TRAITÉS INTERNATIONAUX
Union européenne
DIRECTIVE 98/44/CE DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL du 6 juillet 1998 relative à la protection juridique des inventions biotechnologiques
LE PARLEMENT EUROPEEN ET LE CONSEIL DE L'UNION EUROPEENNE,
vu le traité instituant la Communauté européenne, et notamment son article 100 A,
vu la proposition de la Commission1,
vu l'avis du Comité économique et social2,
statuant conformément à la procédure visée à l'article 189 B du traité3,
(1) considérant que la biotechnologie et le génie génétique jouent un rôle croissant dans un nombre considérable d'activités industrielles ; que la protection des inventions biotechnologiques revêtira certainement une importance essentielle pour le développement industriel de la Communauté ;
(2) considérant que, notamment, dans le domaine du génie génétique, la recherche et le développement exigent une somme considérable d'investissements à haut risque que seule une protection juridique adéquate peut permettre de rentabiliser ;
(3) considérant qu'une protection efficace et harmonisée dans l'ensemble des États membres est essentielle en vue de préserver et d'encourager les investissements dans le domaine de la biotechnologie ;
(4) considérant que, à la suite du rejet par le Parlement européen du projet commun, approuvé par le comité de conciliation, de directive du Parlement européen et du Conseil relative à la protection juridique des inventions biotechnologiques4, le Parlement européen et le Conseil ont constaté que la protection juridique des inventions biotechnologiques avait besoin d'être clarifiée ;
(5) considérant qu'il existe des divergences, dans le domaine de la protection des inventions biotechnologiques, entre les législations et pratiques des différents États membres ; que de telles disparités sont de nature à créer des entraves aux échanges et à faire ainsi obstacle au fonctionnement du marché intérieur ;
(6) considérant que ces divergences risquent de s'accentuer au fur et à mesure que les États membres adopteront de nouvelles lois et pratiques administratives différentes ou que les interprétations jurisprudentielles nationales se développeront diversement ;
(7) considérant qu'une évolution hétérogène des législations nationales relatives à la protection juridique des inventions biotechnologiques dans la Communauté risque de décourager encore plus les échanges commerciaux, au détriment du développement industriel de ces inventions et du bon fonctionnement du marché intérieur ;
(8) considérant que la protection juridique des inventions biotechnologiques ne nécessite pas la création d'un droit particulier se substituant au droit national des brevets ; que le droit national des brevets reste la référence essentielle pour la protection juridique des inventions biotechnologiques, étant entendu qu'il doit être adapté ou complété sur certains points spécifiques pour tenir compte de façon adéquate de l'évolution de la technologie faisant usage de matière biologique, mais répondant néanmoins aux conditions de brevetabilité ;
(9) considérant que, dans certains cas, comme celui de l'exclusion de la brevetabilité des variétés végétales et des races animales ainsi que des procédés essentiellement biologiques d'obtention de végétaux ou d'animaux, certaines notions des législations nationales, fondées sur les conventions internationales relatives aux brevets et aux variétés végétales, ont suscité des incertitudes concernant la protection des inventions biotechnologiques et de certaines inventions microbiologiques ; que, dans ce domaine, l'harmonisation est nécessaire pour dissiper ces incertitudes ;
(10) considérant qu'il convient de prendre en compte le potentiel de développement des biotechnologies pour l'environnement et en particulier l'utilité de ces technologies pour le développement de méthodes culturales moins polluantes et plus économes des sols ; qu'il convient d'encourager, par le système des brevets, la recherche et la mise en oeuvre de tels procédés ;
(11) considérant que le développement des biotechnologies est important pour les pays en voie de développement, tant dans le domaine de la santé et de la lutte contre les grandes épidémies et endémies que dans le domaine de la lutte contre la faim dans le monde ; qu'il convient d'encourager de même, par le système des brevets, la recherche dans ces domaines ; qu'il convient par ailleurs de promouvoir des mécanismes internationaux assurant la diffusion de ces technologies dans le tiers monde et au profit des populations concernées ;
