CHAMBRES DE RECOURS
Décisions des Chambres de recours techniques
Décision de la Chambre de recours technique 3.5.1, en date du 31 mars 1994 - T 1055/92 - 3.5.1
(Traduction)
Composition de la Chambre :
Président : | P. K. J. van den Berg |
Membres : | R. Randes |
| G. Davies |
Demandeur : Ampex Corporation
Référence : Clarté/AMPEX CORPORATION
Article : 76(1), 83, 84, 123(2) CBE
Mot-clé : "Clarté (oui)"
Sommaire
I. La forme et le contenu des revendications d'une demande de brevet européen sont régis par l'article 84 et la règle 29 CBE. Aux termes de l'article 84, les revendications définissent l'objet de la protection demandée.
Il convient de distinguer clairement entre cette fonction dévolue aux revendications et les conditions exigées en ce qui concerne l'exposé de l'invention dans la demande de brevet européen, qui doit être tel qu'un homme du métier puisse exécuter l'invention.
II. Aux termes de l'article 83, c'est "dans la demande de brevet européen", c.-à-d. dans la demande considérée dans son ensemble, comprenant les revendications, la description et les dessins, et non dans une revendication isolée en tant que telle, que "l'invention doit être exposée de façon suffisamment claire et complète".
III. Une revendication d'une demande de brevet européen doit indiquer les caractéristiques essentielles de l'invention (cf. décision T 32/82, JO OEB 1984, 354) ; parmi les caractéristiques essentielles doivent notamment figurer les caractéristiques par lesquelles l'invention se distingue de l'état de la technique le plus proche.
Exposé des faits et conclusions
I. La demande de brevet européen n° 86 200 750.7, déposée par le demandeur le 1er mai 1986, qui est une demande divisionnaire relative à une demande initiale déposée le 10 avril 1981 (publiée sous le n° 0 076 259), a été rejetée le 29 septembre 1992 par décision de la division d'examen.
II. Le motif invoqué pour justifier le rejet était que la revendication 1 ne satisfaisait pas aux exigences de l'article 84 CBE.
La division d'examen a notamment indiqué que le dernier paragraphe de la revendication 1 était vague et mal défini et comportait des expressions qui ne définissaient pas l'objet de la protection demandée de façon claire et concise, en termes de caractéristiques techniques de l'invention, car l'on ne voyait pas clairement comment les valeurs des paramètres de commande pour les trames se trouvant entre des noeuds successifs étaient calculées en termes de valeurs à ces noeuds des paramètres de commande correspondants et de leurs dérivées.
III. Le 27 octobre 1992, le demandeur a formé un recours contre cette décision et a acquitté la taxe de recours. Le mémoire exposant les motifs du recours a été déposé le 2 novembre 1992, accompagné d'un jeu de revendications 1 à 7.
Les revendications indépendantes 1 et 6 étaient rédigées comme suit :
"1. Système de commande pour un système de transformation d'image (1300) que l'on peut faire fonctionner pour agir sur des ensembles d'entrée d'échantillons de données représentant des trames vidéo afin de calculer, pour chaque trame d'un ensemble de trames figurant dans une séquence, un ensemble modifié d'échantillons de données, et ceci conformément aux valeurs pour cette trame d'un ensemble de paramètres de commande qui déterminent pour chaque trame une transformation spatiale d'une image représentée par l'ensemble d'entrée correspondant d'échantillons de données, le système de commande comprenant :
des moyens (1422, 1424, 1308, 1310) permettant de sélectionner ledit ensemble de trames dans la séquence ;
des moyens (1428, 1308, 1310) permettant de programmer un ensemble de noeuds, peu nombreux par rapport à l'ensemble de trames figurant dans la séquence, représentés par les trames sélectionnées et comprenant un noeud initial, un noeud final et au moins un noeud intermédiaire ;
des moyens (1410, 1426, 1308, 1310) permettant de déterminer des valeurs de paramètres de commande sélectionnés pour chacun des noeuds ; et
un contrôleur (1314) qui (1) enregistre les valeurs qui ont été déterminées pour les paramètres de commande sélectionnés pour chacun des noeuds ; et (2) calcule les valeurs pour chacun desdits paramètres de commande, pour des trames situées entre des noeuds successifs (a) conformément aux valeurs du paramètre de commande correspondant aux noeuds précédent et suivant et (b) conformément aux valeurs de la pente ou de la dérivée première du paramètre de commande correspondant aux noeuds précédent et suivant, de façon à ce que les transformations spatiales produisent un effet vidéo se modifiant sans cesse, de façon insensible.
