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DE Allemagne
Décision du Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice), Xe chambre civile, en date du 11 mai 2000 - (X ZB 15/98)*
Référence : "Sprachanalyseeinrichtung" (dispositif d'analyse linguistique)
Article 1er (1) DE-PatG 1981 (Loi allemande sur les brevets)
(Article 52(1), (2)c) et (3) CBE)
Mot-clé : "Caractère technique d'un ordinateur - activité inventive d'objets comprenant des éléments techniques et non techniques"
Sommaires
a) Un appareil (ordinateur) programmé d'une manière particulière a un caractère technique. C'est le cas même lorsque l'ordinateur sert à traiter des textes.
b) Pour l'examen du caractère technique d'un tel appareil, la question de savoir s'il produit un effet technique (supplémentaire), s'il enrichit la technique ou s'il apporte une contribution à l'état de la technique n'est pas pertinente.
c) Le fait qu'une intervention humaine dans le déroulement du programme à exécuter sur l'ordinateur est envisageable n'affecte pas le caractère technique de l'appareil.
Exposé des faits et conclusions
I. Le 17 mai 1990, le demandeur a déposé (...) auprès de l'Office allemand des brevets une demande de brevet intitulée "Dispositif d'analyse par dialogue pour langues naturelles". La division d'examen (...) a rejeté la demande. Le demandeur a formé recours contre cette décision. Au cours de la procédure de recours, il a requis en dernier lieu la délivrance d'un brevet dont la revendication 1 se lit comme suit :
"Dispositif d'analyse linguistique de type dialogue avec :
a) un dispositif d'entrée de phrase (1), qui sert à entrer dans une langue donnée un texte à analyser, chaque phrase du texte étant constituée d'unités syntaxiques,
b) un dispositif lexicologique (4), dans lequel sont mises en place des unités syntaxiques et duquel peuvent être extraits des attributs associés aux unités syntaxiques,
c) un dispositif grammatical (5), qui, pour la langue du texte, fournit les relations linguistiques pouvant exister entre les unités syntaxiques, dont chacune a son attribut, le contenu du dispositif lexicologique (4) et du dispositif grammatical (5) étant mis en mémoire,
d) un dispositif d'identification (2), qui, à l'aide du dispositif lexicologique, subdivise la phrase en unités syntaxiques, identifie pour chaque unité syntaxique les attributs possibles et, à l'aide du dispositif grammatical, identifie à partir des attributs jugés possibles l'ensemble des relations linguistiques possibles entre les attributs qui sont chacun associés à une unité syntaxique, chacune des relations linguistiques ainsi identifiées comme possibles entre les unités syntaxiques de la phrase constituant une relation candidate susceptible d'être exacte, et
e) un dispositif de sélection par dialogue (9), qui, lorsque plusieurs relations candidates sont possibles pour une unité syntaxique, permet, en dialogue avec un utilisateur, de sélectionner, parmi les relations candidates, une relation exacte sur la base d'une commande entrée à partir d'une unité du système,
caractérisé en ce que
f) un bloc d'évaluation (8), qui évalue les relations candidates quant à leur degré plus ou moins élevé de probabilité d'exactitude, et
g) un dispositif d'analyse par préférence (10), qui, en l'absence de choix entre plusieurs relations candidates, sélectionne comme exacte, à l'aide du dispositif de sélection par dialogue, la relation candidate que le bloc d'évaluation aura considérée comme la plus probable." (...)
Le Tribunal fédéral des brevets a rejeté le recours ; sa décision est publiée dans BPatGE 40, 62 et Mitt. 1998, 473. Dans son pourvoi (...), le demandeur conclut à l'annulation de la décision attaquée (...).
II. Il est fait droit (...) au pourvoi.
1.a) Le Tribunal fédéral des brevets a refusé la brevetabilité de l'objet de la revendication 1 (...) au motif qu'il n'implique pas une prestation technique. Le seul fait que la revendication se rapporte à un dispositif (appareil) ne signifie pas à lui seul que son objet doit être considéré comme appartenant à la catégorie des inventions brevetables. Un objet comportant des aspects techniques et non techniques constitue une invention brevetable s'il apporte une contribution à l'état de la technique et si cette contribution remplit également les autres conditions de brevetabilité. La contribution qui distingue l'objet de la revendication 1 des dispositifs d'analyse linguistique connus tient en l'enseignement consistant à évaluer, à l'aide d'un bloc d'évaluation, une construction de phrase en fonction de relations candidates éventuellement exactes et à sélectionner, au moyen d'un dispositif d'analyse par préférence, la relation candidate la plus probable, lorsque l'utilisateur n'a pas opéré lui-même une sélection. A cet effet, un linguiste a dû au préalable établir la probabilité des différentes possibilités d'interprétation ; il s'agit donc d'une solution non technique.
