CHAMBRES DE RECOURS
Décisions des Chambres de recours techniques
Décision de la Chambre de recours technique 3.3.3, en date du 2 décembre 1993 - T 371/92 - 3.3.3
(Texte officiel)
Composition de la Chambre :
Président : | C. Gérardin |
Membres : | M. K. S. Aùz Castro |
H. H. R. Fessel |
Demandeur : Fina Research S.A.
Référence : Recours non formé/FINA
Article : 97(1), 106, 108, 86(1), 121, 122, 116(1), 109, 112 CBE
Mot clé : "Paiement de la taxe de recours sans acte de recours - recours non formé" - "Restitutio in integrum (non) - vigilance insuffisante au regard des circonstances" - "Formulation valable du recours indispensable à la révocation d'une décision prétendue nulle et sans effet juridique"
Sommaire
Le seul paiement de la taxe de recours ne constitue pas une formulation valable du recours. Dès lors, en l'état d'un recours inexistant, il n'appartient pas à la Chambre de recours ainsi non saisie d'apprécier l'existence d'une violation substantielle de procédure qu'aurait commise la première instance, dont la décision a de ce chef définitivement acquis l'autorité de la chose jugée.
Exposé des faits et conclusions
I. La demande de brevet européen n° 86 870 088.1 a été déposée le 19 juin 1986. A la dernière page du formulaire de la requête en délivrance d'un brevet européen OEB Form 1001.1 à 1001.9 08.81, sous le numéro XIX réservé aux renseignements complémentaires, la demanderesse a sollicité l'organisation d'une procédure orale au cas où le rejet de la demande serait envisagé. Par décision du 8 novembre 1991, la division d'examen de l'Office européen des brevets a rejeté la demande conformément aux dispositions de l'article 97(1) CBE sans procédure orale préalable.
Dans la signification portant indication des voies de recours, la demanderesse a été avertie de ce que le recours devait être introduit par écrit auprès de l'Office européen des brevets dans un délai de deux mois à compter de la date de la signification de la décision, être motivé par écrit dans un délai de quatre mois à compter de cette même date, et être soumis au paiement d'une taxe de recours. Le texte des articles 106 à 108 de la CBE concernant le recours était joint à la signification.
II. Le 8 janvier 1992, la demanderesse a acquitté la taxe de recours en se servant du "Bordereau de règlement de taxes et des frais" (formulaire 1010), sur lequel était indiqué le numéro de la demande de brevet et le paiement qualifié de la taxe de recours.
III. Le 9 mars 1992, l'Office européen des brevets n'ayant pas reçu d'acte de recours écrit a ordonné le remboursement de la taxe de recours.
IV. Le 11 mars 1992, le mémoire exposant les motifs du recours a été déposé.
V. Par télécopie du 28 avril 1992, reçue le 30 avril 1992, la demanderesse s'est refusée au remboursement de la taxe de recours et a acquitté de nouveau cette taxe en faisant valoir que, selon elle, le recours avait été formé conformément aux dispositions de l'article 108 CBE par écrit dans un délai de deux mois. En effet, une pièce dûment signée et portant le numéro de la demande, le nom et l'adresse de la demanderesse, ainsi que l'indication de son intention de former un recours, était parvenue à l'Office européen des brevets en temps utile et la taxe de recours avait été valablement payée le même jour.
Elle a requis une décision conformément à la règle 69(2) CBE et, au soutien de son argumentation, a fait référence à la décision T 7/81 (JO OEB 1983, 98). Afin d'étayer encore ses prétentions, la demanderesse s'est référée à une autre procédure dans laquelle le bordereau correspondant au paiement de la taxe de poursuite de la procédure avait été exceptionnellement considéré de manière implicite comme une déclaration selon l'article 86(1) CBE et une requête de poursuite de la procédure selon l'article 121 CBE.
