CHAMBRES DE RECOURS
Communication de la Grande Chambre de recours
Saisine de la Grande Chambre de recours par le Président de l'OEB en date du 29 décembre 2003, en raison de décisions divergentes des Chambres de recours
(Références principales :T 385/86, JO OEB 1988, 308 s. - BRUKER et al.
T 964/99, JO OEB 2002, 4 s. - CYGNUS INC et al.)
Afin d'assurer une application uniforme du droit et en raison de leur importance fondamentale, je soumets à la Grande Chambre de recours, conformément à l'article 112(1)b) CBE, les questions de droit ci-dessous relatives à l'interprétation de la notion de "méthodes de diagnostic appliquées au corps humain ou animal" au sens de l'article 52(4) CBE.
1a. Les "méthodes de diagnostic appliquées au corps humain ou animal" au sens de l'article 52(4) CBE (ci-après "méthodes de diagnostic") se limitent-elles aux méthodes qui comprennent toutes les étapes dont l'exécution est nécessaire à l'établissement d'un diagnostic médical, à savoir la phase d'investigation impliquant le recueil des données pertinentes, la comparaison des résultats des examens ainsi obtenus avec les valeurs normales, la constatation d'un écart significatif (symptôme) lors de cette comparaison et, enfin, l'attribution de cet écart à un certain tableau clinique (phase de décision médicale déductive), ou
1b. Y a-t-il "méthode de diagnostic" dès lors que le procédé revendiqué comporte une seule étape aux fins d'un diagnostic ou se rapportant à un diagnostic?
2. Au cas où il est répondu par l'affirmative à la question 1b) : le procédé revendiqué doit-il être utilisable uniquement aux fins d'un diagnostic ou se rapporter uniquement à un diagnostic ? Quels critères permettent de répondre à cette question?
3a. Pour qu'il y ait "méthode de diagnostic", suffit-il que :
i) le procédé revendiqué comprenne au moins une étape jugée essentielle à l'existence d'une méthode de diagnostic et exigeant la présence d'un médecin (hypothèse 1), ou
ii) le procédé revendiqué, bien que n'exigeant pas la présence d'un médecin, suppose qu'un médecin en prenne la responsabilité (hypothèse 2), ou
iii) toutes les étapes du procédé puissent également ou exclusivement être effectuées par le personnel médical ou technique auxiliaire, par le patient lui-même ou par un système automatisé (hypothèse 3) ?
3b. Si l'intervention d'un médecin (présent ou assumant la responsabilité) est décisive, celui-ci doit-il participer à l'étape du procédé appliquée à l'organisme, ou est-il suffisant que le médecin participe à une quelconque étape jugée essentielle à une méthode de diagnostic?
4. L'expression "appliquées au corps humain ou animal" implique-t-elle que les étapes de procédé soient appliquées en contact direct avec l'organisme, et que seules ces étapes appliquées en contact direct avec l'organisme confèrent à une méthode les caractères d'une méthode de diagnostic, ou suffit-il qu'au moins une des étapes de procédé soit appliquée directement à l'organisme?
Motifs
I. Introduction
La saisine porte sur l'interprétation de la notion de "méthodes de diagnostic appliquées au corps humain ou animal". D'après l'article 52(4), première phrase CBE, ces méthodes, au même titre que les "méthodes de traitement chirurgical ou thérapeutique du corps humain ou animal", ne sont pas considérées comme des inventions susceptibles d'application industrielle au sens des articles 52(1) et 57 CBE, même si les conditions de la disposition citée en dernier sont remplies. Selon l'article 52(4), deuxième phrase CBE, cette fiction ne s'applique pas aux produits, notamment aux substances ou compositions, pour la mise en oeuvre d'une de ces méthodes.
La brevetabilité d'inventions portant sur des méthodes médicales est régie de façon parfois très diverse dans les différents systèmes de brevets. Les différences viennent de ce que les législations en la matière reposent sur des principes où interviennent une multitude d'aspects juridiques, sociaux, culturels et surtout éthiques.
La fiction adoptée dans la CBE repose sur le principe selon lequel les personnes qui appliquent des méthodes chirurgicales, thérapeutiques ou diagnostiques dans le cadre du traitement d'êtres humains ou d'animaux, ne doivent pas en être empêchées par des brevets (T 116/85, JO OEB 1989, 13, point 3.7 des motifs de la décision ; T 385/86, JO OEB 1988, 308, point 3.2 des motifs de la décision ; T 24/91, JO OEB 1995, 512, point 2.4 des motifs de la décision ; T 655/92, JO OEB 1998, 17, point 5.3 des motifs de la décision ; T 329/94, JO OEB 1998, 241, point 3 des motifs de la décision ; T 35/99, JO OEB 2000, 447, point 6 des motifs de la décision ; T 964/99, JO OEB 2002, 4, point 3.1 des motifs de la décision ; T 807/98, non publiée, point 2.1 des motifs de la décision ; concernant plus spécialement les traitements thérapeutiques : T 82/93, JO OEB 1996, 274, point 1.2 des motifs de la décision). Ne doivent toutefois être exclues des restrictions que les activités non industrielles dans le domaine de la médecine humaine et vétérinaire (G 1/83, JO OEB 1985, 60, point 22 des motifs de la décision). Les exclusions figurant à l'article 52(4) CBE reposent dès lors sur des considérations socio-éthiques et sur des considérations ayant trait à la santé publique (cf. aussi T 24/91, point 2.4 des motifs de la décision). Il faut se garder de commercialiser les maladies humaines, afin que tout médecin puisse, à tout moment, prendre les mesures qu'il juge nécessaires pour mettre fin à une maladie ou pour identifier celle-ci par des moyens d'investigation (cf. Schulte, Patentgesetz mit EPÜ, 6e édition 2001, point 5, n° 16).
II. Les décisions divergentes des Chambres de recours
1. Décision T 385/86, JO OEB 1988, 308 s. - Détermination non invasive de valeurs/BRUKER
Dans sa décision T 385/86, la Chambre de recours technique 3.4.1 a déterminé le but de cette disposition en analysant la genèse de l'article 52(4) CBE. Elle en a conclu que seules sont à exclure de la brevetabilité les méthodes à finalité thérapeutique, afin que nul ne puisse être entravé dans l'exercice de la médecine par des droits découlant de brevets. À l'instar de toute disposition dérogatoire, l'article 52(4), première phrase CBE doit être interprété au sens strict, comme le souligne d'ailleurs la deuxième phrase de ce même paragraphe. En l'espèce, la Chambre s'est déclarée convaincue que seules doivent être exclues de la brevetabilité, en tant que méthodes de diagnostic, les méthodes dont le résultat permet directement de décider d'un traitement médical. Pour savoir si une méthode constitue une méthode de diagnostic au sens de l'article 52(4), première phrase CBE, il y a donc lieu de vérifier si la méthode revendiquée comprend effectivement toutes les étapes dont l'exécution est nécessaire à l'établissement d'un diagnostic médical. Les méthodes qui fournissent uniquement des résultats intermédiaires ne constituent pas encore des méthodes de diagnostic au sens de l'article 52(4) CBE, même si elles peuvent servir à poser un diagnostic (point 3.2 des motifs de la décision ; soulignement ajouté).
La Chambre a ensuite déclaré : "L'énumération systématique, dans la littérature médicale, des temps successifs d'un diagnostic, englobe l'anamnèse, l'inspection du malade, la palpation et l'auscultation, ainsi que les nombreuses explorations et analyses médicotechniques (phase d'investigation, recueil de renseignements), auxquels viennent s'ajouter la comparaison des résultats des examens avec les valeurs normales, la constatation d'un écart significatif (symptôme) lors de cette comparaison et, enfin, l'attribution de cet écart à un certain tableau clinique (phase de décision médicale déductive) ; .... Si l'un au moins des trois derniers éléments fait défaut, il ne s'agit pas d'une méthode de diagnostic, mais tout au plus d'une méthode de détermination ou de traitement de données par exemple, qui peut être utilisée dans une méthode de diagnostic." (point 3.3 des motifs de la décision ; soulignements ajoutés).