(12) considérant que l'accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC)5, signé par la Communauté européenne et ses États membres est entré en vigueur ; que cet accord prévoit que la protection conférée par un brevet doit être assurée pour les produits et les procédés dans tous les domaines de la technologie ;
(13) considérant que le cadre juridique communautaire pour la protection des inventions biotechnologiques peut se limiter à la définition de certains principes applicables à la brevetabilité de la matière biologique en tant que telle, principes ayant notamment pour but de déterminer la différence entre inventions et découvertes à propos de la brevetabilité de certains éléments d'origine humaine, à l'étendue de la protection conférée par un brevet sur une invention biotechnologique, à la possibilité de recourir à un système de dépôt complétant la description écrite et, enfin, à la possibilité d'obtenir des licences obligatoires non exclusives pour dépendance entre des variétés végétales et des inventions, et inversement ;
(14) considérant qu'un brevet d'invention n'autorise pas son titulaire à mettre l'invention en oeuvre, mais se borne à lui conférer le droit d'interdire aux tiers de l'exploiter à des fins industrielles et commerciales ; que, dès lors, le droit des brevets n'est pas susceptible de remplacer ni de rendre superflues les législations nationales, européennes ou internationales, fixant d'éventuelles limitations ou interdictions, ou organisant un contrôle de la recherche et de l'utilisation ou de la commercialisation de ses résultats, notamment par rapport aux exigences de santé publique, de sécurité, de protection de l'environnement, de protection des animaux, de préservation de la diversité génétique et par rapport au respect de certaines normes éthiques ;
(15) considérant que ni le droit national ni le droit européen des brevets (convention de Munich) ne comportent, en principe, d'interdiction ou d'exclusion frappant la brevetabilité de la matière biologique ;
(16) considérant que le droit des brevets doit s'exercer dans le respect des principes fondamentaux garantissant la dignité et l'intégrité de l'Homme ; qu'il importe de réaffirmer le principe selon lequel le corps humain, dans toutes les phases de sa constitution et de son développement, cellules germinales comprises, ainsi que la simple découverte d'un de ses éléments ou d'un de ses produits, y compris la séquence ou séquence partielle d'un gène humain, ne sont pas brevetables ; que ces principes sont conformes aux critères de brevetabilité prévus par le droit des brevets, critères selon lesquels une simple découverte ne peut faire l'objet d'un brevet ;
(17) considérant que des progrès décisifs dans le traitement des maladies ont d'ores et déjà pu être réalisés grâce à l'existence de médicaments dérivés d'éléments isolés du corps humain et/ou autrement produits, médicaments résultant de procédés techniques visant à obtenir des éléments d'une structure semblable à celle d'éléments naturels existant dans le corps humain ; que, dès lors, il convient d'encourager, par le système des brevets, la recherche tendant à obtenir et à isoler de tels éléments précieux pour la production de médicaments ;
(18) considérant que, dans la mesure où le système des brevets s'avère insuffisant pour inciter à la recherche et à la production de médicaments issus de biotechnologies et nécessaires pour lutter contre les maladies rares ou dites “orphelines”, la Communauté et les États membres ont l'obligation d'apporter une réponse adéquate à ce problème ;
(19) considérant que l'avis n° 8 du groupe de conseillers pour l'éthique de la biotechnologie de la Commission européenne a été pris en compte ;
(20) considérant, en conséquence, qu'il est nécessaire d'indiquer qu'une invention qui porte sur un élément isolé du corps humain ou autrement produit par un procédé technique, et qui est susceptible d'application industrielle, n'est pas exclue de la brevetabilité, même si la structure de cet élément est identique à celle d'un élément naturel, étant entendu que les droits conférés par le brevet ne s'étendent pas au corps humain et à ses éléments dans leur environnement naturel ;
(21) considérant qu'un tel élément isolé du corps humain ou autrement produit n'est pas exclu de la brevetabilité puisqu'il est, par exemple, le résultat de procédés techniques l'ayant identifié, purifié, caractérisé et multiplié en dehors du corps humain, techniques que seul l'être humain est capable de mettre en oeuvre et que la nature est incapable d'accomplir par elle-même ;
