CHAMBRES DE RECOURS
Décisions des Chambres de recours techniques
Décision de la Chambre de recours technique 3.3.2, en date du 5 février 1998 - T 450/97 - 3.3.2
(Traduction)
Composition de la Chambre :
Président : | P.A.M. Lançon |
Membres : | C. Germinario |
R. E. Teschemacher |
Titulaire du brevet/intimé : The Procter & Gamble Company
Opposant 01/requérant : Henkel KGaA
Opposant 03/requérant : L'Oréal
Opposant 02/autre partie : Unilever PLC
Référence : Composition de shampooing/PROCTER & GAMBLE
Article : 123(2), 112(1) a) CBE
Règle : 27(1) b) et c), 89 CBE
Mot-clé : "Adaptation de la description après le renvoi de l'affaire - prise en compte du document constituant l'état de la technique le plus proche" - "Règle 27(1) b) (oui) - article 123(2) (oui)"
Sommaire
I. A lui seul, l'ajout d'une référence à l'état de la technique ne saurait aller à l'encontre des principes posés à l'article 123(2) CBE (cf. décisions T 11/82, T 51/87).
II. Après limitation des revendications, et cela même au stade de l'opposition, un document qui s'avère par la suite être non seulement l'état de la technique le plus proche, mais encore
un document essentiel pour l'intelligence de l'invention au sens où l'entend la règle 27(1)b) CBE doit être mentionné dans le texte modifié de la description (cf. point 4 des motifs).
Exposé des faits et conclusions
I. Par la décision T 692/93 (en date du 25 avril 1996, non publiée au JO OEB), concernant le brevet européen n° 0 181 773 délivré sur la base de la demande de brevet européen n° 85 308 142.0, la chambre de recours compétente a renvoyé l'affaire devant la division d'opposition en lui ordonnant de maintenir le brevet sur la base de la première requête subsidiaire présentée par le titulaire du brevet le 25 mars 1996 et d'une description dont le texte devrait être adapté en conséquence.
II. Le texte de la revendication indépendante selon cette première requête est libellé comme suit :
"Composition de shampooing comprenant :
(a) de 5 % à 70 % d'un surfactif synthétique ;
(b) de 0,01 % à 10 % d'une silicone dispersée, insoluble, non volatile ;
(c) de 0,5 % à 5 % d'un agent de suspension choisi parmi des dérivés d'acyles à longue chaîne et leurs mélanges, ledit dérivé d'acyle étant présent sous forme de cristaux dans la composition de shampooing ; et
(d) de l'eau,
dans laquelle le dérivé d'acyle a une grosseur moyenne des particules d'environ 10 μm ou moins dans la composition de shampooing."
III. Une description adaptée en conséquence a été déposée par l'intimé (titulaire du brevet) le 20 août 1996.
Au cours de la procédure devant la division d'opposition, le requérant I (opposant I) a contesté la décision T 692/93 et a demandé que des clarifications soient apportées à ladite décision ou bien que le titulaire introduise dans la description du brevet une déclaration donnant une interprétation restrictive de la portée de la revendication 1, reconnue comme valable.
IV. Dans sa décision intermédiaire, la division d'opposition a estimé que, compte tenu de l'adaptation de la description, le brevet répondait aux conditions requises par la Convention.
La division d'opposition a déclaré en outre qu'elle n'était pas compétente pour changer ou modifier les revendications maintenues par la chambre de recours, ni pour introduire dans la description du brevet des déclarations qui conduiraient à donner des revendications une interprétation différente de celle qu'en avait donnée la chambre compétente.
V. Le requérant I (opposant I) et le requérant II (opposant III) ont formé recours contre cette décision. Une procédure orale s'est tenue le 5 février 1998.