Or, le demandeur a sollicité la protection d'un dispositif fonctionnant de manière automatique selon certaines constatations grammaticales. La conversion, nécessaire à cet effet, des constatations non techniques en un dispositif technique est de la compétence d'un informaticien. Sa prestation a simplement consisté à réaliser un programme d'analyse grammaticale devant ensuite être chargé dans un ordinateur classique pour y être exécuté. Elle s'inscrit dans le cadre de l'activité normale de l'homme du métier et n'enrichit pas l'état de la technique. Aucune autre prestation technique n'est discernable, ni nécessaire pour convertir des constatations non techniques en un dispositif technique fonctionnant de manière adéquate.
L'analyse de phrases et l'attribution de probabilités à certaines constructions de phrases selon l'invention ne relèvent pas non plus d'un enchaînement de mesures techniques isolées faisant du programme à la base de la demande un "programme technique" brevetable. La compression du texte se fait tout au plus selon des aspects grammaticaux et donc non techniques. Le dispositif d'analyse linguistique revendiqué n'enseigne finalement aucune utilisation nouvelle d'un ordinateur.
b) Le pourvoi s'élève contre la position adoptée par le Tribunal fédéral des brevets, selon laquelle l'objet de la revendication 1 de la demande litigieuse n'est pas technique (...). Un dispositif qui fonctionne de manière autonome et qui, pour convertir l'enseignement technique, consomme de l'énergie, est technique.
Le pourvoi critique d'autre part la position du Tribunal fédéral des brevets selon laquelle il faut au préalable une prestation non technique d'un linguiste qui sait qu'il est nécessaire, en cas d'absence d'analyse non ambiguë du contenu sémantique, de recourir à des probabilités statistiques et dont les constatations devraient être converties en un dispositif technique. (...)
Enfin, selon le pourvoi, le Tribunal fédéral des brevets a indûment combiné des arguments tirés du domaine de l'activité inventive avec des arguments tirés de la technicité, et il a également méconnu la conversion technique, qui représente un compromis technique entre une analyse de texte optimale au moyen d'un simple processus de dialogue et une analyse de texte entièrement automatique et qui conduit ainsi à un résultat suboptimal.
c) Les critiques émises dans le pourvoi, basées sur une violation des dispositions de l'article 1er de la loi sur les brevets, s'avèrent en définitive fondées. L'appréciation du Tribunal fédéral des brevets selon laquelle le concept inventif ne contient pas d'enseignement technique ne résiste pas à un examen juridique.
aa) La demande de brevet litigieuse concerne, selon sa revendication 1, un dispositif d'analyse linguistique comportant certains composants (...).
Comme l'a constaté le Tribunal fédéral des brevets, il s'agit d'un dispositif qui peut être mis en oeuvre à l'aide d'un ordinateur classique dont le bloc d'évaluation ainsi que le dispositif d'analyse par préférence peuvent être réalisés aussi bien par le matériel que par le logiciel. Cet ordinateur exige en outre un dispositif d'entrée et un dispositif de visualisation. Les autres caractéristiques décrivent les moyens nécessaires pour le traitement de texte (...).
bb) Selon le Tribunal fédéral des brevets, la demande de brevet porte par conséquent sur un appareil (ordinateur) programmé d'une manière particulière définie en détail, et non pas sur un procédé ou un programme. Contrairement à l'opinion du Tribunal fédéral des brevets, un tel appareil possède manifestement le caractère technique nécessaire.
