CHAMBRES DE RECOURS
Décisions des Chambres de recours techniques
Décision de la Chambre de recours technique 3.2.2, en date du 24 octobre 1994 - T 659/92 - 3.2.2
(Traduction)
Composition de la Chambre:
Président: | H. Seidenschwarz |
Membres: | M. Aúz Castro |
J. Kollar |
Titulaire du brevet/intimé : Günter Schweisfurth
Opposant/requérant : Koll KG
Référence : Transmission de la qualité d'opposant/SCHWEISFURTH
Article : 107 CBE
Règle : 60(2) CBE
Mot-clé : "Transmission de la qualité d'opposant" - "Retrait du recours" - "Force de chose jugée"
Sommaire
I. Si l'unique requérant déclare qu'il retire son recours, la chambre de recours est habilitée à trancher la question faisant l'objet d'un litige entre les parties, à savoir si le retrait du recours est valable ou si la procédure de recours doit être poursuivie, parce que la qualité pour agir de l'opposant, au regard du droit procédural, dans la procédure de recours sur opposition, et ainsi le pouvoir de retirer un recours, ont été transmis à un tiers avant le retrait du recours.
II. La qualité de partie peut être transmise à tout stade d'une procédure de recours sur opposition en instance, pour autant qu'elle soit transmise conjointement avec l'activité économique ou la partie de l'entreprise, dans l'intérêt de laquelle le recours a été formé (cf. décision G 4/88 de la Grande Chambre de recours en date du 24.4.1989 - JO OEB 1989, 480, point 4 des motifs).
Exposé des faits et conclusions
I. La société Koll KG, représentée par le conseil en brevets U. Schlagwein, a formé une opposition contre le brevet européen n° 0142132, relatif à un appareil de massage, qui a été délivré au titulaire du brevet et intimé (Günter Schweisfurth) avec effet au 2 mai 1990. A l'issue de la procédure orale, la division d'opposition de l'Office européen des brevets a rejeté l'opposition comme non fondée par décision en date du 4 juin 1992. Par lettre datée du 14 juillet 1992 (reçue le 16.7.1992), le mandataire de l'opposant a formé un recours contre la décision de la division d'opposition, signifiée le 5 juin 1992 aux parties à la procédure, et a demandé que le brevet en litige soit révoqué dans son intégralité.
II. Par lettre recommandée en date du 2 décembre 1992, signée "Walter Koll" et reçue à l'Office européen des brevets le 4 décembre 1992, la société Koll KG a déclaré que le recours, formé par lettre en date du 14 juillet 1992 contre la décision de l'Office européen des brevets du 4 juin 1992, était retiré.
III. Par lettre datée du 21 décembre 1992, le mandataire de l'opposant (le conseil en brevets U. Schlagwein) a produit la copie de la "déclaration de transmission" du 24 avril 1992, portant la signature, légalisée, de M. Walter Koll et selon laquelle celui-ci transmet, entre autres, "l'opposition formée contre le brevet EP-0142132 "appareil de massage" de Schweisfurth" à M. Gerhard Arnold, Wiesbaden. Le mandataire a demandé que la procédure de recours soit poursuivie au nom de ce dernier, étant donné que la société Koll KG n'était plus habilitée à retirer le recours.
Par lettre en date du 30 décembre 1992, le conseil en brevets U. Schlagwein a produit une copie, certifiée conforme par un notaire le 22 décembre 1992, de la "déclaration de transmission" du 24 avril 1992, ainsi qu'un pouvoir signé par M. Gerhard Arnold, Wiesbaden, à verser au dossier.