Dans son mémoire exposant les motifs du recours, le requérant I a indiqué que, selon les arguments qu'avait fait valoir l'intimé (titulaire du brevet) au cours de la procédure orale tenue dans l'affaire T 692/93, les étapes de chauffage et de refroidissement subséquent du dérivé d'acyle à longue chaîne étaient essentielles pour obtenir des particules cristallines ayant la grosseur revendiquée de 10 μm ou moins. Il a donc jugé regrettable que ces arguments n'aient pas été consignés dans le procès-verbal de la procédure orale et a demandé qu'il soit déclaré clairement dans la description du brevet ou tout au moins dans les motifs de la décision T 692/93 que les compositions dans lesquelles le dérivé d'acyle à longue chaîne est ajouté comme concentré d'agent opalescent sans être chauffé au-delà du point de fusion dudit dérivé d'acyle ne sont pas couvertes par les revendications du brevet. Le requérant a rappelé à ce propos que dans certaines affaires, la chambre compétente avait accepté de corriger une erreur figurant dans les motifs de la décision, et ce après le prononcé de la décision.
Dans une autre lettre, le requérant I a demandé que deux questions soient soumises à la Grande Chambre de recours, conformément à l'article 112 CBE.
Le requérant II a formulé des objections à l'encontre de l'adaptation de la description soumise par l'intimé, en prétendant que les modifications apportées consistaient à définir la grosseur des particules des cristaux du dérivé d'acyle à longue chaîne (10 μm ou moins), sans spécifier les étapes du procédé qui étaient nécessaires en réalité pour obtenir la grosseur de cristal désirée, c.-à-d. le chauffage et le refroidissement. Selon le requérant, en définissant la grosseur des particules sans tenir compte du procédé de préparation, l'intimé avait introduit un objet qui s'étendait au-delà du contenu de la demande telle qu'elle avait été déposée. C'est pourquoi il convenait de révoquer le brevet, puisqu'il ne satisfaisait pas aux conditions requises à l'article 123(2) CBE.
Il a en outre soutenu que l'adaptation de la description, telle que la proposait l'intimé, ne satisfaisait pas aux conditions requises par la règle 27(1)b) et c) CBE, puisque le document US-A-4 337 166, cité dans la décision T 692/93 comme étant le document qui constituait l'état de la technique le plus proche, n'était pas mentionné dans la description du brevet.
En réponse aux arguments du requérant et à une notification intermédiaire de la Chambre, l'intimé a déposé, le 23 décembre 1997, une description modifiée une nouvelle fois, dans laquelle était cité le document susmentionné, qui constituait l'état de la technique le plus proche.
VI. Lors de la procédure orale, l'intimé a déposé, à titre de requête subsidiaire, une description modifiée à nouveau, dans laquelle le contenu du document constituant l'état de la technique le plus proche était mentionné plus en détail.
VII. Requêtes
Le requérant I a demandé que l'on complète l'exposé des motifs de la décision rendue dans l'affaire T 692/93 en précisant en outre que, selon ce qu'avait déclaré le titulaire du brevet, les compositions dans lesquelles le dérivé d'acyle était ajouté comme concentré d'agent d'opalisation à froid, et qui n'étaient pas chauffées finalement au-delà du point de fusion dudit dérivé d'acyle, n'étaient pas couvertes par la revendication.
A titre subsidiaire, il a demandé que la Grande Chambre de recours soit saisie des deux questions de droit qui avaient été posées dans la lettre en date du 19 décembre 1997, à savoir :
"1. Dans le cadre d'une procédure d'opposition, une chambre de recours technique est-elle tenue de citer expressément et de sa propre initiative, dans les motifs de sa décision, des observations générales visant à limiter l'étendue de la protection par rapport à l'état de la technique cité au cours de la procédure, si ces observations ont été formulées par le titulaire du brevet au cours de la procédure orale, et ne figurent pas dans les revendications ou la description ?
2. Dans la négative, la chambre est-elle tenue de le faire si l'une des parties à la procédure le demande ?"
Le requérant II a demandé que la décision attaquée soit annulée et que le brevet européen n° 0 181 773 soit révoqué.
L'intimé (titulaire du brevet) a demandé que le recours soit rejeté et que le brevet soit maintenu dans le texte visé dans la décision de la division d'opposition, la page 2 de la description étant remplacée par la page 2 modifiée produite le 23 décembre 1997 (requête principale), ou, à titre subsidiaire, par la page 2 modifiée produite au cours de la procédure orale (requête subsidiaire).
Motifs de la décision
1. Recevabilité du recours
Au cours de la procédure d'opposition, le requérant I avait demandé, entre autres choses, qu'une déclaration apportant des clarifications soit introduite dans le texte adapté de la description. La division d'opposition n'ayant pas donné suite à cette requête, sa décision n'avait pas fait droit aux prétentions du requérant I.
