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DE Allemagne
Arrêt du Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice), Xe chambre civile, en date du 12 mai 1998
(X ZR 115/96)1
Référence : "Lithotriteur à ondes de choc"
Article : 56 CBE
Mot-clé : "Limitation du brevet dans la procédure de nullité" - "Activité inventive - Combinaison de caractéristiques individuelles - Indices de preuve" (Brevet européen 317 507)
Sommaire :
1. L'évidence des caractéristiques individuelles d'un dispositif n'emporte pas en soi l'évidence de la combinaison de ces caractéristiques.
2. Aux fins de l'appréciation de l'activité inventive, il convient de tenir compte du fait que l'on s'est écarté des sentiers battus.
Exposé des faits et conclusions
Le défendeur est titulaire du brevet européen n° 0 317 507 (brevet litigieux) qui est enregistré auprès de l'OAB sous le numéro 38 69 918. Le brevet litigieux, qui est publié en français, porte sur un dispositif pour agir par vibrations ultrasonores sur un objet. Il comprend dix revendications (...).
Le demandeur a fait valoir que l'objet du brevet litigieux n'était pas brevetable eu égard à l'état de la technique, tel qu'il ressort notamment du fascicule de la demande allemande 27 35 563, du fascicule du brevet européen 0 144 005, des fascicules des brevets US 4 589 415 et 5 161 623, ainsi que des passages de la littérature cités ci-après, Korth, Perkutane Nierensteinchirurgie, 1984, pages 12/13, Jocham/Schmiedt et Hepp in Ziegler (éditeur), Stoßwellenlithotripsie bei Harn- und Gallensteinen, 1987, pages 36, 37, 60 et 61, ainsi que Sakulin/Schmidt-Kloiber/Schuy, Verfahren zur Steinzerstörung in den ableitenden Harnwegen, Elektrotechnik und Maschinenbau, 1973, pages 156 à 163. Il a demandé l'annulation du brevet litigieux avec effet sur le territoire de la République fédérale d'Allemagne.
Le défendeur a, quant à lui, défendu le brevet litigieux sur la base de cinq revendications rédigées en allemand, qui devaient se substituer aux revendications du brevet délivré. Les revendications qu'il a défendues s'énoncent comme suit, les modifications par rapport à la traduction allemande des revendications 1 à 5 du brevet délivré étant indiquées en italiques:
"1 Lithotriteur à ondes de choc caractérisé en ce qu'il comporte d'une part, un projectile de forme allongée placé dans un tube formant sarbacane (2), pour y glisser, et des moyens pneumatiques (5) disposés à une extrémité de la sarbacane (2), pour impartir à ce projectile (1) un mouvement de va-et-vient dans la sarbacane (2), d'amplitude considérablement plus grande que la dimension transversale du projectile, et d'autre part, un guide d'onde (4, 19) conçu pour être introduit dans un rénoscope ou un néphroscope, présentant une interface d'entrée (9) située à l'autre extrémité de la sarbacane (2), et prévue pour être percutée périodiquement par le projectile (1) lors de son mouvement alternatif et générer ainsi par effet balistique des ondes de choc ultrasonores, ce guide d'onde (4, 19) étant agencé pour transmettre ces ondes de choc à leur lieu d'utilisation (21).
2. Lithotriteur à ondes de choc selon la revendication 1, caractérisé par le fait que la partie amont de ladite sarbacane (2), par rapport audit projectile (1), est soumise directement à la pression cyclique d'un cylindre de compresseur, ledit projectile circulant dans le sens aller pendant la phase de haute pression et dans le sens retour pendant la phase de basse pression.
3. Lithotriteur à ondes de choc selon la revendication 1 ou 2, caractérisé par le fait que ladite sarbacane est reliée pneumatiquement, vers son extrémité aval, à un réservoir auxiliaire (8), pour que de l'air accumulé dans celui-ci assure le retour dudit projectile (1) vers sa position de départ.
4. Lithotriteur à ondes de choc selon la revendication 2 ou la revendication 3, caractérisé par le fait que ledit compresseur comporte des moyens réglables pour permettre d'ajuster la quantité d'air dans le circuit de propulsion et, en conséquence, l'amplitude des ondes de choc.