En ce qui concerne la condition selon laquelle la méthode de diagnostic doit être "appliquée au corps humain ou animal", la Chambre, s'appuyant également sur l'article 52(4) CBE interprété au sens strict en tant que disposition dérogatoire, a estimé que la phase d'investigation (dont résulte la valeur mesurée) et la mise en évidence du symptôme à l'aide du résultat de l'investigation (c'est-à-dire l'écart des valeurs mesurées par rapport aux valeurs normales) doivent s'effectuer toutes deux à même l'organisme humain ou animal vivant (point 4.1 des motifs de la décision). L'article 52(4) CBE suppose donc que la valeur mesurée ainsi que l'écart par rapport à la valeur normale, à interpréter comme symptôme d'une maladie, soient perceptibles à même le corps (points 4.2 et 4.3 des motifs de la décision). L'état déterminé doit signaler d'emblée l'écart pathologique (point 4.3.2 des motifs de la décision).
Dans l'affaire T 385/86, la demande portait sur une méthode de détermination non invasive d'états chimiques et/ou physiques, à savoir la température ou le PH, à l'intérieur du corps humain ou animal entier, intact et vivant, utilisant la résonance magnétique (méthode de "résonance magnétique localisée"). La méthode revendiquée permet d'obtenir une valeur lisible sur le spectre de résonance à haute résolution qui apparaît sur un écran d'affichage ou sur une feuille d'enregistreur dans l'étage final de l'appareil d'exploration.
Conformément aux principes établis par elle-même, la Chambre n'a pas considéré avoir affaire à une méthode de diagnostic au sens de l'article 52(4) CBE, au motif que la méthode revendiquée n'incluait pas toutes les étapes nécessaires à l'établissement d'un diagnostic médical. D'après la Chambre, il s'agissait d'une méthode de mesure brevetable car la mesure obtenue au moyen de la méthode revendiquée ne fournissait pas directement le diagnostic. La Chambre a concédé que les mesures renfermaient implicitement des informations utilisables pour poser un diagnostic, mais elle a jugé décisif le fait que les mesures à elles seules ne permettaient pas de conclure explicitement à la présence ou à l'absence d'une maladie donnée. En l'espèce, il aurait fallu constater tout d'abord un écart significatif par rapport à une valeur normale, c'est-à-dire une valeur théorique non pathologique, et décider dans quel tableau clinique il convenait de ranger la valeur quantitative de cet écart. Ce n'est qu'en incluant dans la revendication de telles étapes de différenciation et de comparaison que l'on peut transformer la méthode de mesure d'une variable physique, telle que revendiquée, en une méthode de diagnostic, et ce, indépendamment de la question de savoir si les étapes susmentionnées sont exécutées par un médecin ou par un ordinateur (points 3.4.1 et 3.4.2 des motifs de la décision).
En outre, la Chambre a jugé que la condition "appliquées au corps" n'avait pas été remplie. La valeur de mesure n'était lisible sur un support de données détaché de l'organisme qu'après d'autres opérations techniques effectuées à l'extérieur de l'organisme, toute étape ultérieure ne supposant pas la présence de l'organisme. Par ailleurs, l'écart par rapport à une valeur normale qu'il s'agissait d'interpréter comme symptôme d'une maladie n'était pas perceptible à même le corps. De l'avis de la Chambre, il ne suffit pas que soit uniquement exécuté, à des fins médicales, un quelconque examen concernant l'état d'un corps humain ou animal. L'état déterminé doit signaler d'emblée l'écart pathologique. Toute valeur mesurée constitue une valeur absolue qui ne permet la mise en évidence d'un écart qu'après comparaison avec une valeur normale. La méthode de mesure ne devient une méthode de diagnostic que si elle est complétée, d'une part par une comparaison, et d'autre part par une indication explicite de l'amplitude de l'écart caractéristique d'une maladie ou d'un groupe de maladies (points 4.2 et 4.3 des motifs de la décision).
Les considérations relatives à la notion de "méthodes de diagnostic" exposées dans la décision T 385/86 concordent avec les décisions rendues précédemment par la Chambre de recours technique 3.2.1. Dans les décisions T 61/83, T 208/83, T 18/84 et T 45/84 (toutes non publiées), la Chambre avait déjà posé comme condition à l'existence d'une méthode de diagnostic au sens de l'article 52(4) CBE, que celle-ci devait inclure, non seulement la méthode d'investigation sur laquelle repose le diagnostic, mais également une indication du diagnostic constituant le résultat. Ainsi, dans la décision T 45/84, la Chambre a précisé qu'il n'y a méthode de diagnostic que si celle-ci conduit à un résultat diagnostique concret, et que par ailleurs ... ni le résultat diagnostique à lui seul, ni la méthode d'investigation fournissant ledit résultat ne sont assimilables à la méthode de diagnostic. On ne peut donc parler de méthode de diagnostic que si les deux conditions sont réunies (point 2 des motifs de la décision).
Plusieurs autres décisions ont confirmé l'acception, exposée dans l'affaire T 385/86, de la méthode de diagnostic au sens de l'article 52(4) CBE en tant que méthode englobant la totalité des étapes permettant de poser un diagnostic médical.
La décision T 83/87 de la Chambre de recours technique 3.4.1 (non publiée) porte sur une méthode de mesure du glucose en présence de substances exogènes perturbatrices, à l'aide de capteurs. La Chambre est arrivée à la conclusion que la valeur obtenue au moyen d'un capteur de glucose implanté était certes utilisable dans le cadre d'un diagnostic, mais qu'elle ne fournissait pas directement un diagnostic au sens de la détection d'une pathologie. La méthode revendiquée ne doit donc pas être considérée comme une méthode de diagnostic, puisqu'elle fournit uniquement des résultats intermédiaires (point 3.2 des motifs de la décision).
Dans la décision T 400/87 (non publiée), la Chambre de recours technique 3.4.1 a indiqué, en faisant également référence à l'affaire T 385/86, qu'une méthode de résonance magnétique nucléaire (RMN) applicable au corps humain ne tombait pas sous le coup de l'exclusion de la brevetabilité au sens de l'article 52(4) CBE. La méthode, selon la Chambre, comportait seulement les phases d'investigation et de collecte des données. Les méthodes ne livrant que des résultats intermédiaires ne sont pas des méthodes de diagnostic, même si elle peuvent servir à poser un diagnostic. De surcroît, l'écart éventuel par rapport à la norme n'était visible que sur des diagrammes, et non pas à même l'organisme (point 3.1 et 3.3 des motifs de la décision).
Dans la demande à la base de la décision T 775/92 (non publiée) rendue par la Chambre 3.5.1, une méthode à plusieurs étapes vise à déterminer les densités osseuses aux fins d'évaluation d'une radiographie des os. La Chambre a estimé que l'expression "évaluation d'une radiographie" paraissait assez vague et générale pour englober une application diagnostique. Il est possible de l'interpréter en ce sens que les distributions de la densité osseuse déterminées au moyen de la méthode revendiquée seraient évaluées par un médecin qui les comparerait à des distributions standards afin d'en tirer des conclusions sur l'état d'un patient eu égard à des phénomènes de vieillissement ou à des ostéopathies. Une telle évaluation ne fournirait pas seulement des résultats intermédiaires : elle permettrait de ranger un écart par rapport à la norme dans un tableau clinique donné, puis d'instaurer un traitement médical. La Chambre en a conclu qu'il s'agissait là d'une méthode de diagnostic exclue de la brevetabilité en vertu de l'article 52(4) CBE (point 10 des motifs de la décision).
La demande faisant l'objet de la décision T 530/93 (non publiée) a pour objet une méthode pour réaliser des images du coeur humain au moyen d'un système d'imagerie à RMN. Dans sa décision, la Chambre de recours technique 3.4.2 a renvoyé expressément à la jurisprudence constante, selon laquelle il n'y a pas méthode de diagnostic au sens de l'article 52(4) CBE, lorsque la méthode englobe seulement la phase de collecte des données d'un diagnostic et fournit uniquement des résultats intermédiaires qui ne peuvent être attribués à un tableau clinique donné que dans une étape supplémentaire (point 4 des motifs de la décision).
En outre, dans sa décision T 1165/97 (non publiée), la Chambre de recours technique 3.2.6 a refusé d'accorder le statut de méthode de diagnostic au sens de l'article 52(4) CBE à une méthode pour l'utilisation d'un dispositif de collecte d'écoulement vaginal, au motif que seules sont exclues de la brevetabilité les méthodes dont les résultats permettent de décider directement d'un traitement médical. La méthode revendiquée aurait donc dû comporter toutes les étapes nécessaires à l'établissement d'un diagnostic, ce qui n'était pas le cas de la méthode en cause, laquelle n'incluait pas la collecte de valeurs de mesure (point 4.3 des motifs de la décision).
