, d'autre part ; cela signifie qu'une même invention est protégée dans certains Etats membres et pas dans d'autres. Cette situation est dommageable pour le bon fonctionnement du marché intérieur.
Il résulte de cette situation que, bien que la convention de Munich et les lois nationales des Etats membres ne permettent pas la brevetabilité des programmes d'ordinateur en tant que tels, il existe environ 13.000 brevets européens portant sur du logiciel ! Il apparaît également qu'en raison d'une profonde méconnaissance de la réalité juridique en Europe, environ 75% de ces brevets sont détenus par de très grandes entreprises non européennes. Pourtant, l'industrie européenne est très intéressée par ce type de protection ; mais la majorité des PME du secteur des programmes ignorent qu'il est possible d'obtenir une protection par brevet pour ce type d'inventions, en déposant des demandes de brevets rédigées d'une manière particulière. Avec près de 40 milliards de dollars investis par an pour le développement des technologies de l'information et des programmes, l'importance économique de ce secteur est évidente.
Selon la pratique développée par l'OEB, une invention est brevetable si elle présente une "contribution technique" à l'état de la technique ; toutefois, cette approche a des limites : ainsi, un programme de comptabilité ou un programme financier d'achat et de ventes de devises, présentant une grande valeur économique mais n'ayant pas de "contribution technique", ne sont actuellement pas brevetables en Europe, alors qu'ils le sont aux Etats-Unis ou au Japon.
Une importante conséquence de la différence de protection réside dans l'étendue des droits conférés et dans les moyens de les faire respecter ("enforcement"): aux Etats-Unis, le titulaire d'un brevet portant sur un programme peut attaquer directement le distributeur de programmes contrefaits qui figurent sur un support ("direct infringement"), alors qu'en Europe, en raison de la limitation de la protection à l'invention technique qui a recours à un programme, le distributeur d'une disquette n'est que complice mais pas auteur de la contrefaçon ("contributory infringement") ; seul l'utilisateur qui utilise le programme figurant sur la disquette est l'auteur de l'infraction et peut être poursuivi. L'harmonisation des législations nationales sur cette question doit assurer une mise en oeuvre effective des droits partout dans la Communauté.
Aux Etats-Unis, des développements ont eu lieu à la fin des années 80, avec la possibilité de déposer des revendications portant sur un programme en tant que tel ("program product claim"). Cette évolution a eu un impact très positif sur le développement de l'industrie des programmes ; ainsi, Microsoft détient aujourd'hui environ 400 brevets américains portant sur des programmes et chaque année, environ 12.000 demandes de brevet portant sur des programmes sont déposées (soit 6% du total des dépôts , contre moins de 2% en Europe). Au Japon, environ 20.000 demandes de brevets portant sur des programmes d'ordinateurs sont déposées chaque année et les lignes directrices adoptées en 1997 par l'Office japonais des brevets suivent la pratique plus libérale en vigueur aux Etats-Unis.
De plus, la situation actuelle en Europe se caractérise par un manque d'information et de connaissance des possibilités offertes par le système des brevets par la majorité des entreprises actives dans le domaine des programmes. Afin d'accompagner les adaptations législatives mentionnées ci-dessous, il conviendra de lancer une campagne d'information visant à mieux informer les entreprises du secteur de l'existence du système des brevets, de son rôle et des avantages économiques qu'il peut procurer, notamment en termes de pénétration des marchés étrangers et de possibilités d'accords de licence. Les offices nationaux de brevets et l'Office européen des brevets peuvent jouer un rôle fort utile dans ce domaine.
3.2.2. L'action envisagée par la Commission
Le Parlement européen s'est prononcé pour la brevetabilité des programmes d'ordinateur, à condition que le produit en question réponde aux conditions de nouveauté et d'application industrielle d'une invention technique, comme c'est le cas au niveau international avec nos partenaires économiques. La Commission partage cette analyse et suggère une double action.
En premier lieu, afin d'assurer pleinement la réalisation et le fonctionnement du marché intérieur dans ce domaine, la Commission présentera, dans les meilleurs délais, une proposition de directive basée sur l'article 100A du traité CE visant à harmoniser les législations des Etats membres en matière de brevetabilité des programmes d'ordinateurs. Cette directive devra assurer une application et une interprétation uniformes des nouvelles règles en matière de brevetabilité des programmes d'ordinateurs dans toute la Communauté. Dans ce contexte, l'application parallèle du droit d'auteur5 et du droit des brevets au domaine des programmes d'ordinateurs ne pose pas de difficultés particulières, en raison de la matière spécifique couverte par les deux types de droits6. La proposition de directive devra soigneusement examiner la question des exceptions à prévoir au régime général de brevetabilité des programmes d'ordinateurs.
Parallèlement à cette action législative, il appartient aux états contractants de la convention de Munich de procéder à une modification de l'article 52(2)(c) de la Convention sur le brevet européen, afin notamment de supprimer les programmes d'ordinateurs de la liste des inventions non brevetables. Ceci est nécessaire pour assurer une harmonie entre les travaux menés au niveau communautaire et ceux entamés dans le cadre de la convention de Munich.
Par ailleurs, tous les offices de brevets devraient améliorer la dissémination de l'information destinée aux entreprises actives dans le domaine des programmes, et spécialement les PME, afin de les sensibiliser aux avantages économiques qui peuvent résulter d'une utilisation adéquate du système de brevets.
