CHAMBRES DE RECOURS
Décisions des Chambres de recours techniques
Décision de la Chambre de recours technique 3.4.1, en date du 10 juillet 1996 - T 873/94 - 3.4.1
(Traduction)
Composition de la Chambre :
Président : | G.D. Paterson |
Membres : | Y.J.F. van Henden |
R.K. Shukla |
Demandeur/requérant : KABUSHIKI KAISHA TOSHIBA
Référence : Demande divisionnaire modifiée/TOSHIBA
Articles : 76(1), 123(2) CBE
Mot-clé : "Ajout d'une caractéristique dans une revendication d'une demande divisionnaire" - "Combinaison revendiquée modifiée de manière à rester dans les limites de la protection recherchée dans les demandes initiale et divisionnaire telles qu'elles ont été déposées" - "Extension de l'objet de la demande au-delà du contenu des demandes antérieure et divisionnaire telles qu'elles ont été déposées (non)"
Sommaire
I. Toute demande divisionnaire doit satisfaire aux conditions requises aux articles 76(1) et 123(2) CBE. L'article 76(1) CBE, qui régit le dépôt d'une demande divisionnaire, règle la question de savoir si cette demande peut se voir attribuer la même date de dépôt et bénéficier du même droit de priorité que la demande initiale. L'article 123(2) CBE régit les modifications apportées à la demande divisionnaire après son dépôt.
II. Lorsqu'il est proposé de modifier une demande en ajoutant une caractéristique limitant une revendication de cette demande, l'application d'un "test de nouveauté" n'est pas appropriée pour déterminer si cette modification est conforme ou non à l'article 123(2) CBE puisque, comme il est expliqué dans la décision G 1/93 (JO OEB 1994, 541), la réponse à "la question de savoir si l'adjonction d'une caractéristique non divulguée, qui limite l'étendue de la protection ... est contraire ou non à la finalité de l'article 123(2) CBE ... dépend des circonstances".
Exposé des faits et conclusions
I. La demande européenne n° 89 116 770.2 (n° de publication 0 349 022) est une demande divisionnaire de la demande antérieure n° 86 101 172.4 (n° de publication 0 192 093) ("la demande initiale").
II. La demande initiale porte sur un dispositif semiconducteur comportant une couche d'interconnexion pour connecter des régions semi-conductrices ayant différents types de conductivité. La structure particulière selon l'invention est décrite par référence à différents dispositifs semiconducteurs. Ainsi, les exemples 1 et 2 décrivent des cellules de mémoire RAM statiques CMOS par référence aux figures 5 à 12. L'exemple 3 décrit un élément de "pull-up" par référence aux figures 13 à 15. L'exemple 4 décrit un inverseur CMOS par référence à la figure 16, et l'exemple 5 décrit un inverseur CMOS bipolaire par référence aux figures 17 et 18.
L'exemple 2 porte sur la réalisation de la diode à jonction p-n de l'exemple 1, et il est affirmé à ce propos que dans l'exemple 2, les régions de diffusion de type p- et n- constituant la diode à jonction p-n sont fixées de manière à être supérieures à 1019cm-3, et que la diode à jonction p-n sert de diode Esaki, dont les caractéristiques de polarisation directe engendrent un effet tunnel. Les caractéristiques de la diode Esaki sont décrites par référence à la figure 12, et il est expliqué que ces caractéristiques améliorent les caractéristiques de la cellule RAM.
Dans la demande initiale, entre la fin de l'exemple 2 et le début de l'exemple 3, on peut lire le passage suivant à la page 14, lignes 4 à 9 :
"La présente invention est illustrée par les exemples 1 et 2 de cellules de mémoire RAM statiques CMOS ; toutefois, elle ne se limite pas à ces cellules de mémoire, mais peut être étendue à divers types de dispositifs de semiconducteurs. D'autres exemples seront donnés ci-après."