VI. Par la même lettre, la demanderesse a formé une requête subsidiaire en restauration de droits conformément à l'article 122 CBE. Elle a acquitté la taxe de restitutio in integrum et a formé un recours explicite contre la décision en date du 8 novembre 1991 rejetant sa demande de brevet européen n° 86 870 088.1 dont elle a demandé la révocation complète. Elle a motivé cette requête de la manière suivante :
Monsieur Eric de K., ingénieur civil chimiste, qui avait signé le bordereau de règlement de taxes et des frais était alors chargé des formalités. Il disposait à l'époque de trente mois d'expérience à temps plein dans le service "brevets" de la demanderesse. Dans les dossiers de la demanderesse ne se trouvait aucune trace d'une lettre distincte du bordereau, par laquelle le recours aurait été formé. Une telle lettre aurait normalement dû être élaborée par Monsieur de K., transmise à Mademoiselle de D., secrétaire chargée de cette fonction depuis le 19 décembre 1991 seulement, laquelle aurait dû la faire signer ensuite par Monsieur de K., muni d'un pouvoir général de signature visé par Monsieur L., mandataire agréé. Aucune des personnes concernées ne pouvait se souvenir d'avoir ou de ne pas avoir procédé à l'une quelconque des actions précitées. Toutefois, chacun était convaincu de ce que le recours avait été valablement formé et, de ce fait, la demanderesse avait été surprise de recevoir le 16 mars 1992 la notification du remboursement de la taxe de recours. Ce n'était qu'à cette date qu'elle avait eu connaissance d'un possible manquement à la procédure devant l'Office européen des brevets.
VII. Au cours de la procédure écrite et lors de la procédure orale tenue le 2 décembre 1993, la demanderesse a complété ses arguments comme suit :
i) Puisque la décision de la Division d'examen n'avait pas fait droit à sa requête de mise en oeuvre d'une procédure orale, elle serait nulle ab initio et sans effet juridique et ne pourrait donc pas faire l'objet d'un recours ; à cet égard, référence était faite à la décision T 766/90 (Edition spéciale du JO OEB 1993, 65).
ii) En se référant au formulaire OEB Form 3322 06.89, par lequel le greffe de la Chambre de recours lui avait communiqué le numéro de référence du "dossier de recours" et indiqué la Chambre de recours compétente, et dont le texte dispose liminairement "Le recours formé par votre lettre du ....", la demanderesse a fait valoir qu'il lui apparaissait manifeste qu'une décision favorable relative à l'existence d'un recours avait été prise en vertu de la règle 69(2) CBE, puisqu'aussi bien elle avait été avisée que le recours formé avait été déféré à une Chambre de recours.
iii) Quant à la décision J 19/90 du 30 avril 1992 citée par la Chambre de recours dans sa notification du 7 septembre 1992, elle serait postérieure à la survenance de l'instance actuelle et il aurait fallu cinq pages de motifs pour arriver à son résultat, ce qui démontrait à l'envi qu'il n'était pas si évident. Ceci constituerait un premier motif au soutien de la restauration des droits. Cet argument devait également être apprécié au regard de la portée de l'expression "toute la vigilance nécessitée par les circonstances" contenue dans l'article 122(1) CBE. En effet, si les circonstances pouvaient laisser croire que le paiement de la taxe de recours accompagné d'un bordereau contenant les indications nécessaires pouvait être suffisant, une moindre vigilance était nécessitée pour la mise en forme écrite de la requête, dont le délai avait été respecté par ailleurs.
VIII. La demanderesse a requis :
1. Par voie de requête principale de constater que la décision de rejet de la demande de brevet était nulle ab initio et sans effet légal et qu'elle ne saurait donc faire l'objet d'un recours ;
2. par voie de première requête subsidiaire de soumettre à la Grande Chambre de recours la question de droit suivante :
"Une décision émise sans faire droit à la requête d'une procédure orale par la partie lésée doit-elle être considérée comme nulle ab initio et sans effet légal ?
Si elle est sans effet légal, peut-elle néanmoins faire l'objet d'un recours ?"
3. par voie de deuxième requête subsidiaire de constater que les conditions prévues par les dispositions des articles 106 à 108 et de la règle 64 CBE étaient remplies ;
4. par voie de troisième requête subsidiaire d'être rétablie dans ses droits conformément à l'article 122 CBE.
Motifs de la décision
1. Requête principale
En faisant référence à la décision T 766/90, Edition spéciale du JO OEB 1993, 65, la demanderesse a argué de ce que la décision de la première instance rejetant sa demande de brevet serait nulle ab initio et sans effet juridique, pour ce que la division d'examen n'aurait pas fait droit à sa requête d'organiser une procédure orale préalable au rejet de la demande et que telle décision nulle et de nul effet ne saurait donc faire l'objet d'un recours.
