CHAMBRES DE RECOURS
Décisions de la Chambres de recours statuant en matière disciplinaire
Décision de la Chambre de recours statuant en matière disciplinaire, en date du 25 juin 1998 - D 12/97
(Traduction)
Composition de la Chambre :
Président : | W. Moser |
Membres : | M. Lewenton |
B. Schachenmann | |
L.C. de Bruijn | |
Ch. Kalonarou |
Référence : Obligation de motivation
Article : 125 CBE
Article : 8 du règlement relatif à l'examen européen de qualification des mandataires agréés près l'OEB (REE)
Règle : 68(2) CBE
Règle : 3, 9(2) des dispositions d'exécution du REE
Mot-clé : "Examen européen de qualification - aucune obligation de motivation des décisions - preuve d'une obligation de motivation comme principe généralement admis dans les Etats contractants non rapportée"
Sommaire
I. Le règlement relatif à l'examen européen de qualification des mandataires agréés (REE) ne prévoit aucune obligation de motiver les décisions prises dans le cadre de l'examen européen de qualification et ne fait pas non plus référence à la règle 68(2) CBE, de sorte que cette disposition n'est pas applicable.
II. Pour qu'une obligation de motiver de telles décisions puisse se fonder sur l'article 125 CBE, il est nécessaire d'apporter la preuve qu'un tel principe est généralement admis dans les Etats parties à la CBE.
Exposé des faits et conclusions
I. En mars 1996, le requérant s'est présenté à toutes les épreuves de l'examen européen de qualification. Les quatre épreuves qu'il a passées ont été notées comme suit :
A : 4 passable,
B : 4 passable,
C : 4 passable,
D : 5 insuffisant.
II. Dans une lettre en date du 1er octobre 1996, le jury d'examen a informé le requérant qu'il avait été ajourné par décision rendue le 25 septembre 1996. Le 14 novembre 1996, le requérant a formé un recours contre cette décision, qui avait été remise à la poste le 1er octobre 1996. Il a en même temps motivé son recours et acquitté la taxe correspondante.
III. A l'appui de son recours, le requérant a pour l'essentiel fait valoir que la décision du jury d'examen aurait dû être motivée et qu'à défaut d'une disposition correspondante dans le REE, la règle 68(2) CBE devait aussi s'appliquer aux décisions du jury d'examen. La motivation des décisions en matière d'examen constitue au demeurant un droit fondamental qui a été reconnu par la jurisprudence en Allemagne et dont le système du brevet européen doit lui aussi tenir compte dans ses règlements. En outre, le jury d'examen a enfreint la règle 3, phrase 2 des dispositions d'exécution du REE. Les différents problèmes posés dans la partie II de l'épreuve D ayant été notés séparément et ayant fait l'objet d'une pondération qui n'apparaît pas de façon évidente au cours de l'examen, le principe de l'uniformité de la notation, tel qu'énoncé dans les dispositions précitées, n'a pas été respecté. Enfin, la décision du jury d'examen n'est pas non plus valable parce que les examinateurs se sont influencés réciproquement lors de l'évaluation des épreuves du requérant, ce qui constitue une violation de l'article 8 b) REE.
IV. Le requérant a demandé que :
1) la décision du jury d'examen en date du 25 septembre 1996 soit annulée et l'affaire renvoyée au jury d'examen, afin qu'il procède à un nouvel examen et qu'en cas de décision négative, il motive sa décision en se conformant aux prescriptions de la règle 68(2) CBE ;
2) la taxe de recours soit remboursée.
V. La Chambre a donné au Président de l'Office européen des brevets et au président du Conseil de l'Institut des mandataires agréés la possibilité de donner leur avis. Au cours de la procédure orale, le représentant du Président de l'Office européen des brevets s'est exprimé au sujet du déroulement de la procédure de notation, notamment en ce qui concerne la façon dont chacune des épreuves est notée par deux examinateurs. Selon cette procédure, chaque examinateur reçoit sa propre feuille de notation. Les deux examinateurs notent ensuite les diverses épreuves indépendamment l'un de l'autre, chacun ignorant le nombre de points attribué par l'autre examinateur. Une fois les épreuves notées, ils échangent leurs résultats et tentent, le cas échéant, de se mettre d'accord sur une note.
Motifs de la décision
1. Le recours est recevable.
2. Ainsi que l'a déjà exposé la Chambre dans sa notification du 16 avril 1998, à laquelle il est fait référence, le REE et ses dispositions d'exécution sont lex specialis par rapport à la CBE, ce qui signifie que dans la mesure où ces règles ne se réfèrent pas expressément à la CBE, elles seules sont applicables et non la CBE. Or, le REE ne prévoit aucune obligation de motiver les décisions prises dans le cadre de l'examen européen de qualification et ne fait pas non plus référence à la règle 68(2) CBE, de sorte que cette disposition n'est pas applicable en l'occurrence. En vertu de la règle 9(2) des dispositions d'exécution du REE, seules les réponses et les feuilles de notation doivent être envoyées aux candidats ajournés.
