CHAMBRES DE RECOURS
Décisions de la Chambre de recours juridique
Décision de la Chambre de recours juridique en date du 16 décembre 1992 - J 15/91 - 3.1.1
(Traduction)
Composition de la Chambre:
Président: | C. Payraudeau |
Membres: | W.M. Schar |
| J.P.B. Seitz |
Demandeur: ...
Référence: Compétence de la chambre de recours
Article: 12(1), 18(2), 31(3), 31(6)a), 34(1) PCT ; 150(2) CBE
Règle: 40.2 c), 68.3 c) PCT
Mot-clé: "Compétence des chambres de recours dans les procédures au titre du PCT"
Sommaire
I. Les chambres de recours de l'OEB ne sont pas compétentes pour examiner des recours dirigés contre des actes que l'OEB a accomplis en qualité d'administration chargée de l'examen préliminaire international (IPEA) au sens du PCT (confirmation de la décision J 20/89, JO OEB 1991, 375, 378).
Cela vaut même si l'OEB a déjà agi, pour la même demande internationale, en qualité d'office récepteur au sens du PCT.
II. Il n'y a pas lieu, en l'occurrence, de se prononcer sur la question de la compétence des chambres de recours de l'OEB pour examiner des recours formés contre l'OEB agissant en qualité d'office récepteur au sens du PCT.
Exposé des faits et conclusions
I. Le 3 novembre 1989, le requérant a déposé auprès du département de La Haye de l'Office européen des brevets une demande internationale, ci-après "demande de brevet", au titre du PCT dans laquelle les Etats désignés étaient l'Australie (pour un "petty patent"), ainsi que l'Allemagne, le Japon, la République de Corée et le Burkina Faso (dans chaque cas pour un modèle d'utilité). Il ressort du dossier, à savoir de la copie du formulaire de règlement des taxes ou encore de l'accusé de réception des documents de la demande (OEB Form 1010), qu'entre autres la taxe de recherche et la taxe d'examen préliminaire international ont été payées à cette même date.
II. Le rapport de recherche internationale a été établi par l'OEB et envoyé au demandeur le 22 février 1990. La demande a été publiée le 17 mai 1990.
III. Par lettre en date du 4 mai 1991 (reçue le 6 mai 1991), le demandeur a adressé à l'OEB les formulaires de demande d'examen préliminaire international.
IV. Par lettre en date du 6 mai 1991 et reçue le jour même, le demandeur a présenté à l'Office européen des brevets à Munich une requête en rectification, ainsi qu'une requête en restitutio in integrum.
Le mandataire agréé du demandeur a déclaré qu'il avait payé la taxe d'examen de 2 120 DEM dans les délais, c'est-à-dire lors du dépôt de la demande de brevet, qu'il fallait y voir une demande d'examen préliminaire international et que la désignation d'Etats conformément à la demande PCT devait être considérée en l'espèce comme une élection d'Etats pour l'examen préliminaire international. Il a ajouté que sa secrétaire ayant, sur ses instructions, téléphoné à plusieurs reprises au service d'information de l'OEB pour demander s'il ne fallait rien entreprendre d'autre au sujet de la demande d'examen, on lui avait répondu par la négative ; il a proposé d'en fournir la preuve par une "déclaration sous la foi du serment".
V. Le 12 juillet 1991, l'OEB a adressé une notification au demandeur (formulaire "PCT/IPEA/424 (janvier 1985)") dans laquelle l'expéditeur était mentionné comme étant l'"Administration chargée de l'examen préliminaire international" (IPEA) et qui constatait pour l'essentiel, que
a) la demande d'examen préliminaire international était parvenue à l'OEB après l'expiration du délai de 19 mois à compter de la première date de priorité, contrairement à ce qui est prévu à l'article 39(1)a) PCT ;
b) bien que la demande d'examen eût été valablement présentée, le demandeur ne pouvait, à cause de ce retard, bénéficier du report du début de la phase régionale/nationale à trente mois à compter de la première date de priorité (art. 39(1)a) PCT) ;
c) en cas de retrait de la demande d'examen avant le début de l'examen, 75% de la taxe acquittée seraient remboursés.
Il ne pouvait être fait droit à la requête en rectification visant à transformer le paiement de la taxe d'examen en une demande d'examen, étant donné l'absence de la forme prescrite pour cette dernière (art. 31(3), deuxième phrase ; règle 53.1 a) PCT) et de l'indication d'au moins un Etat élu parmi les Etats désignés dans la demande internationale (art. 31(4)a) ; règle 53.2 PCT). Renvoyant à la décision J 12/82 (JO OEB 1983, 221), l'OEB a également constaté que le seul paiement d'une taxe ne saurait tenir lieu de formulation en temps utile d'une requête.