IV. Afin de motiver sa requête en poursuite de la procédure de recours, le conseil en brevets U. Schlagwein a déclaré que, le 24 avril 1992, Walter Koll avait transmis à Gerhard Arnold tous les titres de protection ayant pour objet les rouleaux de massage. M. Koll a renoncé à toutes les activités relatives à la concession de licences sur les rouleaux de massage et les a transmises, avec les titres de protection, à M. G. Arnold. Ainsi, l'activité économique portant sur la commercialisation des titres de protection, de même que l'opposition et le recours formés dans la présente procédure ont été également transmis à l'acquéreur. La procédure de recours doit être poursuivie par celui qui possède les titres de protection concurrents. Entre-temps, l'ouverture de la faillite a été prononcée sur le patrimoine de Koll KG.
V. L'intimé s'oppose à la poursuite de la procédure de recours en se référant au retrait du recours qui a été valablement déclaré. La déclaration de transmission, authentifiée le 22 décembre 1992, portait manifestement la seule signature de M. W. Koll, mais pas celle de M. G. Arnold. De même, le pouvoir n'a été signé par M. Arnold que le 29 décembre 1992 et a été déposé auprès de l'Office européen des brevets le 2 janvier 1993.
La qualité d'opposant ne peut être cédée que dans le cadre de la transmission de l'activité économique de l'opposant. En l'espèce toutefois, il n'y a qu'une déclaration de transmission de M. W. Koll en tant que personne physique, mais non en tant que commandité de Koll KG. Le patrimoine de Koll KG n'a pas été transmis. M. Arnold n'a pas acquis l'activité économique de Koll KG. Il déduit à tort de la transmission des titres de protection que l'activité économique a également été transmise.
VI. L'intimé a produit une lettre en date du 27 août 1993, à verser au dossier, de M. Walter Koll à Günter Schweisfurth GmbH, dans laquelle il est notamment déclaré: "à aucun moment, l'activité économique n'a été transmise à M. Arnold".
VII. Après avoir consulté, dans le dossier d'examen 91101722.6, l'original de l'accord portant sur la transmission, entre autres, de la qualité d'opposant à M. Gerhard Arnold, la Chambre a constaté que la déclaration de transmission portait les deux signatures "Walter Koll" et "Gerhard Arnold".
Motifs de la décision
1. En vertu de la pratique des chambres de recours, confirmée par la Grande Chambre de recours dans sa décision en date du 5 novembre 1992, la procédure est considérée comme close et doit être close en ce qui concerne les questions de fond ayant fait l'objet de la décision attaquée rendue en première instance, lorsque le retrait du recours formé par l'unique requérant a pour effet de donner force de chose jugée à la décision rendue par la division d'opposition (G 7 et 8/91, JO OEB 1993, 346, 356, points 2 à 4 et 12 des motifs). Toutefois, la Chambre de recours est toujours habilitée à trancher la question faisant l'objet d'un litige entre les deux parties, à savoir si le retrait du recours est valable ou si, comme allégué dans la présente affaire, la procédure de recours doit être poursuivie parce que l'opposant a transmis à un tiers sa qualité pour agir, au regard du droit procédural, dans la procédure de recours sur opposition, et ainsi le pouvoir de retirer un recours.
Dans la procédure de recours en instance, la Chambre doit trancher la question de savoir si le tiers qui se prévaut, en tant qu'ayant droit, de la qualité de requérant dans la procédure de recours, conteste à juste titre la validité du retrait du recours. La décision à rendre par la Chambre revêt donc le caractère d'une constatation. Si la Chambre constate, le cas échéant par décision intermédiaire, que le retrait du recours n'est pas valable, la procédure de recours doit être poursuivie. Si elle constate que le retrait du recours est valable, elle clôt la procédure de recours, par une décision finale, à condition qu'il ne reste plus aucune question à trancher (p. ex. la question des frais).