(1) Conformément à la jurisprudence constante de la Chambre en ce qui concerne le droit national et européen en vigueur, seules des inventions dans le domaine de la technique peuvent bénéficier d'une protection par brevet (BGHZ 115, 23, 30 - chinesische Schriftzeichen1; décision de la chambre du 13.12.1999 - X ZB 11/98 - Logikverifikation, ... - à paraître au BGHZ ; cf. BGHZ 117, 144, 148 s. - Tauchcomputer2). La notion de technique au sens du droit des brevets n'est pas précisée par la loi et, en tant que concept juridique servant à délimiter ce qui peut être protégé par les droits de protection technique, échappe à une définition claire et définitive. Elle postule bien plutôt une appréciation (cf. à ce sujet la décision Logikverifikation, loc. cit., p. 12 s.) de ce qui doit être considéré comme technique et qui est par conséquent brevetable. La notion de technique s'appuie ainsi en tout cas sur l'interprétation dont elle fait généralement l'objet. Elle inclut assurément un appareil qui peut être produit et utilisé industriellement, qui, pour fonctionner, utilise ("consomme") de l'énergie et à l'intérieur duquel se produisent différents états de circuit, comme c'est le cas non seulement pour un ordinateur universel, mais aussi pour un ordinateur spécialement configuré (pour le caractère technique d'un tel ordinateur, cf. BGHZ 67, 22, 27 s. - Dispositionsprogramm ; BGHZ 117, 144, 149 - Tauchcomputer2; BPatG GRUR 1999, 1078 s. = Mitt. 2000, 33 s. - "automatische Absatzsteuerung" ; ainsi que Melullis, GRUR 1998, 843, 848, 850). Le fait que l'ordinateur est programmé d'une manière particulière ne le prive pas de son caractère technique, mais lui ajoute simplement, comme objet technique, des propriétés supplémentaires dont le caractère technique propre n'est pas pertinent pour l'évaluation du caractère technique de l'ordinateur en tant que tel. Qu'un ordinateur présente en tant que tel un caractère technique n'a, pour autant que l'on puisse en juger, jamais été sérieusement mis en doute. La discussion concernant la technicité porte pour l'essentiel sur des programmes exécutés sur de tels ordinateurs et sur des procédures qui sont exécutées avec leur aide. Là n'est pas la question en l'espèce.
Pour ce motif, et étant donné qu'il ne s'agit pas de l'application de l'exclusion de brevetabilité de programmes d'ordinateurs en tant que tels (article 1er (2), point 3 et (3) de la loi sur les brevets), il n'importe pas dans l'espèce de savoir s'il se produit, ce que l'Office européen des brevets juge nécessaire dans le cas d'inventions portant sur des programmes (OEB T 1173/97, JO OEB 1999, 609, 620 s. - GRUR Int. 1999, 1053 - produit "programme d'ordinateur"/IBM), un effet technique supplémentaire allant au-delà des interactions physiques "normales" entre programmes et ordinateurs (cf. Melullis, loc. cit., p. 850). A plus forte raison, l'appréciation du caractère technique de l'ordinateur revendiqué ne peut dépendre de la question de savoir si celui-ci enrichit la technique ou s'il apporte une contribution à l'état de la technique. On ne saurait pas plus dénier un caractère technique à un appareil connu et en soi technique au simple motif qu'il n'ajoute rien à la technique. Il n'y a lieu d'examiner s'il y a enrichissement de la technique ou contribution à l'état de la technique tout au plus que lors de l'examen de la brevetabilité, si tant est que cela soit encore possible après la suppression du critère de progrès technique comme condition de brevetabilité.
(2) Point n'est besoin de vérifier si l'enseignement sur lequel se fonde la demande serait exclu de la protection comme non technique ou pour violation de l'interdiction de brevetabilité prévue à l'article 1er (2), point 3 de la loi sur les brevets s'il avait été revendiqué sous la forme d'une revendication de procédé ou d'un programme. La loi ne prévoit en tout cas pas une exclusion générale de la brevetabilité d'enseignements qui utilisent des programmes d'ordinateurs, ainsi qu'il ressort a contrario des dispositions de l'article 1er (2), point 3 de la loi sur les brevets et des dispositions parallèles de l'article 52 CBE. Cela est confirmé par l'article 27 de l'Accord relatif aux aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC) et est conforme, pour autant qu'on puisse en juger, à l'opinion généralement exprimée par la jurisprudence et la doctrine (cf. décision de la chambre du 7.6.1977 - X ZB 20/74, GRUR 1978, 102 s. - Prüfverfahren ; du 13.5.1980 - X ZB 19/78, GRUR 1980, 84 s. - Antiblockiersystem ; BGHZ 115, 11 s. - Seitenpuffer3 ; OEB T 1173/97JO OEB 1999, 609, 619 s. - produit "programme d'ordinateur/IBM ; Benkard PatG/GebrMG, 9e éd., art. 1er Patentgesetz, n° 104 ; Busse, Patentgesetz, 5e éd., art. 1er Patentgesetz, n° 45 ; Schulte, Patentgesetz, 5e éd., art. 1er Patentgesetz, n° 77 ; Mes. Patentgesetz, art. 1er, n° 57).