(22) considérant que le débat sur la brevetabilité de séquences ou de séquences partielles de gènes donne lieu à des controverses ; que, aux termes de la présente directive, l'octroi d'un brevet à des inventions portant sur de telles séquences ou séquences partielles doit être soumis aux mêmes critères de brevetabilité que pour tous les autres domaines technologiques, nouveauté, activité inventive et application industrielle ; que l'application industrielle d'une séquence ou d'une séquence partielle doit être exposée de façon concrète dans la demande de brevet telle que déposée ;
(23) considérant qu'une simple séquence d'ADN sans indication d'une fonction ne contient aucun enseignement technique ; qu'elle ne saurait, par conséquent, constituer une invention brevetable ;
(24) considérant que, pour que le critère d'application industrielle soit respecté, il est nécessaire, dans le cas où une séquence ou une séquence partielle d'un gène est utilisée pour la production d'une protéine ou d'une protéine partielle, de préciser quelle protéine ou protéine partielle est produite ou quelle fonction elle assure ;
(25) considérant, pour l'interprétation des droits conférés par un brevet, que lorsque des séquences se chevauchent seulement dans les parties qui ne sont pas essentielles à l'invention, le droit des brevets considère chacune d'entre elles comme une séquence autonome ;
(26) considérant que, si une invention porte sur une matière biologique d'origine humaine ou utilise une telle matière, dans le cadre du dépôt d'une demande de brevet, la personne sur laquelle le prélèvement est effectué doit avoir eu l'occasion d'exprimer son consentement éclairé et libre à celui-ci, conformément au droit national ;
(27) considérant que, si une invention porte sur une matière biologique d'origine végétale ou animale ou utilise une telle matière, la demande de brevet devrait, le cas échéant, comporter une information concernant le lieu géographique d'origine de cette matière, si celui-ci est connu ; que ceci est sans préjudice de l'examen des demandes de brevet et de la validité des droits résultant des brevets délivrés ;
(28) considérant que la présente directive n'affecte en rien les fondements du droit des brevets en vigueur selon lequel un brevet peut être accordé pour toute nouvelle application d'un produit déjà breveté ;
(29) considérant que la présente directive ne concerne pas l'exclusion de la brevetabilité des variétés végétales et des races animales ; que, en revanche, les inventions portant sur des plantes ou des animaux sont brevetables si leur application n'est pas techniquement limitée à une variété végétale ou à une race animale ;
(30) considérant que la notion de variété végétale est définie par la législation relative à la protection des obtentions végétales ; que, selon ce droit, une obtention est caractérisée par l'intégralité de son génome et qu'elle est par conséquent individualisée et se différencie nettement d'autres obtentions ;
(31) considérant qu'un ensemble végétal caractérisé par un gène déterminé (et non par l'intégralité de son génome) n'est pas soumis à la protection des obtentions ; que, de ce fait, il n'est pas exclu de la brevetabilité, même lorsqu'il englobe des obtentions végétales ;
(32) considérant que, si l'invention se borne à modifier génétiquement une variété végétale déterminée et si une nouvelle variété végétale est obtenue, elle reste exclue de la brevetabilité, même lorsque cette modification génétique n'est pas le résultat d'un procédé essentiellement biologique mais d'un procédé biotechnologique ;
(33) considérant qu'il est nécessaire de définir aux fins de la présente directive quand un procédé d'obtention de végétaux ou d'animaux est essentiellement biologique ;
(34) considérant que la présente directive n'affecte pas les notions d'invention et de découverte telles que déterminées par le droit des brevets, que celui-ci soit national, européen ou international ;
(35) considérant que la présente directive n'affecte pas les dispositions des législations nationales en matière de brevets selon lesquelles les procédés de traitement chirurgical ou thérapeutique du corps humain ou animal et les méthodes de diagnostic pratiquées sur l'organisme humain ou animal sont exclus de la brevetabilité ;
(36) considérant que l'accord ADPIC prévoit, pour les membres de l'Organisation mondiale du commerce, la possibilité d'exclure de la brevetabilité les inventions dont il est nécessaire d'empêcher l'exploitation commerciale sur leur territoire pour protéger l'ordre public ou la moralité, y compris pour protéger la santé et la vie des personnes et des animaux ou préserver les végétaux, ou pour éviter de graves atteintes à l'environnement, à condition que cette exclusion ne tienne pas uniquement au fait que l'exploitation est interdite par leur législation ;