Cette demande initiale telle que déposée comporte 10 revendications, les revendications 1 à 7 définissant un dispositif semiconducteur, et les revendications 8 à 10 un procédé pour fabriquer ledit dispositif. La revendication 1 définit un dispositif semiconducteur comportant notamment une couche d'interconnexion et une première et troisième régions semi-conductrices adaptées pour former une diode à jonction p-n. La revendication 2 définit un dispositif selon la revendication 1, caractérisé en ce que ladite diode à jonction p-n est une diode Esaki. Les revendications 8 et 10 sont des revendications de procédé correspondant aux revendications 1 et 2.
Telle qu'elle avait été déposée, la présente demande divisionnaire quant à elle contient une description qui à quelques modifications près, lesquelles seront mentionnées ci-après, correspond à celle de la demande initiale. Elle comporte une seule revendication, définissant un dispositif semiconducteur se présentant sous la forme d'un élément de "pull-up".
III. La division d'examen a émis une notification au titre de l'article 96(2) CBE dans laquelle elle objectait que la revendication en question n'impliquait pas d'activité inventive. En réponse, le demandeur a déposé une revendication modifiée s'énonçant comme suit :
"11. Dispositif semiconducteur comprenant une première région semi-conductrice (201) d'un premier type de conductivité, une seconde région semi-conductrice (202) d'un second type de conductivité, et une couche d'interconnexion (203) contenant une impureté d'un second type de conductivité, caractérisé en ce que
- ladite première région semi-conductrice (201) fait partie d'une diode à jonction p-n (204);
- la couche d'interconnexion (203) connecte la première région semi-conductrice (201) à la seconde région semi-conductrice (202), la première région semi-conductrice étant une région de drain (201) d'un transistor MOS et la seconde région semi-conductrice étant une électrode de grille (202) dudit transistor MOS;
- une troisième région semi-conductrice (204) du second type de conductivité est disposée et est formée dans la première région semi-conductrice (201) par diffusion de l'impureté de la couche d'interconnexion (203) dans la première région semi-conductrice qui a le même matériau semi-conducteur cristallin que la troisième région semi-conductrice (204);
- la troisième région semi-conductrice (204) est disposée de façon à former avec la première région semi-conductrice (201) la diode à jonction p-n (204);
- la diode à jonction p-n est une diode Esaki (204)".
La modification apportée à la revendication de la demande divisionnaire telle que déposée consistait en une caractéristique ajoutée à la fin de cette revendication, à savoir : "la diode à jonction p-n est une diode Esaki".
IV. Après un nouvel échange de courrier et une procédure orale, la division d'examen a rejeté la demande divisionnaire ainsi modifiée au motif que la modification qui avait été apportée conduisait à étendre l'objet de la demande au-delà du contenu de la demande divisionnaire telle qu'elle avait été déposée, ce qui allait à l'encontre de l'article 123(2) CBE. Le rejet tenait essentiellement à ce que la revendication modifiée définissait un élément de "pull-up" dans lequel la diode à jonction p-n est une diode Esaki, combinaison de caractéristiques qui n'était pas décrite dans la demande divisionnaire telle que déposée, (et qui n'avait pas non plus été décrite dans la demande initiale telle que déposée).
Devant la division d'examen, le demandeur a fait valoir que la revendication modifiée se fondait sur la demande initiale telle que déposée, notamment sur les revendications de procédé 8 et 10, lesquelles visaient à couvrir tous les modes de réalisation de l'invention. Il a cité également le passage figurant à la page 14 de la demande initiale telle que déposée, lignes 4 à 9 (cf. point II ci-dessus). Ce passage avait été omis dans la demande divisionnaire telle que déposée.
La division d'examen a estimé néanmoins qu'il n'était pas possible de transférer des éléments de la demande initiale dans la demande divisionnaire après le dépôt de cette dernière, et que les revendications de procédé 8 et 10 ne divulguaient pas déjà l'objet de la revendication modifiée puisqu'elles ne précisaient pas que la première région était une région de drain, ni que la seconde région était une grille de transistor MOS. En outre, elle a estimé que l'exemple 2 de la demande initiale (faisant intervenir une diode Esaki) était une modification avantageuse qui ne concernait que la cellule RAM CMOS décrite dans l'exemple 1, et qu'il ne pouvait être considéré que l'ajout d'une diode Esaki constituait un élément essentiel des autres modes de réalisation de l'invention décrits dans les exemples 3 à 5. Par conséquent, même si la modification pouvait se fonder sur le contenu de la demande initiale telle que déposée, la combinaison revendiquée n'était pas divulguée dans la demande initiale telle qu'elle avait été déposée.