6. Méthode de commande d'un système de transformation d'images (1300) afin de produire un effet vidéo complexe et variant constamment, s'étendant sur une séquence composée d'un ensemble de trames vidéo, se produisant sans changement incrémental brusque, comprenant les étapes suivantes :
sélection des variables de manipulation d'images pour l'effet vidéo et sélection dudit ensemble de trames dans la séquence ;
identification des noeuds correspondant aux trames sélectionnées dans la séquence, noeuds comprenant un premier noeud, un dernier noeud et au moins un noeud intermédiaire ;
enregistrement, pour chacun des noeuds, d'un ensemble de paramètres dont chacun définit, à chaque noeud, l'état d'une variable correspondante de manipulation d'images ;
calcul desdits paramètres pour des trames situées entre les noeuds, conformément aux valeurs du paramètre correspondant aux noeuds précédent et suivant et conformément aux valeurs de la pente ou de la dérivée première du paramètre auxdits noeuds précédent et suivant, afin ce faisant d'obtenir pour chaque trame figurant dans la séquence lesdites variables de manipulation d'images ; et
fourniture au système de transformation d'images, en tant que commandes de transformation, des variables de manipulation d'images ainsi calculées."
La revendication 1 ne se distingue de la la revendication 1 qui avait été rejetée que par la modification apportée à l'expression "en termes de" utilisée à deux reprises dans le dernier paragraphe de la revendication (après (a) et après (b)), qui devient à présent "conformément à". La revendication 6 est identique à la revendication 6 qui avait été déposée le 15 novembre 1990.
IV. A l'appui de sa requête, le requérant a fait valoir dans le mémoire exposant les motifs du recours que la division d'examen avait confondu les articles 83 et 84 CBE. Les conclusions tirées dans ce mémoire étaient les suivantes :
"Dans la décision attaquée, la division d'examen s'est gardée manifestement de discuter du prétendu manque de clarté eu égard au but assigné aux revendications". Le rejet n'a été prononcé essentiellement que sur la base de deux objections. La première est que la dernière partie de la revendication est "vague et mal définie car l'on ne voit pas clairement comment les valeurs doivent être calculées". La seconde est que "la revendication 1 devrait fournir les précisions nécessaires pour qu'un homme du métier puisse exécuter l'invention". Or, selon le requérant, ces deux objections ne suffisent pas pour prouver le manque de clarté. D'une manière générale, les termes employés sont ceux qui conviendraient pour une objection concernant le caractère insuffisant de l'exposé de l'invention ; dans la seconde objection, la division d'examen se borne pratiquement à paraphraser la règle 27(1)(e) qui prévoit que la "description doit indiquer en détail au moins un mode de réalisation de l'invention ...". Pour être plus précis, l'on peut dire que l'on ne trouve pas là trace d'un test applicable aux revendications, qui pourrait constituer un commencement de preuve de l'absence dans les revendications d'une caractéristique essentielle ou du défaut de clarté, s'agissant de l'expression des fonctions dans les revendications. C'est donc à tort, estime le requérant, qu'il a été fait référence à l'article 84 dans la décision de rejet."
En outre, le requérant a fait observer que, lors de la procédure orale, la division d'examen avait confirmé qu'il n'y avait pas lieu de soulever au titre de l'article 83 CBE une objection relative à l'insuffisance de l'exposé de l'invention.
Il avait été précisé que l'objection formulée par la division d'examen au sujet de la clarté ne concernait que le dernier paragraphe de la revendication 1. Le requérant a procédé à une analyse approfondie du paragraphe en question, analyse qui est reproduite ci-après :
"4.11. Le dernier paragraphe de la revendication 1 comporte trois parties, la première concernant l'enregistrement par le contrôleur (1314) et et les deux dernières son action d'interpolation. Si on les examine chacune tour à tour, l'on constatera que chacune d'entre elles constitue l'expression en termes clairs et appropriés d'une caractéristique technique indispensable.