Les revendications faisant l'objet de la décision T 629/98 (non publiée) rendue par la Chambre de recours technique 3.3.4 étaient rédigées sous la forme d'une "deuxième indication médicale" et concernaient une substance à administrer à un patient. La Chambre s'est penchée sur la question de savoir si la substance était utilisée dans une méthode exclue de la brevetabilité au sens de l'article 52(4) CBE. Elle a conclu par l'affirmative à l'existence d'une méthode de diagnostic sur la base des critères développés dans la décision T 385/86. En effet, la méthode permet de constater la présence ou l'absence d'une tumeur pulmonaire chez un patient à qui la substance est administrée. Il s'agit donc d'une méthode de diagnostic appliquée au corps humain et fournissant directement un tableau clinique (point 3 des motifs de la décision).
Les principes posés dans la décision T 385/86 ont également été suivis par la Chambre de recours technique 3.3.4 dans sa décision T 1038/00 (non publiée). La méthode litigieuse était pratiquée sur un échantillon, de sorte que la Chambre en a conclu que la méthode revendiquée n'était pas appliquée au corps humain ou animal (point 6 des motifs de la décision).
Les critères développés dans l'affaire T 385/86 sont aussi à la base de la décision T 807/98 (non publiée) rendue par la Chambre de recours technique 3.2.2. La demande litigieuse revendique un "Dispositif pour détecter une suite de phénomènes anormaux dus à un dysfonctionnement, parmi une multitude de phénomènes normaux dans un signal électrophysiologique d'un organe présentant un dysfonctionnement". Le dispositif est caractérisé par des étapes de mesure et de comparaison, prévoyant notamment que des valeurs mesurées soient comparées avec une valeur seuil et une valeur théorique prédéfinies. Dans les motifs de la décision, la Chambre s'est fondée sur la décision T 385/86 pour déterminer s'il y avait là une méthode de diagnostic, faisant observer que dans ladite affaire, l'existence d'une méthode de diagnostic avait été niée parce que les données d'examen recueillies n'y étaient pas comparées à une norme, pas plus qu'un écart significatif n'était constaté. En revanche, dans la présente espèce, une telle comparaison a été effectuée, et des écarts pathologiques constatés par le truchement d'un signal donné. Dans la décision T 385/86, seule une valeur quantitative a été déterminée, tandis qu'en l'espèce, les valeurs quantitatives sont transformées en un signal donné représentant l'information qualitative, à savoir la présence ou l'absence d'une pathologie, p.ex. une arythmie. Dès l'apparition d'un état pathologique de ce type, un signal est émis ;en l'absence d'un tel état, aucun signal n'est émis. L'absence de signal permet d'exclure avec certitude la présence d'un état pathologique. La Chambre a expressément considéré que le constat négatif selon lequel une maladie déterminée peut être exclue avait valeur de diagnostic (point 2.2 des motifs de la décision).
Par ailleurs, la Chambre est arrivée à la conclusion que reconnaître l'existence d'une méthode de diagnostic était conforme à la décision T 964/99, puisque la méthode est appliquée au corps humain ou animal et porte sur un diagnostic. En outre, pour détecter une arythmie, il faut fixer une valeur seuil et une valeur théorique, qui constituent des étapes essentielles ayant un caractère diagnostique et devant être considérées comme des activités diagnostiques fondamentales, car un médecin en assume en fin de compte la responsabilité (point 2.3 des motifs de la décision).
L'interprétation stricte de la notion de "méthodes de diagnostic" au sens de l'article 52(4) CBE, développée dans la décision T 385/86, a été constamment confirmée dans la jurisprudence, mais aussi suivie dans la pratique de l'Office. Ainsi, au point C-IV, 4.3 des Directives relatives à l'examen pratiqué à l'Office européen des brevets (version d'octobre 2001), il est dit que "les méthodes de diagnostic n'englobent pas toutes les méthodes liées au diagnostic. Les méthodes qui visent à recueillir des informations (données, quantités physiques) sur le corps humain ou animal vivant ne sont pas exclues de la brevetabilité par l'article 52(4), si l'information obtenue fournit simplement des résultats intermédiaires qui, à eux seuls, ne permettent pas de prendre une décision quant au traitement nécessaire. En règle générale, ces méthodes comprennent les examens radiographiques, l'analyse de la résonance magnétique nucléaire ou les mesures de la tension artérielle (cf. T 385/86, JO 8/1988, 308)."
2. Décision T 964/99, JO OEB 2002, 4 et s. - CYGNUS, INC
La décision T 964/99 de la Chambre de recours technique 3.4.1 n'est pas en accord avec les principes sur lesquels se fonde la décision T 385/86 et les décisions rendues à la suite de cette dernière. La demande faisant l'objet de la décision T 964/99 revendique une méthode non invasive d'échantillonnage d'une substance d'un corps humain ou animal, et d'analyse de la concentration de la substance, comprenant notamment les étapes suivantes :
"a) mise en place d'au moins une chambre d'échantillonnage en un point de collecte sur un tissu superficiel du corps humain ou animal,
b) extraction de la substance ou d'un métabolite de la substance à travers le tissu superficiel dans la chambre d'échantillonnage ..." par courant iontophorétique,
c) analyse de la concentration de la substance ou d'un métabolite de la substance dans la chambre d'échantillonnage."
Les revendications comportaient également une étape destinée à inverser les réactions provoquées.
Une requête subsidiaire portant sur l'échantillonnage du glucose ou d'un métabolite du glucose ne comportait pas, l'étape de la méthode consistant dans "l'analyse de concentration du glucose ou d'un métabolite du glucose dans la chambre d'échantillonnage".
Dans les motifs, la Chambre s'est d'abord penchée sur la décision T 385/86, constatant qu'il serait contraire à l'esprit de l'article 52(4) CBE d'interpréter ces dispositions de telle sorte que les "méthodes manuelles", qui sont appliquées par le médecin lors d'un examen physique et qui sont essentielles pour poser un diagnostic, ne constituent pas une exception à la brevetabilité (point 3.5 des motifs de la décision). Elle a noté également que l'interprétation restrictive de l'exception à la brevetabilité pour les méthodes de diagnostic, telle qu'énoncée dans la décision T 385/86, revient à fixer pour les méthodes de diagnostic des critères différents de ceux qui sont établis pour les méthodes chirurgicales ou thérapeutiques, celles-ci étant exclues de la protection par brevet si elles ne comportent qu'une seule étape de nature chirurgicale ou thérapeutique (point 3.6 des motifs de la décision).
Partant d'une analyse sémantique des termes "diagnostic" et "diagnostique" et de leurs équivalents dans les deux autres langues officielles, la Chambre a conclu que l'article 52(4) CBE entend exclure de la protection par brevet toutes les méthodes appliquées au corps humain ou animal qui concernent un diagnostic ou sont utiles aux fins d'un diagnostic (point 4.4 des motifs de la décision).
La Chambre a fait observer que toutes les revendications de méthode de la demande litigieuse comportaient une étape d'échantillonnage d'une substance d'un corps humain ou animal vivant. Les modes de réalisation divulgués dans la description concernaient des activités exercées au cours du traitement médical de patients et étaient utilisés en particulier à des fins de diagnostic (point 5.1 des motifs de la décision ; soulignements ajoutés).
De l'avis de la Chambre, l'échantillonnage d'une substance corporelle à des fins d'examen médical constitue une activité de diagnostic fondamentale, quel que soit le moyen technique utilisé, qu'il s'agisse d'une spatule, d'une seringue ou d'un courant iontophorétique. Par conséquent, l'étape d'échantillonnage d'une substance, telle que revendiquée, se rapporte à un diagnostic et constitue dans ce contexte une méthode de diagnostic essentielle, appliquée au corps humain ou animal vivant. L'objet des revendications de méthode doit donc être considéré comme une méthode de diagnostic au sens de l'article 52(4) CBE (point 5.2 des motifs de la décision ; soulignements en partie ajoutés).
Pour parvenir à cette conclusion, il importe peu que les méthodes revendiquées puissent être appliquées par le patient lui-même et que leur mise en oeuvre n'ait pas une action significative sur l'organisme et n'entraîne aucun risque sérieux pour la santé. Ce qui est décisif, c'est le fait que toutes les revendications de méthode figurant dans le dossier comportent l'étape d'échantillonnage d'une substance corporelle à des fins de diagnostic et que cette étape doit être considérée comme une activité essentielle se rapportant au diagnostic et appliquée à l'organisme vivant (point 6.1 des motifs de la décision ; soulignements ajoutés).
