COMMUNICATIONS DE L'OEB
Décisions des divisions d'examen et d'opposition
Décision de la division d'opposition en date du 20 juin 2001*
Titulaire du brevet : ICOS Corporation
Opposants :
1) SmithKline Beecham
2) Duphar International Research
Référence : Nouveau récepteur à sept segments transmembranaires V28
Article : 52(1), 52(2)a), 56, 57, 83, 100a) et b) CBE
Règle : 23ter à 23sexies, 27(1)f) CBE
Directive 98/44/CE : Considérant 23
Mot-clé : "Séquence d'ADN codant pour une protéine dépourvue de fonction crédible" - "Activité inventive (non)" - "Suffisance de l'exposé (non)" - "Application industrielle (non)" - "Invention brevetable - simple découverte (non) - caractère technique (non)"
Sommaire
La divulgation d'une fonction prédite d'une protéine associée à une méthode de vérification de ladite fonction n'est pas nécessairement adéquate pour que cette fonction soit exposée de façon suffisamment claire et complète. Sans la divulgation d'un composé (un ligand pour une protéine dont il est prédit qu'elle a une fonction de récepteur), les méthodes utilisant un tel composé (modulation de la liaison du ligand) ne sont pas considérées comme suffisamment exposées. L'énumération dans la description des fonctions supposées d'une protéine ne constitue pas en soi une base suffisamment fiable pour reconnaître une application industrielle de cette protéine. Une séquence d'ADN codant pour une protéine dépourvue de fonction crédible ne constitue pas une invention brevetable.
Exposé des faits et conclusions
I. Le brevet européen n° 0 630 405 a été délivré sur la base de la demande européenne n° 94 903 271, qui a été déposée le 17.11.93 en revendiquant la priorité de la demande US 977 452 en date du 17.11.92. La mention de la délivrance du brevet a été publiée au Bulletin européen des brevets 1998/15 en date du 8.4.98.
Le titulaire du brevet est ICOS CORPORATION. Le brevet s'intitule "V28, un nouveau récepteur à sept segments transmembranaires".
II. Deux oppositions ont été formées à l'encontre de ce brevet :
(i) la première par SmithKline Beecham (opposant 1) le 7.1.99,
(ii) et la deuxième par Duphar International Research (opposant 2) le 8.1.99.
Le titulaire du brevet a produit une liste de documents D1 à D39 dans sa réponse en date du 08.09.99. La division d'opposition a repris cette liste durant toute la procédure. Les documents publiés après la date de dépôt de la demande ont été pris en considération en tant qu'avis d'expert. Référence a été faite aux décisions techniques T 210/89, T 100/90, T 409/91, T 435/91, T 886/91, T 923/92, T 939/92, T 588/93, T 207/94.
Les opposants ont demandé la révocation du brevet dans son intégralité conformément aux articles 100a) et b) CBE ensemble les articles 52(1) et (2)a), 56, 83 et 57 CBE. (...)
Le titulaire du brevet a demandé le rejet des oppositions dans leur ensemble et le maintien du brevet tel que délivré. (...).
Motifs de la décision
1. La revendication 1 a pour objet un polynucléotide purifié et isolé, codant pour la séquence d'acides aminés du récepteur V28 à sept segments transmembranaires indiquée dans SEQ ID NO:28 ou un fragment de celui-ci possédant au moins une activité de liaison ligand/antiligand ou une propriété immunologique spécifique audit récepteur V28 à sept segments transmembranaires.
Activité inventive
2. (i) Le titulaire du brevet a fait valoir que le problème résolu par l'objet revendiqué consiste à "fournir un récepteur 7TM supplémentaire intervenant dans des processus immunologiques", et non à "fournir un récepteur 7TM supplémentaire ou un autre récepteur 7TM", ainsi que l'ont allégué les opposants. A l'appui de ses affirmations, il a évoqué la présence d'un clone d'ADNc du gène V28 dans une banque d'ADNc obtenue à partir de cellules mononucléaires sanguines périphériques (exemple 7) et la présence de transcrits du gène V28 dans divers tissus importants sur le plan immunologique (exemple 14).
(ii) Les deux opposants ont soutenu quant à eux que le fascicule du brevet ne contient aucune preuve établissant que la protéine V28 est un récepteur ou qu'elle intervient dans des processus immunologiques, si bien que le problème tel que formulé par le titulaire du brevet n'est pas résolu par l'objet revendiqué.