5. Lithotriteur à ondes de choc selon la revendication 1, caractérisé par le fait que le projectile (1) est propulsé par une alimentation séquentielle de la sarbacane (2) à partir d'une source d'air comprimé à pression pratiquement constante."
Le défendeur n'a pas maintenu les revendications 6 à 10.
Tout en prononçant le rejet de la demande, le Tribunal fédéral des brevets a partiellement annulé le brevet litigieux en "remplaçant" les "revendications du brevet délivré" par les revendications reproduites ci-avant.
Dans l'appel qu'il a interjeté contre cette décision, le demandeur maintient la demande qu'il avait formulée en première instance, à savoir l'annulation dans son intégralité du brevet litigieux avec effet sur le territoire de la République fédérale d'Allemagne. Le défendeur s'élève contre l'appel et défend le jugement contesté.
Extrait des motifs
Il n'est pas fait droit à l'appel, qui est par ailleurs recevable.
I. Sur le fond, la Chambre comprend le dispositif du jugement prononcé par le Tribunal fédéral des brevets en ce sens que les revendications dans la version allemande qui a été défendue ne "remplacent" pas les revendications du brevet délivré à l'intérieur des limites impérativement fixées à l'art. 70(1) CBE dans la langue de la procédure, mais se bornent à en limiter la portée, dans la mesure où le brevet délivré va au-delà du texte des revendications défendu en allemand (cf. à ce sujet R. Rogge, GRUR 1993, 284, 287 s.). Le défendeur (titulaire du brevet) était en outre recevable à limiter l'objet du brevet à un lithotriteur à ondes de choc, qui était initialement divulgué et couvert par le brevet délivré, et à incorporer la caractéristique elle aussi divulguée initialement en tant que partie intégrante de l'invention et contenue dans le brevet délivré, selon laquelle le guide d'ondes est conçu pour être introduit dans un rénoscope ou un néphroscope.
II. La Chambre ne saurait constater que l'objet des revendications défendues n'est pas brevetable (...). Cela incombe au demandeur.
1. (...)
2. Dans sa version défendue, le brevet litigieux porte désormais sur un lithotriteur à ondes de choc, tel qu'il est utilisé pour le broiement intracorporel invasif des calculs urinaires formés dans le corps (...).
3. (...)
4. A cet effet, la revendication 1 du brevet litigieux dans sa version défendue enseigne un lithotriteur à ondes de choc comprenant un générateur d'ondes de choc qui présente les caractéristiques suivantes (1) :
(1.1) un tube formant sarbacane,
(1.2) un projectile de forme allongée,
(1.2.1) qui est placé dans le tube et peut y glisser,
(1.3) ainsi que des moyens pneumatiques,
(1.3.1) qui sont disposés à une extrémité de la sarbacane,
(1.3.2) qui peuvent impartir à ce projectile un mouvement de va-et-vient dans la sarbacane,
(1.4) l'amplitude du mouvement du projectile dans la sarbacane étant considérablement plus grande que la dimension transversale du projectile.
(2) Le lithotriteur comprend en outre un guide d'ondes qui présente les caractéristiques suivantes :
(2.1) il est conçu pour être introduit dans un rénoscope ou un néphroscope et
(2.2) il est agencé pour transmettre des ondes de choc à leur lieu d'utilisation,
(2.3) il présente une interface d'entrée,
(2.3.1) qui est située à l'autre extrémité de la sarbacane,
(2.3.2) qui est prévue pour être percutée périodiquement par le projectile lors de son mouvement alternatif et
(2.3.3) qui génère par effet ballistique des ondes de choc ultrasonores.
(...)