Prenant pour exemple les procédés de RMN qui, bien que mis en oeuvre sur un organisme vivant, ne définissent que des étapes qui concernent le fonctionnement technique de signaux de résonance d'excitation et de détection, la Chambre, dans sa décision, a nié l'existence d'une étape de procédé ressortissant à des activités médicales fondamentales pratiquées sur le corps humain ou animal. Elle a fait valoir que ces étapes ne représentaient rien d'autre que le fonctionnement interne d'un dispositif technique et relevaient par conséquent, sans exception, de la compétence et du contrôle d'un technicien spécialisé en RMN, de sorte que le procédé pouvait être considéré comme brevetable, "même s'il génère et détecte des signaux physiques sur un organisme vivant et si ses résultats peuvent être évalués à des fins de diagnostic". Les revendications de méthode peuvent être considérées comme comportant uniquement des étapes relatives au contrôle et au fonctionnement interne d'un dispositif technique, en l'occurrence un appareil de tomographie à RMN, si bien que l'on ne peut y voir aucune étape spécifique ayant valeur de diagnostic (point 6.2 des motifs de la décision).
Dans la demande litigieuse en revanche, l'étape consistant à extraire une substance corporelle à des fins de diagnostic est une étape essentielle ayant valeur de diagnostic, cette opération devant être considérée comme une activité de diagnostic élémentaire exercée sous la responsabilité finale d'un médecin (point 6.2 des motifs, dernière phrase ; soulignements ajoutés).
La décision T 964/99 avait été précédée d'une série de décisions fondées sur l'affaire T 385/86, dont certaines ont déjà été mentionnées au point 1. Parmi ces décisions antérieures, il s'en trouve toutefois quelques-unes qui semblent suivre les principes développés dans la décision T 385/86, mais qui, rétrospectivement, au vu de la décision T 964/99, présentent déjà les signes avant-coureurs d'une interprétation de la notion de "méthodes de diagnostic" s'écartant de T 385/86 et se rapprochant davantage de T 964/99.
Dans la décision T 655/92 (JO OEB 1998, 17), la Chambre de recours technique 3.3.2 s'est penchée sur la question de savoir si une technique d'imagerie RMN appliquée au corps vivant (in vivo) et utilisant des agents de contraste était exclue de la brevetabilité au sens de l'article 52(4) CBE. De l'avis de la Chambre, il s'agit d'une technique invasive. En outre, l'injection intraveineuse de la substance n'est pas exempte d'effets secondaires parfois graves. Lors de l'administration intraveineuse, il faut d'abord injecter quelques gouttes de la substance pour s'assurer qu'elle ne provoque pas de réaction indésirable. Ce test préliminaire ne peut être effectué que par du personnel médical à même de reconnaître les tout premiers symptômes d'une réaction indésirée et de prendre les mesures qui s'imposent. Considérée dans son ensemble, la méthode de diagnostic en question comporte donc au moins une étape essentielle pour l'obtention du résultat diagnostic désiré, qui ne peut pas être effectuée sous la responsabilité exclusive du technicien en RMN. Bien que, dans le cas d'un procédé dont les étapes, considérées dans leur ensemble, ne sont pas médicales mais techniques, il soit légitime de ne pas déduire du fait qu'il vise finalement à l'établissement d'un diagnostic, qu'il s'agit d'un diagnostic in vivo, ceci ne s'applique pas à un procédé en vue d'établir un diagnostic dont les étapes essentielles doivent être exécutées par un personnel médical ou sous la responsabilité d'un médecin (point 5.3 des motifs de la décision). Le fait que le personnel médical compétent chargé d'administrer l'agent de contraste et de poser le diagnostic ne se limite pas forcément à une seule personne, montre que l'existence d'un diagnostic au sens de l'article 52(4) CBE peut être reconnue, étant donné le caractère médical de certaines étapes de la méthode et indépendamment de l'activité de diagnostic finale, laquelle, il faut le noter, ne fait pas partie du procédé revendiqué (loc.cit.).
La demande à la base de la décision T 329/94 rendue par la Chambre de recours technique 3.2.2 revendiquait un procédé auxiliaire d'extraction sanguine à l'aide d'un moyen de stimulation, en vue de faciliter un flux soutenu du sang veineux dans un membre du corps humain vers un point d'extraction du sang veineux. Dans ce contexte, la Chambre a estimé qu'il y avait lieu de ne pas accorder de protection à une méthode d'extraction sanguine considérée en tant que telle, faute de quoi les activités médicales seraient en grande partie entravées. "En fait, l'extraction sanguine tomberait sous le coup de l'exclusion visée à l'article 52(4) CBE, si elle était considérée dans l'un des trois cas suivants comme :
- une étape d'une méthode de traitement thérapeutique, telle qu'une méthode de dialyse ou de retransfusion de sang préalablement nettoyé, ou
- une étape d'une méthode de traitement chirurgical, dans laquelle la prise de sang exige l'utilisation d'instruments chirurgicaux et où l'opération est exécutée sur la structure d'un organisme, ... ou
- une étape d'une méthode de diagnostic, en vue par exemple d'analyser le sang afin de trouver la cause d'une maladie" (point 4 des motifs de la décision).
Pour déterminer si les caractéristiques revendiquées constituent un traitement médical ou une méthode de diagnostic, la Chambre estime qu'il faut définir l'objectif de l'objet revendiqué conformément à la demande de brevet, tel que compris à la lumière de la description et des dessins. Il importe peu de savoir si la mesure est réalisée par un praticien ou une autre personne possédant des connaissances médicales, ou encore sous la supervision d'une telle personne. Ce seul critère n'est pas suffisant pour déterminer si l'étape de la méthode appelle des objections au titre de l'article 52(4) CBE, même si les compétences médicales du praticien peuvent constituer à première vue une indication utile. L'objectif et l'effet inévitable de la caractéristique examinée sont bien plus importants (point 5 des motifs de la décision). De l'avis de la Chambre, le procédé revendiqué revêt simplement un caractère technique, ayant pour seul but d'améliorer l'efficacité de la prise de sang chez un donneur. On peut donc clairement distinguer ce procédé d'un effet thérapeutique ou diagnostique (point 8 des motifs de la décision). Il ne saurait donc y avoir exclusion de la brevetabilité au sens de l'article 52(4) CBE.
La décision T 606/96 (non publiée) de la Chambre de recours technique 3.3.4 porte sur une méthode à plusieurs étapes pour sélectionner au moins une composition d'anticorps monoclonaux à utiliser dans la préparation d'une substance spécifique à un patient pour le dépistage ou le traitement in vivo du cancer. La Chambre a estimé qu'une méthode à plusieurs étapes constituait une méthode de traitement thérapeutique ou une méthode de diagnostic, si elle comportait au moins une étape s'y rapportant. En l'espèce, la Chambre a considéré qu'aucune des étapes de la méthode n'était une étape de traitement ou de diagnostic appliquée au corps humain (point 3 des motifs de la décision).
Dans la décision T 310/99 (non publiée) postérieure à T 964/99, la Chambre de recours technique 3.3.8 a également fait valoir les principes développés dans la décision T 964/99. La méthode revendiquée vise à détecter la présence d'une trisomie 21 chez le foetus. Comme cette méthode n'est pas appliquée au corps, mais à un échantillon sanguin, et que les revendications ne comportent aucune étape de prélèvement, la Chambre n'a pas reconnu l'existence d'une méthode de diagnostic (point 13 des motifs de la décision). En outre, elle a estimé que la méthode pouvait indubitablement être mise en oeuvre par un laborantin, sans nécessiter réellement l'intervention d'un médecin (point 14 des motifs de la décision). De l'avis de la Chambre, peu importe que la méthode revendiquée soit précédée ou suivie d'étapes exécutées par un médecin (point 15 des motifs de la décision). Elle a jugé non applicable en l'espèce la décision T 385/86, au motif que celle-ci reposait sur des faits différents. Au point 16 des motifs de sa décision, la Chambre a écrit : "Decision T 385/86 ... relates to a different factual framework, the claims examined relating to a medical diagnosis in which not a sample of a body fluid but a whole, intact, living animal or human body is examined (using magnetic resonance). Consequently, decision T 385/86 … is not applicable to the present case" ; point 16 des motifs de la décision).