3.3. Les inventions d'employés
3.3.1. La situation actuelle
Le Livre vert posait la question de savoir si les différences qui existent à l'heure actuelle dans les législations des Etats membres relatives aux inventions d'employés étaient de nature à avoir un impact sur l'innovation et les conditions d'emploi et/ou sur la libre prestation des services et/ou sur les conditions de concurrence La consultation a montré que la question des inventions de salariés est, de l'avis général, un sujet qu'il convient de traiter essentiellement au niveau national. Les différences constatées dans les législations nationales ne sont pas de nature à justifier une action d'harmonisation au niveau communautaire. En application du principe de subsidiarité, la Commission n'envisage pas de prendre une initiative de nature législative dans ce domaine. Toutefois, elle encourage les Etats membres qui ont adopté une législation spécifique sur les inventions d'employés à évaluer son fonctionnement et à en simplifier les procédures administratives, chaque fois que cela est possible.
Il apparaît que des différences existent dans l'application des règles nationales relatives aux inventions d'employés. Afin d'assurer une plus grande transparence dans l'application de ces règles, il conviendrait d'élaborer des clauses "types" relatives aux inventions d'employés qui pourraient être reprises dans les contrats d'emploi et de développer des procédures d'arbitrage uniformes.
3.3.2. L'action envisagée par la Commission
La Commission lancera une étude visant, d'une part, à déterminer dans quelle mesure les clauses relatives aux inventions d'employés peuvent faire obstacle à l'innovation et quel pourrait être le contenu de clauses "types" en la matière et, d'autre part, à suggérer des procédures arbitrales pour régler les conflits qui peuvent survenir dans ce domaine.
3.4. Les formalités
En ce qui concerne les formalités (essentiellement celles relatives aux brevets nationaux), la consultation a montré une attente des milieux intéressés pour que celles-ci, notamment en ce qui concerne les formulaires, les délais… , soient rationalisées au niveau communautaire. Selon les utilisateurs, il conviendrait de supprimer les pesanteurs administratives inutiles. D'autres commentaires souhaitent une approche plus ambitieuse et une harmonisation qui porterait également sur des éléments importants des procédures judiciaires suivies dans les Etats membres, notamment sur la question des injonctions préliminaires, de la preuve (basée sur le modèle français de la "saisie-description"), des règles d'évaluation du dommage, etc. Certaines de ces questions sont abordées dans le cadre du Livre vert sur la utte contre la contrefaçon et la piraterie dans le marché intérieur7.
Afin de répondre à ces préoccupations, la Commission continuera de participer activement aux travaux de l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle à Genève, afin d'évaluer les possibilités de conclure rapidement un accord international sur la simplification des formalités en matière de brevets. En outre, dans ses contacts avec les Etats membres, elle poursuivra ses investigations afin de déterminer si une mesure d'harmonisation complémentaire, de nature législative, est nécessaire au niveau de la Communauté.
3.5. Le recours aux agents et la reconnaissance des qualifications professionnelles
3.5.1. La situation actuelle
La consultation a montré que les agents en brevets jouent un rôle très important de conseil aux entreprises. Leur connaissance des différents droits de propriété industrielle et des procédures souvent complexes constitue un atout non négligeable qu'il convient de valoriser. Toutefois, il apparaît également que la profession d'agent en brevet demeure souvent largement nationale, sans guère d'ouverture aux réalités des autres Etats membres. La Commission considère que les principes fondamentaux de la libre circulation des services et de liberté d'établissement doivent s'appliquer pleinement dans cette profession. Comme le Parlement européen l'a souligné, la reconnaissance mutuelle des agents en brevets par les institutions compétentes est un préalable essentiel à la simplification de la procédure.
Afin d'assurer le respect de ces principes, la Commission a été amenée à envoyer récemment plusieurs lettres de mise en demeure concernant des exigences nationales apparaissant comme contraires aux dispositions du traité CE. Celles-ci concernent les obligations de résidence ou d'élection de domicile, ainsi que l'obligation de faire appel aux services d'un mandataire agréé auprès duquel le déposant a élu domicile. Ces procédures sont actuellement à des stades d'avancement différents.
Dans ce contexte, il faut rappeler l'existence d'une jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes qui concerne certaines exigences nationales relatives aux agents en brevets8.
Enfin, plusieurs affaires ont été traitées par la Commission sous l'angle de l'application des règles de concurrence, en ce qui concerne les règles internes aux associations professionnelles représentatives des agents en brevets.
En ce qui concerne les qualifications professionnelles, les commentaires ont mis l'accent sur la nécessité d'une application effective et uniforme de la directive 89/48/CE, notamment en ce qui concerne les exigences liées au test d'aptitude permettant d'appliquer le principe de la reconnaissance mutuelle. De manière générale, l'examen européen de qualification (article 134(2)(c) CBE) devrait, en matière de brevets, être reconnu comme une qualification suffisante pour pouvoir agir devant les différents offices nationaux. Par ailleurs, les principes dégagés par la jurisprudence Gebhard9 relative aux conditions d'accès à une activité spécifique, ou à l'exercice de celle-ci, doivent être appliqués par tous les Etats membres.