5. La description est muette sur certaines autres difficultés que présentait pour l'homme du métier (...) la lithotritie intracorporelle invasive qui était décrite avant la date de priorité du brevet litigieux et qui consistait à générer des ultra-sons et/ou des ondes de choc par décharge à étincelles entre deux électrodes dans la vessie ou à l'extérieur du corps, en générant une énergie acoustique au moyen d'un transformateur magnétostrictif ou piézoélectrique ou dans une chambre remplie de liquide (cf. fascicule de la demande allemande 22 56 127, description page 1; Sakulin/Schmidt-Kloiber/Schuy, Verfahren zur Steinzerstörung in den ableitenden Harnwegen; Elektrotechnik und Maschinenbau, 1973, page 158 s.; fascicule de la demande autrichienne 309 663, description page 1). La production de chocs par décharge à étincelles dans le corps pouvait provoquer des lésions tissulaires (le fascicule de la demande allemande 22 56 127 évoque la possibilité d'une perforation de la paroi de la vessie, en particulier lorsque l'étincelle est allumée dans un diverticule; le fascicule du brevet autrichien 309 663 mentionne notamment des lésions de la muqueuse, suite au jaillissement d'étincelles, et l'expertise du Dr H. cite à la page 3 le risque de lésions tissulaires thermiques); en outre, la production d'impulsions en dehors du corps exigeait un renouvellement constant des liquides contenus dans la chambre. (...). Enfin, certaines difficultés découlaient des potentiels électriques élevés qui étaient générés (expertise du Dr H., page 4). Par conséquent, le problème que le brevet litigieux doit objectivement résoudre consiste également à broyer les calculs en évitant de léser des organes.
III. 1. L'objet de la revendication défendue du brevet litigieux est nouveau. (...)
a) La publication de Sakulin et al. décrit un lithotriteur à ondes de choc destiné, il est vrai, à être introduit dans un cathéter urétral et non dans un rénoscope ou un néphroscope, mais ne décrit pas un agencement en vue de générer des ondes de choc au sens du groupe de caractéristiques 1.
b) Le fascicule de la demande allemande 27 35 563 ne porte pas sur un lithotriteur à ondes de choc, mais sur un appareil chirurgical doté d'un moteur à impulsions. L'agencement prévu pour générer des ondes de choc n'est pas lié à un guide d'ondes conçu pour être introduit dans un rénoscope ou un néphroscope, un burin ou un fil étant en effet prévu à la place du groupe de caractéristiques 2. Ainsi que l'expert commis par le tribunal l'a expliqué de manière convaincante, il ne permet pas de broyer les calculs, car l'agencement a pour but de produire un mouvement de translation et non une onde de choc. (...)
Pour autant qu'elles fassent partie de l'état de la technique, les autres antériorités ne sont pas plus proches de l'objet de la revendication 1 qui est défendue.
2. La Chambre n'est pas en mesure de constater qu'à la date de priorité du brevet litigieux, l'objet de la revendication 1 du brevet litigieux qui est défendue découle à l'évidence de l'état de la technique, pour l'homme du métier. Ce dernier, en l'occurrence, est un physicien ou un ingénieur en physique formé dans une grande école, ou un ingénieur en techniques biomédicales ou en construction mécanique ayant des connaissances dans les domaines de la médecine et des techniques médicales ou qui fait appel à d'autres experts.
On ne saurait conclure que l'invention est évidente du seul fait que les agencements en vue de générer des ondes de choc, tels qu'employés dans le brevet litigieux, étaient en tout état de cause évidents pour l'homme du métier, ou que les agencements des guides d'onde permettant de conduire ces ondes de choc vers le calcul à broyer étaient également au moins évidents. L'évidence des caractéristiques individuelles n'emporte pas en soi l'évidence de la combinaison de ces caractéristiques (cf. Tribunal fédéral suisse RSPI 1994, 328, 332 -
Slim Cigarette; OEB T 60/89, JO OEB 1992, 262, 282 = GRUR Int. 1992, 771 - Protéines de fusion).
Les inconvénients, connus et expliqués dans la littérature, de la production électrohydraulique d'ondes de choc à l'intérieur comme à l'extérieur du corps semblent dans un premier temps plaider en faveur de la thèse du demandeur, selon laquelle il était évident d'employer dans les lithotriteurs les agencements qui étaient également connus dans le domaine des techniques médicales pour générer des ondes de choc. La Chambre ne saurait néanmoins souscrire à l'avis du demandeur, étayé par une expertise privée présentée par ce dernier, selon lequel la combinaison d'un outil pneumatique de percussion connu ou en tout cas évident avec un guide d'onde, également connu ou en tout cas évident, et conçu pour être introduit dans un rénoscope ou un néphroscope, constitue, pour l'homme du métier, une simple mesure de construction dénuée d'inventivité.