L'opposant 1 a fait observer que si le fascicule du brevet expose la séquence de nucléotides et d'acides aminés du gène V28, il ne divulgue pas de ligand qui se lie à ladite protéine. Par conséquent, la fonction de récepteur de V28 est uniquement prédite sur la base de caractéristiques structurales de la séquence. En outre, selon le fascicule, la protéine V28 présente une identité de séquence avec le récepteur de l'interleukine 8 (IL8R1) (30%) et le récepteur de l'angiotensine II (AT2R) (28%), ce qui pourrait indiquer que la protéine V28 joue un rôle dans des processus immunologiques ou hémostatiques (cf. fascicule, page 2). Le fait que le gène V28 soit exprimé dans plusieurs tissus du système immunitaire n'implique pas nécessairement qu'il a une fonction liée à des processus immunologiques. Il peut en effet avoir une fonction de gène de ménage pour ces cellules. En outre, les niveaux d'expression élevés du gène V28 qui ont été décelés dans la lignée cellulaire promyélocytaire THP.1 pourraient indiquer qu'il intervient dans la transformation de cette lignée cellulaire. L'opposant 2 a allégué que la fonction d'un récepteur donné demeure inconnue tant que l'on n'a pas mis en évidence de ligand. Le fascicule ne divulgue pas de ligand pour V28, si bien que l'on ne saurait conclure que V28 a une fonction de récepteur ou intervient dans des processus immunologiques.
Les deux opposants ont soutenu que le problème résolu par le fascicule consiste à fournir une autre protéine 7TM. Or, la solution apportée à ce problème n'est pas inventive au regard des enseignements du document D1 combiné au document D2 ou des enseignements du document D5.
(iii) Le titulaire du brevet a de nouveau fait valoir l'argument qu'il avait invoqué par écrit, à savoir que même si le document D2 divulgue une méthode de clonage par PCR, il fallait effectuer de nombreux choix pour mettre en évidence l'acide nucléique de V28, c.-à-d. les conditions de PCR, le type de cellule à partir de laquelle l'acide nucléique est isolé, l'état de croissance de la cellule et le type de banque d'acide nucléique à sonder, afin de parvenir à la séquence nucléotidique du gène V28.
3. La division d'opposition estime qu'il importe, avant de formuler un problème, de déterminer en quoi se caractérise la protéine divulguée V28 par rapport à l'état de la technique au moment du dépôt de la demande.
(i) Le fascicule divulgue un clone d'ADN génomique et un clone d'ADNc codant pour une protéine, appelée V28 et correspondant aux SEQ ID NO : 27 et 28. Un clone d'ADN génomique partiel a été mis en évidence par clonage par PCR, en utilisant des amorces dégénérées conçues à partir de régions présentant une grande similitude au niveau polypeptidique entre le récepteur de l'IL8 et le récepteur de l'AT2. Ce clone a ensuite été utilisé pour mettre en évidence le clone d'ADN génomique V28 complet. La séquence d'acides aminés déduite de SEQ ID NO 27, qui est divulguée dans SEQ ID NO 28, permet de prédire une structure comprenant sept domaines hydrophobes (7TM) séparés par des domaines hydrophiles et d'identifier des résidus qui sont conservés dans un groupe de protéines appelées récepteurs 7TM. Un clone d'ADNc a été isolé à partir d'une banque d'ADNc obtenue à partir de cellules mononucléaires sanguines périphériques, ce qui indique que le gène V28 est exprimé dans lesdites cellules. Le fascicule contient une analyse fondée sur la technique de Northern-blot qui montre que le gène V28 est exprimé dans la rate, le thymus, les amygdales, les ganglions lymphatiques, le placenta, les ovaires, les testicules, les reins et trois lignées cellulaires promyélocytaires. Plusieurs méthodes susceptibles d'être utilisées pour mettre en évidence des ligands extracellulaires et intracellulaires pour la protéine V28 sont divulguées. Ces méthodes sont fondées sur des essais mesurant les étapes secondaires de transduction du signal dans des cellules de mammifères exprimant le gène V28 en présence et en l'absence des composés à tester. Aucun résultat n'est présenté.