La consultation a montré que tant les autorités des Etats membres que la profession des agents en brevets souhaitaient une meilleure information sur l'application des règles communautaires dans ce domaine.
Afin de répondre à cette préoccupation, la Commission préparera une Communication interprétative concernant l'application des règles communautaires à la profession d'agent en brevets. Dans cette perspective, il conviendra d'examiner, en particulier, la question de l'exigence d'élection de domicile et l'obligation de recourir à un agent en brevets en relation avec les différents types d'actes à poser au cours des procédures d'enregistrement des brevets.
Par ailleurs, on assiste aujourd'hui à un double phénomène dans le domaine de la propriété industrielle en général, et des brevets en particulier. D'une part, le nombre de conflits et d'actions en justice augmente et, d'autre part, le rôle des agents en brevets sur le plan juridique et en tant que partie d'une stratégie industrielle s'accroît, alors que la fonction traditionnellement plus technique revêt moins d'importance. Il convient que les agents en brevets à travers toute la Communauté puissent bénéficier d'une formation continue qui reflète pleinement ces nouvelles tendances qui appellent des évolutions dans la pratique professionnelle. Certaines initiatives déjà prises au niveau national pourraient servir de référence à cet égard.
Afin de répondre aux exigences actuelles de cette profession, il conviendrait d'étudier la possibilité d'accorder aux agents en brevets dans la Communauté des droits et obligations liés à la confidentialité des avis ("legal privilege"), au même titre qu'aux membres du barreau en exercice et, dans certains Etats membres, aux juristes d'entreprises. Les agents en brevets bénéficieraient ainsi, tant au niveau national que vis-à-vis des instances européennes, de la confidentialité de leurs avis écrits et oraux. Faute de ce privilège légal, les agents en brevets dans la Communauté sont parfois dans une situation délicate qui ne leur permet pas d'accomplir, à l'égard de leurs clients, la totalité des actes qui peuvent être posés dans le domaine de la propriété industrielle.
3.5.2. Les actions envisagées par la Commission
Dans le courant de 1999, la Commission procédera à l'élaboration d'une Communication interprétative consacrée aux questions de liberté d'établissement, de prestation de services et de reconnaissance des qualifications professionnelles des agents en brevets.
La Commission soutiendra les efforts déployés en vue d'assurer une formation continue pour tous les agents en brevets en activité dans la Communauté. Elle invitera les Etats membres à examiner la possibilité de mettre en place les mécanismes appropriés pour assurer la confidentialité des avis rendus par les agents en brevets.
3.6. La portée des droits conférés par les brevets dans certains secteurs
A l'heure actuelle, la portée des droits conférés par les brevets - ainsi que les certificats complémentaires de protection pour les médicaments10 et les certificats complémentaires de protection pour les produits phytopharmaceutiques11 - est réglée par les législations nationales ; celles-ci doivent intégrer toutes les dispositions pertinentes de l'accord ADPIC, notamment son article 28.
Par ailleurs, il existe, dans la législation de tous les Etats membres, des exceptions limitées aux droits conférés par les brevets, qu'il s'agisse des actes accomplis dans un cadre privé et à des fins non commerciales ou des actes accomplis à titre expérimental qui portent sur l'objet de l'invention brevetée. Ces exceptions revêtent une grande importance dans les secteurs dont les produits sont soumis à une procédure administrative préalable d'autorisation de mise sur le marché, en raison de leur impact sur le moment auquel les produits concurrents peuvent arriver sur le marché.
La question des exceptions aux droits conférés par un brevet dans le secteur pharmaceutique a fait l'objet d'un arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes12. Celui-ci laisse cependant encore ouvertes certaines questions qui ont une réelle importance économique. Il convient d'examiner si ces différences qui subsistent sont de nature à porter atteinte au bon fonctionnement du marché intérieur et à créer des distorsions de concurrence entre les différents Etats membres. Afin de répondre à cette interrogation, la Commission a lancé une vaste étude économique et juridique sur les médicaments génériques qui porte, entre autres questions, sur cet aspect du droit des brevets. Les résultats de cette étude serviront à éclairer la Commission dans les initiatives qu'elle prendra dans ce secteur.
De manière générale, pour tous les secteurs dont les produits sont soumis à une procédure administrative préalable d'autorisation de mise sur le marché, la Commission considère qu'une distinction doit être opérée entre les activités qui n'impliquent pas l'utilisation du produit breveté – et qui doivent donc être autorisées pendant la durée du brevet – et toutes les activités qui comportent une "utilisation"13 du produit breveté – qui doivent être interdites jusqu'à l'expiration du brevet et de toute protection complémentaire éventuelle.
Après une analyse approfondie de la situation, la Commission envisage de procéder à une harmonisation des législations nationales applicables en cette matière.
3.7. Les mesures complémentaires pour rendre le système des brevets plus attractif
3.7.1. Pour les petites et moyennes entreprises
Le problème du coût du brevet en Europe est clairement perçu comme un des obstacles importants à l'utilisation optimale du système, particulièrement par les petites et moyennes entreprises. S'inspirant de ce qui se passe aux Etats-Unis, le Parlement européen estime que les PME devraient bénéficier d'une réduction de 50% sur les frais de demande de brevets. Si ce système était introduit en Europe, la Commission considère qu'il devrait s'étendre aux petites et moyennes entreprises, ainsi qu'aux universités et aux instituts de recherche n'ayant pas de but lucratif.