Pour autant que la jurisprudence de la Chambre de recours statuant en matière disciplinaire ait fait une exception au principe cité, elle se référait aux "cas limites" selon le droit antérieur, lesquels n'existent plus depuis que la situation juridique a changé (D 8/96 [JO OEB 1998, 302]) ; les décisions correspondantes de cette Chambre ne peuvent donc plus être invoquées.
3. La Chambre considère que les réserves d'ordre constitutionnel émises par le requérant ne sont pas davantage fondées. Au cours de la procédure orale, celui-ci a fait valoir que l'obligation de motiver des décisions relatives à des examens est un droit fondamental en matière de procédure, droit qui est reconnu par les Etats parties à la CBE et qu'il convient également d'appliquer à l'examen européen de qualification en vertu des dispositions de l'article 125 CBE. Il s'agit toutefois d'une affirmation trop générale. Le pouvoir d'appréciation des instances d'examen constitue un élément essentiel de chaque procédure d'examen. Lorsqu'ils procèdent à la notation d'épreuves d'examen, les notateurs disposent d'une certaine marge de manoeuvre qui ne peut faire l'objet que d'un contrôle limité de la part d'instances judiciaires ; le législateur est donc libre de ne prévoir aucune obligation de motivation et de limiter les contrôles par les tribunaux aux violations de procédure à la fois manifestes et abusives quant à la notation des épreuves d'examen. A cet effet, les documents qui doivent être envoyés aux candidats ajournés, conformément à la règle 9(2) des dispositions d'exécution du REE, sont suffisants.
A l'appui de son argumentation, le requérant s'est notamment référé à la situation juridique qui prévaut en Allemagne. A cet égard, il convient tout d'abord de noter que dans cet Etat partie à la CBE, le législateur n'a prévu aucune réglementation explicite portant sur un prétendu droit fondamental en matière de procédure. Il est vrai que dans la décision du 9 décembre 1992 produite par le requérant (Bay VBl. 1993, 439), le tribunal administratif fédéral allemand, s'appuyant sur une jurisprudence récente de la Cour constitutionnelle fédérale allemande, a conclu, sur la base de principes constitutionnels, à une obligation générale de motiver par écrit la notation d'une épreuve d'examen. Hormis le fait que la Chambre n'est pas liée par cette jurisprudence nationale, le tribunal précité se réfère lui-même à la position qu'il a adoptée antérieurement dans de nombreuses décisions, selon laquelle il n'existe aucun principe juridique au niveau fédéral qui engage les législateurs des Länder quant à l'obligation de motiver la nature et la portée de décisions en matière d'examen (loc. cit. p. 441). Autrement dit, jusque dans un passé très récent, il n'existait pas en République fédérale d'Allemagne de principe reconnu par la plus haute juridiction concernant l'obligation de motiver les décisions en matière d'examen. Par conséquent, l'argument du requérant, selon lequel le législateur allemand n'avait pas dû renoncer à ce prétendu droit fondamental en matière de procédure lors de l'adhésion à la CBE, n'est pas lui non plus pertinent. Du reste, le requérant n'a pas apporté la preuve qu'il s'agit d'un principe généralement admis dans les Etats parties à la CBE (article 125 CBE).
4. Les objections du requérant quant à la façon dont l'épreuve D a été notée ne sont pas fondées. La Chambre a déjà indiqué dans la notification susmentionnée qu'il ne lui appartenait pas de réexaminer la procédure de notation et de substituer son pouvoir d'appréciation à celui des examinateurs. Que les examinateurs n'aient pas "pondéré" les différentes parties d'une épreuve de la même façon que le requérant relève de leur pouvoir d'appréciation, ce qui ne saurait être contraire au REE ni même à tout droit supérieur.
5. Enfin, le requérant se plaint que l'article 8 REE n'ait pas été respecté et affirme que les examinateurs n'ont pas effectué la notation indépendamment les uns des autres. Le représentant du Président de l'Office européen des brevets, emportant la conviction de la Chambre, a exposé en détail la façon dont se déroule la procédure de notation, et il a indiqué notamment que les précautions nécessaires avaient été prises pour éviter qu'un examinateur n'ait prématurément connaissance de la notation d'un autre examinateur. En la présente espèce, rien ne permet de supposer que l'on se soit écarté de cette procédure au détriment du requérant.
6. Par conséquent, le recours doit être rejeté.
Dispositif
Par ces motifs, il est statué comme suit :
Le recours est rejeté.