V. Le demandeur a formé un recours contre la décision de la division d'examen. Dans le mémoire où il exposait ses motifs, il affirmait qu'il n'était pas prévu dans la CBE de comparer (au regard de l'article 123(2) CBE) le texte actuel de la demande divisionnaire avec la demande divisionnaire telle qu'elle avait été déposée. L'article 123(2) CBE n'était applicable que pour la comparaison entre le texte actuel de la demande divisionnaire et le texte de la demande antérieure telle qu'elle avait été déposée à l'origine (la demande initiale).
Selon le demandeur, dans le cas d'une demande divisionnaire, l'article 123(2) CBE ne précise pas si l'expression "demande telle qu'elle a été déposée" vise la demande divisionnaire telle qu'elle a été déposée ou la demande initiale telle qu'elle a été déposée. L'article 76(1) CBE quant à lui prévoit expressément qu'une demande divisionnaire ne peut être déposée que pour des éléments qui ne s'étendent pas au-delà du contenu de la demande initiale telle qu'elle a été déposée. De l'avis du demandeur, dans le cas des demandes divisionnaires, cette disposition spéciale de l'article 76(1) CBE prévaut sur la disposition générale de l'article 123(2) CBE.
De surcroît, la combinaison particulière de caractéristiques introduite dans la revendication modifiée était divulguée dans la demande initiale telle que déposée - cf. le passage allant de la page 12, ligne 34, à la page 13, première ligne, et les revendications 1, 2, et 5. En outre, l'on pouvait incontestablement conclure des revendications initiales de procédé 8 et 10 que dans tous les modes de réalisation décrits, la diode à jonction p-n pouvait être une diode ordinaire ou une diode Esaki, comme le montre par ailleurs clairement le passage de la page 13, lignes 9 à 19 où il est indiqué que les concentrations de l'impureté sont fixées à un niveau plus élevé dans l'exemple 2 que dans l'exemple 1, ce qui a pour effet que la diode à jonction p-n fait office de diode Esaki. En outre, il était clairement précisé aux lignes 4 à 9 de la page 14 que l'invention pouvait être étendue à différents types de dispositifs semiconducteurs, dont l'on décrivait ensuite certains exemples.
VI. Dans une notification accompagnant la citation à une procédure orale, la Chambre a fait notamment savoir, à titre d'avis préliminaire, que l'objet de la revendication modifiée ne semblait pas avoir déjà été divulgué dans la demande initiale telle qu'elle avait été déposée. En réponse, le demandeur a déposé deux jeux de revendications, correspondant l'un à sa requête principale, et l'autre à une requête présentée à titre subsidiaire.
La revendication 1 selon la requête principale s'énonçait comme suit :
"Elément de "pull-up" semiconducteur (201, 202, 203, 204) comprenant
a) une première région semi-conductrice d'un premier type de conductivité (p), laquelle première région est le drain (201) d'un transistor MOS ;
b) une seconde région semi-conductrice d'un second type de conductivité (n), laquelle seconde région est la grille (201) du transistor MOS ;
caractérisé en ce que
c) une couche d'interconnexion (203) contenant une impureté du second type de conductivité (n) connecte le drain (201) et la grille (202) ;
d) une troisième région semi-conductrice du second type de conductivité (n+) est disposée dans la première région semi-conductrice et est formée par diffusion de l'impureté du second type de conductivité (n) de la couche d'interconnexion (203) dans la première région semi-conductrice qui a le même matériau semi-conducteur cristallin que la troisième région semi-conductrice,
e) la première et la troisième région semi-conductrices sont disposées de façon à former une première diode à jonction p-n (204) entre le drain (201) et la grille (202)."