III. Divergence des principes interprétatifs développés dans les décisions T 385/86 et T 964/99 concernant la notion de "méthodes de diagnostic"
Dans ces deux décisions, la Chambre de recours technique est partie du principe que l'exclusion de la brevetabilité des méthodes visées à l'article 52(4) CBE a pour but d'éviter que les brevets ne fassent obstacle à l'utilisation de ces méthodes dans le traitement médical des êtres humains ou des animaux (cf. T 385/86, point 3.2 des motifs ; T 964/99, point 3.1 des motifs). La notion de "méthodes de diagnostic appliquées au corps humain ou animal" au sens de l'article 52(4) CBE a toutefois été interprétée différemment, bien que le même principe ait été suivi.
1. Notion de "méthodes de diagnostic"
Dans la décision T 385/86, la Chambre de recours technique a interprété très étroitement la notion de "méthodes de diagnostic". Seules doivent être exclues de la brevetabilité en tant que méthodes de diagnostic les méthodes dont le résultat permet de décider directement d'un traitement médical, ce qui n'est le cas que si la méthode revendiquée comprend toutes les étapes dont l'exécution est nécessaire à l'établissement d'un diagnostic médical : investigation, constatation d'un écart significatif par rapport à la valeur normale, et attribution de cet écart à un tableau clinique donné. Les méthodes ne fournissant que des résultats intermédiaires ne sont donc pas des méthodes de diagnostic, même si lesdits résultats sont exploitables pour poser un diagnostic (cf. T 385/86, point 3.2 des motifs ; T 83/87, point 3.2 des motifs ; T 400/87, point 3.1 des motifs ; T 775/92, point 10 des motifs ; T 530/93, point 4 des motifs ; T 1165/97, point 4.3 des motifs). Lorsque le résultat des mesures revendiquées est une valeur quantitative d'une variable physique isolée, il s'agit donc de savoir si la valeur mesurée permet, à elle seule, de reconnaître explicitement la maladie, et fournit directement le diagnostic (point 3.4 des motifs ; cf aussi. T 629/98, point 3 des motifs). Dans la décision T 807/98, il est précisé, en outre, qu'un diagnostic peut consister non seulement à constater positivement la présence d'une pathologie spécifique, mais aussi à exclure une pathologie spécifique par constatation négative (point 2.2 des motifs).
Cette interprétation restrictive fait que les méthodes ne comportant qu'une seule étape dans l'établissement d'un diagnostic ne sont pas exclues de la brevetabilité au sens de l'article 52(4) CBE, même si cette unique étape revendiquée est une partie indispensable du diagnostic.
Dans sa décision T 964/99, la Chambre de recours technique déclare que l'application des principes énoncés dans l'affaire T 385/86 revient à exclure de la brevetabilité les méthodes qui fournissent un diagnostic plus ou moins complet à l'aide d'appareils techniques fonctionnant de façon entièrement automatique. Il en découle toutefois que des méthodes typiques de diagnostic appliquées au corps humain, comme la percussion, l'auscultation ou la palpation, pourraient en principe être brevetées parce qu'elles n'établissent pas un diagnostic complet et n'entrent assurément pas dans les autres catégories médicales de traitement chirurgical et thérapeutique visées à l'article 52(4) CBE. La Chambre a cependant considéré qu'il serait contraire à l'esprit de l'article 52(4) CBE d'interpréter ces dispositions de telle sorte que les "méthodes manuelles", qui sont appliquées par le médecin lors d'un examen physique et qui sont essentielles pour poser un diagnostic, ne constitueraient pas une exception à la brevetabilité (T 964/99, point 3.5 des motifs de la décision).
Dans la littérature aussi, il a été argué que l'interprétation donnée dans la décision T 385/86 vidait pratiquement de son sens l'exclusion des méthodes de diagnostic de la brevetabilité (cf. Moufang, Medizinische Verfahren im Patentrecht, GRUR Int. 1992, 10 s., 23 ; Methods of Medical Treatment Under Patent Law, IIC 1993, 18 s. ; 46 s.).
S'éloignant de l'interprétation développée dans la décision T 385/86, la Chambre qui a statué dans l'affaire T 964/99 souligne expressément que l'expression "méthodes de diagnostic appliquées au corps humain ou animal" ou les expressions équivalentes dans les deux autres langues officielles, ne doivent pas être considérées comme se rapportant à des méthodes qui comportent toutes les étapes dont l'exécution est nécessaire à l'établissement d'un diagnostic médical (sommaire I et point 4.1 des motifs de la décision ; soulignements ajoutés). Le texte français de l'article 52(4) CBE, notamment, ne permet pas de privilégier une interprétation qui limite l'exception à la brevetabilité aux méthodes englobant toutes les étapes dont l'exécution est nécessaire à l'établissement d'un diagnostic médical (point 4.2 des motifs de la décision).
La Chambre a plutôt estimé que l'article 52(4) CBE entendait exclure de la protection par brevet toutes les méthodes appliquées au corps humain ou animal qui concernent un diagnostic ou sont utiles aux fins d'un diagnostic (point 4.4 des motifs de la décision). Dès lors, pour qu'il y ait exclusion au sens de l'article 52(4) CBE, il suffit que le procédé revendiqué comporte une étape à des fins de diagnostic ou se rapportant à un diagnostic, et que cette étape soit considérée comme une activité essentielle se rapportant au diagnostic et appliquée à l'organisme vivant (points 5.1, 5.2 et 6.1 des motifs ; soulignements en partie ajoutés).
Il est explicitement signalé, dans la décision T 964/99, qu'exiger d'une méthode de diagnostic qu'elle contienne toutes les étapes nécessaires à l'établissement d'un diagnostic, comme l'a fait la décision T 385/86, revient à fixer pour les méthodes de diagnostic des critères différents de ceux qui sont établis pour les méthodes chirurgicales ou thérapeutiques (point 3.6 des motifs). Celles-ci se retrouvent alors exclues de la protection par brevet si elles ne comportent qu'une seule étape de nature chirurgicale ou thérapeutique (concernant les méthodes chirurgicales, cf. T 775/97, point 2.5 des motifs ; T 1005/98, non publiée, point 2.4 des motifs ; T 35/99, point 8 des motifs ; T 182/90, JO OEB 1994, 641, point 2.5.1 des motifs ; concernant les méthodes thérapeutiques, cf. T 606/96, point 3 des motifs ; T 82/93, point 1.4 des motifs). Ainsi, la présence d'une étape chirurgicale dans une méthode à plusieurs étapes destinée au traitement du corps humain ou animal confère un caractère chirurgical à cette méthode (T 182/90, point 2.5.1 des motifs). Cette interprétation large de la notion de méthode diagnostique ou chirurgicale s'appuie sur la considération selon laquelle un patient donné ne pourrait se voir appliquer le traitement optimal ou même le seul traitement possible si ne fût-ce qu'une seule partie ou une seule étape de ce traitement était protégée par un brevet (cf. T 35/99, point 7 des motifs).
La mise sur le même plan des méthodes de diagnostic et des méthodes chirurgicales semble justifiée. Un membre d'une profession de santé ne pourrait pas non plus appliquer une méthode de diagnostic à ses patients en ignorant les brevets existants, si une seule étape indispensable de cette méthode est protégée par un brevet.
Dans l'ensemble, on constate que la notion de "méthodes de diagnostic" est interprétée de façon nettement plus étroite dans la décision T 385/86 que dans la décision T 964/99. L'évaluation de la brevetabilité d'une méthode revendiquée peut déboucher sur des résultats différents selon la décision suivie. Ainsi, si l'on appliquait à la méthode revendiquée dans la décision T 964/99 les principes interprétatifs développés dans la décision T 385/86, on conclurait à l'absence d'une méthode de diagnostic au sens de l'article 52(4) CBE, ce qui ne s'opposerait pas à la délivrance du brevet européen. L'étape de l'attribution de l'écart constaté à un tableau clinique donné manquerait à la méthode revendiquée dans la requête principale, laquelle inclut le prélèvement d'un échantillon et l'analyse de la substance. La phase d'investigation manquerait en outre à la méthode revendiquée dans la requête subsidiaire, laquelle porte uniquement sur le prélèvement d'une substance ou d'un métabolite de la substance. Sur la base des résultats obtenus, il ne serait pas possible de "prendre directement une décision au sujet d'un traitement médical" (T 385/86, point 3.2 des motifs). Par ailleurs, selon les critères de la décision T 385/86, la méthode revendiquée dans la décision T 964/99 se verrait également refuser le statut de méthode de diagnostic au motif que l'évaluation de l'échantillon extrait du corps a lieu en dehors de ce dernier et non pas à même le corps humain ou animal (cf. aussi point III.2 ci-après).
a) L'objectif diagnostique ou le rapport avec le diagnostic
D'après la décision T 385/86, l'existence d'une méthode de diagnostic dépend de la question de savoir si le résultat de la méthode revendiquée permet de se prononcer directement sur un traitement médical. Tel n'est le cas que si ladite méthode renferme toutes les étapes à exécuter dans l'établissement d'un diagnostic. Si la méthode revendiquée ne fournit que des résultats intermédiaires, sans étapes de différenciation et de comparaison permettant de constater un écart pathologique, il n'y a pas méthode de diagnostic au sens de l'article 52(4) CBE. La Chambre estime que ceci vaut également lorsque les résultats intermédiaires obtenus peuvent être exploités pour poser un diagnostic. (cf. aussi T 61/83, T 208/83, T 18/84, T 45/84, T 83/87, T 400/87, T 775/92, T 530/93, T 1165/97).