(ii) Le document D1, qui passe en revue 74 protéines appartenant à la superfamille des récepteurs 7TM (appelés également récepteurs couplés aux protéines G, ou GPR pour G-protein coupled receptors), est considéré comme étant le document de l'état de la technique le plus proche. Il divulgue des caractéristiques structurales desdites protéines, y compris des régions de forte homologie partagée par tous les membres de la famille, des domaines de fixation du ligand et des domaines de fixation nécessaires à la transduction du signal.
(iii) Le problème peut donc être formulé comme suit, à savoir qu'il consiste à fournir la séquence de nucléotides codant pour une protéine 7TM supplémentaire dont il est prédit qu'elle a une fonction de récepteur.
(iv) La revendication 1 a pour objet un polynucléotide purifié et isolé codant pour la protéine V28 telle qu'indiquée dans SEQ ID NO: 28. Ladite séquence d'acides aminés a une structure prédite compatible avec un récepteur 7TM typique (fascicule, page 9, ligne 46), si bien qu'elle résout le problème susmentionné.
On ne saurait toutefois considérer cette solution comme inventive, car le document D1 fournit un alignement de séquence de 74 récepteurs 7TM connus, y compris le récepteur de l'IL8 et le récepteur de l'AT2, et précise que la similarité de séquence est utile lorsqu'il s'agit de concevoir des stratégies de clonage pour d'autres GPR (page 1). De même, le document D5 divulgue des stratégies de clonage qui ont permis de mettre en évidence 17 récepteurs différents de la famille 7TM et mentionne l'utilisation d'amorces dégénérées dans une procédure de clonage par PCR (page 4). Le document D2 divulgue quant à lui une procédure dans laquelle des amorces dégénérées de PCR sont conçues de façon à mettre en évidence et à amplifier des récepteurs de la famille 7TM (figure 1). L'état de la technique prédisait donc l'existence de récepteurs 7TM supplémentaires et la procédure visant à mettre en évidence lesdits membres supplémentaires de la famille des récepteurs 7TM était bien établie. En conséquence, la détermination de la structure primaire d'une protéine 7TM supplémentaire en suivant des méthodes bien établies dans l'état de la technique n'implique aucune activité inventive et ne satisfait pas aux exigences de l'article 56 CBE.
(v) S'agissant de l'argument du titulaire du brevet, selon lequel il fallait effectuer de nombreux choix dans la procédure visant à mettre en évidence le clone V28, la division d'opposition estime que ce type de choix relève de la routine pour l'homme du métier et ne s'écarte en aucune façon des enseignements de l'état de la technique contenus dans le document D1 en combinaison avec le document D2. En outre, le choix des amorces, qui est invoqué par le titulaire du brevet à l'appui de l'activité inventive, est fondé sur les enseignements relatifs à l'alignement de séquence contenus dans les documents D1 (page 2 et figure 2) et D2 (tableau 1) pour déceler les régions conservées.
La division d'opposition souscrit à l'avis de l'opposant 1 selon lequel le clone V28 représente un choix arbitraire parmi sept clones mis en évidence (V31, V28, V112, R20, RM3, R2, R12, exemples 1 à 11 du fascicule), ce qui montre que les conditions n'ont pas été optimisées pour mettre spécifiquement en évidence le clone V28. En outre, si la difficulté rencontrée dans le choix des conditions peut plaider en faveur de l'activité inventive dans le cas d'une méthode visant à mettre en évidence des protéines 7TM, tel n'est pas l'objet de la présente revendication.
(vi) L'objet des revendications 2 à 15 et 23 dépendant de la séquence de la protéine 7TM V28, il est lui aussi dénué d'activité inventive.
Suffisance de l'exposé
4. (i) L'opposant 1 a fait valoir que le fascicule ne divulguait pas la fonction du récepteur V28. Les revendications 21 et 22 portent sur des procédés in vitro faisant respectivement intervenir un anticorps spécifique pour la protéine V28 ou bien un agoniste ou un antagoniste de la protéine V28. Ces méthodes ne sont pas suffisamment exposées car le fascicule ne divulgue pas le ligand du récepteur putatif V28. Pour la même raison, un fragment ou un variant de celui-ci possédant une activité de liaison ligand/antiligand n'est pas suffisamment exposé (revendications 1 et 13). La revendication 7 a pour objet un récepteur V28 à sept segments transmembranaires (c'est l'opposant qui souligne) qui n'est toutefois pas suffisamment exposé car les propriétés spécifiques de V28 ne sont pas divulguées dans le fascicule. Enfin, les revendications 16 à 20 portent sur un anticorps spécifique pour la protéine V28, susceptible d'être utilisé dans le traitement d'une inflammation chez un mammifère. Toutefois, le fascicule ne permet pas à l'homme du métier de mettre en oeuvre l'objet de cette revendication, car il ne divulgue pas d'anticorps spécifique pour la protéine V28 qui inhiberait l'activité du récepteur putatif V28.