(37) considérant que la présente directive se doit d'insister sur le principe selon lequel des inventions dont l'exploitation commerciale serait contraire à l'ordre public ou aux bonnes moeurs doivent être exclues de la brevetabilité ;
(38) considérant qu'il importe aussi de mentionner dans le dispositif de la présente directive une liste indicative des inventions exclues de la brevetabilité afin de donner aux juges et aux offices de brevets nationaux des orientations générales aux fins de l'interprétation de la référence à l'ordre public ou aux bonnes moeurs ; que cette liste ne saurait bien entendu prétendre à l'exhaustivité ; que les procédés dont l'application porte atteinte à la dignité humaine, comme par exemple les procédés de production d'êtres hybrides, issus de cellules germinales ou de cellules totipotentes humaines et animales, doivent, bien évidemment, être exclus eux aussi de la brevetabilité ;
(39) considérant que l'ordre public et les bonnes moeurs correspondent notamment à des principes éthiques ou moraux reconnus dans un État membre, dont le respect s'impose tout particulièrement en matière de biotechnologie en raison de la portée potentielle des inventions dans ce domaine et de leur lien inhérent avec la matière vivante ; que ces principes éthiques ou moraux complètent les examens juridiques normaux de la législation sur les brevets, quel que soit le domaine technique de l'invention ;
(40) considérant qu'un consensus existe au sein de la Communauté quant au fait que l'intervention génique germinale sur l'homme et le clonage de l'être humain sont contraires à l'ordre public et aux bonnes moeurs ; qu'il importe par conséquent d'exclure sans équivoque de la brevetabilité les procédés de modification de l'identité génétique germinale de l'être humaine et les procédés de clonage des êtres humains ;
(41) considérant que les procédés de clonage des êtres humains peuvent se définir comme tout procédé, y compris les techniques de scission des embryons, ayant pour but de créer un être humain qui aurait la même information génétique nucléaire qu'un autre être humain vivant ou décédé ;
(42) considérant, en outre, que les utilisations d'embryons humains à des fins industrielles ou commerciales doivent également être exclues de la brevetabilité ; que, en tout état de cause, une telle exclusion ne concerne pas les inventions ayant un objectif thérapeutique ou de diagnostic qui s'appliquent à l'embryon humain et lui sont utiles ;
(43) considérant que l'article F, paragraphe 2, du traité sur l'Union européenne prévoit que l'Union respecte les droits fondamentaux, tels qu'ils sont garantis par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, et tels qu'ils résultent des traditions constitutionnelles communes aux États membres, en tant que principes généraux du droit communautaire ;
(44) considérant que le Groupe européen d'éthique des sciences et des nouvelles technologies de la Commission évalue tous les aspects éthiques liés à la biotechnologie ; que, à cet égard, il convient de remarquer que la consultation de ce groupe, y compris en ce qui concerne le droit des brevets, ne peut se situer qu'au niveau de l'évaluation de la biotechnologie au regard des principes éthiques fondamentaux ;
(45) considérant que les procédés de modification de l'identité génétique des animaux de nature à provoquer chez eux des souffrances sans utilité médicale substantielle dans le domaine de la recherche, de la prévention, du diagnostic ou de la thérapeutique, pour l'homme ou l'animal, ainsi que les animaux issus de tels procédés, doivent être exclus de la brevetabilité ;
(46) considérant que, le brevet ayant pour fonction de récompenser l'inventeur par l'octroi d'un droit exclusif, mais limité dans le temps, au titre de sa créativité, et d'encourager ainsi l'activité inventive, le titulaire du brevet doit avoir le droit d'interdire l'utilisation d'une matière autoreproductible brevetée dans des circonstances analogues à celles où l'utilisation de produits brevetés non autoreproductibles pourrait être interdite, c'est-à-dire la production du produit breveté lui-même ;
(47) considérant qu'il est nécessaire de prévoir une première dérogation aux droits du titulaire du brevet lorsque du matériel de reproduction incorporant l'invention protégée est vendu à un agriculteur à des fins d'exploitation agricole par le titulaire du brevet ou avec son consentement ; que cette première dérogation doit autoriser l'agriculteur à utiliser le produit de sa récolte pour reproduction ou multiplication ultérieure sur sa propre exploitation et que l'étendue et les modalités de cette dérogation doivent être limitées à l'étendue et aux modalités prévues par le règlement (CE) n° 2100/94 du Conseil du 27 juillet 1994 instituant un régime de protection communautaire des obtentions végétales6 ;