Le requérant II avait demandé que le brevet soit révoqué au motif que le texte modifié de la description ne satisfaisait pas aux dispositions de la règle 27 et de l'article 123(2) CBE. Le brevet ayant été maintenu, la décision de la division d'opposition n'avait pas fait droit aux prétentions du requérant II.
La Chambre considère de ce fait qu'il est satisfait aux conditions requises à l'article 107 CBE. Etant donné qu'il n'est pas contesté en l'espèce que les recours satisfont aux conditions requises par l'article 108 et la règle 64 b) CBE, la Chambre reconnaît la recevabilité de ces deux recours.
Mais cette recevabilité a été contestée par l'intimé, qui a vu dans l'exposé des motifs produit par chacun des deux requérants une tentative de ceux-ci de remettre en cause les constatations sur lesquelles se fondent les motifs et le dispositif de la décision T 692/93 (res judicata, T 843/91, JO OEB 1994, 832).
Toutefois, dans cette affaire T 692/93, la chambre compétente avait renvoyé l'affaire devant la première instance, à charge pour celle-ci d'adapter le texte de la description. La chambre n'avait pas précisé en quoi devait consister cette adaptation du point de vue du fond, laissant à la division d'opposition le soin d'examiner si la description était en accord avec le texte des revendications reconnues valables. En procédant à cet examen, la division d'opposition avait agi dans le cadre de ses compétences, si bien qu'il s'agissait d'une décision indépendante, qui était susceptible de recours.
2. Portée de la revendication 1
Après avoir examiné l'invention divulguée dans la demande telle qu'elle avait été déposée, la chambre compétente dans l'affaire T 692/93 avait maintenu une revendication de produit indépendante.
Cette revendication est claire. Tout d'abord, il n'est pas possible de mettre en doute la catégorie dans laquelle elle a été rangée, puisqu'il s'agit indubitablement d'une revendication de produit qui, en tant que telle, est limitée exclusivement par les caractéristiques du produit mentionné dans le texte de la revendication ; cette revendication ne fait pas implicitement référence au procédé de préparation, ce qui impliquerait l'existence d'un autre effet limitant la portée de la revendication. En second lieu, le libellé de la revendication est clair en ce sens qu'il ne laisse pas place à des interprétations différentes ou contradictoires. Enfin, la revendication se fonde sur le texte initial de la description, ainsi qu'il est indiqué au point 2.1 des motifs, page 10 de la décision T 692/93.
On peut conclure du libellé parfaitement clair de cette revendication que la chambre compétente n'avait pas l'intention de limiter la portée de cette revendication de produit en ajoutant une référence implicite à un procédé de préparation spécifique. Une telle revendication n'aurait pas été maintenue si la chambre avait vu dans le passage suivant de la description initiale : "Dans la phase de refroidissement, le dérivé d'acyle est de préférence cristallisé en particules d'une grosseur moyenne d'environ 10 μm ou moins" (page 11, lignes 11 à 13) - une condition qui limitait la portée de l'invention. En fait, la chambre n'avait rien avancé de tel dans les motifs de sa décision.
La description du brevet maintenu par la décision T 692/93 a été modifiée du fait que la phrase "dans laquelle le dérivé d'acyle a une grosseur moyenne des particules d'environ 10 μm ou moins dans la composition de shampooing" a été ajoutée deux fois à la page 2 (lignes 30 et 45). Comme on l'a déjà vu, la description initiale comprenait déjà le passage "Dans la phase de refroidissement, le dérivé d'acyle est cristallisé de préférence en particules d'une grosseur moyenne d'environ 10 μm ou moins" (page 11, lignes 11 à 13).
3.1 Le requérant II allègue que ces modifications étendent le contenu de la divulgation du brevet au-delà du contenu de la demande telle qu'elle avait été déposée, puisqu'elles impliquent une généralisation de l'information concernant la grosseur de "10 μm ou moins" des particules, information qui n'était divulguée dans la demande telle que déposée qu'en relation avec un procédé de préparation spécifique caractérisé par des phases de chauffage et de refroidissement.