4.12. Il est indiqué dans la première partie de la revendication que [le contrôleur] enregistre les valeurs déterminées des paramètres de commande sélectionnés pour chacun des noeuds. Cette partie, qui n'a pas donné lieu à des objections, traite brièvement de l'action du contrôleur telle qu'elle est exposée dans la description à la page 52, ligne 23, à la page 53, ligne 5, et, dans l'exemple précis qui a été donné, à la page 64, lignes 34 et 35 ainsi que dans d'autres passages.
4.13. Il est indiqué dans la seconde partie de la revendication que le contrôleur calcule des valeurs pour des trames situées entre des noeuds successifs (a) conformément aux valeurs aux noeuds précédent et suivant du paramètre de commande correspondant, ceci visant à exprimer de façon concise l'action qui dans la description a été décrite de plusieurs manières, à savoir :
(i) "Entre les moments choisis, [le contrôleur de haut niveau] interpole entre l'état précédent et l'état suivant pour chaque paramètre de commande" (cf. page 52, ligne 30).
(ii) "Interpolant entre les points fixés" (cf. page 52, ligne 35).
(iii) "Entre les noeuds, chaque paramètre fait l'objet d'une interpolation entre son état au noeud précédent et son état au noeud suivant, conformément [à une équation polynomiale du troisième degré dont les coefficients] sont calculés en termes de valeur du paramètre aux noeuds considéré et au noeud suivant et de valeur de la pente ou de la dérivée première du paramètre par rapport au temps aux noeuds considéré et au noeud [suivant]". (Cf. supra, page 53, lignes 21 à 32.) [c'est la Chambre qui souligne].
On peut observer qu'une interpolation n'a guère d'intérêt à moins qu'elle ne "soit effectuée conformément aux" valeurs du paramètre aux trames sélectionnées. L'interpolation effectuée dans la présente invention est analogue à la construction d'une partie interpolée pour un ensemble de points non colinéaires dans une trame bidimensionnelle dont les ordonnées sont connues pour un petit nombre de valeurs des abscisses, les valeurs du paramètre étant portées en ordonnées dans la présente invention, et le temps étant porté en abscisse. Il ne fait pas de doute que pour avoir un sens, l'interpolation doit tenir compte des valeurs connues.
4.14. La partie finale de la revendication 1 concerne le calcul des valeurs des paramètres "(b) conformément aux valeurs de la pente ou de la dérivée première du paramètre de commande correspondant aux noeuds précédent et suivant, de façon à ce que les transformations spatiales produisent un effet vidéo se modifiant sans cesse, de façon insensible".
4.15. Bien qu'il ne soit pas contesté que cette partie finale de la revendication se fonde correctement sur la description, sa pertinence pour ce qui est de l'objet revendiqué pourrait ne pas être aussi immédiatement apparente que ce n'est le cas pour la caractéristique précédente. Toutefois, il n'est pas difficile d'en constater l'importance, qui découle de la nature de l'effet recherché et des mathématiques élémentaires, comme le confirme l'ouvrage cité dans la demande.
4.16. L'effet recherché est une modification incessante et insensible. Les données de départ sont les valeurs du paramètre pour un nombre relativement limité de trames dans une séquence."
Poursuivant cette analyse, le requérant s'est référé à un manuel de de Boor, cité dans la description, afin de montrer que les techniques d'interpolation du type de celles mentionnées dans la revendication 1 et dans la description étaient connues depuis 1981 et se fondaient sur différentes méthodes d'interpolation. Le requérant a cité un exemple donné dans cet ouvrage (page 49), exemple dont il était affirmé qu'il était directement applicable à l'interpolation requise pour la présente invention. D'après cet exemple, "la partie interpolée correspond non seulement aux valeurs (enregistrées) du paramètre aux points fixés considérés, mais aussi à la dérivée première du paramètre aux points fixés considérés". Le requérant a affirmé que l'auteur du manuel était parti d'une technique d'interpolation connue sous le nom d'"interpolation linéaire par morceaux". Cette technique était néanmoins très grossière, et l'auteur indiquait par conséquent que :
"pour permettre à la fois une approximation plus continue et rendre l'analyse immédiate plus efficace, il faut procéder à une approximation polynomiale par morceaux avec des morceaux "d'ordre supérieur", et, en outre, que "le choix le plus courant" (bien que ce ne soit manifestement pas le seul - c'est le requérant qui ajoute cette remarque) "reste une fonction d'approximation cubique par morceaux."
