CHAMBRES DE RECOURS
Décisions des Chambres de recours techniques
Décision de la Chambre de recours technique 3.5.2, en date du 6 avril 1994 - T 647/93 - 3.5.2
(Traduction)
Composition de la Chambre :
Président : | E. Persson |
Membres : | W.J.L. Wheeler |
| A.G. Hagenbucher |
Demandeur : Hitachi Maxell Limited
Référence : Vice de procédure/HITACHI MAXELL
Article : 109, 111(1), 113(2) CBE ; 10 du Règlement de procédure des chambres de recours
Mot-clé : "Décision de la première instance non prise sur la base du texte soumis par le demandeur - vice substantiel de procédure (oui)" - "Non-respect de la procédure décrite dans les Directives - vice substantiel de procédure (non)" - "Décision de la première instance mal motivée - vice substantiel de procédure (non)" - "Renvoi à la première instance pour suite à donner" - "Remboursement de la taxe de recours"
Sommaire
L'article 113(2) CBE, selon lequel l'Office européen des brevets n'examine et ne prend de décision sur la demande de brevet européen ou le brevet européen que dans le texte proposé ou accepté par le demandeur ou le titulaire du brevet, est un principe fondamental de procédure qui fait partie du droit d'être entendu, et revêt une importance primordiale telle que toute violation de cette disposition, même si elle résulte d'une interprétation erronée d'une requête, doit en principe être considérée comme un vice substantiel de procédure. En tout état de cause, il y a vice de procédure lorsque, comme dans le cas présent, la division d'examen n'utilise pas la possibilité d'accorder une révision préjudicielle au titre de l'article 109 CBE, après que l'erreur a été signalée dans les motifs du recours.
Exposé des faits et conclusions
I. Le requérant a introduit un recours contre la décision de la division d'examen de rejeter la demande n° 88 309 812.1. Cette demande avait été rejetée au motif que l'invention qui en faisait l'objet n'impliquait pas d'activité inventive, eu égard à ce qui avait déjà été décrit dans le document GB-A-2 162 008 (appelé D1).
II. Le requérant a demandé que la demande soit renvoyée à la division d'examen pour poursuite de l'examen sur la base des revendications 1 à 10 déposées avec le mémoire exposant les motifs du recours, et que la taxe de recours soit remboursée.
III. La revendication 1 s'énonce comme suit :
"1. Support d'enregistrement magnéto-optique comprenant un substrat transparent (1), un film d'enregistrement magnéto-optique (3) ayant une caractéristique anisotropique verticale formée sur le substrat transparent (1), et un film de magnétisation perpendiculaire (4) formé sur le film d'enregistrement magnéto-optique (3), le film de magnétisation perpendiculaire (4) ayant une faible force coercitive à température ambiante, et un point de Curie suffisamment élevé par rapport à la force coercitive et au point de Curie du film d'enregistrement magnéto-optique (3)".
L'énoncé des revendications 2 à 10 n'est pas pertinent pour la présente décision.
IV. Le requérant a essentiellement fait valoir que les revendications déposées avec le mémoire exposant les motifs du recours correspondaient exactement à celles produites initialement, et qu'elles comportaient les modifications des revendications 1 et 2 exposées dans la lettre du 22 décembre 1992 en réponse à une notification de la division d'examen. Ces modifications levaient les objections soulevées dans la notification au titre des articles 54 et 84 CBE. La réponse contenait également un argument à l'appui de l'activité inventive. Le requérant avait donc manifestement tenté de bonne foi de répondre aux objections (cf. Directives relatives à l'examen pratiqué à l'OEB, C-VI, 4.3). Le requérant a soutenu que la division d'examen avait commis des vices substantiels de procédure en ce sens qu'elle avait interprété de façon erronée la modification de la revendication 1 exposée dans la lettre du 22 décembre 1992, qu'elle n'avait pas suivi la procédure décrite dans les Directives, C-VI, 4.3, et qu'elle n'avait pas fourni de décision écrite motivée, comme le prévoit la règle 68(2) CBE.
Motifs de la décision
1. Le recours est recevable.
2. Le requérant a allégué que la division d'examen avait commis un vice substantiel de procédure en interprétant de façon erronée la modification de la revendication 1 exposée dans la lettre du 22 décembre 1992.
2.1 La lettre du requérant en date du 22 décembre 1992 contenait la déclaration suivante :
"Je souhaite apporter les modifications suivantes :
Revendication 1, lignes 8 à 10, supprimer " : le film d'enregistrement ... magnéto-optique", et insérer "par rapport à la force coercitive et au point de Curie du film d'enregistrement magnéto-optique (3)".
Revendication 2, ligne 4, supprimer "12 000", et insérer "1 200".