3.2 Toutefois, la Chambre ne peut pas discerner, dans la description telle qu'elle a été déposée, l'existence d'un lien obligatoire ou restrictif établi entre la grosseur des particules et le procédé de préparation tels que revendiqués par le requérant.
En fait, il est bien connu de l'homme du métier que, dans un processus de cristallisation, la grosseur des cristaux constitue une caractéristique susceptible d'être influencée par de nombreux facteurs : la méthode de cristallisation est l'un de ces facteurs, et les conditions opératoires sont également des facteurs importants. Par conséquent, il est possible de produire des cristaux de la grosseur désirée, disons 10 μm ou moins, en sélectionnant les conditions opératoires appropriées prévues dans n'importe quelle autre méthode appropriée, conditions ne faisant pas nécessairement intervenir des étapes de chauffage et de refroidissement.
De l'avis de la Chambre, la caractéristique essentielle de l'invention, à savoir une grosseur de cristaux de 10 μm ou moins, est une caractéristique dont l'existence n'est subordonnée à aucune condition et dont la portée n'est pas limitée du fait de l'utilisation d'un procédé spécial de préparation ou de l'existence d'une condition spéciale de préparation. Par conséquent, pour la Chambre, cette caractéristique se fonde bien sur la description, comme l'exige la Convention, puisqu'elle se fonde sur le passage de la description initiale figurant à la page 11, lignes 11 à 13, ce passage ne limitant toutefois en aucune façon la portée de l'invention en la subordonnant à l'utilisation d'un procédé donné. En fait, la phase de refroidissement à laquelle il est fait référence dans ce passage ne représente qu'un exemple parmi bien d'autres des différents procédés qui permettent d'obtenir la grosseur de cristaux désirée.
Dans ces conditions, la Chambre considère que les modifications proposées par l'intimé satisfont aux conditions requises par l'article 123(2) CBE.
4. Règle 27 CBE
4.1 Après renvoi de l'affaire devant la première instance, l'intimé a proposé une première adaptation de la description qui a été acceptée par la division d'opposition, celle-ci ayant considéré que le brevet modifié répondait aux conditions requises par la CBE.
Dans le mémoire où il exposait les motifs de son recours, le requérant II a affirmé que la description modifiée, telle que maintenue par la décision attaquée, ne satisfaisait pas aux conditions requises par la règle 27 CBE, car le document appartenant à l'état de la technique, qui avait été cité durant la précédente procédure de recours comme étant le document qui constituait l'état de la technique le plus proche, n'était pas mentionné dans la description.
La Chambre se déclare du même avis, ainsi qu'il est indiqué dans l'annexe à la citation à la procédure orale.
Bien que l'expression "l'état de la technique le plus proche" ne figure pas dans le texte de la règle 27 CBE, une des dispositions de cette règle exige impérativement que "l'état de la technique antérieure qui peut être considéré comme utile pour l'intelligence de l'invention" ... soit indiqué dans la description. Le caractère nouveau et inventif d'une invention étant déterminé par rapport à l'état de la technique le plus proche, c'est en fait le document représentant cet état de la technique qui constitue l'état de la technique antérieure non seulement des plus utiles, mais encore essentiel pour l'intelligence de l'invention. Le pouvoir d'appréciation que la règle 27(1)b) CBE laisse au titulaire du brevet pour la citation des documents reflétant cet état de la technique est tel, de l'avis de la Chambre, que le titulaire n'est pas tenu de citer tous les documents illustrant cet état de la technique antérieure, ni même, dans des cas exceptionnels, tenu de citer quelque document que ce soit, par exemple quand cet état de la technique antérieure est constitué par les connaissances générales de l'homme du métier. Néanmoins, l'existence d'un tel pouvoir d'appréciation ne saurait autoriser le demandeur ou le titulaire du brevet à passer sous silence des documents qui étaient dès l'origine essentiels pour l'intelligence de l'invention ou qui se sont avérés ultérieurement comme tels (cf. décisions T 11/82, JO OEB 1983, 479 ; T 51/87, JO OEB 1991, 177). Dans la présente affaire, la portée de la revendication valable 1 a tout d'abord été limitée au cours de la procédure d'opposition, puis elle a été maintenue par la suite au stade du recours formé sur la base du document US-A-4 337 166(21). La citation de ce document n'est donc pas une question de simple préférence et ne relève pas du pouvoir d'appréciation du demandeur ou du titulaire du brevet, elle est considérée par la Chambre comme obligatoire.