Résumant son argumentation, le requérant a affirmé que (du point de vue des conditions posées à l'article 84 CBE), le texte de la revendication 1 était clair et définissait correctement la protection recherchée pour l'invention, et qu'il indiquait par ailleurs toutes les "caractéristiques essentielles" nécessaires, 1°) parce que toutes les caractéristiques présentées dans la description comme nécessaires pour l'exécution de l'invention figuraient dans la revendication 1 (c.-à-d. que la revendication se fondait à cet égard sur la description) et, 2°) parce qu'il avait été indiqué toutes les caractéristiques essentielles pour permettre de distinguer l'invention de l'état de la technique.
En outre, le requérant a fait observer que la décision attaquée n'avait pas rendu compte correctement de la situation juridique en ce qui concerne les revendications 6 et 7, déposées le 15 novembre 1990. A aucun moment, le requérant (demandeur) n'avait abandonné ces revendications.
V. Le requérant a donc demandé :
i) que la décision de la division d'examen soit annulée ;
ii) que la demande puisse aboutir à la délivrance d'un brevet sur la base des documents suivants :
revendications 1 à 7 telles que déposées le 2 novembre 1992,
texte de la description, pages 1 à 3, telles que déposées le 2 novembre 1992, et 4 à 91, telles que déposées le 15 juillet 1989,
feuilles de dessins 1 à 10 et 12 à 19, telles que déposées initialement, et feuille 11 telle que déposée le 15 juillet 1989 ;
iii) que la Chambre tienne une procédure orale au cas où elle ne pourrait accéder à la requête ii) ou à toute autre requête formulée dans le mémoire exposant les motifs du recours (le requérant avait déclaré dans ledit mémoire qu'il était prêt à modifier la rédaction des revendications, si la Chambre le jugeait nécessaire, en remplaçant, par. ex., "conformément à" au dernier paragraphe de la revendication 1 par "en fonction de" ou "en réponse à").
Motifs de la décision
1. Le recours est recevable.
2. Aux termes de la décision attaquée, la demande a été rejetée par la division d'examen au motif que :
"la demande ne répond pas aux exigences de l'article 84 CBE, car la revendication 1 n'est pas claire".
Afin de pouvoir trancher cette question, il est nécessaire d'établir en quoi consiste l'essence de l'invention.
3. La division d'examen n'ayant mentionné aucune antériorité dans la décision attaquée, la Chambre estime que le problème technique identifié par le requérant doit être considéré comme étant le problème objectif que l'invention doit résoudre. Dans son mémoire exposant les motifs du recours, le requérant a estimé que le premier paragraphe de la revendication 1 définissait le point de départ de l'invention, et que donc le problème qui se posait concernait
"la manière dont pourrait être obtenue une séquence répétable de paramètres de commande d'un système de transformation d'images, .... exploitable pour agir sur des ensembles d'entrée d'échantillons de données représentant des trames vidéo afin de calculer un ensemble modifié d'échantillons de données pour chaque trame d'un ensemble de trames dans une séquence, et cela conformément aux valeurs pour cette trame d'un ensemble de paramètres de commande qui déterminent pour chaque trame une transformation spatiale d'une image représentée par l'ensemble d'entrée correspondant d'échantillons de données".
A première vue, comme l'a noté le requérant, il semble nécessaire de déterminer et d'enregistrer un grand nombre de paramètres de commande pour une séquence de transformation. Toutefois, selon l'invention, il est possible d'obtenir une représentation suffisamment précise de la transformation en n'enregistrant les valeurs des paramètres de commande que pour un petit nombre de trames sélectionnées ("noeuds") et en interpolant les valeurs pour les trames situées entre les "noeuds".
La Chambre estime que, dans la revendication 1, les trois paragraphes qui suivent le premier paragraphe servant d'introduction sont rédigés en termes parfaitement clairs. Ils précisent que le système de commande doit comporter des moyens permettant (1) de sélectionner toutes les trames d'une séquence, (2) de programmer lesdits noeuds, qui sont peu nombreux par rapport à l'ensemble des trames d'une séquence, et (3) de fixer les valeurs des paramètres de commande sélectionnés pour lesdits "noeuds". De fait, il ne semble pas jusqu'ici que la division d'examen ait considéré que les paragraphes en question manquaient de clarté.