2.2 Bien que la revendication 1 déposée à l'origine ait une virgule au lieu de deux points à la ligne 8, il apparaît néanmoins sans aucune équivoque qu'en réponse à la suggestion émise par la division d'examen au dernier paragraphe de la page 1 de sa notification officielle en date du 6 mars 1992, le requérant a voulu supprimer le passage suivant à la fin de la revendication 1 initialement déposée : ", le film d'enregistrement magnéto-optique (3) et le film de magnétisation perpendiculaire (4) formant un film d'enregistrement à plusieurs couches".
2.3 En outre, si la lettre du requérant datée du 22 décembre 1992 n'indiquait pas explicitement à quel endroit il fallait insérer les termes "par rapport à la force coercitive et au point de Curie du film d'enregistrement magnéto-optique (3)", il était implicite, étant donné le contexte, qu'à défaut d'indication d'un autre endroit où insérer ces termes, il fallait les ajouter à la fin de la revendication pour remplacer le passage supprimé.
2.4 Par conséquent, de l'avis de la Chambre, il n'y a pas lieu de douter que le requérant a demandé de modifier la revendication 1 de façon à obtenir l'énoncé de la revendication 1 du jeu de revendications soumis avec les motifs du recours (cf. point III ci-dessus). Il s'agit donc bien du texte soumis par le demandeur au moment où la décision attaquée a été prise.
2.5 Toutefois, le texte de la revendication 1 joint à la décision attaquée diffère de celui qui avait été soumis par le demandeur, en ce sens que le membre de phrase "et le film de magnétisation perpendiculaire (4) constituant un film d'enregistrement à plusieurs couches," n'a pas été supprimé. Par ailleurs, il ne semble pas que cela soit dû à une erreur d'écriture commise lors de la préparation de la copie de la revendication jointe à la décision, puisqu'il ressort clairement des points 1.1 et 1.2 de la décision litigieuse que la division d'examen a examiné et pris une décision sur la demande en se basant sur l'énoncé de la revendication 1 jointe à la décision.
2.6 La Chambre considère que cela constitue une violation de l'article 113 (2) CBE, qui prévoit que l'Office européen des brevets n'examine et ne prend de décision sur la demande de brevet européen que dans le texte proposé ou accepté par le demandeur. Il s'agit là d'un principe fondamental de procédure qui fait partie du droit d'être entendu, et revêt une importance primordiale telle que toute violation de cette disposition, même si elle résulte d'une interprétation erronée d'une requête, doit en principe être considérée comme un vice substantiel de procédure. En tout état de cause, il y a vice de procédure lorsque, comme dans le cas présent, la division d'examen n'utilise pas la possibilité d'accorder une révision préjudicielle au titre de l'article 109 CBE, après que l'erreur a été signalée dans les motifs du recours.
3. Selon l'article 10 du règlement de procédure des chambres de recours, lorsque la procédure de première instance est entachée de vices majeurs, la Chambre renvoie l'affaire à cette instance. Aussi la Chambre n'a-t-elle pas à examiner le cas de façon plus approfondie.
4. La Chambre considère néanmoins qu'il convient, étant donné les circonstances de la présente espèce, de commenter les conclusions du requérant selon lesquelles la division d'examen a commis des vices substantiels de procédure en ne suivant pas la procédure décrite au chapitre C-VI, 4.3 des Directives, et en ne fournissant pas de décision écrite motivée comme le prescrit la règle 68(2) CBE.
4.1 Bien qu'il soit normalement souhaitable que les divisions d'examen agissent conformément aux Directives, la Chambre tient à souligner qu'il s'agit de directives et non de règles ayant force de loi, de sorte que le non-respect d'une procédure décrite dans ces directives ne constitue pas, à proprement parler, un vice substantiel de procédure.
4.2 Les motifs du rejet, tels qu'exposés aux points 3 et 4 de la décision litigieuse, sont sans doute quelque peu obscurs. Ils sembleraient notamment refléter la conception selon laquelle une invention pourrait être considérée comme non brevetable en raison d'une différence "non essentielle" par rapport à l'état de la technique, ou d'une absence d'avantage technique. Rien dans la CBE ne vient étayer une telle conception. Toutefois, même si les motifs de la décision ne sont pas bien fondés, cela ne signifie pas pour autant que la décision n'a pas été du tout motivée au sens de la règle 68 (2) CBE. Par conséquent, il n'y a pas de vice de procédure à cet égard.
5. La Chambre arrive dès lors à la conclusion que la décision attaquée doit être annulée, et décide en vertu des pouvoirs qui lui sont conférés par l'article 111(1) CBE de renvoyer l'affaire à la première instance pour suite à donner, comme l'a demandé le requérant. En outre, la Chambre considère qu'étant donné le vice de procédure (cf. points 2 à 2.6 ci-dessus), il est équitable de rembourser la taxe de recours, ainsi que le prévoit la règle 67 CBE.
Dispositif
Par ces motifs, il est statué comme suit :
1. La décision attaquée est annulée.
2. L'affaire est renvoyée à la division d'examen pour suite à donner.
3. Il est fait droit à la requête en remboursement.