1.1 Le droit à une procédure orale est régi par l'article 116(1) CBE. Selon la jurisprudence des Chambres de recours, le refus de faire droit à une telle requête est considéré comme un vice substantiel de procédure, et il est exact que certaines Chambres de recours ont déclaré nulles ab initio et sans effet juridique les décisions prises sans procédure orale préalable, quoique celle-ci fût requise. Mais dans de tels cas, y compris celui ayant abouti à la décision T 766/90, la requête tendant à la mise en oeuvre d'une procédure orale avait toujours été formulée dans le cadre proprement dit de la procédure d'examen de la demande ou d'une procédure d'opposition.
1.2 Il convient de s'interroger sur le fait de savoir si un examinateur est tenu d'inclure dans sa lecture de la demande le formulaire de la requête en délivrance du brevet européen, dès lors que pour examiner la demande il n'en a pas besoin. L'examinateur devrait pouvoir présumer que la demanderesse, qui désire obtenir une procédure orale, en fasse la requête correspondante au cours de l'examen de la demande, en particulier dès réception du rapport de recherche ou en réponse aux notifications de la division d'examen. En tout cas, il est douteux que cette omission puisse représenter un vice substantiel de procédure. Dès lors, la solution retenue dans la décision citée par la demanderesse ne s'applique pas ici, en ce qu'elle se réfère à des circonstances essentiellement différentes.
1.3 Pour autant, dans le cas de l'espèce, la Chambre de recours n'est pas tenue de trancher la question de savoir si la décision de la première instance est affectée ou non d'un vice substantiel de procédure ; en effet, même si cela était le cas, un recours recevable serait indispensable pour que la Chambre soit à même de le constater.
1.4 L'allégation de la demanderesse selon laquelle la décision de la première instance ne pourrait faire l'objet d'un recours parce qu'elle serait nulle et sans effet légal ne se trouve pas étayée dans la Convention.
Selon l'article 106(1) CBE, les décisions des divisions d'examen, comme celles d'autres départements de l'Office européen des brevets, sont susceptibles de recours. Par l'effet du recours, la procédure est dévolue à une autre instance, à savoir l'instance de recours. Le recours selon les articles 106 et suivants CBE est la seule voie de droit prévue dans la Convention pour parvenir à l'annulation d'une décision de la première instance. Une fois que la division d'examen a statué sur la demande, elle est liée par sa décision avec la conséquence qu'elle n'est plus en droit de la modifier (voir décisions de la Grande Chambre de recours G 4/91, JO OEB 1993, 707, point 6 ; G 12/91, JO OEB 1994, 285, point 2). Cela vaut même si la décision devait être considérée comme nulle. Aussi longtemps que la décision n'est pas annulée, elle existe et ressortit son entier effet. Le principe selon lequel la même instance n'est pas en droit de modifier ses propres décisions se manifeste dans les dispositions de l'article 109 CBE relatives à la révision préjudicielle, qui constituent une exception à ce principe et qui seraient superflues, si ce principe de force obligatoire n'existait pas.
1.5 L'article 109 CBE prévoit que la première instance dont la décision est attaquée doit dans une procédure ex-parte faire droit au recours si elle le considère comme recevable et fondé. C'est le seul cas où il est prévu que la même instance puisse annuler sa propre décision. Par raisonnement a contrario, il en résulte qu'en l'absence de tout recours la première instance est liée par sa décision, même si elle la considère comme nulle.
1.6 Pour cette raison, il ne peut être fait droit à la requête principale.
2. Première requête subsidiaire
2.1 L'article 112(1) CBE dispose que si une question de droit d'importance fondamentale se pose, la Chambre de recours, soit d'office, soit à la requête de l'une des parties, saisit en cours d'instance la Grande Chambre de recours lorsqu'une décision est nécessaire à ces fins.
2.2 La première question, à savoir si une décision émise sans faire droit à une requête aux fins de procédure orale doit être considérée comme nulle ab initio et sans effet, ne constitue pas une question de pur droit, car il conviendrait pour y répondre de tenir également compte des circonstances de l'espèce et donc du moment de la présentation d'une telle requête. Mais même à considérer que la Grande Chambre de recours réponde affirmativement à une telle question, sa réponse n'aurait d'effet que si la réponse à la seconde question, sur le point de savoir si une décision sans effet légal peut néanmoins faire l'objet d'un recours, était négative.