VI. Le 9 août 1991, le demandeur a formé un recours (reçu le 12 août 1991) contre la notification de l'OEB en date du 12 juillet 1991 et a payé en même temps la taxe de recours ; il a formulé les conclusions suivantes :
1) qu'il soit constaté que la demande d'examen est parvenue à l'OEB agissant, en l'espèce, en qualité d'IPEA ;
2) (à titre subsidiaire) qu'il soit invité à remédier, dans un délai à faire courir par l'OEB, aux éventuelles irrégularités de sa demande d'examen du 3 novembre 1989 ;
3) (plus subsidiairement encore) qu'une procédure orale soit fixée en cas de rejet des requêtes 1 et 2.
A l'appui du recours, le demandeur a exposé, pour l'essentiel, les motifs suivants:
Du point de vue de la procédure :
Le recours est recevable puisqu'il n'a pas été fait droit aux prétentions du requérant et qu'en l'espèce l'OEB, contrairement à l'affaire J 20/89 dans laquelle la chambre avait statué dans un sens opposé en se fondant sur les dispositions de l'article 150(2) CBE et des règles 40.2)c) et 68.3)c) PCT en ce qui concerne la compétence de l'OEB agissant en qualité d'IPEA, a agi non seulement en qualité d'IPEA mais aussi d'office récepteur, ce qui donne la possibilité de former recours conformément à l'article 152(1) CBE ensemble les articles 150(2) et 106 sqq CBE.
Du point de vue du fond :
Le requérant a repris pour l'essentiel les motifs exposés dans sa lettre du 6 mai 1991 (voir sous point IV supra).
VII. Dans une lettre datée du 17 mars 1992, le requérant a répondu à une notification de la Chambre du 10 février 1992 concernant la question de la compétence, en invoquant de nouveau l'article 150(2) CBE, lequel dispose que des demandes internationales peuvent faire l'objet de procédures devant l'Office européen des brevets. Dans la mesure où l'OEB agit en qualité d'office récepteur PCT, il doit aussi recevoir une demande d'examen préliminaire international au titre du PCT. De surcroît, l'article 150(2) CBE suppose qu'en outre les actes de l'OEB puissent être contrôlés par rapport à la notion de l'Etat de droit. Par conséquent, il devrait être possible de faire jouer aussi les dispositions de l'article 106 sqq CBE concernant le recours.
VIII. Une procédure orale, qui devait se limiter dans un premier temps à la question de la compétence de la Chambre pour examiner le présent recours, a eu lieu le 16 novembre 1992.
Lors de cette procédure, le requérant a maintenu ses requêtes formulées dans l'acte de recours et complété ou précisé sa première requête subsidiaire en ce sens qu'il a expressément demandé de faire dater du 3 novembre 1989 la suppression des irrégularités concernant la demande d'examen ; il a présenté en outre une nouvelle requête subsidiaire visant à ce que la Grande Chambre de recours soit saisie de la question de la compétence.
Dans les motifs qu'il a exposés à titre complémentaire au sujet de la compétence des chambres de recours, le requérant s'est aussi référé à R. Singer, "Europäisches Patentübereinkommen" (Cologne 1989), ad article 150, p. 700, point 3, 2e alinéa, où l'on peut lire en substance que "des demandes internationales peuvent en outre être également traitées à l'OEB dans les procédures spécialement prévues pour ces demandes, par exemple lorsque l'OEB agit comme office récepteur et administration chargée de la recherche dans le cadre du PCT pour des demandes qui ne sont pas des demandes européennes ou des demandes euro-PCT", ainsi qu'au Guide du déposant du PCT, vol. I, édition de 1991, p. 28, point 163, où il est dit notamment que "le PCT ne prévoit aucune procédure d'appel ni de requête pendant la phase internationale" et où il est ajouté que "certains tribunaux nationaux ou chambres de recours ont accepté des appels interjetés contre des décisions prises par des offices nationaux ou régionaux en leur qualité d'office récepteur". Enfin, le requérant a également invoqué l'article 125 CBE pour affirmer la compétence des chambres de recours.
Motifs de la décision
1. Le recours est dirigé contre une notification que l'OEB a établie au titre du Chapitre II du Traité de coopération en matière de brevets (PCT), en sa qualité d'administration chargée de l'examen préliminaire international (IPEA).
Le recours et la taxe de recours sont parvenus à l'OEB dans un délai de deux mois à compter de la signification de la notification contestée. Avant d'examiner les autres critères de recevabilité, la Chambre se posera en l'espèce la question de sa compétence.
2. Dans une précédente décision (J 20/89, JO OEB 1991, 375, 378, point 2), la Chambre a constaté qu'elle n'était pas compétente pour examiner des actes d'une IPEA qui ne concernent pas une invitation à payer des taxes additionnelles ou une réserve à l'encontre de celle-ci selon la règle 68.3 c) PCT.
