CHAMBRES DE RECOURS
Décisions des Chambres de recours techniques
Décision de la Chambre de recours technique 3.3.1, en date du 21 octobre 1993 - W 3/93 - 3.3.1
(Traduction)
Composition de la Chambre :
Président : | K. Jahn |
Membres : | R. Spangenberg |
| J. Stephens-Ofner |
Demandeur : N.N.
Référence : Restitutio
Article : 48(2) et 17(3)a) PCT ; 122 CBE
Mot-clé : "Restitutio in integrum après décision passée en force de chose jugée rendue par la chambre de recours rejetant pour non-observation d'un délai une réserve selon la règle 40.2 c) PCT (oui)" - "Réserve recevable" - "Absence d'unité a priori (non)"
Sommaire
I. Suivant les principes développés par la Grande Chambre de recours dans la décision G 1/83 pour l'interprétation de la CBE (JO OEB 1985, 60, points 5 et 6 des motifs), il y a lieu d'interpréter l'article 48(2) PCT en ce sens qu'en cas de non-observation du délai visé à la règle 40.3 PCT l'on dispose des mêmes voies de recours que lorsque d'autres délais comparables prévus par le PCT ou la CBE n'ont pas été observés (point 1.1 des motifs) (cf. également W 4/87, JO OEB 1988, 425, point 7 des motifs).
II. La restitutio in integrum permet de rétablir la situation juridique existant antérieurement à la décision constatant l'irrecevabilité de la réserve, c'est-à-dire qu'elle casse la force de chose jugée de la décision de sorte qu'il n'est pas nécessaire d'annuler ou de réformer cette dernière (point 2.4 des motifs).
III. La procédure de réserve prévue à la règle 40.2 PCT permet de vérifier si l'invitation à payer des taxes est justifiée quant au fond ; par conséquent, il faut en cela se borner à examiner si, compte tenu des raisons avancées par l'administration chargée de la recherche internationale (ACRI) et à la lumière des motifs de la réserve, le prélèvement de taxes additionnelles pour la recherche est justifié. La Chambre ne peut donc pas examiner d'office si une objection relative à l'absence d'unité pourrait être justifiée pour d'autres raisons que celles ayant été invoquées (point 4 des motifs).
Exposé des faits et conclusions
I. Dans une notification du 4 juillet 1992 (date d'envoi), l'OEB agissant en qualité d'administration chargée de la recherche internationale au sens du PCT (appelée ci-après ACRI) a invité le demandeur à payer pour sa demande euro-PCT une taxe additionnelle pour la recherche, d'un montant de 2 200 DEM, conformément à l'article 17(3)a) en liaison avec la règle 40.1 PCT, dans un délai de 30 jours à compter de ladite date d'envoi.
La demande euro-PCT porte sur des esters et des phosphatides des vitamines D et E. L'ACRI a estimé que les dérivés de la vitamine D, d'une part, et ceux de la vitamine E, d'autre part, constituaient deux inventions dont "les objets définis par les problèmes et leurs solutions" devaient être considérés comme différant tellement l'un de l'autre qu'il n'existait pas de relation technique ou d'interaction formant un seul concept inventif général.
II. Le 18 août 1992 (date de l'inscription au crédit du compte de l'OEB), le demandeur a acquitté la taxe additionnelle pour la recherche. Dans une télécopie adressée à l'OEB le 15 août 1992 et confirmée le 18 août 1992, le demandeur a déclaré payer la taxe additionnelle pour la recherche sous réserve (règle 40.2 c) PCT). Pour motiver la réserve, il a invoqué le fait que les deux groupes de substances mentionnés par l'ACRI étaient liés par une caractéristique commune, à savoir qu'ils étaient adaptés à un nouveau concept de traitement des tumeurs.
III. Le 26 novembre 1992, l'ACRI a envoyé au demandeur le rapport de recherche internationale qui couvrait les parties de la demande pour lesquelles la taxe additionnelle pour la recherche avait été payée, accompagné d'une réponse aux critiques formulées par le demandeur à propos de l'exécution tardive de la recherche, dans les termes suivants :
"Le traitement tardif de la demande et de la correspondance qui lui a fait suite est une faute imputable à l'administration chargée de la recherche internationale, et nous déclarons par la présente que tous les droits du demandeur sont maintenus."
IV. Le 21 mai 1993, la Chambre, agissant en qualité de comité au sens de la règle 40.2 c) PCT, a rejeté la réserve comme irrecevable en raison de sa présentation tardive. La décision de rejet a été envoyée au demandeur le 1er juillet 1993.
V. Le 31 juillet 1993, le demandeur a formulé une requête en restitutio in integrum quant au délai de présentation de la réserve et payé la taxe prévue par la CBE pour une telle requête. A l'appui de sa requête, il a déclaré que si l'invitation de l'ACRI à payer une taxe additionnelle portait bien la date du 4 juillet 1992, elle n'avait en fait été envoyée par l'ACRI à son mandataire que le 3 août 1992. C'est pour cette raison qu'il n'avait pas été en mesure de respecter le délai de 30 jours courant à compter du 4 juillet 1992.