2.3 Comme la Chambre de recours l'a déjà exposé ci-dessus, la question est réglée par la Convention même et la Grande Chambre de recours a dans les deux décisions ci-dessus stipulé qu'une instance, une fois qu'elle a rendu une décision, n'est plus en droit de la modifier. Il s'ensuit que l'annulation d'une décision de la première instance est seulement possible par la voie d'un recours recevable.
2.4 Par conséquent, la Chambre ne considère pas nécessaire de soumettre cette question à la Grande Chambre de recours.
3. Deuxième requête subsidiaire
La demanderesse soutient qu'elle a formé un recours recevable.
3.1 L'article 108 CBE dispose que le recours doit être formé par écrit dans un délai de deux mois à compter de la date de la signification de la décision, qu'il n'est considéré comme formé qu'après le paiement de la taxe de recours, et que les motifs en doivent être fournis dans un délai de quatre mois à compter de la date de la signification de la décision.
La règle 64 CBE prévoit que l'acte de recours doit comporter :
a) le nom et l'adresse du requérant dans les conditions prévues à la règle 26, paragraphe 2, lettre c) ;
b) une requête identifiant la décision attaquée et indiquant la mesure dans laquelle sa modification ou sa révocation est demandée.
3.2 Dans le cas de l'espèce, la demanderesse ne conteste pas n'avoir point formulé de recours écrit satisfaisant à ces dispositions. Il n'est pas non plus contesté que la taxe de recours et le mémoire en exposant les motifs aient été reçus dans les délais. Le problème demeure donc de savoir si le bordereau de paiement de la taxe peut suppléer l'écrit manquant, en tant qu'il contient une mention du recours, qu'il est daté, dûment signé et comporte le numéro de la demande de brevet permettant de l'identifier.
3.3 A cet égard, il existe une décision de la Chambre de recours 3.3.1, T 275/86 du 3 octobre 1990 (non publiée), qui a considéré qu'un ordre de prélèvement selon le formulaire OEB Form 4212 05.80 rempli comportait essentiellement l'information telle que prescrite pour un acte de recours selon la règle 64 CBE, c.à.-d. le nom et l'adresse de la requérante, le numéro du brevet permettant d'identifier la décision attaquée et la mention que la raison du paiement était l'acquittement d'une taxe de recours. En se déterminant par de tels motifs, la décision citée a considéré que le formulaire de paiement était à lui seul constitutif d'un recours recevable.
3.4 La décision J 19/90 du 30 avril 1992 de la Chambre de recours juridique a, contrairement à la décision précitée, constaté que le seul paiement d'une taxe de recours ne constituait pas une formulation valable du recours.
Les motifs de cette décision sont également valables pour le cas de l'espèce et la Chambre de recours les fait siens.
3.5 Un acte de recours valable exige au moins une déclaration explicite de la volonté d'attaquer une décision déterminée par la voie de l'appel. Ce n'est que par cet acte formel que la voie de droit est mise en oeuvre, l'instance supérieure saisie (effet dévolutif) et l'effet suspensif déclenché conformément à l'article 106(1) CBE.
3.6 Le paiement de la taxe de recours laisse tout au plus présumer l'intention de la demanderesse de former un recours, mais ne constitue pas lui-même l'acte de recours par lequel la procédure de recours est mise en oeuvre. Au moment du paiement de la taxe de recours, voire même postérieurement à celui-ci, la demanderesse demeure libre de décider si elle entend interjeter appel ou non. Si elle change d'avis et renonce à poursuivre, le recours non existant n'est pas considéré comme retiré, mais la taxe est remboursée à considération de son défaut de formulation.
Il ne faut pas non plus perdre de vue qu'il est dangereux de vouloir, dans l'intention de remédier à une omission, interpréter des dispositions qui sont claires et sans équivoque, comme c'est le cas pour les exigences de mise en oeuvre d'un recours valable, car cela ne conduit qu'à une insécurité juridique. Ainsi, si on admettait, contra legem, que le seul paiement de la taxe de recours au moyen du formulaire 1010 équivalait à une formulation valable du recours, une telle interprétation ne laisserait pas d'avoir des répercussions illogiques. En effet, dans l'hypothèse où quelqu'un ayant déjà payé la taxe de recours décidait ultérieurement de ne pas procéder à la formulation de son recours, il éprouverait des difficultés certaines à obtenir le remboursement de la taxe correspondante.