Il faut cependant observer que, après une première décision prise en décembre 1996 visant à réduire, pour toutes les entreprises, les taxes de procédure (infra, point 4.2.1), l'Office européen des brevets a récemment pris la décision d'une nouvelle réduction des taxes portant principalement sur les taxes de recherche. Cette décision, qui devrait prendre effet dans le courant de l'année 1999, représente une nouvelle avancée importante devant faciliter l'entrée des entreprises, y compris les PME, dans le système des brevets. Cette initiative ne peut qu'être saluée. Elle n'exclut pas pour autant que des dispositions spécifiques pour les PME et les universités soient envisagées.
Outre la réduction des taxes, il conviendrait de soutenir et renforcer la capacité d'innovation des petites et moyennes entreprises, notamment par la création, dans les organisations représentatives (chambres de commerce ou de métiers, organisation professionnelles… ), de conseillers spécialement formés, chargés d'informer directement les entreprises et de les accompagner dans leurs démarches d'innovation jusqu'au brevet et à sa gestion commerciale.
Enfin, il convient de signaler que la Commission a récemment adopté une proposition de directive sur les modèles d'utilité, moyen de protection particulièrement approprié pour les inventions techniques dont les PME sont fertiles14.
3.7.2. L'assurance "protection juridique" en matière de litiges liés aux brevets
La création d'un système d'assurance de protection juridique en matière de litiges liés aux brevets est une idée valable qu'il convient d'examiner plus avant. Le Parlement européen considère qu'un régime d'assurance qui permettrait de couvrir les coûts engendrés par des poursuites donnerait aux entreprises (notamment les PME) une possibilité équitable de défendre leurs droits en matière de brevets et renforcerait ainsi leur confiance dans le système des brevets.
Plusieurs expériences ont été menées dans les Etats membres, avec des résultats très contrastés. Ainsi, alors que des expériences de systèmes d'assurance litige mis en place en France et en Suède n'ont pas été poursuivies, il existe aujourd'hui plusieurs compagnies d'assurance britanniques qui offrent à leurs clients des polices d'assurance qui permettent de couvrir les frais de procédure liés aux procès en matière de brevets. Généralement, ces assurances ne couvrent que les frais de litige et pas les dommages et intérêts qui peuvent être dus au terme d'une décision de justice. La Commission a étudié les différents contrats disponibles et considère qu'ils constituent des modèles intéressants, dont la très grande majorité des opérateurs économiques (assureurs, entreprises, agents en brevets… ) dans les autres Etats membres ignorent l'existence Ce système pourrait être particulièrement utile pour les PME.
La Commission organisera une conférence européenne réunissant des assureurs, des associations professionnelles représentant l'industrie, et notamment les PME, ainsi que les offices de brevets, afin de faire connaître ce qui existe déjà et semble fonctionner à la satisfaction des utilisateurs. En fonction des résultats de cette conférence, la Commission examinera les moyens les plus appropriés pour donner au système d'assurance litige l'impulsion qu'il mérite ; ceci pourrait, par exemple, prendre la forme d'un groupe de travail ayant pour tâche de préparer un ou plusieurs modèles d'assurance pour frais juridiques.
3.7.3. Le délai de grâce
A l'heure actuelle, il existe dans tous les Etats membres de la Communauté une règle selon laquelle une invention ne peut être brevetée pour défaut de nouveauté, si le public en a eu connaissance d'une manière ou d'une autre avant qu'une demande de brevet ait été introduite auprès de l'Office des brevets compétent. A l'inverse, la loi américaine sur les brevets prévoit un délai de grâce d'un an durant lequel un inventeur peut introduire une demande de brevet sans que le fait que son invention ait été portée à la connaissance du public lui soit préjudiciable.
Certains commentaires prétendent que l'absence d'un tel délai de grâce dans la législation européenne touche particulièrement les milieux innovateurs tels que les scientifiques et certaines PME. Dans le cadre de la directive sur les inventions biotechnologiques15, il est prévu que la Commission établira un rapport visant à montrer si, dans le domaine de la recherche fondamentale en génie génétique, la pleine liberté des échanges scientifiques est entravée par la non-publication ou la publication tardive de documents dont l'objet pourrait être brevetable, faute de quoi la brevetabilité serait exclue en raison de l'absence de nouveauté de l'invention.
Pour faire le point de la situation et mesurer l'ampleur du problème, la Commission a organisé, le 5 octobre 1998, une audition des milieux intéressés sur ce thème de la période de grâce. Les représentants des inventeurs et des milieux de la recherche ont mis l'accent sur l'utilité fréquemment rencontrée d'une divulgation préalable au dépôt des demandes de brevets, notamment lorsqu'il s'agit de faire des tests pour vérifier si une invention fonctionne. Pour leur part, les milieux industriels ont exprimé des réserves à l'égard d'une action législative communautaire pour introduire un délai de grâce. Une conclusion de la réunion est que tous les intervenants considèrent que le délai de grâce ne peut se concevoir idéalement qu'au niveau mondial, dans le cadre de l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle. Par ailleurs, afin d'assurer une meilleure diffusion de l'information relative au droit des brevets, la Commission s'est engagée à mieux structurer et soutenir les efforts déjà entrepris et à préparer une Communication à ce sujet. L'idée d'un dépôt "provisoire" d'une demande de brevet - permettant de conférer une date de dépôt sur base de formalités simples et sans paiement de taxe - a été évoquée et paraît présenter de nombreux avantages conciliant les préoccupations à la fois des chercheurs et des industriels. Une réflexion suivie, le cas échéant, de propositions sera finalisée le plus rapidement possible en 1999. Il a été également décidé de réexaminer les deux exceptions au principe de la nouveauté absolue qui existent actuellement dans le droit européen (l'abus évident à l'égard du demandeur et la présentation de l'invention au sein d'expositions internationales reconnues)16 afin de voir si une extension de ces notions est envisageable et praticable.