VI. Le 12 août 1993, le dossier concernant la requête en restitutio a été transmis à la Chambre de recours. Il contient une pièce établie par l'Office dont il ressort que l'invitation à payer émanant de l'ACRI a été envoyée le 3 août 1992 (page 132 du dossier).
Motifs de la décision
1. La requête du 31 juillet 1993 tend au rétablissement du demandeur dans ses droits quant au délai prescrit par l'ACRI pour présenter une réserve conformément à l'article 17(3)a) et à la règle 40.1 PCT et tend par conséquent aussi à l'examen de cette réserve.
1.1 L'article 48(2) PCT permet d'excuser des retards dans l'observation d'un délai. L'article 48(2) a) PCT régit les cas où le retard doit être excusé pour des motifs admis par la législation nationale d'un Etat contractant. Il est indiqué à la règle 82bis.1 ii) PCT qu'un délai au sens de l'article 48(2) PCT s'entend également d'un délai fixé par l'ACRI. Selon la règle 82bis.2 PCT, les dispositions qui permettent d'excuser les retards dans l'observation des délais sont, entre autres, les dispositions de l'"Etat désigné ou élu" qui prévoient la restitutio in integrum. Conformément à l'article 2 x), xii), xiii) et xiv), une administration intergouvernementale comme l'OEB peut être un office désigné ou élu (cf. art. 153 et 156 CBE) au sens de ces dispositions. En l'espèce, où c'est le délai visé à l'article 17(3)a) et à la règle 40.3 PCT qui est en cause, ce n'est pas l'OEB en qualité d'office désigné ou élu mais l'OEB en qualité d'ACRI (art. 16(1) PCT ensemble l'art. 154 CBE ou, conformément à la règle 40.2 c) PCT ensemble l'article 154(3) CBE, la chambre de recours en tant qu'"instance spéciale" de l'ACRI qui a compétence. Toutefois, à supposer que le délai fixé par l'ACRI conformément à la règle 40.3, qui est déterminant en l'espèce, ne soit pas couvert par le texte de l'article 48(2) PCT, la voie de recours de la restitutio in integrum serait exclue pour ce délai. La Chambre est cependant convaincue qu'une telle exclusion précisément pour ce délai serait non seulement inéquitable mais contredirait l'objectif et la raison d'être des dispositions de l'article 48 PCT et de la règle 82bis.1 ii) qui l'éclaire, laquelle se rapporte à tous les délais fixés par l'ACRI et dont on ne peut déduire que le délai en cause occupe une place à part. Suivant les principes développés par la Grande Chambre de recours dans la décision G 1/83 pour l'interprétation de la CBE (JO OEB 1985, 60, en particulier points 5 et 6 des motifs), et notamment au regard des efforts d'harmonisation des dispositions internationales de la CBE et du PCT, la Chambre interprète donc l'article 48(2) PCT en ce sens qu'en cas de non-observation du délai visé à la règle 40.3 PCT, l'on dispose des mêmes voies de recours que lorsque d'autres délais comparables prévus par le PCT ou la CBE n'ont pas été observés (cf. également W 4/87, JO OEB 1988, 425, point 7 des motifs). Aussi convient-il en l'espèce d'appliquer les dispositions de l'article 122 CBE valant pour l'OEB.
1.2 Dans sa décision du 21 mai 1993 passée en force de chose jugée, la Chambre a constaté que la réserve présentée par le demandeur contre l'invitation à payer la taxe envoyée par l'ACRI, portant la date du 4 juillet 1992, est irrecevable pour non-observation de délai. Comme cela a été expliqué ci-avant, la voie de recours contre cette décision qu'offre la restitutio in integrum est autorisée au sens de l'article 48(2) et de la règle 82bis.2 PCT ensemble l'article 122(1) CBE. La requête en restitutio in integrum a été présentée dans les délais et en bonne et due forme et la taxe prescrite acquittée, conformément aux dispositions applicables. La requête est donc recevable. La Chambre étant compétente pour statuer sur la réserve, elle l'est aussi pour examiner la requête en restitutio in integrum (art. 122(4) CBE).
2. Par conséquent, la Chambre doit déterminer si c'est bien qu'ayant fait preuve de toute la vigilance nécessitée par les circonstances que le demandeur n'a pas été en mesure d'observer le délai sur le non-respect duquel la décision de la Chambre du 21 mai 1993 est fondée.
2.1 A cet égard, le demandeur fait valoir que l'invitation à payer la taxe, à compter de laquelle le délai commence à courir, ne lui a pas été envoyée à la date qui y est indiquée, à savoir le 4 juillet 1992, mais le 3 août 1992, de telle manière qu'il n'a pas pu réagir "en temps voulu", c'est-à-dire dans un délai de 30 jours à compter de la date d'envoi indiquée, mais seulement dans un délai de 30 jours à compter de la date d'envoi réelle, qui était le 3 août 1992.