(ii) Se rangeant à l'avis de l'opposant 1, l'opposant 2 a également allégué que l'objet de la revendication 13 n'était pas suffisamment fondé sur le fascicule, car le produit polypeptidique du gène V28 est une protéine liée à la membrane et non une protéine isolée. Il a également fait observer que le fascicule n'exposait pas suffisamment la fonction de récepteur de la protéine V28, car le ligand n'est pas divulgué, et que, comme il ressort des enseignements du document D3, la mise en évidence dudit ligand exige un effort excessif de la part de l'homme du métier.
(iii) Le titulaire du brevet a de nouveau fait valoir que l'objet de toutes les revendications pouvait être mis en oeuvre grâce à la divulgation de la séquence de la protéine V28 et qu'il était donc suffisamment exposé. La fonction de récepteur de la protéine V28 a été vérifiée dans des publications ultérieures (D11-D14), ce qui n'a été possible que grâce à la divulgation des séquences de la protéine et du gène V28 dans le fascicule. Bien que celui-ci ne divulgue pas le ligand naturel, il présente une méthode en vue de mettre en évidence d'autres ligands (exemple 19). En outre, il permet de produire des anticorps, car ceux-ci peuvent être obtenus en faisant appel à des méthodes de routine. Enfin, un anticorps est susceptible de servir de ligand, si bien qu'un tel ligand peut être isolé sur la base de la divulgation de la séquence de V28, en utilisant des méthodes de routine.
(iv) L'opposant 1 a fait observer que la méthode présentée dans l'exemple 19 pour mettre en évidence un ligand n'était pas pratique car elle exige de cribler un grand nombre de composés. Quant au procédé qui fait l'objet de la revendication 20, le fascicule doit décrire un anticorps qui se lie à V28 et bloque sa fonction, et non pas uniquement un anticorps qui se lie à V28 comme n'importe quel anticorps produit avec des méthodes de routine.
5. La division d'opposition estime que le fascicule divulgue une protéine 7TM V28 dont il est prédit qu'elle a une fonction de récepteur. Cette prédiction est fondée sur des éléments structuraux présents dans la séquence d'acides aminés déduite de SEQ ID NO : 28, à savoir la présence de sept domaines hydrophobes séparés par des domaines hydrophiles et l'homologie avec des récepteurs 7TM connus. Toutefois, le fascicule ne démontre à aucun moment que la protéine V28 est un récepteur, mais divulgue uniquement plusieurs méthodes susceptibles d'être utilisées par l'homme du métier afin de vérifier que la protéine V28 est effectivement un récepteur (exemple 19, méthodes en vue de mettre en évidence des ligands de V28).
Le fait que le fascicule se borne à présenter de telle méthodes au lieu de démontrer que la protéine V28 a bien la fonction prédite laisse implicitement supposer qu'une telle démarche s'inscrit dans le cadre des travaux de routine de l'homme du métier. Il est vrai que la fonction prédite d'une protéine peut parfois être démontrée de façon relativement simple sur le plan technique (p. ex. la prédiction d'une activité enzymatique donnée), auquel cas la divulgation de la fonction prédite de la protéine combinée à une méthode de vérification de ladite fonction suffit pour que celle-ci soit suffisamment exposée. Aussi la division d'opposition s'est-elle proposée d'examiner si la fonction de récepteur de la protéine V28 pouvait être vérifiée sur la base du contenu du fascicule.
(i) L'exemple 19 porte sur un essai consistant à tester des composés pour leur aptitude à agir en tant que ligands pour V28 en mesurant un flux de calcium transitoire dans une cellule qui exprime le gène V28. Les enseignements du fascicule ne limitent pas les ligands candidats à un groupe défini de composés, si bien que l'homme du métier qui cherche à mettre en évidence ledit ligand doit tester des millions de composés disponibles en utilisant la méthode indiquée dans l'exemple 19, afin de mettre en évidence un ligand pour V28. Une telle démarche exige un effort excessif de la part de l'homme du métier qui cherche à mettre en oeuvre l'invention revendiquée, à savoir obtenir une protéine 7TM qui soit bien un récepteur.