(48) considérant que seule la rémunération envisagée par le droit communautaire des obtentions végétales en tant que modalité d'application de la dérogation à la protection communautaire des obtentions végétales peut être exigée de l'agriculteur ;
(49) considérant, cependant, que le titulaire du brevet peut défendre ses droits contre l'agriculteur abusant de la dérogation ou contre l'obtenteur qui a développé la variété végétale incorporant l'invention protégée si celui-ci ne respecte pas ses engagements ;
(50) considérant qu'une deuxième dérogation aux droits du titulaire du brevet doit autoriser l'agriculteur à utiliser le bétail protégé à un usage agricole ;
(51) considérant que l'étendue et les modalités de cette deuxième dérogation doivent être réglées par les lois, les dispositions réglementaires et les pratiques nationales, en l'absence de législation communautaire concernant l'obtention de races animales ;
(52) considérant que, dans le domaine de l'exploitation des nouvelles caractéristiques végétales issues du génie génétique, un accès garanti moyennant rémunération doit être accordé sous forme de licence obligatoire lorsque, par rapport au genre ou à l'espèce concerné, la variété végétale représente un progrès technique important d'un intérêt économique considérable par rapport à l'invention revendiquée dans le brevet ;
(53) considérant que, dans le domaine de l'utilisation en génie génétique de nouvelles caractéristiques végétales issues de nouvelles variétés végétales, un accès garanti moyennant rémunération doit être accordé sous forme de licence obligatoire lorsque l'invention représente un progrès technique important d'un intérêt économique considérable ;
(54) considérant que l'article 34 de l'accord ADPIC contient une réglementation détaillée de la charge de la preuve qui s'impose à tous les États membres ; que, par conséquent, il n'y a pas lieu de prévoir dans la présente directive une disposition à ce sujet ;
(55) considérant que la Communauté, à la suite de la décision 93/626/CEE7, est partie à la convention sur la diversité biologique du 5 juin 1992 ; que, à cet égard, les États membres, dans le cadre de la mise en vigueur des dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la présente directive, tiennent compte notamment de l'article 3, de l'article 8, point j), et de l'article 16, paragraphe 2, deuxième phrase, et paragraphe 5, de ladite convention ;
(56) considérant que la troisième conférence des parties signataires de la convention sur la diversité biologique, qui s'est tenue en novembre 1996, a reconnu, dans la décision III/17, que “des travaux supplémentaires sont nécessaires pour contribuer au développement d'une appréciation commune de la relation entre les droits de propriété intellectuelle et les dispositions afférentes de l'accord sur les aspects commerciaux des droits de propriété intellectuelle et de la convention sur la diversité biologique, notamment sur les questions relatives aux transferts de technologies, la conservation et l'utilisation durable de la biodiversité et le partage équitable des bénéfices de l'utilisation des ressources génétiques, y compris la protection des connaissances, innovations et pratiques des communautés indigènes et locales incarnant des modes de vie traditionnels importants pour la conservation et l'utilisation durable de la biodiversité”,
ONT ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DIRECTIVE :
CHAPITRE I
Brevetabilité
Article premier
1. Les États membres protègent les inventions biotechnologiques au moyen de leur droit national des brevets. Ils adaptent leur droit national des brevets, si nécessaire, pour tenir compte des dispositions de la présente directive.
2. La présente directive n'affecte pas les obligations découlant, pour les États membres, des conventions internationales, et notamment de l'accord ADPIC et de la convention sur la diversité biologique.
Article 2
1. Aux fins de la présente directive, on entend par :
a) “matière biologique” : une matière contenant des informations génétiques et qui est autoreproductible ou reproductible dans un système biologique ;
b) “procédé microbiologique” : tout procédé utilisant une matière microbiologique, comportant une intervention sur une matière microbiologique ou produisant une matière microbiologique.
2. Un procédé d'obtention de végétaux ou d'animaux est essentiellement biologique s'il consiste intégralement en des phénomènes naturels tels que le croisement ou la sélection.