La revendication 2 selon la requête principale précisait que la diode (204) est une diode Esaki.
La revendication 1 selon la requête subsidiaire différait de la revendication 1 selon la requête principale en ce que, après la caractéristique e), elle comportait la caractéristique supplémentaire f) suivante : "la diode (204) est une diode Esaki."
VII. Pendant la procédure orale, la Chambre a fait savoir à titre préliminaire que dans un cas comme celui-ci, une demande divisionnaire modifiée devait satisfaire aux conditions requises aux articles 76(1) et 123(2) CBE. Suivant en cela une suggestion émise par la Chambre, le demandeur a demandé que la décision attaquée soit annulée et que l'affaire soit renvoyée devant la première instance pour que celle-ci l'examine sur la base de la requête principale ou de la requête subsidiaire.
Après avoir délibéré, la Chambre a annoncé que la décision de la division d'examen était annulée, que les revendications 1 à 3 selon la requête principale n'étaient pas contraires aux conditions requises à l'article 76(1) ou à l'article 123(2) CBE, et que l'affaire était renvoyée devant la première instance, à charge pour celle-ci de poursuivre l'examen de la demande sur la base de la requête principale, en vue de déterminer si cette demande satisfaisait aux conditions énoncées dans la CBE.
Motifs de la décision
1. Applicabilité des articles 76(1) et 123(2) CBE
Comme il est indiqué au point II ci-dessus, la présente demande (divisionnaire) telle qu'elle avait été déposée contenait une description comportant certaines modifications par rapport à la demande initiale telle que déposée, ainsi qu'une revendication dont l'objet différait de celui revendiqué dans les revendications de la demande initiale telle que déposée. Des revendications modifiées avaient été déposées après le dépôt de ladite demande.
Comme il est indiqué au point V ci-dessus, le demandeur a prétendu que les seules dispositions régissant les modifications apportées à une demande divisionnaire sont celles énoncées à l'article 76(1) CBE, qui prévoit que l'objet d'une demande divisionnaire ne peut s'étendre au-delà du contenu de la demande initiale telle qu'elle a été déposée.
Dans la décision T 441/92 en date du 10 mars 1995 (non publiée dans le Journal officiel), la chambre de recours compétente a examiné à quelles conditions devaient satisfaire les demandes divisionnaires, et a affirmé que dès lors qu'il est satisfait aux conditions requises à l'article 76(1), la demande divisionnaire doit être examinée comme s'il s'agissait d'une demande tout à fait distincte de la demande initiale, et qui doit pour ce qui la concerne satisfaire à toutes les conditions exigées dans la CBE. Sur ce point, la chambre est en accord avec la pratique, confirmée par la jurisprudence des chambres de recours (cf. décisions T 1055/92 (JO OEB 1995, 214), point 7 des motifs de la décision, et T 284/85 du 24 novembre 1989 (non publiée), points 2 et 3 des motifs de la décision), qui veut que toute demande divisionnaire satisfasse non seulement aux dispositions de l'article 76(1) CBE, mais également à celles de l'article 123(2) CBE.
La Chambre estime elle aussi dans la présente affaire que les dispositions de l'article 76(1) CBE régissent le dépôt d'une demande divisionnaire, c'est-à-dire la question de savoir si une demande déposée en tant que demande divisionnaire peut ou non se voir attribuer la date de dépôt de la demande initiale et bénéficier du même droit de priorité. Quant aux modifications apportées à la demande divisionnaire après son dépôt, elles doivent satisfaire aux conditions requises à l'article 123(2) CBE. Par conséquent, dans une affaire comme celle dont il s'agit dans la présente espèce, la demande divisionnaire doit satisfaire aux conditions requises à la fois à l'article 76(1) CBE et à l'article 123(2) CBE. Dans la discussion qui va suivre, la Chambre va par conséquent examiner les conditions énoncées dans ces deux articles.