(ii) Les enseignements contenus dans les documents publiés après la date de publication du fascicule attestent également de la difficulté de cette entreprise. Ainsi, il ressort du document D3, qui a été publié un an après la publication de la demande, que la méthode indiquée dans l'exemple 19 a été réalisée pour 11 composés appartenant à une classe limitée de ligands candidats, à savoir les chimiokines, lesquelles ont été sélectionnées en raison de la similarité existant entre leurs récepteurs et la protéine V28. Les auteurs du document D3, qui ont suivi la méthode indiquée dans l'exemple 19, n'ont pas réussi à mettre en évidence de ligand pour le récepteur V28 parmi les composés testés.
(iii) Le premier document qui fait état de la fonction de récepteur de la protéine V28 est le document D11, qui a été publié trois ans après la publication de la demande et qui divulgue le rôle de corécepteur pour le virus VIH-2 de la protéine V28. Vu que la première entité pour laquelle il a été démontré qu'elle se liait à la protéine V28 et que celle-ci avait une fonction de récepteur est un virus et non un composé, on pourrait même considérer que la méthode indiquée dans l'exemple 19 induit en erreur l'homme du métier.
(iv) Enfin, le document D14, qui a été publié trois ans après la publication de la demande et après le document D11, divulgue que le ligand pour la protéine V28 est la fraktalkine et que la liaison de la fraktalkine à la protéine V28 provoque des événements cellulaires compatibles avec la fonction de récepteur de V28 (figure 2 et pages 522-523). Il est à noter que ce n'est pas au moyen de la méthode indiquée dans l'exemple 19 que la fonction de ligand de la fraktalkine pour le récepteur V28 a été mise en évidence. Au contraire, on savait que la fraktalkine induisait l'adhésion et la migration des leucocytes au moyen d'un récepteur qui n'était toutefois pas connu. Des essais portant sur l'activité de liaison de la fraktalkine à dix récepteurs différents ont montré qu'elle se lie spécifiquement à des cellules transfectées par V28. La fonction de récepteur a ensuite été vérifiée en induisant le chimiotactisme desdites cellules et en mettant en évidence la transduction du signal dans ces cellules par l'intermédiaire des protéines G.
Par conséquent, si l'on prend en considération le contenu du fascicule, l'argumentation des parties ainsi que ces documents ultérieurs à titre d'avis d'expert, la division d'opposition conclut que la divulgation de la séquence d'acides aminés de la protéine V28 et la prédiction de sa fonction de récepteur en combinaison avec la méthode exposée en vue de mettre en évidence le ligand correspondant ne sont pas suffisantes pour divulguer un récepteur ayant la séquence divulguée dans SEQ ID NO:28. Aussi l'objet de l'invention tel que défini dans les revendications 1 à 15 et 23 ne satisfait-il pas à l'exigence de suffisance de l'exposé, de sorte qu'il est contraire aux dispositions de l'article 83 CBE.
6. L'objet des revendications 16 à 21 porte sur une substance anticorps spécifique pour la protéine V28.
(i) Le fascicule ne divulgue aucune substance anticorps qui reconnaît spécifiquement la protéine V28. Bien que l'on puisse concevoir qu'un certain nombre d'anticorps (y compris des anticorps connus) reconnaissent la protéine V28 et se lient à elle, il n'est pas divulgué d'anticorps reconnaissant spécifiquement la protéine V28. En outre, la division d'opposition n'est pas d'accord avec le titulaire du brevet lorsque celui-ci affirme que la production de tels anticorps relève de la routine. Un anticorps qui reconnaît spécifiquement la protéine V28 s'entend d'un anticorps qui ne reconnaît pas d'autre protéine. Or, on ne saurait considérer que la production de tels anticorps relève de la routine, compte tenu du travail considérable qui est nécessaire pour établir qu'ils ne donnent lieu à aucune réaction croisée avec d'autres protéines.
(ii) Ainsi qu'il a déjà été expliqué plus haut, le contenu du fascicule ne permet pas d'obtenir des substances anticorps qui reconnaissent spécifiquement la protéine V28. La divulgation d'anticorps spécifiques pour la protéine V28, susceptibles d'être utilisés dans le traitement de l'inflammation chez un mammifère, est encore plus éloignée de la divulgation d'anticorps spécifiques. Le fascicule ne démontre pas que la protéine V28 est impliquée dans l'inflammation. Par conséquent, il ne permet pas de mettre en évidence des anticorps spécifiques capables de neutraliser une activité supposée de la protéine V28 (à savoir induire l'inflammation).
