EXPOSÉS PRÉSENTÉS PAR DES JUGES NATIONAUX
NL Pays-Bas
NL Pays-Bas - Rian KALDEN - Vice-Président du Tribunal de Grande Instance de La Haye - Philips contre SK Kassetten/FRAND1 - Koninklijke Philips Electronics N.V. contre SK Kassetten GmbH & Co. KG, contrefaçon, FRAND, - Tribunal de Grande Instance de La Haye, Pays-Bas, 17 mars 2010, affaires jointes n° 316533/08-2522 et 316535/08-2524
Rappel des faits
Le Tribunal de Grande Instance de La Haye a jugé que le défendeur, SK Kassetten, était responsable de contrefaçon de plusieurs brevets fondamentaux détenus par le plaignant, Philips, concernant une technologie relative au CD et au DVD contenue dans la norme du Livre Orange.
Arguments du défendeur
SK Kassetten a évoqué la décision de la Cour Fédérale de Justice allemande relative au Livre Orange pour faire valoir son droit à une licence en vertu des termes FRAND (Fair, Reasonable And Non-Discriminatory/équitables, raisonnables et non discriminatoires) et démontrer ainsi que Philips ne pourrait pas faire respecter ses brevets. SK Kassetten a en outre déclaré que, eu égard aux circonstances relatives aux procédures en contrefaçon de brevets, l'attitude de Philips correspondait à un abus de position dominante et qu'une injonction devrait donc être rejetée.
Décision
Pour le tribunal, il n'existe aucun motif légal d'autoriser SK Kassetten à utiliser la technologie brevetée ou de refuser à Philips le respect de ses brevets, aussi longtemps que SK Kassetten ne détiendra pas de licence. Un système qui défendrait les règles de concurrence (c'est-à-dire le droit de SK Kassetten à détenir une licence obligatoire au motif que Philips abuse de sa position dominante) et empêcherait ainsi le titulaire du brevet de faire valoir ses droits, n'a pas été jugé conforme à la loi néerlandaise. En effet, celle-ci prévoit la possibilité d'obtenir une licence obligatoire (sous certaines conditions) mais ne permet pas l'exploitation du brevet avant l'obtention d'une telle licence.
Autoriser une partie à utiliser un brevet avant la prise d'une décision finale sur le droit à une licence FRAND serait également facteur d'incertitudes selon les considérations du tribunal. Jusqu'à ce qu'une décision soit rendue, il subsiste des zones d'ombre sur la question de savoir si une partie a effectivement droit à une licence FRAND tout comme sur les conditions qui en découlent, notamment le montant des redevances dues.
En général, pour obtenir une licence FRAND, le consentement du titulaire du brevet – ou, le cas échéant, une décision de justice – est requis. SK Kassetten aurait donc dû demander une licence FRAND avant de commencer à exploiter la technologie. Si cette licence n'avait pas été octroyée, SK Kassetten aurait dû engager une action en justice afin d'obtenir une licence obligatoire, ce qu'il n'a pas fait. Il n'avait pas non plus formé de demande reconventionnelle à cet effet. Le tribunal a tenu compte du fait qu'une telle procédure au fond pour obtenir une licence obligatoire pouvait prendre un certain temps. Il n'a cependant pas jugé que cela pouvait avoir un impact excessivement désavantageux sur les affaires de SK Kassetten, puisqu'il est possible aux Pays-Bas d'engager une procédure de référé (kort geding) et de demander une licence temporaire pendant la durée de la procédure au fond. Le tribunal a par ailleurs estimé que si le refus de Philips d'accorder une licence devait être considéré comme un abus de position dominante, celui-ci serait toujours tenu au paiement de dommages et intérêts pour refus injustifié d'octroyer une licence FRAND. Ainsi, Philips peut faire respecter ses brevets, même si SK Kassetten avait finalement droit à une licence FRAND.
Le tribunal a évoqué la décision de l'Allemagne relative au Livre Orange et a expliqué qu'un jugement différent était rendu aux Pays-Bas, car selon lui l'approche de la justice allemande était :
- contraire à la loi néerlandaise ;
- facteur d'éléments d'incertitude ;
- non déterminante pour la protection des intérêts de SK Kassetten.
1 Texte en néerlandais et en anglais (traduction non officielle) à l'adresse http://www.eplawpatentblog.com.