2. S'agissant de la cession de la qualité de partie, la Grande Chambre de recours a dit qu'une action en opposition pouvait, comme le reconnaît implicitement la règle 60(2) CBE, être transmise aux héritiers et que, par analogie, la transmissibilité de l'action au successeur universel de l'opposant est admise (G 4/88, décision en date du 24.4.1989, JO OEB 1989, 480, point 4 des motifs). L'action en opposition engagée devant l'Office européen des brevets peut être transmise ou cédée à titre d'accessoire de l'élément patrimonial (activité économique) de l'opposant conjointement avec cet élément dans l'intérêt duquel l'action en opposition a été intentée. Par référence à cette décision de la Grande Chambre de recours, le droit de former un recours a été reconnu comme transmissible conjointement avec l'activité économique de l'opposant (T 563/89, décision de la Chambre de recours 3.2.1 en date du 3.9.1991, point 1.1 des motifs).
Suivant cette jurisprudence, la Chambre considère que la qualité de partie peut être transmise à tout stade d'une procédure de recours sur opposition en instance, pour autant qu'elle soit transmise conjointement avec l'activité économique ou la partie de l'entreprise, dans l'intérêt de laquelle le recours a été formé.
3. En l'espèce toutefois, l'activité économique de l'opposant ou la partie de l'activité économique dont relèvent les titres de protection de la propriété industrielle à protéger par l'opposition n'ont pas été transmis. C'est pourquoi, contrairement à l'avis de l'acquéreur (Gerhard Arnold), la transmission, via une succession universelle, de la qualité de partie de l'opposant (Koll KG) en tant qu'"accessoire inséparable" (cf. G 4/88, loc. cit., point 6 des motifs) de l'activité économique dans l'intérêt de laquelle l'opposition a été formée, n'entre pas en ligne de compte.
3.1 La "déclaration de transmission" en date du 24 avril 1992 concerne uniquement une série de titres de protection de la propriété industrielle, à savoir des demandes de brevet, des demandes et des dépôts de modèles d'utilité et de dessins industriels, ainsi que "l'opposition contre le brevet de Schweisfurth EP 0142132 "appareil de massage"". Il n'y a pas eu de transmission - par contrat - de l'activité économique ou de la partie de l'entreprise à laquelle se rapportent les titres de protection en question de la propriété industrielle. C'est ce qu'a confirmé le commandité de l'opposant, M. W. Koll, dans sa lettre en date du 27 août 1993, adressée au titulaire du brevet en litige.
3.2 Même si M. W. Koll a renoncé, comme allégué, à toutes les activités relatives à la concession de licences sur les rouleaux de massage, en transmettant les titres de protection cités dans la déclaration de transmission, cela ne signifie aucunement que l'activité économique de Koll KG s'y rapportant a été transmise à l'acquéreur des titres de protection, M. G. Arnold. Son mandataire dit lui-même que les rouleaux de massage en question sont commercialisés par la société Cosmetics-Vertrieb Margot Zimmer GmbH, Langenargen, ce qui a été également confirmé dans la déclaration de M. Koll en date du 27 août 1993.
3.3 Un contrat avec Koll KG aurait dû être conclu pour que l'activité économique fût reprise, avec tous les droits et les obligations, au moyen d'une succession universelle. La déclaration unilatérale du titulaire des droits de protection, selon laquelle il transmet les titres de protection de la propriété industrielle et la qualité d'opposant dans une procédure portant sur un droit de protection défini, ne saurait donner lieu à une succession universelle par le biais d'une reprise d'entreprise. Il n'est pas nécessaire d'établir à quelle date M. G. Arnold a signé la "déclaration de transmission" du 24 avril 1992 en tant qu'acquéreur des différents titres de protection de la propriété industrielle. Une seule signature a été légalisée le 24 avril 1992, à savoir celle de M. W. Koll. Rien ne permet de conclure que l'activité économique de Koll KG a été transmise par contrat. En outre, comme le titulaire du brevet l'a fait observer à juste titre, une telle transmission aurait dû être convenue par la société et non pas uniquement par le commandité.
Dispositif
Par ces motifs, il est statué comme suit:
1. La requête en poursuite de la procédure de recours est rejetée.
2. La procédure de recours est close.