D. BREVETABILITÉ
D.1 L'état de la technique
Communiqué de l'Office européen des brevets relatif aux citations Internet
1. Résumé
Le présent communiqué expose la pratique suivie à l'OEB en ce qui concerne la citation de documents tirés de l'Internet dans la procédure européenne et dans la procédure PCT.
2. Recherche sur l'Internet
Une recherche dans l'état de la technique peut également couvrir des sources Internet, notamment des revues techniques en ligne, des bases de données en ligne et autres pages Internet. L'étendue de la recherche sur l'Internet varie selon les cas, mais dans certains domaines techniques, elle s'impose de manière systématique, surtout lorsqu'il s'agit de technologies de l'information et des logiciels, où une recherche contournant l'Internet révèle rarement l'état de la technique le plus pertinent.
3. Divulgations Internet
En principe, les divulgations Internet sont comprises dans l'état de la technique conformément aux articles 54(2) CBE et 33(2) PCT (pour le PCT, voir section 11.13 des directives du PCT). Il est considéré que des informations divulguées sur l'Internet ou dans des bases de données en ligne ont été rendues accessibles au public à la date à laquelle elles ont été affichées à l'intention du public. Les sites Internet contiennent souvent des informations techniques très pertinentes, qui ne sont parfois même disponibles nulle part ailleurs. Il s'agit par exemple de manuels en ligne et de didacticiels pour des produits logiciels (comme les jeux vidéo), ou d'autres produits dont le cycle de vie est court. Ainsi, pour garantir la validité du brevet, il est souvent capital de citer des publications qui ne sont accessibles que sur des sites Internet.
3.1 Établissement de la date de publication
L'établissement de la date de publication comprend deux étapes. Il convient de déterminer d'une part si la date indiquée est correcte, et d'autre part si le contenu en question a effectivement été rendu accessible au public à cette date.
De par la nature de l'Internet, il peut être difficile d'établir la date effective à laquelle des informations ont été rendues publiques. Certaines pages Internet, par exemple, ne mentionnent pas leur date de publication. En outre, si les sites Internet sont actualisés facilement, ils proposent rarement des archives des anciennes publications ou des historiques qui permettraient au public (y compris aux examinateurs) de déterminer avec précision ce qui a été publié, et à quelle date.
Une page Internet fait également partie de l'état de la technique si elle n'est accessible qu'à un public restreint (par exemple avec un mot de passe), ou que l'accès est soumis au paiement de droits (ce qui est comparable à l'achat d'un livre ou à un abonnement à une revue). Il suffit que la page soit en principe disponible sans obligation de confidentialité.
Enfin, il est théoriquement possible de manipuler la date et le contenu d'une divulgation Internet (comme d'un document classique). Cependant, compte tenu ne serait-ce que du volume et de la redondance des informations disponibles sur l'Internet, il est jugé très improbable qu'une divulgation Internet découverte par un examinateur ait été manipulée. Par conséquent, la date indiquée est réputée correcte à défaut d'indication contraire.
3.2 Degré de conviction de l'instance
Lorsqu'un document tiré de l'Internet est cité à l'encontre d'une demande ou d'un brevet, il y a lieu d'établir les mêmes faits que pour tout autre moyen de preuve, y compris les publications classiques sur papier (cf. Directives C-IV, 6.1), selon le principe de la "libre appréciation des moyens de preuve" (voir T 482/89, JO OEB 1992, 646, et T 750/94, JO OEB 1998, 32). Cela signifie que l'importance attribuée à chaque moyen de preuve est fonction de sa valeur probante, évaluée en fonction des circonstances particulières de l'affaire en cause. Les circonstances sont appréciées en pesant les probabilités, ceci constituant le critère de preuve généralement appliqué par les chambres de recours. Selon ce critère, il ne suffit pas que le fait allégué (par exemple la date de publication) soit simplement probable : la division d'examen doit être convaincue de son exactitude. En revanche, cela ne signifie pas qu'il faille prouver au-delà de tout doute raisonnable ("preuve incontestable") l'existence du fait allégué.
Dans de nombreux cas, les divulgations Internet portent une date de publication expresse qui est en général jugée fiable. La date est d'emblée présumée correcte, et il incombe au demandeur de démontrer le contraire. Des indices peuvent s'avérer nécessaires pour établir ou confirmer la date de publication (voir point 3.4). Si l'examinateur conclut, en appréciant les probabilités, qu'un document donné était accessible au public à une certaine date, cette date est utilisée comme date de publication aux fins de l'examen.
3.3 Charge de la preuve
Selon un principe général, lorsque des objections sont soulevées, la charge de la preuve incombe en premier lieu à l'examinateur. Les objections doivent donc être motivées et justifiées, et leur bien-fondé démontré sur la base de ce qui est le plus probable. Si ces conditions sont remplies, la charge de la preuve passe au demandeur et c'est à lui qu'il appartient alors d'apporter des preuves contraires.
Si un demandeur présente des motifs susceptibles de mettre en doute la date de publication alléguée d'une divulgation Internet, l'examinateur doit en tenir compte. Si, de ce fait, l'examinateur n'est plus convaincu que la divulgation est comprise dans l'état de la technique, il doit soit apporter des preuves supplémentaires à l'appui de la date de publication contestée, soit ne plus utiliser cette divulgation en tant qu'état de la technique à l'encontre de la demande.
Si un demandeur conteste la date de publication d'une divulgation Internet sans présenter de motifs ou en émettant simplement des doutes quant à la fiabilité des divulgations Internet en général, il ne peut être accordé qu'une importance minime à cet argument et il est donc peu probable que cela ait une influence sur l'opinion de l'examinateur.