L'exigence d'un acte de recours formé par écrit fait clairement référence à la lettre des articles 106(1) et 108 ainsi qu'à la règle 64 CBE. La condition du paiement de la taxe de recours est une exigence supplémentaire qui ne peut pas se substituer à l'acte de recours, même si le paiement est effectué par le bordereau dûment rempli.
3.7 C'est à tort que la demanderesse se réfère à la décision T 7/81, dont les conclusions ne sont pas applicables à la présente affaire. Dans ce cas-là en effet, l'acte de recours avait été formé par écrit et seule l'étendue du recours n'était pas précisée. Dans le cas présent, au contraire, la Chambre de recours n'a pas la latitude d'établir l'étendue du recours par interprétation, puisque c'est le recours même qui fait défaut.
3.8 Enfin, en ce qui concerne la référence faite par la demanderesse à la requête en poursuite de la procédure prévue à l'article 121 CBE, on ne saurait non plus en tirer de conclusions au soutien du cas présent du seul fait que, dans une procédure d'une autre nature devant l'Office européen des brevets, le bordereau de paiement ait pu être considéré comme valable requête en poursuite de la procédure.
En effet, une telle requête n'est pas comparable à l'acte de recours et ses particularités décrites dessus. La requête selon l'article 121 CBE n'a pour but que la poursuite de la procédure devant la même instance et ne produit pas d'effet supplémentaire. La décision précédente causée par la non-observation du délai imparti par l'Office n'est pas annulée, seuls ses effets le peuvent être.
3.9 Ainsi, le seul bordereau indiquant l'objet d'un paiement ne constitue pas un acte de recours. Par conséquent, le recours est considéré comme non formé.
4. Décision selon la règle 69(2) CBE
C'est également à tort que la demanderesse considère que le formulaire du greffe comportant l'information sur le numéro du dossier et sur la Chambre de recours compétente pour décider sur l'affaire constitue une décision émise selon la règle 69(2) CBE reconnaissant ainsi implicitement, mais nécessairement l'existence d'un recours.
La règle 69 CBE se réfère à la perte d'un droit intervenue sans qu'une décision de rejet de la demande ait été prise. Elle n'est donc pas applicable au cas de l'espèce, puisqu'aussi bien une décision de rejet de la demande a été prise par la division d'examen.
Que le formulaire susmentionné ne représente pas une décision impliquant l'existence d'un recours découle du contenu même de l'information transmise, de sa présentation qui n'est pas celle d'une décision, et du fait que le formulaire est évidemment signé par un greffier.
5. Troisième requête subsidiaire
Cette requête concerne le rétablissement dans le droit de former un recours.
5.1 Selon l'article 122(1) CBE, le demandeur d'un brevet européen qui, bien qu'ayant fait preuve de toute la vigilance nécessitée par les circonstances, n'a pas été en mesure d'observer un délai à l'égard de l'Office européen des brevets est, sur requête, rétabli dans ses droits.
Le paragraphe 2 de cet article dispose que cette requête doit être présentée par écrit dans un délai de deux mois à compter de la cessation de l'empêchement et que l'acte non accompli doit l'être dans ce même délai.
Le paragraphe 3 du même article dispose que la requête doit être motivée et indiquer les faits et justifications invoqués à son appui et que la taxe de restitutio in integrum doit être acquittée.
5.2 La date de la cessation de l'empêchement est le 16 mars 1992, date à laquelle la demanderesse dit avoir reçu une notification de l'Office européen des brevets du 9 mars 1992 concernant le remboursement de la taxe de recours au motif qu'aucun recours n'aurait été formé.
La requête motivée aux fins de restauration de droits a été reçue le 30 avril 1992 et la taxe correspondante a été acquittée le même jour. Les conditions formelles des paragraphes 2 et 3 étant ainsi remplies, il reste à examiner si les conditions de fond de l'article 122(1) CBE le sont également.