3. La notion de variété végétale est définie à l'article 5 du règlement (CE) n° 2100/94.
Article 3
1. Aux fins de la présente directive, sont brevetables les inventions nouvelles, impliquant une activité inventive et susceptibles d'application industrielle, même lorsqu'elles portent sur un produit composé de matière biologique ou en contenant, ou sur un procédé permettant de produire, de traiter ou d'utiliser de la matière biologique.
2. Une matière biologique isolée de son environnement naturel ou produite à l'aide d'un procédé technique peut être l'objet d'une invention, même lorsqu'elle préexistait à l'état naturel.
Article 4
1. Ne sont pas brevetables :
a) les variétés végétales et les races animales ;
b) les procédés essentiellement biologiques pour l'obtention de végétaux ou d'animaux.
2. Les inventions portant sur des végétaux ou des animaux sont brevetables si la faisabilité technique de l'invention n'est pas limitée à une variété végétale ou à une race animale déterminée.
3. Le paragraphe 1, point b), n'affecte pas la brevetabilité d'inventions ayant pour objet un procédé microbiologique, ou d'autres procédés techniques, ou un produit obtenu par ces procédés.
Article 5
1. Le corps humain, aux différents stades de sa constitution et de son développement, ainsi que la simple découverte d'un de ses éléments, y compris la séquence ou la séquence partielle d'un gène, ne peuvent constituer des inventions brevetables.
2. Un élément isolé du corps humain ou autrement produit par un procédé technique, y compris la séquence ou la séquence partielle d'un gène, peut constituer une invention brevetable, même si la structure de cet élément est identique à celle d'un élément naturel.
3. L'application industrielle d'une séquence ou d'une séquence partielle d'un gène doit être concrètement exposée dans la demande de brevet.
Article 6
1. Les inventions dont l'exploitation commerciale serait contraire à l'ordre public ou aux bonnes moeurs sont exclues de la brevetabilité, l'exploitation ne pouvant être considérée comme telle du seul fait qu'elle est interdite par une disposition légale ou réglementaire.
2. Au titre du paragraphe 1 ne sont notamment pas brevetables :
a) les procédés de clonage des êtres humains ;
b) les procédés de modification de l'identité génétique germinale de l'être humain ;
c) les utilisations d'embryons humains à des fins industrielles ou commerciales ;
d) les procédés de modification de l'identité génétique des animaux de nature à provoquer chez eux des souffrances sans utilité médicale substantielle pour l'homme ou l'animal, ainsi que les animaux issus de tels procédés.
Article 7
Le Groupe européen d'éthique des sciences et des nouvelles technologies de la Commission évalue tous les aspects éthiques liés à la biotechnologie.
CHAPITRE II
Étendue de la protection
Article 8
1. La protection conférée par un brevet relatif à une matière biologique dotée, du fait de l'invention, de propriétés déterminées s'étend à toute matière biologique obtenue à partir de cette matière biologique par reproduction ou multiplication sous forme identique ou différenciée et dotée de ces mêmes propriétés.
2. La protection conférée par un brevet relatif à un procédé permettant de produire une matière biologique dotée, du fait de l'invention, de propriétés déterminées s'étend à la matière biologique directement obtenue par ce procédé et à toute autre matière biologique obtenue, à partir de la matière biologique directement obtenue, par reproduction ou multiplication sous forme identique ou différenciée et dotée de ces mêmes propriétés.
Article 9
La protection conférée par un brevet à un produit contenant une information génétique ou consistant en une information génétique s'étend à toute matière, sous réserve de l'article 5, paragraphe 1, dans laquelle le produit est incorporé et dans laquelle l'information génétique est contenue et exerce sa fonction.
Article 10
La protection visée aux articles 8 et 9 ne s'étend pas à la matière biologique obtenue par reproduction ou multiplication d'une matière biologique mise sur le marché sur le territoire d'un État membre par le titulaire du brevet ou avec son consentement, lorsque la reproduction ou la multiplication résulte nécessairement de l'utilisation pour laquelle la matière biologique a été mise sur le marché, pourvu que la matière obtenue ne soit pas utilisée ensuite pour d'autres reproductions ou multiplications.