2. Principes applicables en vertu des articles 76(1) et 123(2) CBE
2.1 Pour pouvoir satisfaire aux articles 76(1) et 123(2) CBE, la présente demande divisionnaire ne doit pas contenir d'éléments qui s'étendent au-delà du contenu de la demande initiale telle qu'elle a été déposée ou de la demande divisionnaire telle qu'elle a été déposée. Dans les deux cas, il convient de prendre en considération toutes les informations figurant dans la demande telle qu'elle a été déposée à l'origine (cf. par exemple la décision T 514/88 (JO OEB 1992, 570)). Toutes ces informations doivent être comparées avec le contenu de la demande divisionnaire qu'il est maintenant proposé de modifier, afin qu'il puisse être déterminé si l'objet de la demande divisionnaire a été élargi, c'est-à-dire si la demande divisionnaire telle que modifiée contient en plus d'autres éléments.
2.2 Il semble que lorsqu'elle a examiné dans sa décision si la demande était conforme aux articles 76(1) et 123(2) CBE, la division d'examen s'est fondée essentiellement sur le contenu littéral de la demande initiale telle que déposée et de la demande divisionnaire telle que déposée. Bien que cela ne soit pas précisé explicitement, il semble qu'elle ait appliqué un "test de la nouveauté" lorsqu'elle a comparé ces deux contenus avec celui de la demande divisionnaire telle que modifiée. Pour les raisons énoncées ci-après, la Chambre estime qu'il ne convient pas de comparer le contenu littéral des divulgations différentes des demandes, et que l'application d'un tel "test de la nouveauté" n'est pas appropriée en l'occurrence.
Dans la décision G 1/93 (JO OEB 1994, 541), la Grande Chambre de recours a rappelé que l'article 123(2) et (3) CBE vise avant tout à maintenir un juste équilibre entre les intérêts des demandeurs et des titulaires de brevet, d'une part, et ceux des concurrents et autres parties, d'autre part ... " (point 8 des motifs). La Grande Chambre a affirmé en outre qu'"en ce qui concerne l'article 123(2) CBE, il est clair que l'idée sous-jacente de cette disposition est d'interdire à un demandeur de conforter sa position par l'ajout d'un élément non divulgué dans la demande telle qu'elle a été déposée, ce qui lui procurerait un avantage injustifié et pourrait porter préjudice à la sécurité juridique pour les tiers qui se fondent sur le contenu de la demande initiale" (point 9 des motifs).
Après avoir discuté ensuite des effets produits par l'article 123(2) CBE dans le cas où une caractéristique restrictive est ajoutée aux revendications avant la délivrance (points 10 à 14 des motifs), la Grande Chambre a indiqué au point 15 : "il reste cependant à examiner si l'adjonction d'une caractéristique restrictive doit nécessairement toujours être considérée comme une telle extension" (à savoir une extension de l'objet de la demande, allant au-delà du contenu de la demande telle qu'elle a été déposée). Puis, au point 16, la Grande Chambre a déclaré que la réponse à "la question de savoir si l'adjonction d'une caractéristique non divulguée, qui limite l'étendue de la protection conférée par le brevet tel que délivré, est contraire ou non à la finalité de l'article 123(2) CBE, à savoir empêcher un demandeur d'obtenir un avantage injustifié en bénéficiant d'une protection par brevet pour un élément qu'il n'avait pas dûment divulgué, voire même pas inventé à la date de dépôt de la demande, dépend des circonstances ..." (C'est la Chambre qui souligne). Toujours au point 16, la Grande Chambre a cité des exemples de cas dans lesquels l'introduction dans une revendication d'une caractéristique restrictive qui n'avait pas été divulguée auparavant pouvait ou non constituer une extension de l'objet de la demande au-delà du contenu de la demande telle qu'elle a été déposée.
En d'autres termes, la Grande Chambre de recours a indiqué très clairement que l'adjonction dans une revendication, avant la délivrance du brevet, d'une caractéristique restrictive qui n'avait pas été divulguée auparavant pouvait ou non, selon les circonstances, être considérée comme contraire à l'article 123(2) CBE. L'on peut en conclure que le recours à un "test de la nouveauté" n'est pas toujours approprié pour déterminer si une demande modifiée contient ou non des éléments qui vont au-delà du contenu de la demande telle qu'elle a été déposée. Le "test de nouveauté" sera notamment contre-indiqué lorsque la modification proposée conduit à ajouter une caractéristique restrictive dans une revendication (comme c'est le cas dans la présente espèce).
