CHAMBRES DE RECOURS
Décisions de la Chambres de recours statuant en matière disciplinaire
Décision de la Chambre de recours statuant en matière disciplinaire, en date du 23 septembre 1993 - D 1/93*
(Traduction)
Composition de la Chambre :
Président : | C. Payraudeau |
Membres : | L. C. Mancini |
J.-C. Saisset | |
Ch. Bertschinger | |
A. Armengaud |
Article : 12 du règlement relatif à l'examen européen de qualification (REE)
Mot-clé : "Qualification pour exercer"
Sommaire
I. L'objectif de l'examen de qualification est de déterminer si le candidat est "qualifié pour exercer près l'OEB". Il convient donc d'interpréter l'article 12(3) REE en ce sens que le jury d'examen doit avoir la possibilité d'apprécier si, dans des cas limites, le candidat est "qualifié pour exercer" bien qu'il ait échoué à l'une des épreuves lorsqu'il a repassé celles-ci.
II. La Chambre de recours statuant en matière disciplinaire peut renvoyer une affaire au jury d'examen pour qu'il rende une décision motivée, fondée sur les principes développés par la Chambre. Vu l'intérêt légitime du requérant à ce qu'une décision soit rendue le plus rapidement possible, il peut cependant être nécessaire que la Chambre de recours statuant en matière disciplinaire tranche elle-même l'affaire.
Exposé des faits et conclusions
I. Ayant obtenu les notes A : 5, B : 4, C : 5, D : 2 à l'examen européen de qualification des mandataires agréés d'avril 1991, le requérant s'est représenté aux épreuves A et C lors de la session d'avril 1992.
II. Par lettre recommandée en date du 9 octobre 1992, le président du jury de l'examen européen de qualification, dénommé ci-après le "jury", a fait connaître au requérant les notes obtenues à ces deux épreuves, à savoir:
épreuve A : 3 (bien)
épreuve C : 5 (insuffisant).
Par conséquent, le résultat combiné des sessions de 1991 et de 1992 était le suivant :
épreuve A : 3 (bien)
épreuve B : 4 (passable)
épreuve C : 5 (insuffisant)
épreuve D : 2 (très bien).
Le requérant a été informé que, conformément aux dispositions d'exécution visées à l'article 12 REE, le jury avait décidé qu'il n'était pas admis à l'examen européen de qualification et qu'il pouvait s'inscrire à une session ultérieure de l'examen de qualification.
III. Par une lettre du 16 novembre 1992, le requérant a introduit un recours contre cette décision en demandant qu'elle soit annulée et qu'il soit déclaré admis à l'examen. A titre subsidiaire, il a demandé la tenue d'une procédure orale.
IV. Dans le mémoire exposant les motifs du recours et les mémoires complémentaires déposés ultérieurement, le requérant allègue pour l'essentiel que la décision faisant l'objet du recours a enfreint le paragraphe I des dispositions d'exécution visées à l'article 12 REE.
Conformément audit paragraphe I, le jury doit décider pour chaque copie si "le candidat (s'est) montré, par sa maîtrise du sujet, qualifié pour exercer l'activité de mandataire agréé près l'Office européen des brevets dans le domaine faisant l'objet de l'épreuve".
Aux termes de l'article 12(2) b) REE, sont déclarés reçus à l'examen les candidats qui obtiennent des notes suffisantes pour la moitié au moins des épreuves, à condition que soient atteintes les notes minimum exigées dans les directives du jury.
Il est prévu au paragraphe VII a) des dispositions d'exécution visées à l'article 12 REE qu'un candidat est déclaré admis s'il n'a échoué qu'à une seule épreuve pour laquelle la note 5 a été attribuée et si cette note est compensée par la note 3 ou une note meilleure dans une autre épreuve au moins.
Un candidat qui s'est représenté à une partie de l'examen ne devrait pas être traité différemment d'un candidat ayant obtenu les mêmes notes lors de la première session, dans la mesure où le critère de qualification pour exercer doit être considéré globalement.
Puisque la note 5 obtenue par le requérant à l'épreuve C était compensée soit par la note 2 obtenue à l'épreuve D soit par la note 3 obtenue à l'épreuve A, le requérant aurait dû être déclaré admis.
V. Le jury ayant décidé de ne pas revenir sur sa décision, le recours a été déféré à la chambre de recours statuant en matière disciplinaire.
VI. Le président du conseil de l'Institut des mandataires agréés près l'Office européen des brevets (EPI) et le Président de l'OEB ont été entendus conformément à l'article 12 du règlement en matière de discipline des mandataires agréés en liaison avec l'article 23(4) REE.