Si l'on peut présumer d'emblée que la date et le contenu de divulgations Internet sont corrects, il est évident que leur degré de fiabilité varie. Plus une divulgation est fiable, plus il est difficile pour le demandeur de prouver qu'elle n'est pas correcte. La fiabilité de quelques formes courantes de divulgations Internet est examinée dans les points qui suivent.
3.3.1 Revues techniques
Les revues techniques en ligne d'éditeurs scientifiques revêtent une importance particulière pour les examinateurs. Ces revues sont tout aussi fiables que les revues classiques sur papier.
Il convient de noter que, pour une édition donnée d'une revue, la version Internet peut être disponible plus rapidement que la version correspondante sur papier. En outre, certaines revues pré-publient sur l'Internet des manuscrits qui leur ont été soumis, parfois même avant qu'ils n'aient été approuvés en vue d'une publication sur papier. Si la revue n'approuve pas la publication du manuscrit par la suite, la version pré-publiée peut constituer l'unique divulgation des informations qui y sont contenues. Il est également à noter que le manuscrit pré-publié peut être différent de la version définitive imprimée. Ces deux documents sont alors traités comme des divulgations distinctes ayant chacune leur propre date de publication.
3.3.2 Autres publications équivalentes aux publications imprimées
Outre les éditeurs de revues scientifiques, il existe beaucoup d'autres sources qui fournissent également des dates de publication fiables, par exemple les éditeurs de journaux ou de magazines, ou encore les stations de télévision ou de radio. Entrent également dans cette catégorie les institutions académiques, les organisations internationales, les administrations et les organismes de normalisation.
Certaines universités hébergent des archives "ePrint" où les auteurs peuvent soumettre sous forme électronique des rapports sur les résultats de recherche avant qu'ils ne soient soumis ou acceptés pour publication dans une revue ou lors d'une conférence. Certains de ces rapports ne sont en fait jamais publiés ailleurs. Bon nombre d'archives balaient l'Internet pour retrouver automatiquement des publications accessibles au public depuis les pages Internet des chercheurs.
Sociétés, organisations et particuliers utilisent aussi l'Internet pour publier des documents précédemment publiés sur papier, notamment des manuels relatifs à des produits logiciels tels que des jeux vidéo, des guides d'utilisation de produits tels que des téléphones mobiles, des catalogues de produits, des listes de prix ou des brochures d'information ("white papers") concernant des produits ou des gammes de produits. Il est évident que la plupart de ces documents s'adressent à un large public (par exemple à des clients effectifs ou potentiels) et qu'ils sont donc destinés à être publiés. La date indiquée peut donc être considérée comme date de publication.
3.3.3 Publications non classiques
L'Internet permet également d'échanger et de publier des informations grâce à des outils qui n'existaient pas auparavant, par exemple des groupes de discussion Usenet, des blogs, des archives de courrier électronique de listes de diffusion ou des pages wiki. Les documents provenant de telles sources constituent également un état de la technique, mais il peut être plus compliqué d'établir leur date de publication, et leur degré de fiabilité est très variable.
Il faut considérer que l'horodatage électronique (par exemple sur des blogs, Usenet ou l'historique de pages wiki) fournit des dates de publication fiables. Il est certes possible que ces dates aient été générées par une horloge d'ordinateur imprécise, mais cette probabilité est à mettre en balance avec le fait que de nombreux services Internet reposent sur une datation précise et qu'ils cessent souvent de fonctionner si la date et l'heure sont incorrectes. En l'absence d'indication contraire, la mention "dernière date de modification", souvent utilisée, peut avoir valeur de date de publication.
3.4 Divulgations non datées ou dont la date n'est pas fiable
Lorsqu'une divulgation Internet est pertinente pour l'examen, mais qu'elle n'indique pas explicitement sa date de publication, ou lorsque le demandeur a démontré qu'une date donnée n'est pas fiable, l'examinateur peut essayer d'obtenir des preuves supplémentaires pour établir ou confirmer la date de publication.
Ces preuves peuvent notamment provenir d'un service d'archivage Internet, dont le plus connu est "Internet Archive", accessible via l'interface "Wayback Machine" (www.archive.org). Ces archives sont certes incomplètes, mais cela ne nuit aucunement à la fiabilité des données qu'elles contiennent. Il est également à noter que les avertissements juridiques relatifs à l'exactitude des informations fournies sont d'usage fréquent et qu'ils ne sauraient être interprétés comme un signe négatif de la fiabilité effective du site Internet.
Lorsqu'aucune date (autre que la date de consultation par l'examinateur, trop tardive pour la demande concernée) ne peut être obtenue, la divulgation ne peut servir d'état de la technique au cours de l'examen. Si l'examinateur estime qu'une publication, bien que non datée, est très pertinente pour l'invention et qu'elle présente donc de l'intérêt pour le demandeur ou des tiers, il peut la citer comme document "L" dans le rapport de recherche (B-X, 9.2 (viii)). Le rapport de recherche et l'opinion écrite expliquent alors pourquoi ce document a été cité. Citer la divulgation permet également une citation à l'encontre de demandes futures, la date de consultation étant alors utilisée comme date de publication.
Les documents qui indiquent ou établissent la date de publication d'un document tiré de l'Internet sont également cités comme documents "L" dans le rapport de recherche (B-X, 9.2 (viii) (b)).
4. Divulgations Internet soumises par une partie à la procédure d'opposition
La date de publication de divulgations Internet soumises par une partie à la procédure d'opposition est déterminée selon les mêmes principes que ceux appliqués dans la procédure d'examen, c'est-à-dire sur la base des circonstances particulières de l'espèce. Il est notamment tenu compte du moment où la divulgation est soumise ainsi que des intérêts de la partie qui la soumet.