A ce propos, en application de l'article 15(2) du règlement de procédure des chambres de recours, la Chambre signale qu'il paraît douteux que ce qui est dit au point C-VI, 5.4 des Directives relatives à l'examen, à savoir "tout au moins lorsque la modification revêt la forme d'un ajout, l'examen (au titre de l'article 123(2) CBE) correspond à l'examen de nouveauté ..." soit en accord avec les déclarations de la Grande Chambre au point 16 de la décision G 1/93.
Les principes dont il est discuté dans la décision G 1/93 valent manifestement pour l'application non seulement de l'article 123(2) CBE, mais aussi de l'article 76(1) CBE.
3. Application à la présente espèce des principes exposés ci-dessus
Dans la présente espèce, la question majeure que soulève la revendication 2 selon la requête principale (ainsi que la revendication 1 selon la requête subsidiaire), est celle de l'admissibilité de la combinaison modifiée de caractéristiques qui a été revendiquée, et notamment celle de l'admissibilité de la combinaison d'un "élément de "pull-up" semiconducteur" comportant "une première diode à jonction p-n (204) entre le drain (201) et la grille (202)", diode qui est une "diode Esaki". Comme il est indiqué au point IV ci-dessus, la division d'examen a estimé dans sa décision qu'une telle combinaison de caractéristiques n'était décrite ni dans la demande initiale, ni dans la demande divisionnaire telles qu'elles avaient été déposées, si bien que cette modification allait à l'encontre des articles 76(1) et 123(2) CBE.
Dans la requête principale, la modification apportée aux revendications de la demande divisionnaire tend à préciser que l'objet pour lequel la protection est recherchée (article 84 CBE) est la combinaison de caractéristiques définie plus haut, ce qui revient à dire que cet objet constitue un mode de réalisation de l'invention, et qu'il est recherché une protection pour cet objet. Par conséquent, ce qu'il faut décider, c'est si cette modification a pour effet d'étendre le contenu de la demande "au-delà du contenu" soit de la demande initiale (article 76(1) CBE), soit de la demande divisionnaire (article 123(2) CBE), telles qu'elles ont été déposées.
3.1 Il convient en premier lieu de se demander quel est à cet égard le contenu pertinent de la demande initiale. Ce contenu est résumé au point II ci-dessus. La revendication 1 définit en particulier un "dispositif de semiconducteur" qui comporte "une diode à jonction p-n", et la revendication 2 précise que la diode à jonction p-n est "une diode Esaki". L'expression "dispositif semiconducteur" couvre un élément de "pull-up" semiconducteur, si bien que la revendication 2 couvre et demande une protection pour un élément de "pull-up" semiconducteur qui présente les caractéristiques définies dans la revendication 1 et dans lequel la diode à jonction p-n est une diode Esaki. En outre, la Chambre est d'avis que cet objet "se fonde sur la description" au sens de l'article 84 CBE, même si l'utilisation d'une diode Esaki n'est décrite spécifiquement dans la demande initiale que dans l'exemple 2 qui concerne une cellule RAM, car tout homme du métier qui lirait le texte de la description et les dessins qui l'accompagnent comprendrait qu'il est intéressant d'utiliser une diode Esaki dans un élément de "pull-up". La figure 12 de la demande initiale en particulier présente les caractéristiques à basse tension d'une diode Esaki en tant que telle, et tout homme du métier en conclurait que l'utilisation d'une diode Esaki dans un élément de "pull-up" tel que celui qui est décrit à l'exemple 3 permettrait également d'obtenir des caractéristiques à basse tension intéressantes. Par conséquent, bien que la demande initiale ne divulgue pas spécifiquement l'utilisation d'une diode Esaki dans un élément de "pull-up", la description contenue dans cette demande est suffisante pour qu'il puisse être considéré que les revendications 1 et 2 de la demande initiale se fondent sur la description de cette demande, laquelle a notamment pour l'objet l'utilisation d'une diode Esaki dans un élément de "pull-up".