Dans une optique de recherche financée par des fonds communautaires, la protection réelle de l'innovation peut aussi passer par la formation de "conseillers brevets" sur les règles d'exploitation de résultats acquis dans les projets communautaires et par l'établissement d'un service général on-line de "brevets conseil" auprès des offices de brevets.
4. Le brevet européen
4.1. La structure générale du brevet européen
La consultation sur le Livre vert a clairement indiqué un degré de satisfaction élevé de la part des utilisateurs pour le système du brevet européen et l'Office européen des brevets. Le Parlement européen considère que la combinaison actuelle de la convention sur le brevet européen et les systèmes nationaux de brevet donne un système souple et qui fonctionne bien dans l'Espace Economique Européen. Le brevet européen a démontré sa grande flexibilité pour les déposants, même si ceux-ci soulignent que plusieurs améliorations peuvent y être apportées. Ainsi, la plupart des utilisateurs du système estiment que les délais nécessaires pour les procédures d'oppositions - pouvant atteindre, voire dépasser cinq ans - sont inacceptables et qu'une amélioration de la situation est indispensable à court terme dans ce domaine.
L'Office européen des brevets, pour sa part, a démontré, au fil du temps, une capacité technique de très haut niveau qu'il convient de maintenir pleinement à l'avenir.
A cet égard, il n'apparaît pas que l'intégration de l'OEB dans les institutions communautaires (processus juridiquement et techniquement très lourd et complexe) apporterait une valeur ajoutée significative par rapport à la situation existante, même si cette perspective ne doit pas être exclue à très long terme. Par contre, tous les commentaires ont clairement exprimé leur plus vif souhait pour un renforcement de la coopération entre l'OEB et la Commission. Ce renforcement prendra différentes formes.
En premier lieu, la révision de la convention sur le brevet européen, récemment initiée, doit être l'occasion d'évaluer la nécessité de modifier certains articles, en vue de refléter pleinement le droit communautaire en vigueur et les dispositions pertinentes des accords internationaux signés par la Communauté et ses Etats membres. La directive sur la protection juridique des inventions biotechnologiques17 fait partie du premier groupe et l'accord ADPIC du second. Il convient, par exemple, de mettre en conformité les dispositions de la CBE relatives au droit de priorité18 avec les exigences nées de l'accord ADPIC. La Commission se félicite de l'initiative prise par le gouvernement français de réunir, au printemps 1999, une conférence intergouvernementale consacrée à la réforme du brevet européen et la soutient pleinement. Dans le respect des compétences qui sont les siennes, la Commission est disposée à contribuer activement à la réussite de cette initiative importante.
Ensuite, par le siège d'observateur dont elle dispose au conseil d'administration, la Commission est en mesure de participer activement à tous les débats importants au sein de l'Organisation européenne des brevets, sans toutefois disposer d'un droit de vote. Ce système a néanmoins démontré toute son utilité.
En outre, depuis peu, la Commission est invitée à participer aux réunions de tous les autres organes de l'Organisation européenne des brevets lorsque ceux-ci abordent des sujets d'intérêt commun entre les deux organisations, ce dont la Commission ne peut que se réjouir. En outre, afin d'assurer la meilleure synergie possible entre l'Organisation européenne des brevets et la Communauté et reconnaître pleinement la compétence exercée par la Communauté dans le domaine de la propriété industrielle et spécialement des brevets, il serait souhaitable que la Communauté devienne, en tant que telle, partie contractante de la convention de Munich sur le brevet européen. Dans la perspective du futur brevet communautaire, la Commission lancera la réflexion sur l'adhésion de la Communauté à la convention sur le brevet européen. Cette idée a déjà été présentée par le Commissaire Monti lors du Conseil marché intérieur du 24 septembre 1998 ; elle pourra être approfondie dans le cadre de la conférence intergouvernementale organisée par la France.
Enfin, les Etats membres de la Communauté sont invités à coordonner davantage les positions qu'ils expriment au sein des instances de l'Organisation européenne des brevets, en conformité avec l'article 5 du traité CE.
4.2. Le problème du coût du brevet européen
4.2.1. Les taxes
Les utilisateurs du système des brevets saluent la décision prise en décembre 1996 par le conseil d'administration de l'Organisation européenne des brevets de réduire les taxes de procédure pour un montant de 124 millions de DM par an en année pleine, décision qui est effective depuis le 1er juillet 1997. La Commission partage cette appréciation positive. Cette décision semble déjà avoir eu un impact positif sur le nombre de dépôts auprès de l'OEB.