Il ressort certes des travaux de Sakulin et al, qui traitent de la lithotritie à ondes de choc, que l'on peut éviter les inconvénients découlant de la production d'ondes de choc par décharges électriques dans le corps humain, en produisant ces ondes de choc par jaillissement d'étincelles dans une chambre de décharge extérieure au corps humain. Toutefois, les difficultés connues ne sont éliminées que partiellement, et il n'est notamment pas suggéré d'abandonner la production coûteuse d'ondes de choc au moyen d'énergie électrique à haute tension pour employer à la place des moyens pneumato-mécaniques en soi connus ou en tout cas évidents pour générer les ondes de choc.
En outre, un ensemble d'éléments plaide en l'espèce en faveur d'une activité inventive. En premier lieu, l'agencement selon le brevet litigieux a apporté aux lithotriteurs une amélioration considérable, à savoir que d'après les explications convaincantes de l'expert, le dispositif peut, à performance au moins égale, se réduire à une technique plus simple. Même si, en général, cela ne suffit pas à justifier une activité inventive (cf. Schulte, PatG, 5e édition, art. 4, point 47), on peut néanmoins y voir un indice d'activité inventive (cf. Chambre Liedl 1965/66, 77, 95 s. - Flaschenblasen; GRUR 1978, 98, 99 - Schaltungsanordnung). De surcroît, il fallait quitter le cheminement habituel de la pensée pour parvenir à la solution selon l'invention, comme l'a expliqué de manière convaincante l'expert. Ainsi, la lithotritie moderne a commencé à un niveau technologique relativement élevé, qui était nécessaire et justifié pour la lithotritie sans contact, mais qui a également été repris relativement sans problèmes pour la lithotritie de contact, et ce bien que la production d'ondes de pression ne débouche finalement que sur un choc mécanique normal. L'expert a expliqué à cet égard que dans la majorité des cas, les développements technologiques vont en sens unique vers une plus grande complexité, pour aboutir à des techniques "plus modernes", si bien que l'on ne pense pas immédiatement à la possibilité d'utiliser des techniques plus simples. En outre, la littérature spécialisée (manuel "Biomedizinische Technik", vol. 2, p. 396 à 399) consacre plusieurs pages à la production non mécanique de chocs, tandis que la production mécanique de chocs est seulement évoquée brièvement comme n'étant pas suffisamment reproductible. Même si, comme le suppose l'expert, il n'est pas nécessaire de mettre en évidence des conceptions techniques générales et bien enracinées qui soient erronées au sens de la jurisprudence générale de la chambre (BGHZ 133, 57, 67 s. = GRUR 1996, 857 - Rauchgasklappe; Benkard/Bruchhausen, art. 4 loi sur les brevets, point 20), ses explications montrent néanmoins que l'on s'est écarté des sentiers battus, ce qu'il convient de prendre en considération aux fins de l'appréciation de l'activité inventive (cf. Chambre Liedl 1978/80, 173, 182 - explosionsgeschütztes elektrisches Schaltgerät; OEB T 229/85, JO OEB 1987, 237, 240 s. - Procédé de décapage : Benkard/Bruchhausen loc. cit. point 23). L'expert fait également observer à juste titre que la présence de l'air comprimé nécessaire dans les salles d'opération, tout comme l'utilisation comparable de marteaux coulissants en chirurgie orthopédique, qui ont été interprétées par le demandeur comme un indice d'évidence, peuvent également - et selon la Chambre de manière tout aussi justifiée - être considérées comme un indice que l'obstacle à surmonter avant de s'écarter des conceptions technologiques habituelles est grand. Enfin, on ne saurait ignorer que les difficultés liées à la production d'ondes de choc, qui n'étaient que partiellement résolues par la proposition de Sakulin et al., étaient connues depuis longtemps, et qu'il s'était écoulé près de quinze ans entre la publication de Sakulin et al. et la date de priorité du brevet litigieux, bien qu'il existât manifestement un besoin de dispositifs plus simples pour broyer les calculs. Tout cela ne
plaide pas contre l'existence d'une activité inventive au sens de l'art. 56 CBE, même si les différents éléments sont connus ou du moins évidents. La Chambre n'est donc pas en mesure de conclure à l'absence d'activité inventive. (...)
DE 2/99
1 Traduction du texte de la décision abrégé aux fins de sa publication; les motifs de la décision ont été reproduits dans leur intégralité en allemand dans GRUR 1999, p. 145 s.