Or, faisant référence à cette décision, le requérant estime que la Chambre est compétente en la présente espèce car, pour la demande de brevet concernée, l'OEB n'a pas agi comme alors uniquement en qualité d'IPEA, mais aussi, préalablement, en tant qu'office récepteur. Le requérant ne tient cependant pas compte du fait que l'activité des instances de l'OEB qui agissent en tant qu'administrations au sens du PCT en s'appuyant sur les dispositions de ce Traité est limitée aux actes qui y sont prévus.
Le PCT prévoit entre autres, implicitement, deux phases principales, à savoir la "phase internationale" et la "phase nationale", l'étape de l'examen préliminaire international entrant dans le cadre de la phase internationale (cf. notamment Mousseron J.M., Traités des Brevets, Paris 1984, p. 961, point 1001 et Guide du déposant du PCT, vol. I, édition de 1991, p. 2, points 10-13).
En vertu de l'article 34(1) PCT, la procédure au sein de l'administration chargée de l'examen préliminaire international (IPEA) est déterminée en premier lieu par ce Traité, en second lieu par son règlement d'exécution et en troisième lieu par l'accord que le Bureau international conclut, conformément au PCT et au règlement d'exécution, avec cette administration.
La règle 68.3c) PCT, ensemble l'article 34 PCT, confère la compétence d'examen à un "comité de trois membres", ou "toute autre instance spéciale de l'administration chargée de l'examen préliminaire international", ou "toute autorité supérieure compétente". L'article 3 de l'"Accord entre l'OEB et l'OMPI concernant le PCT" du 7 octobre 1987, entré en vigueur le 1er janvier 1988 (JO OEB 1987, 515), dispose que cette fonction ou compétence, incluse dans le transfert de compétence pour l'ensemble de l'activité d'IPEA, a été transmise à l'Office européen des brevets. En vertu de l'article 155(3) CBE, cette fonction ou compétence a été attribuée aux chambres de recours de l'OEB. La règle 68.3c) PCT tout comme l'article 155(3) CBE concernent ainsi le seul cas de l'examen d'une réserve à l'encontre d'une invitation à payer des taxes additionnelles pour absence d'unité. Or, la décision ou "notification" contestée dans la présente affaire n'entre pas dans ce cadre.
La décision J 20/89 (JO OEB 1991, 375, 378, point 2) avait déjà constaté que mis à part les règles 40.2c) et 68.3c) PCT, le PCT et son règlement d'exécution ne prévoient nulle part la possibilité de former un recours pendant la phase internationale (cf. aussi à ce sujet le passage correspondant sous le point 163 du Guide du déposant du PCT déjà cité). Il ressort de l'article 25 PCT que les décisions par lesquelles l'office récepteur refuse d'accorder une date de dépôt ou considère que la demande de brevet est retirée sont "révisées" ou examinées par les offices désignés. Il n'est rien précisé d'autre non plus dans l'"Accord entre l'Organisation européenne des brevets et l'Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle" du 7 octobre 1987.
Selon l'article 150(3) CBE, lorsque l'OEB agit en qualité d'office désigné ou d'office élu pour une demande au titre du PCT, cette demande est réputée être une demande de brevet européen, de sorte que dans ces cas-là, c'est-à-dire lorsque la demande internationale se trouve dans la phase nationale ou régionale, la question de la compétence de la chambre de recours se pose différemment. Dans la présente espèce, l'OEB n'a agi ni en qualité d'office élu ni en tant qu'office désigné. Il ne fait donc aucun doute - et le requérant lui-même n'en a pas disconvenu - que les actes de procédure en cause ont été accomplis dans la phase internationale de la procédure de dépôt au titre du PCT.