En raison de l'augmentation du nombre de demandes de brevets européens et des surplus qui existent, les réponses au Livre vert ont indiqué que l'OEB devrait faire porter de nouvelles réductions de taxes sur les taxes perçues au début de la procédure, parce que celles-ci sont essentielles pour assurer un accès aussi aisé que possible au système des brevets. Cette idée a déjà été très largement prise en compte par l'Organisation européenne des brevets, puisqu'une récente décision de principe d'octobre 1998 vise à réduire, pour un montant d'environ 85 millions DM par année pleine, les taxes de recherche européenne et internationale perçues par l'OEB. Cette seconde vague très significative de réduction des taxes de procédure devrait prendre effet au mois de juillet 1999.
Lorsque cette seconde vague de réduction des taxes de procédure sera effectivement mise en place, l'OEB aura sans doute épuisé les marges de manœ uvre budgétaires dont il dispose actuellement; une pause sera nécessaire pour évaluer l'évolution des recettes et envisager d'autres mesures éventuelles de réduction des taxes.
Par contre, un des aspects de la politique des taxes nécessite une rationalisation et une harmonisation à court terme. Il s'agit des taxes perçues par les offices nationaux de brevets pour la validation du dépôt des traductions du fascicule du brevet européen ou la publication de ces traductions. Dans certains Etats membres, ces taxes sont prohibitives - parfois plus de 500 ECU - et constituent une taxe sur l'innovation, ne correspondant pas à un service presté ou rendu. Ces taxes doivent être réduites dans toute la mesure du possible, à un niveau plus harmonisé à travers toute la Communauté.
La Commission recommande également aux offices nationaux des Etats membres d'examiner le niveau des taxes de maintien en vigueur des brevets européens (qui sont fixées au niveau national) afin que celles-ci soient fixées à un niveau plus harmonisé au sein de la Communauté et d'examiner si celles-ci ne peuvent être réduites, en fonction d'une approche stratégique du système des brevets.
4.2.2. La clé de répartition des taxes de maintien en vigueur
La clé de répartition constitue un mécanisme de répartition des taxes perçues pour le maintien en vigueur des brevets européens entre l'OEB et les offices nationaux de brevets. Alors que la convention prévoit que 75% du montant des taxes de maintien en vigueur peuvent être versés à l'Organisation européenne des brevets, depuis une décision du conseil d'administration de 1984, ce pourcentage est réduit à 50%. La consultation a clairement montré que tous les milieux intéressés sont opposés à une nouvelle baisse du pourcentage du produit des taxes de maintien en vigueur qui est versé à l'OEB et sont en faveur d'une utilisation, dans leur intégralité, des excédents de recettes de l'Organisation sur ses dépenses, pour réduire les taxes de procédure.
Les commentaires reçus par la Commission dans le cadre de la consultation sur le Livre vert insistent pour que ce mécanisme de transfert de ressources financières s'opère dans la plus grande transparence et pour que les ressources générées par ce mécanisme soient utilisées à des activités directement liées à la promotion de l'innovation. En effet, on peut s'interroger sur la pertinence de maintenir, à long terme, les systèmes dans lesquels la partie des taxes annuelles perçues au titre du maintien en vigueur des brevets européens n'est pas affectée au fonctionnement de l'office des brevets ou à des activités de promotion de l'innovation, mais est versée directement au budget général de l'Etat. La Commission se fera l'écho de ces commentaires auprès des Etats membres et de l'Organisation européenne des brevets.
4.2.3. Les traductions
Dans le contexte de la convention de Munich, l'Office européen des brevets a présenté plusieurs alternatives visant à réduire, de manière significative, les coûts engendrés par les exigences de traduction actuelles. Une majorité importante d'utilisateurs, ainsi que le Comité économique et social des Communautés, sont d'avis que la solution "globale"19 est celle qui présente le plus d'avantages en termes de faisabilité technique, de réduction des coûts et d'égalité de traitement entre les langues. La Commission soutiendra tous les efforts de l'OEB visant à trouver une solution équilibrée à cette question, dans les meilleurs délais. Elle tient à souligner que la solution qui sera finalement retenue dans le cadre du brevet européen pourrait ne pas être la même que celle choisie pour le futur brevet communautaire, compte tenu des particularités de chacun de ces systèmes.
En outre, la Commission estime qu'il faut explorer plus avant la possibilité d'un dépôt centralisé des traductions des brevets européens auprès de l'OEB. Ceci devrait réduire les coûts actuels de validation des brevets européens, générés par l'obligation de multiplier les formalités auprès des différents offices nationaux. Dans le cas d'un dépôt centralisé des traductions, il appartiendrait à l'OEB d'assurer la dissémination de l'information auprès des offices concernés par les différentes traductions déposées par le titulaire du brevet.
5. Le rôle des offices nationaux de brevets
5.1. Le résultat de la consultation
La consultation a clairement montré que les brevets nationaux et les offices nationaux de brevets doivent être maintenus et doivent continuer à jouer un rôle important. Le Parlement européen pense que les offices nationaux continueront de jouer le même rôle et de jouir des mêmes compétences qu'aujourd'hui dans les domaine du brevet national et européen ; il estime que ces offices devront, en outre, jouer un rôle fondamental dans la diffusion et la promotion du système des brevets communautaires, en particulier concernant l'accès des PME à cet instrument.