VII. Le 28 juin 1993, le Président de l'OEB a présenté les observations suivantes au président de la chambre de recours statuant en matière disciplinaire :
"Je souhaiterais attirer votre attention sur le fait que le requérant interprète l'article 12 REE et les dispositions d'exécution visées à l'article 12 REE de manière erronée en combinant les résultats de deux sessions successives. Votre Chambre a jugé par le passé, dans de nombreuses affaires, que lorsqu'un candidat se représente dans les conditions habituelles (à l'ensemble des épreuves) il ne peut compenser des notes insuffisantes obtenues lors de la dernière session par de bonnes notes obtenues lors de sessions précédentes. La même règle devrait s'appliquer lorsqu'un candidat ne se représente qu'à une partie des épreuves. Cela résulte également clairement de l'article 12(3) REE selon lequel, pour être reçu à l'examen, un candidat repassant une partie des épreuves doit obtenir une note suffisante à chacune de ces épreuves. Il n'est possible de procéder à une compensation que si le candidat repasse l'ensemble de l'examen. Les candidats peuvent choisir cette solution s'ils le souhaitent."
VIII. Conformément à la requête du candidat, une procédure orale a eu lieu le 23 septembre 1993. Le président de l'EPI, dûment convoqué, n'a pas été représenté. Le Président de l'OEB était représenté par l'un de ses collaborateurs.
Motifs de la décision
1. Le recours satisfait aux conditions de l'article 23(2) REE ; il est donc recevable.
2. Conformément à l'ancienne version de l'article 12 REE, un candidat ayant échoué à l'examen de qualification doit repasser toutes les épreuves. Dans un tel cas, la Chambre de recours statuant en matière disciplinaire a estimé dans sa jurisprudence constante que le principe selon lequel le candidat doit repasser l'ensemble des épreuves exclut la possibilité de compenser des notes insuffisantes obtenues lors du dernier examen auquel il s'est présenté par de bonnes notes obtenues lors de sessions antérieures.
3. Toutefois, la version de l'article 12 REE applicable en l'espèce est le texte modifié par la décision du Conseil d'administration du 7 décembre 1990 qui est entrée en vigueur à la même date (JO OEB 1991, 15), assorti des nouvelles dispositions d'exécution visées à l'article 12 REE correspondantes (JO OEB 1991, 88).
4. Selon le paragraphe 3 du nouvel article 12 REE, "le jury peut prévoir dans ses directives qu'un candidat ajourné n'aura, dans certaines conditions, à repasser lors de l'une des sessions suivantes que les épreuves auxquelles il n'a pas obtenu une note suffisante; si le candidat obtient à ces épreuves une note suffisante, il est déclaré reçu" (c'est la Chambre qui souligne). Les versions allemande et anglaise sont légèrement différentes et au moins le texte allemand est moins explicite ("...wenn für diese Arbeiten eine ausreichende Bewertung erzielt wird." - "...if he passes these papers").
5. Par conséquent, la jurisprudence antérieure de la Chambre de recours statuant en matière disciplinaire n'est plus applicable aux affaires relevant de ces nouvelles dispositions, puisque le principe selon lequel les notes obtenues lors d'une première session doivent être considérées comme étant encore valables pour les sessions suivantes est désormais inscrit dans le règlement et ses dispositions d'exécution.
6. Dans la présente affaire la question qui se pose est de savoir si le candidat doit réussir, lors de la seconde session, les deux épreuves auxquelles il a échoué lors de la première session ou si, sous certaines conditions, le candidat peut être déclaré reçu bien qu'il ait de nouveau échoué à l'une de ces deux épreuves.
7. Le point de vue qui ressort des observations présentées par le Président de l'OEB est que la dernière phrase de l'article 12(3) REE devrait être interprétée comme signifiant qu'un candidat qui repasse deux épreuves doit dans tous les cas être ajourné s'il n'obtient que la note 5 à l'une de ces épreuves.
8. Ainsi que le souligne le requérant, l'objectif de l'examen de qualification est de déterminer si le candidat est "qualifié pour exercer près l'OEB", comme il est indiqué clairement au paragraphe I des dispositions d'exécution visées à l'article 12 REE. Il faut donc examiner si une interprétation littérale des dispositions de l'article 12(3) REE est compatible avec l'objectif de l'examen de qualification.
9. Suivant une telle interprétation, un candidat devrait être déclaré ajourné dans tous les cas, s'il obtient la note 5 à l'une des deux épreuves qu'il repasse, quels que soient les résultats obtenus aux autres épreuves. A l'extrême, un candidat ayant obtenu les notes 1, 1, 1, 5 après s'être présenté à une nouvelle session devrait donc automatiquement être déclaré ajourné. Cela signifierait que le jury ne peut pas "(décider) de l'admission ou de l'ajournement des candidats" (article 5(3) REE) mais est contraint de déclarer le candidat ajourné quelles que soient les circonstances de l'espèce. Le jury serait donc dépourvu de tout pouvoir d'appréciation dans les cas limites et cela irait à l'encontre du principe reconnu selon lequel le rôle du jury consiste essentiellement à examiner de tels cas limites.