3. Le fait que l'OEB avait déjà agi en qualité d'office récepteur pour la demande internationale concernée ne saurait en rien contribuer à établir la compétence de la chambre de recours. La raison en est que la demande d'examen préliminaire international doit être présentée, conformément à l'article 31(3) PCT, "indépendamment de la demande internationale" et, conformément à l'article 31(6)a) PCT, "à l'administration compétente chargée de l'examen préliminaire international mentionnée à l'article 32". Sur cette base, le Guide du déposant du PCT, vol. I, édition de 1991, p. 42, point 213, indique clairement que la demande d'examen doit être présentée à l'administration compétente chargée de l'examen préliminaire international et "non pas à l'office récepteur". Il est ainsi clairement établi qu'il faut faire une distinction entre la procédure devant un office récepteur, d'une part, et celle devant une IPEA, d'autre part. Ceci résulte aussi du fait que le PCT prévoit que l'activité de l'administration chargée de la recherche internationale (ISA) vient s'intercaler entre l'activité de l'office récepteur et celle de l'IPEA. Du point de vue de la procédure, il n'y a en outre pas de lien entre ces activités, dans la mesure où ni la demande de brevet ni le rapport de recherche ne sont transmis à l'IPEA. Les seuls destinataires sont, pour ce qui est de la demande de brevet, l'OMPI et l'administration chargée de la recherche internationale (ISA) (cf. art. 12(1) PCT) et, pour ce qui est du rapport de recherche, l'office récepteur et l'OMPI (art. 18(2) PCT). Ces fonctions spécifiques et délimitées qui sont exécutées dans le cadre de la procédure de dépôt au titre du PCT peuvent être assumées par la même administration, comme ici l'OEB. Cependant, ces étapes de la procédure PCT n'en sont pas pour autant fusionnées, notamment parce que la recherche constitue une étape obligatoire (art. 15(1) PCT) alors que l'examen préliminaire international n'est que facultatif (art. 31 à 38 PCT). S'il est vrai que la notification contestée a ainsi été rédigée par l'OEB agissant également en qualité d'"administration chargée de l'examen préliminaire international", l'OEB n'a néanmoins agi ce faisant ni en qualité d'administration chargée de la recherche internationale (ISA), ni en tant qu'office récepteur.
Même si l'article 150(2) CBE dispose que des demandes internationales peuvent faire l'objet de procédures devant l'Office européen des brevets et si, en vertu de cet article, le PCT et, à titre complémentaire, la CBE sont applicables dans ces procédures, ceci corrobore ce qui vient d'être dit. Cet article a pour but de donner à l'OEB la possibilité de faire passer des demandes internationales dans la procédure créée pour les demandes de brevet européen (cf. Singer, loc. cit., ad article 150 CBE, p. 700, point 3, 1er alinéa). Comme cela a déjà été dit au point 2 ci-dessus, il n'en a pas été ainsi en l'espèce. En outre, l'acte en cause ne fait pas non plus partie de ceux dont l'appréciation, comme par exemple dans le cas de l'examen de réserves conformément à la règle 68.3 c) PCT, est de la compétence de l'OEB ou de ses chambres de recours en vertu des dispositions applicables citées.
Enfin, le requérant s'est encore référé à un passage figurant sous le point 163 du Guide du déposant du PCT déjà évoqué, d'après lequel il existe des tribunaux nationaux et des chambres de recours qui ont accepté des appels interjetés contre des décisions prises par un office récepteur. Une simple allusion à la pratique d'Etats parties au PCT, surtout sans mention des bases juridiques utilisées dans ces Etats, ne saurait a priori servir de point de départ d'une réflexion sur une quelconque compétence d'examen qui serait conférée à la chambre. Il est en outre précisé sous ce même point que le PCT ne "prévoit aucune procédure d'appel" pendant la phase internationale de la procédure de dépôt. De plus, dans la présente affaire, comme indiqué plus haut au point 1, le recours est dirigé contre un acte que l'OEB a accompli en sa qualité d'IPEA ; il ne s'agit pas d'un recours contre l'OEB agissant en qualité d'office récepteur.
Contrairement à l'opinion du requérant, rien dans la décision J 20/89 (JO OEB 1991, 375), dans laquelle (point 4) la conclusion d'absence de compétence repose sur la constatation que l'OEB a agi uniquement en qualité d'IPEA et non pas également, dans la même affaire, en tant qu'ISA ou office récepteur, ne permet de dire qu'il a été statué dans un sens opposé. En effet, comme le requérant lui-même l'a aussi montré, les faits appréciés dans ladite décision doivent être distingués de ceux de la présente affaire.
Pour établir la compétence des chambres de recours de l'OEB, le requérant a également invoqué l'article 125 CBE. Mais, eu égard à l'article 34(1) PCT, les dispositions de cet article de la CBE ne s'appliquent pas aux circonstances de la présente affaire.
4. Il résulte de tout ce qui précède que la Chambre n'est pas compétente pour examiner le présent recours.
En conséquence, il n'y a pas lieu de se prononcer sur le fond du recours.
La Chambre n'a pas non plus, dans la présente espèce, à se prononcer sur la question de la compétence pour examiner des recours contre des actes de l'OEB agissant en qualité d'office récepteur.
5. La situation juridique étant claire, la Chambre estime qu'il n'est pas nécessaire de porter devant la Grande Chambre de recours, en application de l'article 112(1)a) CBE, la question de la compétence.
6. Dans la présente affaire, la question de la compétence a été examinée au préalable. Vu donc l'absence de compétence, l'examen des autres critères de recevabilité peut être laissé en suspens.
Dispositif
Par ces motifs, il est statué comme suit:
1. La Chambre n'est pas compétente pour examiner le présent recours.
2. La requête tendant à porter devant la Grande Chambre de recours la question de droit posée à ce sujet est rejetée.