Dans la décision T 385/86, la Chambre a donc assimilé la notion de "méthodes de diagnostic" à celle de "diagnostic", ladite méthode devant obligatoirement inclure la détection, la différenciation et l'identification d'une pathologie ainsi que l'attribution de tout écart à un tableau clinique.
Vu cette interprétation étroite, on pourrait, en omettant notamment l'étape de comparaison dans la revendication, transformer une méthode de diagnostic exclue de la brevetabilité en vertu de l'article 52(4) CBE en une méthode de mesure éventuellement brevetable. La question de savoir si la méthode de mesure sert à établir un diagnostic perd dans ce cas toute pertinence.
D'après la décision T 964/99 en revanche, pour qu'un procédé tombe sous le coup de l'article 52(4) CBE, il suffit qu'il renferme une étape aux fins d'un diagnostic ou se rapportant à un diagnostic, et qu'il puisse être considéré comme une activité essentielle au diagnostic appliquée au corps humain ou animal (cf. aussi T 606/96, point 3 des motifs).
La décision T 964/99 n'examine toutefois pas expressément si le but diagnostique ou le rapport avec le diagnostic de l'étape de la méthode concernée doit découler des revendications ou s'il suffit qu'il découle explicitement ou implicitement de l'ensemble des pièces de la demande. Dans la deuxième hypothèse, la question se pose toujours de savoir s'il peut également y avoir méthode de diagnostic lorsque les pièces de la demande, outre le but diagnostique, divulguent aussi explicitement ou implicitement un but non diagnostique, c'est-à-dire lorsque la méthode est applicable non pas exclusivement aux fins d'un diagnostic, mais aussi dans d'autres domaines industriels. On peut, par exemple, envisager les cas de figure suivants :
La revendication elle-même se limiterait à la définition des étapes de la méthode, sans préciser le but de l'investigation. La description pourrait expressément faire état, tant d'applications diagnostiques que d'applications non diagnostiques. On peut aussi concevoir que soient évoquées des applications diagnostiques, ou bien des applications non diagnostiques, mais que l'homme du métier lisant la demande pense inévitablement à l'autre application que celle figurant dans la demande, de sorte que la revendication se trouverait alors totalement fondée sur la description.
Par exemple, une revendication pourrait porter sur une méthode de tomographie optique servant à examiner des structures tissulaires à textures superficielles inégales, tandis que la description mentionnerait expressément, comme applications possibles, à la fois le diagnostic de tumeurs chez l'Homme et l'analyse non destructive de produits alimentaires. Un autre exemple serait une méthode de détermination de la perméabilité de conduits, méthode qui, selon la description, pourrait servir à examiner des conduits (faisceaux vasculaires) chez les plantes, mais qui, à la connaissance de l'homme du métier, se prêterait aussi à des applications diagnostiques, telles l'étude in vivo de la perméabilité de vaisseaux sanguins dans le corps humain en vue de diagnostiquer un infarctus. On peut aussi imaginer que l'étape essentielle à l'existence d'une méthode de diagnostic ne réside pas dans la revendication, mais précède forcément l'étape énoncée dans la revendication. Si l'on considère comme étape essentielle l'administration d'une substance potentiellement nuisible à la santé (p.ex. un agent de contraste), la revendication pourrait être formulée de la manière suivante : "Méthode d'imagerie de l'estomac auquel un agent de contraste a été administré ...".
Dans la demande à la base de la décision T 964/99, où était revendiquée une méthode de prélèvement d'une substance corporelle avec mesure de sa concentration, les revendications ne se réfèrent pas expressément à une finalité diagnostique. Pour que soit reconnue l'existence d'une méthode de diagnostic au sens de l'article 52(4) CBE, il ne semble donc pas indispensable que la référence au diagnostic découle directement des revendications. En revanche, tous les modes de réalisation présentés dans la description de la méthode revendiquée concernaient des activités exercées au cours du traitement médical de patients et utilisées en particulier à des fins de diagnostic (point 5.1 des motifs de la décision). En l'espèce, le rapport avec un diagnostic ressortait au moins de l'exposé de la demande dans son ensemble.
En outre, il faudrait savoir comment évaluer une situation où les pièces de la demande, dans leur ensemble, ne contiennent aucune référence explicite à un diagnostic, bien que, pour l'homme du métier, la méthode revendiquée soit applicable dans le domaine des diagnostics. La décision T 329/94 semble estimer qu'une telle référence est nécessaire. Lorsque l'on détermine si la méthode revendiquée constitue une méthode de diagnostic, il convient de définir l'objectif de l'objet revendiqué conformément à la demande, tel que compris à la lumière de la description et des dessins (point 5 des motifs de la décision ; soulignements en partie ajoutés). Il s'ensuivrait qu'une méthode servant également à des fins diagnostiques ne constituerait pas une méthode de diagnostic au sens de l'article 52(4) CBE, si son objectif diagnostique n'est pas explicitement exposé dans la demande, et qu'il n'apparaît qu'implicitement à l'homme du métier.
b) Participation obligatoire d'un médecin
Dans la décision T 385/86, la Chambre de recours technique, s'appuyant sur les principes qu'elle a elle-même développés, arrive à la conclusion que la méthode revendiquée n'est pas une méthode de diagnostic exclue de la brevetabilité en vertu de l'article 52(4) CBE, car elle ne comporte pas toutes les étapes nécessaires à l'établissement d'un diagnostic. Cependant, la Chambre pose ensuite la question de savoir si, l'article 52(4), première phrase CBE "étant censé empêcher que le médecin soit entravé dans l'exercice de son art par des droits découlant de brevets", la méthode revendiquée qui ne renferme pas toutes les étapes nécessaires à l'établissement d'un diagnostic ne peut malgré tout pas être considérée comme susceptible d'application industrielle, au motif qu'elle peut uniquement être mise en oeuvre par un médecin dans l'exercice de son art (point 3.5 des motifs).
Se fondant sur quatre points de vue, la Chambre a conclu en l'espèce qu'un spécialiste en spectroscopie à résonance magnétique nucléaire était à même d'exécuter les démarches revendiquées, sans connaissances ni aptitudes médicales, dans le cadre professionnel d'un laboratoire : l'effet exercé sur la substance vivante revêtait un caractère technique ; l'interaction des opérations techniques et de l'organisme ne représentait pas une effraction dans la matière vivante ; elle ne modifiait pas durablement la matière organique et ne suscitait pas non plus d'effets secondaires nuisibles (point 3.5.1 des motifs ; soulignements ajoutés). Les étapes de la méthode pour laquelle la protection était recherchée ne comprenaient aucune démarche présentant le caractère d'un traitement médical ou nécessitant l'intervention d'un médecin pour leur exécution. Par contre, le technicien pouvait, seul de son côté, en suivant les démarches revendiquées, offrir au médecin une base de travail pour son activité diagnostique ultérieure. La présence d'un médecin n'étant pas requise pendant l'exploration, et un moyen de travail détaché de l'organisme vivant étant mis à sa disposition, les méthodes revendiquées étaient susceptibles d'application industrielle, à l'instar des méthodes d'examen de laboratoire portant sur des prélèvements sanguins ou tissulaires. Une méthode dans laquelle survient une interaction avec le corps humain ou animal est susceptible d'application industrielle lorsque l'homme du métier ne disposant pas de connaissances ni d'aptitudes médicales est en mesure de l'appliquer avec le succès désiré (point 3.5.2 des motifs ; soulignements ajoutés ; cf. aussi T 400/87, point 3.2 des motifs).