Article 11
1. Par dérogation aux articles 8 et 9, la vente ou une autre forme de commercialisation de matériel de reproduction végétal par le titulaire du brevet ou avec son consentement à un agriculteur à des fins d'exploitation agricole implique pour celui-ci l'autorisation d'utiliser le produit de sa récolte pour reproduction ou multiplication par lui-même sur sa propre exploitation, l'étendue et les modalités de cette dérogation correspondant à celles prévues à l'article 14 du règlement (CE) n° 2100/94.
2. Par dérogation aux articles 8 et 9, la vente ou une autre forme de commercialisation d'animaux d'élevage ou autre matériel de reproduction animal par le titulaire du brevet ou avec son consentement à un agriculteur implique pour celui-ci l'autorisation d'utiliser le bétail protégé à un usage agricole. Ceci inclut la mise à disposition de l'animal ou autre matériel de reproduction animal pour la poursuite de son activité agricole, mais non la vente dans le cadre ou le but d'une activité de reproduction commerciale.
3. L'étendue et les modalités de la dérogation prévue au paragraphe 2 sont régies par les lois, les dispositions réglementaires et les pratiques nationales.
CHAPITRE III
Licences obligatoires pour dépendance
Article 12
1. Lorsqu'un obtenteur ne peut obtenir ou exploiter un droit d'obtention végétale sans porter atteinte à un brevet antérieur, il peut demander une licence obligatoire pour l'exploitation non exclusive de l'invention protégée par ce brevet, dans la mesure où cette licence est nécessaire pour l'exploitation de la variété végétale à protéger, moyennant une redevance appropriée. Les États membres prévoient que, lorsqu'une telle licence est accordée, le titulaire du brevet a droit à une licence réciproque à des conditions raisonnables pour utiliser la variété protégée.
2. Lorsque le titulaire d'un brevet concernant une invention biotechnologique ne peut exploiter celle-ci sans porter atteinte à un droit d'obtention végétale antérieur sur une variété, il peut demander une licence obligatoire pour l'exploitation non exclusive de la variété protégée par ce droit d'obtention, moyennant une redevance appropriée. Les États membres prévoient que, lorsqu'une telle licence est accordée, le titulaire du droit d'obtention a droit à une licence réciproque à des conditions raisonnables pour utiliser l'invention protégée.
3. Les demandeurs des licences visées aux paragraphes 1 et 2 doivent établir :
a) qu'ils se sont vainement adressés au titulaire du brevet ou du droit d'obtention végétale pour obtenir une licence contractuelle ;
b) que la variété ou l'invention représente un progrès technique important d'un intérêt économique considérable par rapport à l'invention revendiquée dans le brevet ou à la variété végétale protégée.
4. Chaque État membre désigne la ou les autorités compétentes pour octroyer la licence. Lorsqu'une licence sur une variété végétale ne peut être octroyée que par l'Office communautaire des variétés végétales, l'article 29 du règlement (CE) n° 2100/94 s'applique.
CHAPITRE IV
Dépôt d'une matière biologique, accès à une telle matière et nouveau dépôt
Article 13
1. Lorsqu'une invention porte sur de la matière biologique non accessible au public et ne pouvant être décrite dans la demande de brevet pour permettre à une personne du métier de réaliser l'invention, ou implique l'utilisation d'une telle matière, la description n'est réputée suffisante pour l'application du droit des brevets que si :
a) la matière biologique a été déposée au plus tard le jour du dépôt de la demande de brevet auprès d'une institution de dépôt reconnue. Sont reconnues au moins les institutions de dépôt internationales ayant acquis ce statut conformément à l'article 7 du traité de Budapest du 28 avril 1977 sur la reconnaissance internationale du dépôt de micro-organismes aux fins de la procédure en matière de brevets, ci-après dénommé “traité de Budapest” ;
b) la demande déposée contient les informations pertinentes dont dispose le déposant sur les caractéristiques de la matière biologique déposée ;
c) la demande de brevet mentionne l'institution de dépôt et le numéro de dépôt.