La Chambre pense que c'est le troisième paragraphe de la revendication 1 qui expose l'idée-clé de l'invention, à savoir que seuls sont programmés les "noeuds" (peu nombreux par rapport au nombre de trames). Les caractéristiques mentionnées au dernier paragraphe de la revendication 1 montrent comment cette idée est réalisée dans la pratique. L'on ne peut considérer comme une véritable caractéristique technique l'enseignement des deux dernières lignes de cette revendication, qui indiquent seulement le résultat que l'on cherche à obtenir par l'invention. Néanmoins, elles fixent en gros les conditions et les limites dans lesquelles doivent s'effectuer les calculs mentionnés dans la première partie du paragraphe.
Comme cela a été montré plus haut, la revendication 1 est claire en ce sens que sa rédaction est claire et ne prête pas à malentendu. La Chambre pense donc que dans cette affaire il a été satisfait aux exigences énoncées dans la première partie de la seconde phrase de l'article 84 CBE, à savoir qu'"elles (les revendications) doivent être claires et concises".
4. Selon la décision attaquée, la revendication 1 manque de clarté, notamment "parce que l'on ne voit pas clairement comment les valeurs des paramètres de commande pour les trames situées entre des noeuds successifs sont calculées en termes de valeurs à ces noeuds des paramètres de commande correspondants et de leurs dérivées". Sur ce point, la Chambre est parvenue à la conclusion opposée :
Selon l'article 84 CBE, première phrase, dans une demande de brevet européen, "les revendications définissent l'objet de la protection demandée". Une revendication a donc pour fonction première de fixer l'étendue de la protection demandée pour une invention. Il en résulte qu'il n'est pas toujours nécessaire qu'une revendication définisse en détail des caractéristiques ou des étapes techniques. La Chambre ne peut donc se rallier à l'avis de la division d'examen qui avait déclaré dans sa décision que "pour que la revendication 1 soit claire, il faudrait qu'elle expose les calculs nécessaires avec suffisamment de détails pour qu'un homme du métier puisse exécuter l'invention sans avoir à faire preuve d'esprit inventif". La Chambre estime qu'il suffit que la demande considérée dans son ensemble (c'est-à-dire les revendications plus la description et les dessins) expose les caractéristiques essentielles d'une invention (en l'espèce les calculs) avec suffisamment de détails pour qu'un homme du métier puisse exécuter l'invention. Or, c'est là une condition exigée à l'article 83, et non à l'article 84 CBE.
Le contenu des revendications doit satisfaire aux conditions requises par l'article 84 et la règle 29 CBE. Aux termes de l'article 83 CBE, c'est dans la demande considérée dans son ensemble (comprenant les revendications, la description et les dessins), et non dans une revendication en tant que telle que "l'invention doit être exposée de façon suffisamment claire et complète".
5. Toutefois, la Chambre, se ralliant par ailleurs à l'interprétation donnée par le requérant de la seconde partie de la seconde phrase de l'article 84 CBE (pour ce qui est de l'exigence selon laquelle les revendications doivent se fonder sur la description, voir point IV supra), considère que toutes les caractéristiques présentées dans la description comme nécessaires pour l'exécution de l'invention (caractéristiques essentielles) doivent être reprises dans une revendication correspondante (cf. T 32/82, JO OEB 1984, 354).
Les caractéristiques nécessaires pour résoudre le problème technique sur lequel porte la demande doivent donc être exposées dans la revendication. Au cours de la procédure devant une division d'examen, il arrive souvent que des documents pertinents soient cités, ce qui amène à modifier les éléments essentiels de l'invention revendiquée, si bien que le problème à résoudre par l'invention doit lui aussi être posé sous une forme modifiée. En pareil cas, il est souvent nécessaire d'ajouter de nouvelles caractéristiques essentielles dans la revendication afin d'indiquer clairement la solution et de permettre de distinguer l'invention de l'état de la technique.