(iii) En outre, des anticorps susceptibles d'être utilisés dans une méthode visant à moduler la liaison d'un ligand/antiligand à V28 possèdent des propriétés particulières (telles que favoriser ou empêcher spatialement la liaison d'un ligand à la protéine V28). Or, le fascicule ne divulgue pas de tels anticorps. En outre, pour mettre en évidence de tels anticorps, il faut au préalable mettre en évidence un ligand ou un antiligand ou encore le site de liaison de ces molécules. Le fascicule ne divulgue ni de telles molécules ni leurs sites de liaison, pas plus qu'il ne permet de les mettre en évidence.
7. La revendication 22 a pour objet un procédé in vitro fondé sur l'utilisation d'un agoniste ou d'un antagoniste de la protéine V28. La division d'opposition n'est pas d'accord avec le titulaire du brevet lorsqu'il allègue que les anticorps représentent une classe bien connue d'antagonistes. Même si cela peut se produire dans certains cas, par exemple lorsque l'anticorps se lie au site de liaison de l'agoniste d'un récepteur et inhibe ainsi l'action de ce dernier, le fascicule ne divulgue ni un tel type d'anticorps agissant comme un antagoniste, ni aucun autre type d'antagoniste. Par conséquent, le procédé qui fait l'objet de cette revendication n'est pas suffisamment exposé.
Application industrielle
8. (i) Les deux opposants ont allégué qu'en l'absence de divulgation du ligand de la protéine 7TM V28 ou du rôle de celle-ci dans un processus biologique, la protéine 7TM V28 n'est pas susceptible d'application industrielle. L'opposant 2 a notamment fait référence aux exigences de la règle 23sexies(3) CBE relatives à l'application industrielle d'une séquence, et plus particulièrement aux considérants 23 et 24 de la directive européenne n° 98/44/CE, laquelle a été transposée dans le règlement d'exécution de la CBE, avec effet au 1er septembre 1999, par l'introduction des règles 23ter à 23sexies CBE. A toutes fins utiles, l'opposant 2 a également fait référence à la décision T 210/89 qui énonce que les modifications apportées aux règles de la CBE ne sont pas rétroactives en vertu du principe de sécurité juridique.
(ii) Le titulaire du brevet a fait valoir qu'une invention satisfaisait à l'exigence d'application industrielle prévue à l'article 57 CBE dès lors que "son objet peut être fabriqué ou utilisé dans tout genre d'industrie". Il a allégué que le fascicule divulguait le mode de fabrication de la protéine V28 ainsi que son utilisation principalement comme récepteur dans des processus immunologiques (page 4 et exemple 14).
L'opposant 1, citant un exposé effectué oralement par M. Christian Gugerell durant une conférence de l'ECPI (13.10.98), a répliqué que l'utilisation d'une protéine qui vient d'être mise en évidence dans la recherche ne saurait être assimilée à une application industrielle.
9. La division d'opposition n'est pas d'accord avec le titulaire du brevet lorsque celui-ci affirme qu'il est satisfait à l'exigence d'application industrielle pour la seule raison que le fascicule montre que la protéine V28 peut être fabriquée et utilisée. Les exigences relatives à l'application industrielle des inventions biotechnologiques sont énoncées aux règles 23ter à 23sexies CBE, lesquelles portent sur les demandes de brevet européen et les brevets européens (c'est la division d'opposition qui souligne). Par conséquent, ces dispositions s'appliquent en l'espèce, les considérants de la directive européenne n° 98/44/CE constituant à cet égard un moyen complémentaire d'interprétation. Au vu de l'exigence d'application industrielle telle qu'énoncée à l'article 57CBE ensemble les règles 23ter à 23sexies CBE, on ne saurait considérer que l'invention est susceptible d'application industrielle, car la demande de brevet n'expose aucune application industrielle (règle 23sexies(3) CBE).