2.2 La Chambre n'a eu connaissance de ces faits ni à la lecture de la réserve, ni d'après le dossier qui lui a été remis avec la réserve. Toutefois, leur exactitude ressort des documents internes transmis à la Chambre le 12 août 1993 avec le dossier concernant la requête en restitutio in integrum. Les procédures devant les instances prévues par le PCT et la CBE sont des procédures de type judiciaire qui supposent que tous les faits importants soient consignés dans le dossier et que l'ensemble des pièces au dossier soient communiquées à ces instances. L'inobservation de ce principe par l'ACRI constitue un grave vice de procédure.
2.3 Les faits exposés prouvent d'emblée que le demandeur n'a pas pu observer le délai de 30 jours courant à compter du 4 juillet 1992, pour des motifs dont seule l'ACRI était responsable et sur lesquels il ne pouvait avoir aucune influence. Il convient donc de faire droit à la requête en restitutio in integrum.
2.4 Accorder la restitutio in integrum permet de rétablir la situation juridique existant antérieurement à la constatation de la perte d'un droit due à la non-observation d'un délai. La décision basée sur la non-observation d'un délai, rendue par la Chambre de recours le 21 mai 1993, est donc caduque même si elle a été passée en force de chose jugée. En d'autres termes, la restitutio in integrum casse la force de chose jugée de la décision de sorte qu'il n'est pas nécessaire d'annuler ou de réformer cette dernière. La réserve est donc recevable et doit être examinée au fond.
3. A l'appui de son objection relative à l'absence d'unité de l'invention, l'ACRI n'invoque pas l'état de la technique mentionné dans la demande de brevet ou déterminé lors de la recherche. Il s'agit donc d'une objection "a priori" au sens du chapitre VII, 9 des directives concernant la recherche internationale selon le PCT.
3.1 Les motifs de ladite objection sont énoncés dans l'invitation à payer la taxe de façon si concise et générale qu'ils ne font que reprendre en d'autres termes le contenu de la règle 13.1 PCT. Selon la jurisprudence constante des chambres de recours, de telles indications générales ne satisfont que dans des cas exceptionnels à l'obligation qui est faite par la règle 40.1 PCT de préciser les raisons de l'absence d'unité (cf. par exemple W 4/85, JO OEB 1987, 63 et W 7/86, JO OEB 1987, 67). Toutefois, le demandeur ayant en l'espèce quand même pu se prononcer sur le fond, la Chambre estime que l'invitation à payer une taxe additionnelle était encore suffisamment motivée.
3.2 De l'avis de la Chambre, les indications données par l'ACRI pour démontrer l'absence d'unité de la demande, qui ne contiennent aucune analyse du problème technique à résoudre par l'invention (cf. W 11/89, JO OEB 1993, 225), peuvent uniquement signifier que l'ACRI souhaitait ne faire reposer son objection que sur les différences de structure entre les dérivés de la vitamine D revendiqués, d'une part, et ceux de la vitamine E, d'autre part.
Ces différences de structure fondamentale sont indubitablement importantes ; en effet, la vitamine D est un composé stéroïde tandis que la vitamine E (tocophérol) est un dérivé du chromane. S'il existe un certain point commun au niveau de la structure, cela est dû uniquement à la présence d'un groupe QH estérifié. Les acides carboxyliques et phosphoriques utilisés pour l'estérification appartiennent également à des classes de composés différentes. Toutefois, ces faits ont pour unique conséquence que la demande ne porte pas sur une seule invention mais sur une pluralité d'inventions.
Une telle pluralité d'inventions peut également, conformément à la règle 13.1 PCT, être revendiquée dans une demande si elle forme un seul concept inventif. Or l'ACRI n'a pas expliqué pourquoi cette condition n'est pas remplie en l'espèce. De plus, emportant la conviction de la Chambre, le demandeur a indiqué que la demande est fondée sur un tel concept inventif unique, à savoir un nouveau concept de traitement des tumeurs. Les raisons invoquées par l'ACRI pour justifier l'invitation à payer une taxe additionnelle pour la recherche ne résistent donc pas à ce nouvel examen.
4. La procédure de réserve prévue à la règle 40.2 c) PCT permet de vérifier si l'invitation à payer des taxes est justifiée quand au fond ; par conséquent, il faut en cela se borner à examiner si, compte tenu des raisons avancées par l'ACRI et à la lumière des motifs de la réserve, le prélèvement de taxes additionnelles pour la recherche est justifié. La Chambre ne peut donc pas examiner d'office si une objection relative à l'absence d'unité pourrait être justifiée pour d'autres raisons que celles ayant été invoquées, par exemple en prenant en considération les documents trouvés lors de la recherche ou en procédant à une analyse détaillée du problème technique objectivement résolu. Par conséquent, une objection portant sur l'absence d'unité de l'invention pourrait de nouveau être soulevée, avec d'autres raisons à l'appui, lors d'une éventuelle procédure ultérieure au titre du chapitre II du PCT.
Dispositif
Par ces motifs, il est statué comme suit :
1. Il est fait droit à la requête du demandeur en restitutio in integrum quant au délai de présentation de sa réserve contre l'invitation à payer une taxe additionnelle pour la recherche, en date du 4 juillet 1992.
2. Le remboursement de la taxe additionnelle acquittée pour la recherche est ordonné.