Les offices nationaux doivent jouer un rôle actif de diffusion et de promotion du système de propriété industrielle et du patrimoine des connaissances techniques accumulées, notamment par un renforcement de la coopération avec les organisations représentatives des PME, les entreprises artisanales, des associations professionnelles et les inventeurs indépendants, ainsi que les milieux universitaires. Les revenus que les offices reçoivent à partir des taxes de maintien en vigueur des brevets européens doivent servir à réduire les coûts des procédures nationales et à soutenir les activités directement liées à l'innovation.
Toutefois, il est clairement apparu qu'un nombre d'offices nationaux de brevets expriment des craintes quant à leur avenir, notamment en ce qui concerne le maintien d'une masse suffisante d'activités pour assurer l'emploi de leur personnel et une qualité technique appropriée. La Commission a répondu à ces préoccupations en organisant, en juin et novembre 1998, deux tables rondes avec les offices nationaux de brevets ; ces réunions ont été l'occasion de faire le point sur toutes les initiatives déjà prises par les offices nationaux pour promouvoir l'innovation et préciser la valeur ajoutée d'une intervention éventuelle de la Commission en cette matière.
5.2. L'action envisagée par la Commission
La Commission estime qu'il est opportun d'accompagner ses propositions relatives au brevet communautaire par une action spécifique destinée aux offices nationaux de brevets désireux d'orienter davantage leurs activités vers la promotion de la propriété industrielle au sens large. Dans le cadre du 5ème programme-cadre R & D, la Commission lancera une action pilote destinée à soutenir les activités des offices nationaux de brevets orientées vers la promotion de la propriété industrielle au sens large : renforcer le rôle actuel concernant l'information brevets (recherches ordinaires ou "sur demande"20, donner une première évaluation de l'invention à protéger et esquisser une stratégie de protection (dépôt national, européen ou international), susceptible de conduire à la consultation d'un conseil en brevets, donner des informations concernant les procédures et les délais à suivre pour mener à bien cette stratégie de protection, donner des informations de base à caractère économique concernant la propriété industrielle...
Cette activité d'assistance devrait concerner tout le champ de la propriété industrielle : brevets, mais également marques, dessins et modèles et modèles d'utilité et ainsi couvrir une réelle « protection de l'innovation ». Ce rôle nouveau qui serait rempli par les offices de brevets qui souhaitent participer à l'initiative, pourrait constituer en la mise en place d'une petite équipe spécialisée, créée au niveau national, pluridisciplinaire, susceptible d'être à l'écoute des besoins des entreprises en matière de protection de l'innovation et d'y répondre de manière adéquate. Les initiatives que ces équipes pourraient prendre concernent la publication de brochures couvrant tout le champ de la protection de l'innovation, la mise au point de pages web ayant le même contenu, l'organisation d'expositions sur l'innovation et des conférences dans les chambres de commerce et d'industrie, auprès d'instances régionales et auprès d'universités et d'instituts techniques…
Certains offices de brevets ont déjà pris l'initiative d'inscrire leur action dans un cadre proche de celui décrit ci-dessus ; ils doivent être encouragés à persévérer dans cette voie. Pour les offices de brevets qui se basent encore largement sur des activités "traditionnelles" de recherche et d'examen de demandes nationales, il faut les inciter à entamer des réflexions et à développer des projets qui s'inscrivent dans le cadre de ce nouveau rôle.
Les offices de brevets qui seraient intéressés à initier ou approfondir leurs activités liées à la promotion de la propriété industrielle devraient soumettre un projet détaillé à la Commission, en réponse à un cahier des charges élaboré par elle. Ces projets seront évalués par un panel d'experts indépendants. La Commission pourrait alors décider de soutenir financièrement certaines de ces initiatives. Ce projet pilote pourrait s'étaler sur une période de 18 mois environ et être transformé, si l'expérience s'avère utile, en un programme spécifique de plus longue durée.
La Commission encouragera la mise en réseau de ces initiatives au niveau européen, les échanges d'expériences et de bonnes pratiques permettant de stimuler l'innovation par de meilleures stratégies de protection des connaissances.
6. L'elargisement
Aucune initiative communautaire ne peut être envisagée aujourd'hui sans avoir à l'esprit la dimension de l'élargissement futur de la Communauté. Celui-ci est désormais inscrit au premier rang des préoccupations quotidiennes de l'Union et ses répercussions se feront sentir dans tous les domaines de l'activité communautaire. Dans le domaine des brevets, deux éléments doivent être soulignés.