4.2 Avant la procédure orale, la page 2 de la description a été modifiée une nouvelle fois, par l'adjonction du passage suivant dans lequel était cité le document constituant l'état de la technique le plus proche : "le document US-A-4 337 166 décrit des compositions contenant certains siloxanes cycliques et comporte un exemple dans lequel l'Empicol 0627 est utilisé comme agent opalescent".
Le requérant II affirme qu'à elles seules, ces nouvelles modifications n'ont pas permis de mettre le contenu de la description en accord avec les conditions requises par la règle 27(1)b) et c) CBE, car dans cette affaire, il ne suffisait pas pour l'intelligence correcte de l'invention de citer le document correspondant à l'état de la technique le plus proche. En fait, la description aurait dû faire ressortir toutes les différences entre la composition selon l'état de la technique le plus proche et les compositions selon l'invention qui avaient été reconnues et prises en compte par la chambre compétente dans sa décision antérieure. Un examen approfondi de l'état de la technique le plus proche était également nécessaire pour l'intelligence du problème technique et de sa solution et pour l'appréciation de tous les avantages apportés par l'invention par rapport à l'état de la technique antérieure.
4.3 La Chambre estime toutefois qu'en mentionnant l'état de la technique le plus proche, à savoir le document (21), et en citant le passage pertinent de ce document, à savoir un exemple dans lequel était divulguée une composition contenant de l'Empicol 0627, le titulaire avait satisfait à toutes les conditions requises par la règle 27(1)b) et c) CBE.
La référence faite à l'exemple spécifique donné dans ce document antérieur est utile pour faciliter l'intelligence de l'invention par le public et doit être considérée comme suffisante à cet égard. L'enseignement technique contenu dans un brevet s'adresse à l'homme du métier, qui s'apercevrait sans difficulté en l'occurrence que la composition selon l'exemple cité dans le document constituant l'état de la technique le plus proche comporte tous les éléments a) à d) à la base de la composition selon l'invention revendiquée, et dans les mêmes proportions. Cet homme du métier saurait également que l'Empicol 0627 comprend un dérivé d'acyle à longue chaîne sous forme de cristaux, comme l'avaient admis toutes les parties lors de la précédente procédure de recours. Par conséquent, sachant que la composition selon la revendication valable 1 est caractérisée par une grosseur moyenne de particules du dérivé d'acyle d'environ 10 μm ou moins, l'homme du métier comprendrait immédiatement que l'invention réside dans la grosseur qui avait été revendiquée pour les cristaux du dérivé d'acyle.
Pour ce qui est du respect de l'une des conditions requises par la règle 27(1)c), à savoir que la description doit indiquer les avantages apportés par l'invention par rapport à l'état de la technique antérieure, la Chambre note que la description expose clairement, à la page 2, lignes 26 à 36, les avantages apportés par l'invention par rapport à de nombreuses publications reflétant l'état de la technique antérieure : l'invention permet d'obtenir une "stabilisation [de la silicone dispersée], sans empêcher de manière non désirée un dépôt de la matière de silicone sur les cheveux". Chose plus importante encore, l'obtention de ces avantages se voit également confirmée par rapport au document correspondant à l'état de la technique le plus proche, car il est évident que les avantages indiqués dans la description sont ceux sur la base desquels a été formulé le problème technique qu'il s'agissait de résoudre dans l'invention faisant l'objet de la décision T 692/93. La description répond par conséquent aux conditions requises par la règle 27(1)c) CBE.
5. Le requérant I demande, à titre de requête principale, que l'exposé des motifs de la décision rendue dans l'affaire T 692/93 soit complété, en application de la règle 89 CBE, par un passage dans lequel il serait précisé que, selon une déclaration qu'avait faite l'intimé (titulaire du brevet) au cours de la procédure orale tenue dans le cadre de l'affaire T 692/93, les compositions dans lesquelles le dérivé d'acyle était ajouté en tant qu'agent opalescent à froid, et qui finalement n'étaient pas chauffées au-delà du point de fusion dudit dérivé d'acyle, n'étaient pas couvertes par la revendication, le but de cette "clarification" étant de permettre de donner une interprétation restrictive de la portée de la revendication valable 1.