Dans la présente affaire, les caractéristiques essentielles qui dans la revendication 1 actuelle permettraient de distinguer l'invention de l'état de la technique ne peuvent être définies à la lumière de documents pertinents, la division d'examen, n'ayant pas cité de tels documents. Toutefois, si l'on admet que l'état de la technique et le point de départ de l'invention sont ceux qui ont été proposés par le requérant, il apparaît alors (cf. point 3 supra) que l'invention consiste essentiellement à créer des noeuds à partir desquels doivent être calculées d'une façon ou d'une autre d'autres valeurs de paramètres. Etant donné qu'il n'a pas été opposé à la présente demande d'antériorité pertinente qui rendrait connue l'interpolation entre des noeuds dans ce qui peut être considéré comme étant le domaine technique dont relève la présente invention, ou un domaine proche, il semble de prime abord, au stade actuel de la procédure, que l'objet de la revendication 1 se distingue clairement de l'état de la technique cité par le requérant. De l'avis de la Chambre, l'article 84 CBE n'exige pas d'autre définition de l'invention ni que l'invention puisse être distinguée de l'état de la technique dans la revendication. Il suffit pour cela que la revendication comporte des caractéristiques fonctionnelles.
6. Comme l'a suggéré le requérant (cf. les quatre dernières lignes du point IV supra), il ressort de la décision attaquée que la division d'examen a considéré par erreur que les revendications 6 et 7, déposées le 15 novembre 1990, avaient été abandonnées, si bien qu'elle n'a pas examiné plus avant ces revendications. La Chambre considère que la revendication indépendante 6 vise, en principe, à définir une méthode correspondant au système divulgué dans la revendication 1. Toutefois, le texte de la revendication 6 n'a pas encore été adapté pour être mis en accord avec le texte de l'actuelle revendication 1.
7. La Chambre estimant que le requérant devrait pouvoir obtenir que deux instances examinent si sa demande répond à toutes les exigences de la CBE, elle décide, usant en cela du pouvoir d'appréciation qui lui a été reconnu par l'article 111(1) CBE, de renvoyer l'affaire à la division d'examen, à charge pour celle-ci de poursuivre l'examen de la demande.
La Chambre fait observer à ce propos que, aux termes de la décision attaquée, le seul motif de rejet était le manque de clarté de la revendication 1.
C'est aussi le seul point que la Chambre a tranché dans la présente décision : elle estime qu'au stade actuel de la procédure, le texte de la revendication 1 qui lui a été soumis satisfait aux exigences de l'article 84 CBE, la revendication 1 étant claire et concise. Cependant, pour rendre cette décision, la Chambre s'est fondée en grande partie sur les déclarations du requérant.
Ne souhaitant pas priver le requérant d'un examen de sa demande par deux instances et considérant que les chambres de recours ont avant tout à statuer sur les recours et non à procéder à l'examen des demandes de brevet européen, la Chambre n'a pas cherché à savoir si le texte actuel de la demande répond aux conditions visées à l'article 76(1) CBE (contenu ne s'étendant pas au-delà de celui de la demande initiale), à l'article 84 CBE, seconde partie de la deuxième phrase (fondement de la revendication sur la description), et à l'article 123(2) CBE (modifications pouvant être apportées à une demande divisionnaire), et n'a pas examiné non plus dans quelle mesure l'invention qui a été revendiquée pourrait tomber sous le coup des exclusions prononcées à l'article 52(2) CBE.
Au cas où il serait nécessaire d'examiner l'invention sous l'aspect de l'activité inventive, la Chambre voudrait faire observer que, dans sa notification du 8 mai 1985, la division d'examen chargée de l'affaire avait estimé que l'objet de la revendication 22 modifiée de la demande initiale qui avait été publiée, objet qui est à présent au centre de la revendication 1 actuelle, avait un caractère évident pour l'homme du métier, eu égard aux antériorités qui avaient été citées au cours de la procédure.
8. En ce qui concerne la requête en procédure orale que le requérant a présentée pour le cas où la Chambre ne pourrait autoriser la délivrance d'un brevet sur la base de ses requêtes, la Chambre note qu'en l'état actuel des choses, puisqu'il n'a pas encore été procédé à l'examen en règle de la demande du point de vue de toutes les conditions exigées par la CBE, mis à part celles visées à l'article 84, il ne semble ni approprié ni opportun de citer le requérant à une procédure orale devant la Chambre. Lorsqu'une chambre renvoie une affaire devant la première instance, comme c'est le cas en l'espèce, elle risquerait, en acceptant de tenir une procédure orale, de préjuger de la décision à rendre par la première instance.
Dispositif
Par ces motifs, il est statué comme suit :
1. La décision attaquée est annulée.
2. L'affaire est renvoyée devant la première instance pour suite à donner sur la base des pièces de la demande énumérées ci-dessus au point V(ii).