2. L'accès à la matière biologique déposée est assuré par la remise d'un échantillon :
a) jusqu'à la première publication de la demande de brevet, uniquement aux personnes autorisées en vertu du droit national des brevets ;
b) entre la première publication de la demande de brevet et la délivrance du brevet, à toute personne qui en fait la requête ou, si le déposant le demande, uniquement à un expert indépendant ;
c) après la délivrance du brevet et nonobstant une révocation ou annulation du brevet, à toute personne qui en fait la requête.
3. La remise n'a lieu que si le requérant s'engage, pour la durée des effets du brevet :
a) à ne communiquer à des tiers aucun échantillon de la matière biologique déposée ou d'une matière qui en serait dérivée
et
b) à n'utiliser aucun échantillon de la matière biologique déposée ou d'une matière qui en serait dérivée, sauf à des fins expérimentales, à moins que le demandeur ou le titulaire du brevet ne renonce expressément à un tel engagement.
4. En cas de rejet ou de retrait de la demande, l'accès à la matière déposée est limité, à la demande du déposant, à un expert indépendant pendant vingt ans à compter de la date de dépôt de la demande de brevet. Dans ce cas, les dispositions du paragraphe 3 sont applicables.
5. Les demandes du déposant visées au paragraphe 2, point b), et au paragraphe 4 ne peuvent être introduites que jusqu'à la date où les préparatifs techniques de la publication de la demande de brevet sont réputés achevés.
Article 14
1. Lorsque la matière biologique déposée conformément à l'article 13 cesse d'être disponible auprès de l'institution de dépôt reconnue, un nouveau dépôt de la matière est autorisé dans les mêmes conditions que celles prévues par le traité de Budapest.
2. Tout nouveau dépôt doit être accompagné d'une déclaration signée par le déposant certifiant que la matière biologique qui fait l'objet du nouveau dépôt est la même que celle qui faisait l'objet du dépôt initial.
CHAPITRE V
Dispositions finales
Article 15
1. Les États membres mettent en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la présente directive au plus tard le 30 juillet 2000. Ils en informent immédiatement la Commission.
Lorsque les États membres adoptent ces dispositions, celles-ci contiennent une référence à la présente directive ou sont accompagnées d'une telle référence lors de leur publication officielle. Les modalités de cette référence sont arrêtées par les États membres.
2. Les États membres communiquent à la Commission le texte des dispositions de droit interne qu'ils adoptent dans le domaine régi par la présente directive.
Article 16
La Commission transmet au Parlement européen et au Conseil :
a) tous les cinq ans à compter de la date prévue à l'article 15, paragraphe 1, un rapport sur la question de savoir si la présente directive a soulevé des problèmes au regard des accords internationaux sur la protection des droits de l'homme, auxquels les États membres ont adhéré ;
b) dans un délai de deux ans après l'entrée en vigueur de la présente directive, un rapport tendant à évaluer les implications dans le domaine de la recherche fondamentale en génie génétique de la non-publication ou publication tardive de documents dont l'objet pourrait être brevetable ;
c) tous les ans à compter de la date prévue à l'article 15, paragraphe 1, un rapport sur l'évolution et les implications du droit des brevets dans le domaine de la biotechnologie et du génie génétique.
Article 17
La présente directive entre en vigueur le jour de sa publication au Journal officiel des Communautés européennes.
Article 18
Les États membres sont destinataires de la présente directive.
Fait à Bruxelles, le 6 juillet 1998.
Par le Parlement européen
Le président
J. M. GIL-ROBLES
Par le Conseil
Le président
R. EDLINGER
1 JO C 296 du 8.10.1996, p. 4.
JO C 311 du 11.10.1997, p. 12.
2 JO C 295 du 7.10.1996, p. 11.
3 Avis du Parlement européen du 16 juillet 1997 (JO C 286 du 22.9.1997, p. 87), position commune du Conseil du 26 février 1998 (JO C 110 du 8.4.1998, p. 17) et décision du Parlement européen du 12 mai 1998 (JO C 167 du 1.6.1998). Décision du Conseil du 16 juin 1998.
4 JO C 68 du 20.3.1995, p. 26.
5 JO L 336 du 23.12.1994, p. 213.
6 JO L 227 du 1.9.1994, p. 1. Règlement modifié par le règlement (CE) n° 2506/95 (JO L 258 du 28.10.1995, p. 3).
7 JO L 309 du 13.12.1993, p. 1.