5.3 Le fait qu'un recours n'a pas été formé ne constitue pas une erreur de droit due à la méconnaissance de la nécessité d'un acte de recours écrit, erreur qui entraînerait l'exclusion de la restauration ultérieure du droit perdu (voir décisions J 19/90, point 3.2 ; D 6/82, JO OEB 1983, 337).
Quoique la demanderesse ait, dans son argumentation principale, prétendu que le "Bordereau de règlement des taxes et de frais" constituait l'acte de recours, elle a, à la suite d'une argumentation secondaire, admis que, outre la fourniture du bordereau de paiement, elle formait normalement recours par écrit conformément aux dispositions de l'article 108 CBE. Ainsi, le défaut de formulation du recours est-il le résultat d'une pure omission, et non d'une erreur de droit.
5.4 Toutefois, la demanderesse n'est pas en mesure d'établir que le délai pour former recours n'a pas été observé, bien qu'elle ait fait preuve de "toute la vigilance nécessitée par les circonstances".
La demanderesse a ainsi expliqué son système du traitement du courrier entrant : les affaires de procédure ressortent de la compétence de Monsieur de K. et celles de fond de la compétence de Monsieur L.. Dans le cas de l'espèce, l'acte de recours aurait dû être conçu par Monsieur de K. avec visa de Monsieur L., mandataire agréé. Lors de la procédure orale, le mandataire a soutenu que chacun des deux croyait que l'autre y pourvoirait. Cela démontre aux yeux de la Chambre que la répartition des responsabilités n'était pas toujours strictement observée, fors quoi Monsieur de K. n'aurait pas pu croire que Monsieur L. formerait seul le recours.
Par ailleurs, la demanderesse n'a en rien indiqué par quel système elle assurait une observation complète des délais prescrits. Dans le cas de l'espèce, le délai de deux mois n'a été observé que pour le seul acte de paiement, mais non pour celui de recours.
La demanderesse n'a pas donné non plus d'indication concernant le contrôle des assistants du mandataire agréé, Monsieur L.. Elle a seulement fait état de ce que l'acte de recours élaboré par Monsieur de K. aurait dû passer entre les mains de Monsieur Leyder. Un tel contrôle se réfère donc seulement aux travaux soumis à une approbation préalable. Toutefois, ce qui importe également est un contrôle des assistants afin de s'assurer qu'ils accomplissent les actes nécessaires dans les délais prescrits. Les explications données pour le défaut de formulation du recours ne sont pas de nature à convaincre la Chambre de ce que la demanderesse avait adopté un système approprié en vue d'une observation complète des délais et que, dans le cas de l'espèce, il ne s'agissait que d'une méprise survenant isolément dans l'application d'un système normalement satisfaisant (décisions J 2/86 ; J 3/86, JO OEB 1987, 362, point 4).
5.5 La demanderesse ne saurait non plus prétendre que jusqu'à la décision J 19/90 les circonstances laissaient croire que le paiement de la taxe de recours au moyen du formulaire 1010 était suffisant. En effet, l'article 108 CBE, première phrase dit clairement que le recours doit être formé par écrit ; c'est seulement dans la deuxième phrase du même article que la taxe de recours est évoquée. C'est dire que l'essentiel du recours consiste dans l'acte de recours l'exprimant expressément, et non pas dans le paiement de la taxe. Seul le défaut de ladite taxe dans le délai prescrit implique que le recours est considéré comme non formé. La demanderesse ne saurait donc déduire de la Convention que la formulation expresse de l'acte de recours est moins importante que le paiement de la taxe correspondante qui n'en est que l'accessoire.
La longueur de la décision J 19/90 n'est pas non plus un argument contre l'univocité des dispositions des articles 106, 108 et de la règle 64 CBE. Elle dépend surtout des allégations de la partie à l'instance et du style propre à chaque Chambre de recours.
5.6 Par ces motifs, la demanderesse ne peut être rétablie dans ses droits quant au non-respect du délai prévu pour la formation du recours. Par conséquent, par l'effet du défaut de recours, la deuxième instance n'est pas saisie.
6. Puisque l'acte de recours est inexistant, la taxe afférente payée se trouve dépourvue de cause et doit donc être remboursée.
Dispositif
Par ces motifs, il est statué comme suit :
1. La requête principale et les requêtes subsidiaires sont rejetées.
2. Le remboursement de la taxe de recours est ordonné.