Il ressort donc de la décision T 385/86 qu'une méthode comprenant au moins une étape pouvant être exécutée uniquement par un médecin peut également être considérée comme méthode de diagnostic. Le critère utilisé en l'occurrence est, par exemple, de savoir si la méthode représente une effraction dans la matière vivante, si elle modifie durablement celle-ci ou si elle entraîne des effets secondaires nuisibles. Parmi les étapes de méthode qui sont, tout au moins actuellement, de la compétence exclusive d'un médecin, on peut citer par exemple l'examen préalable d'un patient visant à déterminer si une méthode de diagnostic peut lui être appliquée, ainsi que le choix de la méthode de diagnostic. À ranger également dans cette catégorie sont les examens qui ne sont pas encore totalement automatisés, comme la pose d'un cathéter, les biopsies, la palpation (dans la mesure où elle n'est pas automatisée), ou les examens qui permettent au médecin, en raison de sa formation et de son expérience, d'arriver à des résultats diagnostiques durant l'examen même (p.ex. l'auscultation). Enfin, l'établissement du diagnostic proprement dit sur la base des résultats de l'examen constitue lui-même une étape relevant exclusivement de la compétence du médecin, dans la mesure où, ici non plus, il n'y a pas d'automatisation (p.ex. lorsque l'absence d'un signal technique donné exclut l'existence d'une pathologie spécifique, cf. p.ex. T 807/98).
Si l'on s'en tient à la décision T 385/86, il n'y a pas méthode de diagnostic dans les cas où toutes les étapes à exécuter pour poser un diagnostic ne sont pas revendiquées, lorsque la totalité des étapes de la méthode peuvent être effectuées par un homme du métier spécialisé ne disposant pas de connaissances ni d'aptitudes médicales, ou par le patient lui-même. D'après la décision précitée, la simple possibilité d'application par un technicien suffit à éviter l'exclusion de la brevetabilité prévue à l'article 52(4) CBE. La Chambre tend par là vers une interprétation étroite de l'article 52(4) CBE, comme elle l'a souligné plusieurs fois à d'autres endroits de la décision (cf. points 3.2 et 4.1 des motifs).
D'après la décision T 964/99, l'article 52(4) CBE s'applique lorsque la méthode revendiquée inclut une étape aux fins d'un diagnostic et que cette étape doit être considérée comme une activité essentielle se rapportant au diagnostic et appliquée à l'organisme humain ou animal vivant. Pour parvenir à cette conclusion, il importe peu que les étapes revendiquées de la méthode puissent être effectuées par le patient lui-même et que leur mise en oeuvre n'ait pas une action significative sur l'organisme et n'entraîne aucun risque sérieux pour la santé (point 6.1 des motifs). Ceci signifie, selon la décision T 964/99, qu'une méthode est à considérer comme une méthode de diagnostic au sens de l'article 52(4) CBE, même si elle peut être mise en oeuvre par une personne sans formation médicale. Dans la décision T 385/86, en revanche, le fait que toutes les étapes de la méthode puissent être effectuées par des personnes autres que des médecins s'opposait à ce que les activités revendiquées soient considérées comme des méthodes de diagnostic exclues de la brevetabilité (point 3.5.2 des motifs).
Selon la décision T 385/86, si une méthode ne revendique pas d'emblée toutes les étapes à exécuter pour poser un diagnostic, et si, par conséquent, il y a méthode de diagnostic, seules restent exemptes de droits de brevets les méthodes dont une étape au moins doit être exécutée par un médecin. En pareil cas, il semble, d'après la décision T 385/86, que la participation personnelle d'un médecin à l'application de la méthode constitue un critère décisif pour que l'on puisse conclure à l'existence d'une méthode de diagnostic. En revanche, le fait que la méthode puisse être exécutée par le patient lui-même ne l'empêche pas d'être considérée comme une méthode de diagnostic (T 964/99). Au vu de cette dernière décision, le domaine inaccessible aux brevets semble ne pas se limiter aux méthodes exécutables uniquement avec la participation d'un médecin.
L'idée selon laquelle l'existence d'une méthode de diagnostic ne dépend pas de la personne qui met en oeuvre ladite méthode est en accord avec la définition des "méthodes thérapeutiques" au sens de l'article 52(4) CBE. L'exclusion de la brevetabilité est de mise, même si la méthode peut être exécutée, non seulement par un médecin, mais aussi par du personnel non médical (cf. T 116/85, JO OEB 1989, 19, point 4.3 des motifs ; concernant les méthodes chirurgicales, voir T 182/90, point 2.2 des motifs ; T 24/91, JO OEB 1995, 512, point 2.4 des motifs).
Dans l'affaire T 964/99, la question de savoir qui met en oeuvre la méthode revendiquée ne semble pas déterminante. Ce qui importe, c'est qu'une des étapes soit appliquée aux fins d'un diagnostic et soit considérée comme activité essentielle se rapportant à un diagnostic. À cet égard, la Chambre recherche une étape spécifique ayant valeur de diagnostic (point 6.2 des motifs ; soulignement ajouté). En l'occurrence, elle estime que l'étape consistant à extraire une substance corporelle à des fins de diagnostic est une étape essentielle ayant valeur de diagnostic, laquelle doit être considérée comme une activité de diagnostic élémentaire exercée sous la responsabilité finale d'un médecin (loc.cit. ; soulignements ajoutés). Plus haut, la Chambre qualifie l'échantillonnage d'une substance corporelle à des fins d'examen médical "d'activité de diagnostic fondamentale", quel que soit le moyen technique utilisé (point 5.2 des motifs). Cette approche a été confirmée dans la décision T 807/98, où il a été jugé déterminant que la méthode revendiquée comporte des étapes essentielles ayant valeur de diagnostic et assimilables à une activité élémentaire de diagnostic, celles-ci étant, en définitive, sous la responsabilité d'un médecin (point 2.3 des motifs de la décision).
Alors que dans la décision T 385/86, un examen supplémentaire doit déterminer s'il y a au moins une étape de la méthode ne pouvant être effectuée que par un médecin, il est estimé dans l'affaire T 964/99 que la nature de l'activité constitue le caractère décisif, la présence d'un médecin durant l'application de la méthode ne paraissant pas être une condition sine qua non. Il semble au moins suffire qu'un médecin soit responsable d'une des étapes. La nécessité de participation personnelle de la part d'un médecin a déjà été supprimée dans la décision T 655/92. Dans cette affaire, la Chambre a jugé déterminant que la méthode comporte au moins une étape devant être exécutée par un personnel médical ou sous la responsabilité d'un médecin (point 5.3 des motifs de la décision ; soulignement ajouté).
La question qui se pose dans ce contexte est de savoir quand il y a responsabilité d'un médecin. Des risques pour la santé du patient liés à l'application de la méthode pourraient servir d'indice (cf. T 655/92, point 5.3 des motifs ; approche similaire concernant les méthodes chirurgicales dans la décision T 24/91, point 2.4 des motifs). Lorsqu'on utilise des dispositifs techniques chez l'Homme, il convient de penser aux réglages préalables, tels que l'intensité des doses de radiations qui doit éventuellement être adaptée au patient, ou au choix de la partie du corps à laquelle appliquer la méthode. Ainsi, dans la décision T 807/98, il a été considéré que la fixation de la valeur seuil et de la valeur théorique permettant de détecter un dysfonctionnement cardiaque constituait une étape pouvant uniquement être mise en oeuvre sous les consignes d'un médecin (point 2.1 des motifs).
La décision T 964/99 pourrait éventuellement être comprise en ce sens qu'il peut y avoir méthode de diagnostic au sens de l'article 52(4) CBE, même si un médecin n'assume pas forcément la responsabilité d'une des étapes de la méthode. En effet, la Chambre a aussi constaté que la méthode revendiquée pouvait être mise en oeuvre par le patient lui-même et qu'elle ne produisait pas d'effets secondaires importants, pas plus qu'elle ne présentait de risques sérieux pour la santé (point 6.1 des motifs). Comme mode de réalisation possible de la méthode revendiquée dans la décision T 964/99, la description mentionne la détermination du taux de glucose dans le sang, que le patient diabétique peut effectuer à titre d'autocontrôle.