(i) Le fascicule présente des utilisations potentielles de l'invention (p. 3 et 4), lesquelles se fondent toutefois sur une fonction proposée de la protéine V28 en tant que récepteur, qui n'est pas suffisamment exposée dans le fascicule (cf. point 5 supra). Par conséquent, les utilisations potentielles divulguées dans la demande se basent sur des hypothèses, c.-à-d. qu'elles ne sont ni spécifiques, ni concrètes, ni crédibles, de sorte qu'elles ne peuvent pas en tant que telles être considérées comme des applications industrielles.
En particulier, le fascicule précise que des cellules hôtes exprimant des produits du gène 7TM V28 sont utiles dans les méthodes visant à produire à grande échelle la protéine 7TM V28 (p. 3). Etant donné qu'aucune fonction de cette protéine n'est divulguée (telle qu'une fonction biologique qui impliquerait une utilisation thérapeutique ou une fonction de marqueur qui impliquerait une utilisation diagnostique), on ne voit pas pourquoi il serait utile de produire industriellement ladite protéine à grande échelle.
Le fascicule mentionne que des substances anticorps qui réagissent spécifiquement avec la protéine 7TM V28 sont utiles à des fins d'immunisation pour produire des anticorps anti-idiotypiques, purifier les peptides V28 ou mettre en évidence des cellules produisant les polypeptides V28 (p. 4). Or, le fascicule ne divulgue pas d'anticorps spécifiques. En outre, il se peut qu'il ne soit même pas possible d'en produire en raison de la forte identité de séquence entre un grand nombre de protéines (cf. tableau 1 du fascicule et point 6(i) supra). Par conséquent, force est de constater que les utilisations proposées, qui ont pour objet une substance qui n'a pas été divulguée, sont uniquement fondées sur des hypothèses.
Le fascicule indique également que les anticorps, les agonistes ou antagonistes de la protéine V28 présentent à l'évidence une utilité pour moduler les réactions de liaison entre le ligand et le récepteur qui interviennent dans les événements immunologiques et/ou inflammatoires in vivo (p. 4). Ainsi qu'il a été relevé ci-dessus (point 6(iii)), les anticorps susceptibles d'être utilisés pour moduler la liaison ligand/récepteur représentent un type particulier d'anticorps qui n'ont fait l'objet d'aucun exemple dans le fascicule. En outre, il n'a pas été démontré non plus que la protéine V28 intervenait dans des événements immunologiques et/ou inflammatoires in vivo. L'utilisation proposée de la protéine V28 porte donc sur une interférence potentielle d'une activité supposée de cette protéine avec une substance dont il n'a pas été démontré qu'elle était susceptible d'être obtenue. Une telle utilisation n'est pas crédible.
(ii) En ce qui concerne les autres applications industrielles invoquées ultérieurement par le titulaire du brevet dans sa lettre du 8.9.99 et au cours de la procédure orale, la division d'opposition estime qu'elle ne répondent pas aux exigences de l'article 57 CBE ensemble la règle 27(1)f) CBE et la règle 23sexies(3) CBE.
Ces applications portent sur la protéine V28 dans sa fonction immunologique. Or, le fait que la protéine V28 intervient dans des processus immunologiques n'est pas mentionné explicitement dans la présente description, pas plus qu'il n'en résulte de manière évidente. Par conséquent, il n'est pas satisfait aux exigences de la règle 27(1)f) CBE en ce qui concerne l'application industrielle de la protéine V28 susceptible de découler de son rôle dans des processus immunologiques.
Il a été allégué que le fait que la protéine V28 intervient dans des processus immunologiques est divulgué dans l'exemple 7 (isolation d'un clone d'ADNc V28 à partir de cellules mononucléaires sanguines périphériques) et dans l'exemple 14 (expression du gène V28 dans des tissus jouant un rôle dans la réponse immunitaire ainsi que dans la reproduction et au niveau du métabolisme). Toutefois, le fascicule ne précise pas que le profil d'expression du gène V28 suggère que celui-ci intervient dans des processus immunologiques ou tout autre processus. En outre, l'exemple 14 ne corrobore pas le fait que le gène V28 joue un rôle dans des processus immunologiques. Etant donné que des transcrits du gène V28 sont décelés dans un certain nombre de tissus ayant des fonctions diverses, on ne peut pas déduire directement du fascicule que la protéine V28 joue un rôle dans des fonctions liées à la réponse immunitaire. Après que des groupes de scientifiques, sans aucun lien avec le présent demandeur, eurent réalisé de vastes expériences, il est apparu que la protéine V28 jouait un rôle en tant que corécepteur du virus HIV 2 ainsi que dans la mobilité et l'adhésion des leucocytes (documents D11-D14), ce qui a clarifié le rôle biologique de la protéine V28 susceptible de conduire à une application industrielle. Toutefois, les preuves contenues dans le présent fascicule n'indiquent ni implicitement, ni explicitement que la protéine V28 intervient dans des processus immunologiques et donc que ladite invention est susceptible d'application industrielle.