5.1 La déclaration de l'intimé à laquelle fait référence le requérant avait été faite au cours de la procédure orale tenue dans le cadre de l'affaire précédente T 692/93, mais l'intimé a contesté qu'elle ait été formulée dans les termes qu'a cités le requérant. Bien que cette déclaration n'ait pas été consignée dans le procès-verbal de la procédure orale, la Chambre n'a aucune raison de penser que la chambre compétente dans cette affaire n'avait pas, avant de rendre sa décision, dûment tenu compte de cette déclaration, en la replaçant dans le cadre des faits de la cause. Il semble que la chambre compétente n'ait pas jugé nécessaire de citer cette déclaration lorsqu'elle a exposé les motifs de sa décision T 692/93. Ainsi, sans aborder pour le fond la question de sa propre compétence pour juger la décision d'une autre chambre, la présente Chambre considère qu'il n'y a aucune raison d'apporter des clarifications à cette décision sur la base de faits qui avaient déjà été pris en considération durant la procédure par la chambre compétente dans cette affaire.
5.2 De toute façon, la clarification demandée ne serait admissible en vertu de la règle 89 que si elle rectifiait une faute d'expression, de transcription ou des erreurs manifestes décelées dans la décision. Si le texte de la décision, ou une partie de ce texte, ne reflète pas l'intention véritable de l'instance qui a pris la décision, alors il y a erreur manifeste au sens où l'entend la règle 89 CBE.
Toutefois, comme la Chambre l'a expliqué dans les paragraphes qui précèdent, il semble que la chambre compétente entendait, dans l'affaire T 692/93, maintenir une revendication de produit limitée uniquement à l'aide des caractéristiques citées explicitement dans le texte de la revendication. Cette catégorie de revendication, qui confère la protection la plus large et aussi une protection qui n'est subordonnée à aucune condition, n'aurait pas été maintenue si la chambre compétente avait voulu que l'utilisation du procédé de préparation ait pour effet de limiter en quoi que ce soit la portée de ladite revendication. Par conséquent, il ne peut être considéré qu'il y a contradiction entre les motifs exposés dans la décision T 692/93 et les intentions véritables de la chambre compétente dans cette affaire, contradiction qui justifierait une rectification de la décision en vertu de la règle 89 CBE.
6. Le requérant I a demandé à titre subsidiaire que la Grande Chambre de recours soit saisie des deux questions de droit citées plus haut.
Dans cette demande de saisine, ce requérant pose, en termes généraux, la question de savoir si une chambre de recours technique est tenue d'examiner, dans les motifs de sa décision, soit de sa propre initiative (question 1), soit à la requête de l'une des parties (question 2), des déclarations à caractère général faites par le titulaire du brevet au cours de la procédure orale, déclarations qui pourraient impliquer une limitation de la portée de la revendication par rapport à l'état de la technique cité, mais qui ne se retrouvent pas dans le texte des revendications valables ou dans la description du brevet.
Apparemment, si ces deux questions ont été posées, c'est parce que, de l'avis du requérant, la chambre compétente n'avait pas tenu compte comme elle l'aurait dû de la déclaration susmentionnée faite par l'intimé au cours de la procédure orale tenue dans le cadre de l'affaire T 692/93. Toutefois, étant donné que la situation n'est pas la même dans la présente affaire, les réponses qui pourraient être données à ces questions seraient sans influence sur l'issue de la présente procédure de recours. C'est pourquoi, eu égard aux faits dont il s'agit dans la présente espèce, la Chambre ne juge pas nécessaire de saisir la Grande Chambre de recours de ces deux questions.
La Chambre conclut donc que le brevet, dans le texte visé par la requête principale de l'intimé, satisfait aux conditions requises par la CBE.
Dispositif
Par ces motifs, il est statué comme suit :
1. La décision attaquée est annulée.
2. L'affaire est renvoyée devant la première instance, à charge pour celle-ci de maintenir le brevet tel que modifié sur la base des pièces suivantes :
revendications 1 à 9 et pages 3 à 8 de la description, comme indiqué sur le formulaire 2339.4 faisant partie de la décision attaquée ;
page 2 de la description telle que déposée le 23 décembre 1997.