10. La Chambre de recours statuant en matière disciplinaire considère donc qu'il convient d'interpréter l'article 12(3) REE en ce sens que le jury doit avoir la possibilité d'apprécier si, dans de tels cas limites, le "candidat est qualifié pour exercer" bien qu'il ait échoué à l'une des épreuves lorsqu'il a repassé celles-ci. Plus précisément, bien que le REE et ses dispositions d'exécution prévoient clairement que le candidat ajourné admis à se représenter a une nouvelle session devrait réussir toutes les épreuves auxquelles il a précédemment échoué, l'échec d'un candidat à l'une des deux épreuves qu'il repasse constitue un cas limite dans lequel le jury aura à apprécier si le candidat est tout de même qualifié pour exercer. Pour trancher cette question, le jury devra analyser les résultats obtenus par le candidat à l'ensemble des quatre épreuves, en tenant compte non seulement des notes obtenues mais aussi de la somme arithmétique des notes obtenues, de la nature des épreuves et des résultats obtenus à chaque partie des épreuves.
11. Aussi la Chambre de recours statuant en matière disciplinaire estime-t-elle que, dans des cas comme celui dont il est question ici, une interprétation littérale de l'article 12(3) REE entraînerait non seulement une violation des dispositions du REE relatives à l'objectif de l'examen de qualification mais refuserait également tout pouvoir d'appréciation au jury.
12. En l'espèce, le jury n'a donné aucun motif à l'appui de sa décision d'ajourner le candidat, à l'exception des notes obtenues. La Chambre de recours statuant en matière disciplinaire pourrait donc renvoyer l'affaire au jury pour qu'il rende une décision motivée fondée sur les principes développés plus haut. Toutefois, un tel renvoi serait contraire à l'intérêt légitime du requérant qui est de voir l'affaire tranchée le plus rapidement possible. De plus, la Chambre de recours statuant en matière disciplinaire dispose d'un dossier contenant suffisamment d'informations pour trancher elle-même l'affaire sans avoir à réexaminer au fond l'intégralité de la procédure d'examen.
13. La question à laquelle il faut répondre est de savoir si la note 5 obtenue à l'épreuve C par le requérant est compensée par les autres notes obtenues aux autres épreuves, la somme arithmétique de ses notes étant égale à 14, ce qui constitue un résultat global meilleur que celui d'un candidat ayant obtenu la note 4 à chacune des quatre épreuves. Conformément à l'article 10 REE, l'examen comporte quatre épreuves : A, B, C et D. Les épreuves A et B portent sur la rédaction des revendications et la préparation d'une réponse à une lettre officielle et ont principalement une nature technique tandis que l'épreuve C, qui porte sur la rédaction d'un acte d'opposition, revêt des aspects à la fois techniques et juridiques et l'épreuve D a trait essentiellement à des questions juridiques.
14. En ce qui concerne les aspects techniques des questions, le requérant a obtenu la note 3 à l'épreuve A et la note 4 à l'épreuve B. De l'avis de la Chambre de recours statuant en matière discipinaire, les insuffisances techniques de l'épreuve C devraient donc être compensées par les bons résultats obtenus à l'épreuve A. De même, les insuffisances juridiques de l'épreuve C devraient également être considérées comme compensées par la très bonne note (2) obtenue à l'épreuve D.
15. Compte tenu de ce qui précède, la Chambre de recours statuant en matière disciplinaire estime que le requérant devrait être déclaré reçu à l'examen.
16. Il est prévu à l'article 23(4) REE que "si la chambre de recours fait droit au recours ..., elle ordonne que la taxe de recours soit remboursée intégralement ou partiellement, si l'équité l'exige". En l'espèce, la Chambre de recours statuant en matière disciplinaire considère le fait que la décision du jury n'était pas motivée comme suffisant pour ordonner le remboursement de la taxe de recours.
Dispositif
Par ces motifs, il est statué comme suit :
1. La décision attaquée est annulée.
2. Le requérant est déclaré reçu à l'examen européen de qualification en 1992.
3. Le remboursement de la taxe de recours est ordonné.
* Eu égard à l'article 12 REE, le jury d'examen a modifié le paragraphe IX des dispositions d'exécution visées à l'article 12 REE (JO OEB 1991, 88). La nouvelle version est entrée en vigueur le 1er janvier 1993 (cf. JO OEB 1993, 73). Le paragraphe XII qui a été ajouté prévoit qu'un candidat repassant un examen partiel n'est reçu à l'examen que si la note 4 ou une note meilleure lui a été attribuée dans chacune des épreuves.