Brevetabilité
10. (i) L'opposant 1 a allégué qu'en l'absence d'application industrielle concrète, la protéine et le gène V28 tels que divulgués n'étaient pas brevetables, car ils sont dépourvus de caractère technique (article 52(1) CBE). Il a en outre considéré que la simple isolation d'une protéine 7TM était une découverte et non une invention (article 52(2)a) CBE).
(ii) L'opposant 2 a fait valoir que l'objet des revendications du brevet délivré était dépourvu de caractère technique, ainsi que l'exige implicitement l'article 52(1) CBE, et que l'invention ne fournissait aucune contribution technique à l'état de la technique. Il a déclaré que le considérant 23 de la directive européenne 98/44/CE fournissait une règle d'interprétation pour apprécier la nature technique d'un objet lié à de l'ADN et que l'application de ces principes conduisait à la conclusion que l'invention alléguée ne présentait pas de caractère technique. Se référant à l'article 52(2)a) CBE, il a fait valoir que la divulgation d'un ADN génomique codant pour une protéine V28 était une découverte et non une invention.
(iii) Le titulaire du brevet a soutenu quant à lui à propos du caractère technique de la protéine et du gène V28 que le fascicule divulguait qu'il s'agit d'un récepteur intervenant dans des processus immunologiques. Réfutant l'argument selon lequel la protéine et le gène V28 sont une découverte, il a fait valoir que le fascicule divulguait un clone d'ADNc qui n'existe pas dans la nature en tant que tel.
11. S'agissant de la brevetabilité au regard de l'article 52(1) et 52(2) CBE, la division d'opposition émet l'avis suivant.
(i) Elle ne saurait se ranger à l'argumentation des opposants, selon laquelle la protéine et le gène V28 tels que divulgués constituent une simple découverte. Bien que l'acide nucléique codant pour la protéine V28 existe en tant que segment du génome humain et fasse donc partie de la nature, l'acide nucléique purifié et isolé ayant cette séquence n'existe pas dans la nature et ne saurait donc être découvert. Le polynucléotide purifié et isolé codant pour la protéine V28 n'est de fait pas une découverte selon l'article 52(2)a) CBE et peut donc constituer une invention brevetable conformément à l'article 52(1) CBE.
(ii) Toutefois, en vertu de l'article 52(1) CBE, les brevets sont délivrés pour les inventions nouvelles, impliquant une activité inventive et susceptibles d'application industrielle. Or, ainsi qu'il a été énoncé ci-dessus, la présente invention ne remplit ni le critère d'activité inventive (point 3), ni le critère d'applicabilité industrielle (point 9). Elle n'est donc pas brevetable conformément à l'article 52(1) CBE.
En outre, le considérant 23 de la directive s'énonce comme suit : "considérant qu'une simple séquence d'ADN sans indication d'une fonction ne contient aucun enseignement technique; qu'elle ne saurait, par conséquent, constituer une invention brevetable". La division d'opposition estime que l'exigence d'"indication de fonction" suppose que les fonctions indiquées ne soient pas purement hypothétiques. En d'autres termes, si la fonction indiquée d'une séquence d'ADN n'est ni concrète, ni spécifique, ni crédible, une telle séquence n'est pas considérée comme une invention brevetable selon l'article 52(1) CBE, car elle est dépourvue de caractère technique. La division d'opposition souscrit à l'argument de l'opposant 2 selon lequel l'objet du brevet litigieux relève exactement du libellé du considérant susmentionné et qu'il ne constitue donc pas une invention brevetable en vertu de l'article 52(1) CBE.
Décision
La division d'opposition estime que les motifs d'opposition visés à l'article 100a) et b) CBE ensemble les articles 56, 83, 57 et 52 CBE s'opposent au maintien du brevet tel que délivré, si bien qu'il y a lieu de le révoquer conformément à l'article 102(1) CBE.
* Texte officiel de la décision, abrégé et légèrement adapté aux fins de la publication. Un recours a été formé à l'encontre de cette décision.