En premier lieu, on constate qu'une modernisation et une adaptation des législations de la plupart des PECO en matière de brevets est déjà acquise, ce dont on peut se féliciter. Il s'agit d'un cadre législatif important pour le développement des activités innovantes dans les PECO. Par ailleurs, six PECO qui sont liés par des accords européens à la Communauté et à ses Etats membres se sont engagés à déposer leur demande d'adhésion à la convention de Munich sur le brevet européen dans des délais précis (la république Tchèque, la Slovaquie, la Pologne, la Hongrie, la Bulgarie et la Roumanie); l'Estonie et la Slovénie ont signé des accords d'association avec la Communauté et ses Etats membres prévoyant leur adhésion à toutes les conventions internationales importantes en matière de propriété industrielle. A ce jour, une demande d'adhésion à la CBE a été déposée – par ordre chronologique – par huit pays : la république tchèque, la Pologne, la Hongrie, la Slovaquie, la Slovénie, l'Estonie, la Roumanie et la Bulgarie ; ces pays disposent d'un statut d'observateur au conseil d'administration de l'Organisation. La Slovénie et la Roumanie avaient déjà signé des accords de coopération et d'extension avec l'Organisation européenne des brevets. La Commission considère que l'adhésion à la CBE est un pas important vers l'intégration dans le marché unique de l'Union. C'est pourquoi, dès que toutes les conditions techniques pertinentes dans le cadre de la convention de Munich seront satisfaites, rien ne s'oppose à ce qu'une invitation à adhérer à la CBE soit adressée aux pays candidats.
En second lieu, le brevet communautaire, lorsqu'il sera en place, couvrira toute la Communauté, quelle que soit sa taille à ce moment, et ce, en raison de son caractère unitaire. Il faudra s'assurer que des mécanismes appropriés soient mis en place, le cas échéant, si le règlement sur le brevet communautaire était adopté avant l'adhésion des PECO à la Communauté, pour assurer que les effets des brevets communautaires puissent se développer sur tout le territoire communautaire et réaliser, de la sorte, un véritable "marché unique".
1 COM(97) 314 final, 24.6.97.
2 COM(96) 589 final, 20.11.96.
3 Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen "L'Union européenne et l'espace : promouvoir les applications, les marchés et la compétitivité de l'industrie", COM(96) 617 final.
4 Article 52, paragraphe 2, c) CBE.
5 Directive 91/250/CE du Conseil du 14 mai 1991 concernant la protection juridique des programmes d'ordinateur.
6 Le droit d'auteur protège une expression particulière d'un programme d'ordinateur, en l'assimilant à une oeuvre littéraire, alors que le brevet protège l'idée innovatrice qui est sous-jacente à la solution technique à un problème technique apportée par le programme.
7 COM (98) 569 final du 15 octobre 1998.
8 CJCE, 25 juillet 1991 (Saeger contre Dennemeyer), affaire C-76/90, Rec. 1991, p. I-4221.
9 CJCE, 30 novembre 1995, C-55/94, Rec. 1995, p. I-4165. L'application de conditions d'accès à une activité spécifique, ou à l'exercice de celle-ci, comme l'obligation de posséder certains diplômes, doivent respecter quatre impératifs: une application non-discriminatoire, la justification par des raisons impérieuses d'intérêt général, un caractère propre à garantir la réalisation de l'objectif poursuivi et la limitation à ce qui est nécessaire pour atteindre ledit objectif (principe de proportionnalité).
10 Règlement (CE) N°1768/92 du Conseil du 18 juin 1992 concernant la création d'un certificat complémentaire de protection pour les médicaments, JO N°L 182, 2.7.92, p. 1.
11 Réglement (CE) N°1610/96 du Parlement européen et du Conseil du 23 juillet 1996 concernant la création d'un certificat complémentaire de protection pour les produits phytopharmaceutiques, JO N° L 198, 8.8.96, p. 30.
12 CJCE, 9 juillet 1997, C-316/95, Generics BV c. Smith Kline & French Laboratories Ltd.
13 Notamment la fabrication d'échantillons, l'exécution d'essais cliniques sur la substance brevetée, l'importation de la substance ainsi que le dépôt d'échantillons auprès des autorités administratives compétentes. Ces actes sont tous axés sur la mise sur le marché d'un produit ; il ne s'agit donc pas d'actes accomplis dans un cadre privé et à des fins non commerciales, ni d'actes accomplis à titre expérimental.
14 Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative au rapprochement des régimes juridiques de protection des inventions par le modèle d'utilité, 12.12.1997, COM(97) 691 final, JO n° C 36 du 3.2.1998, p. 13.
15 Directive 98/44/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 juillet 1998 relative à la protection juridique des inventions biotechnologiques, JO N° L 213 du 30.7.98, p. 13.
16 Article 55, paragraphe 1, a) et b) de la convention de Munich.
17 En vertu de l'arrêt AETR de la Cour de justice des Communautés européennes, chaque fois que la Communauté a pris des dispositions instaurant des règles communes, les Etats membres ne sont plus en droit, qu'ils agissent individuellement ou même collectivement, de contracter avec les états tiers des obligations affectant ces règles ou en altérant la portée (arrêt du 31.3.1971, Rec. 1971, p. 263).
19 Cette solution contient trois éléments fondamentaux: un abrégé amélioré dans la langue de la procédure, et, ultérieurement, traduction de cet abrégé dans la langue de tous les Etats membres; la traduction des seules revendications, au moment de la délivrance du brevet et la traduction de la totalité du fascicule du brevet avant toute action intentée par le titulaire en vue de faire valoir les droits nés du brevet.
20 Il s'agit des activités de recherche qui ne sont pas directement liées à la procédure d'examen de demandes de brevets : elles peuvent être effectuées à la demande d'une entreprise avant le dépôt d'une demande de brevet, ou avant d'entamer une procédure d'opposition ou d'annulation, ou pour évaluer la valeur du brevet d'un concurrent ou le degré de protection dans un domaine technique déterminé…