(3) L'absence de caractère technique ne ferait pas obstacle à la brevetabilité si l'enseignement sur lequel se fonde la demande devait contenir des éléments relevant du remaniement de textes linguistiques. Un tel remaniement (rédactionnel) ne pourrait en tant que tel pas être classé dans le domaine du technique (cf. à ce sujet par exemple OEB T 38/86JO OEB 1990, 384 - GRUR Int. 1991, 118 - Traitement de texte). Un ordinateur sur lequel est effectué un remaniement (rédactionnel) de texte reste cependant en tant que tel un objet technique. On peut tout au plus se demander jusqu'à quel point de tels éléments dépourvus en soi de caractère technique doivent être pris en considération lors de l'examen de la brevetabilité. A ce propos, la Chambre a indiqué dans une autre affaire qu'il convenait, lors de l'examen de l'activité inventive d'une invention présentant des caractéristiques techniques et non techniques, de prendre en considération l'objet de l'invention dans son ensemble, y compris une éventuelle règle de calcul (BGHZ 117, 144, 150 - Tauchcomputer2). La question de savoir si le contenu de l'information à traiter peut être pris en considération lors de cet examen - approche qui a appelé des réserves (Melullis, loc. sit., p. 846, colonne de gauche) et qui ne correspondrait pas non plus à l'attitude traditionnelle consistant à ne pas prendre en considération des "instructions mentales" (cf. par exemple décision de la Chambre du 18.3.1975 - X ZB 9/74, GRUR 1975, 549 s. - Buchungsblatt) - ne se pose manifestement pas en espèce, pour la simple raison que la demande ne se limite en tout cas pas à de tels contenus.
(4) Enfin, le caractère technique de l'appareil n'est pas affecté par le fait que, selon la caractéristique e) de la revendication 1, l'intervention humaine dans le déroulement du programme à exécuter sur l'ordinateur entre en ligne de compte. Le fait qu'il puisse être recouru à la raison humaine sans quitter pour autant le domaine du technique ressort déjà de ce que la protection par brevet est accessible à des enseignements concernant l'exercice d'une activité conformément à un plan mettant en oeuvre des forces naturelles contrôlables pour atteindre un résultat caractérisé ayant un lien causal visible (BGHZ 53, 74, 79 - rote Taube). (...)
2. La décision attaquée n'apparaît par ailleurs pas non plus correcte (...). Elle examine certes brièvement (motifs II.2.b et c) la question de savoir si l'objet de la demande repose sur une activité inventive. Dans son appréciation, le Tribunal fédéral des brevets se base cependant sur l'évaluation de la brevetabilité de programmes. Cette question ne se pose cependant pas en l'espèce puisque la revendication 1 porte sur un appareil et non sur un programme. Pour cette seule raison, la décision ne répond pas aux exigences que requiert l'examen de l'activité inventive. De surcroît, le Tribunal fédéral des brevets ne fonde pas, comme il aurait dû le faire, son appréciation sur l'objet de la revendication 1 pris dans son ensemble. La non-prise en considération des "constatations non techniques" à la base de l'objet de la demande est par ailleurs contraire aux principes développés par la jurisprudence pour l'appréciation de l'activité inventive des inventions dans le domaine informatique (cf. décision Tauchcomputer, loc. cit.).
III. Par ces motifs, la décision attaquée ne peut être maintenue. Il y a donc lieu de l'annuler (...).
DE 4/02
* Texte officiel de la décision, abrégé pour la publication ; les motifs de la décision sont publiés intégralement dans GRUR 2000, 1007, Mitt. 2000, 359 et Bl. f. PMZ 2000, 276.