La revendication 2 modifiée de la demande divisionnaire (requête principale) définit spécifiquement (et donc divulgue) l'utilisation d'une diode Esaki dans un élément de "pull-up", et recherche donc une protection pour cette combinaison. Or, comme il a été expliqué ci-dessus, la revendication 2 de la demande initiale recherche elle aussi une protection pour une telle combinaison. Par conséquent, la Chambre estime que le demandeur qui modifierait la demande divisionnaire conformément à la requête principale ne tirerait pas de cette modification un "avantage injustifié" susceptible de "porter préjudice à la sécurité juridique pour les tiers qui se fonderaient sur le contenu de" la demande initiale (cf. décision G 1/93), et que cette modification ne s'étend pas au-delà du contenu" de la demande initiale (article 76(1) CBE). Cette demande divisionnaire modifiée n'apprendrait rien de plus sur l'invention à l'homme du métier que la demande initiale.
La première question à examiner ici est de savoir quel est le contenu pertinent de la demande divisionnaire telle qu'elle a été déposée. Comme la Chambre l'a indiqué au point II ci-dessus, le texte de la demande divisionnaire telle qu'elle a été déposée a fait l'objet de certaines modifications par rapport à la demande initiale. Ainsi, le passage qui figure à la page 14 de la demande initiale, lignes à 4 et 9 (auquel il est fait référence ci-dessus au point II) a été omis dans la demande divisionnaire. Par ailleurs, la revendication unique de la demande divisionnaire telle qu'elle a été déposée définissait un dispositif semiconducteur se présentant sous la forme d'un élément de "pull-up", mais la diode à jonction p-n de l'élément de "pull-up" n'était pas définie en tant que diode Esaki. Néanmoins, il ressort de la formulation adoptée que cette revendication couvre également un élément de "pull-up" dans lequel la diode à jonction p-n est une diode Esaki. Dans la mesure où une revendication de cette portée se fonde sur la description (article 84 CBE), il peut être considéré à bon droit qu'elle recherche entre autres une protection pour un élément de "pull-up" comportant une diode Esaki.
Pour les raisons qu'elle a exposées au point 3.1 ci-dessus à propos de la demande initiale, la Chambre estime que l'objet de la revendication se fonde dûment sur la description, car pour l'homme du métier, il ressortirait clairement du texte de la description et des dessins qui l'accompagnent qu'il serait intéressant d'utiliser une diode Esaki dans un élément de "pull-up".
Par conséquent, il y a lieu de considérer par analogie, pour les raisons qui ont été exposées au point 3.1 ci-dessus, que l'objet de la revendication 2 modifiée de la demande divisionnaire ne s'étend pas au-delà du contenu de la demande divisionnaire telle qu'elle a été déposée (article 123(2) CBE).
4. Dans la décision par laquelle elle rejetait les modifications qui lui étaient proposées, la division d'examen n'a pas invoqué d'autres raisons, que ce soit au titre de l'article 123(2) CBE ou de l'article 76(1) CBE. Après avoir soigneusement examiné l'objet des revendications 1 et 3 modifiées de la demande divisionnaire selon la requête principale, la Chambre conclut que les modifications proposées ne sont contraires ni à l'article 76(1) CBE, ni à l'article 123(2) CBE, et qu'elles sont donc admissibles. Par conséquent, il convient de faire droit à la requête principale, et il n'y a pas lieu d'examiner la requête subsidiaire.
Dispositif
Par ces motifs, il est statué comme suit :
1. La décision attaquée est annulée.
2. Les revendications 1, 2 et 3 selon la requête principale n'enfreignent nullement les conditions requises aux articles 76(1) et 123(2) CBE.
3. L'affaire est renvoyée devant la première instance, à charge pour celle-ci de poursuivre l'examen en vue de déterminer si la demande satisfait aux conditions requises par la CBE.