Dans cette interprétation large, le critère le plus important semble être la présence d'une étape spécifique ayant valeur de diagnostic. Cette valeur de diagnostic paraît habituellement réalisée lorsqu'un médecin exécute personnellement ladite étape ou en porte la responsabilité. Même si aucune de ces deux conditions n'est réunie, une étape ayant valeur de diagnostic peut être présente.
La décision T 310/99 fait toutefois planer un doute sur la validité d'une telle interprétation. Il n'y est pas seulement question de savoir qui participe à la mise en oeuvre de la méthode. Les activités revendiquées pouvant indubitablement être effectuées par un laborantin sans l'intervention effective d'un médecin ("actual intervention of a physician"), il ne s'agit pas d'une méthode de diagnostic (point 14 des motifs). La question de savoir si l'on est néanmoins en présence d'une étape de la méthode ayant caractère de diagnostic n'a pas été examinée.
Une autre question qui mérite donc, semble-t-il, d'être tirée au clair, est de savoir si l'existence d'une activité ayant valeur de diagnostic dépend des personnes impliquées, ou si leur participation n'est qu'un indice, en ce sens que la méthode revendiquée tombe généralement sous le coup de l'article 52(4) CBE dès lors qu'elle doit être mise en oeuvre par un médecin ou sous la responsabilité d'un médecin (concernant les méthodes chirurgicales, cf. T 24/91, point 2.4 des motifs).
2. Le critère "appliquées au corps humain ou animal"
La décision T 385/86, dans une interprétation étroite de l'article 52(4) CBE, estime que le critère selon lequel la méthode de diagnostic doit être appliquée au corps humain ou animal signifie que toutes les étapes caractérisant une méthode de diagnostic doivent être effectuées à même le corps humain ou animal vivant. Cela a pour conséquence, d'après la Chambre, "que, dans un cas visé par l'article 52(4) CBE, la phase d'exploration (dont résulte la valeur mesurée) et la mise en évidence du symptôme à l'aide du résultat de l'exploration (c'est-à-dire l'écart des valeurs mesurées par rapport aux valeurs normales) doivent s'effectuer toutes deux à même l'organisme humain ou animal vivant" (point 4.1 des motifs). Il doit donc être possible de lire directement à certains endroits du corps ou de percevoir à même le corps les valeurs mesurées et l'écart par rapport aux valeurs normales, qui doit être considéré comme un symptôme (points 4.2 et 4.3 des motifs ; soulignements ajoutés ; cf. aussi T 400/87, point 3.3 des motifs ; T 1038/00, point 6 des motifs).
Comme exemples de telles méthodes appliquées directement au corps, la Chambre de recours mentionne notamment dans la décision T 385/86 un test de diagnostic de l'allergie, permettant de mettre en évidence l'écart pathologique d'après une altération cutanée ; une méthode visant à constater l'état d'inobstruction d'un conduit organique, et qui consiste à injecter un liquide dans l'utérus au moyen d'un cathéter, puis à y observer la montée de la pression ; une méthode destinée à observer directement ou à photographier les taches scarlatineuses ; ou une endoscopie visant à diagnostiquer des lésions hépatiques (point 4.3.1 des motifs).
La méthode litigieuse, quant à elle, permet d'obtenir une valeur qui ne devient perceptible qu'à l'extérieur de l'organisme, dans le spectre de résonance à haute résolution apparaissant sur un écran d'affichage ou sur une feuille d'enregistreur dans l'étage final de l'appareil d'exploration. Les données de mesure recueillies ne sont pas directement perceptibles à certains endroits du corps, mais sur un support de données détaché de l'organisme, et seulement après d'autres opérations techniques effectuées à l'extérieur de l'organisme. Ces étapes supplémentaires ne supposent donc pas la présence de l'organisme, ce qui a conduit la Chambre à conclure que le critère "appliquées au corps humain" n'était pas rempli (point 4.2 des motifs).
La Chambre a estimé en outre que le critère précité n'était pas rempli, au motif que l'écart pathologique n'était pas perceptible à même le corps. De l'avis de la Chambre, il ne suffit pas que soit uniquement exécuté à des fins médicales un quelconque examen concernant l'état d'un corps humain ou animal. L'état déterminé doit signaler d'emblée l'écart pathologique. La méthode de mesure ne devient une méthode de diagnostic que si elle est complétée, d'une part, par une comparaison, et, d'autre part, par une indication explicite de l'amplitude de l'écart caractéristique d'une maladie donnée. De la même manière, un examen radioscopique ne révèle l'état intérieur de l'organisme qu'après une conversion externe du rayonnement X en images visibles sur un écran fluorescent. Dans ce cas également, un état pathologique n'est discernable qu'après comparaison de la structure de noircissement avec des valeurs normales (point 4.3.2 des motifs).
Selon l'approche suivie dans la décision T 385/86, le critère "appliquées au corps humain ou animal" ne serait pas non plus rempli dans l'imagerie par ultrasons de tissus corporels dans un appareil approprié, la tomographie d'impédance, l'électrocardiographie, l'électroencéphalographie ou la magnétoencéphalographie. En effet, dans chacun de ces cas, le résultat de l'examen n'est pas directement lisible à même le corps.
D'après la décision T 385/86, pour que le critère "appliquées au corps" soit rempli, il importe surtout que les mesures et la constatation d'un écart pathologique puissent être effectuées à même le corps humain ou animal. Toutes les étapes qui constituent la "méthode de diagnostic" doivent donc avoir lieu à même le corps. Inversement, cela signifie qu'il suffit qu'une partie de la méthode de diagnostic se déroule en dehors du corps examiné pour que ledit critère cesse d'être rempli. L'exclusion de la brevetabilité en vertu de l'article 52(4) CBE ne s'appliquerait alors pas.
Si l'on s'en tient à la décision T 385/86, le résultat de l'interaction entre le corps et un moyen d'examen diagnostique doit être directement lisible à même le corps. De l'avis de la Chambre, la qualité ou l'intensité de cette interaction ne semble pas déterminante eu égard au critère "appliquées au corps".
Si les principes développés dans la décision T 385/86 avaient été appliqués à la méthode faisant l'objet de la décision T 964/99, le critère "appliquées au corps humain ou animal" n'aurait probablement pas été rempli. Dans cette dernière affaire, une substance est extraite, à travers la peau d'un être humain ou d'un animal, dans une chambre d'échantillonnage, celle-ci étant ensuite analysée à l'extérieur du corps en vue de déterminer la concentration de la substance.
Dans la décision T 964/99, la Chambre a toutefois fait observer que la médecine comprend une large gamme de méthodes de diagnostic appliquées par le médecin, qui vont de l'observation générale de l'aspect du patient avec des interventions purement manuelles, jusqu'aux techniques de diagnostic faisant appel à des instruments physiques sophistiqués et à des outils chimiques ou biochimiques. Les méthodes de diagnostic peuvent être classées en deux catégories : celles qui sont appliquées sur l'organisme vivant et celles qui sont mises en oeuvre à l'extérieur du corps. Selon le libellé de l'article 52(4) CBE, seules les méthodes "appliquées au corps humain ou animal" sont exclues de la brevetabilité, tandis que les tests extra-corporels effectués en laboratoire sont, par exemple, brevetables (point 4.3 des motifs).
Pour ce qui est de savoir si le critère "appliquées au corps" est rempli, il convient de noter que, dans l'affaire T 964/99, il y a prélèvement d'un échantillon sur un organisme humain ou animal vivant. Dans sa décision, la Chambre cite la percussion, l'auscultation ou la palpation comme exemples de "méthodes de diagnostic appliquées au corps humain ou animal" (cf. point 3.5 des motifs). On pourrait donc en conclure que le critère "appliquées au corps" est rempli dès lors qu'il y a un contact direct avec le corps.
La question se pose cependant de savoir si un autre type d'interaction avec l'organisme vivant suffit pour que le critère précité soit rempli. On pense, par exemple, à des méthodes non invasives de mesure ou d'analyse qui font intervenir des radiations, et sur lequelles peut se fonder le diagnostic. La décision T 964/99 ne précise pas quelle qualité ou intensité doit avoir l'interaction pour satisfaire au critère "appliquées au corps". Selon le libellé de l'article 52(4) CBE ("appliquées au corps humain ou animal"), la simple présence du corps humain ou animal pourrait éventuellement suffire, de sorte qu'on pourrait y inclure toute expertise pratiquée sur une représentation du corps humain ou animal. C'est l'interprétation pour laquelle semble avoir opté la Chambre de recours 3.5.1 dans sa décision T 775/92, estimant qu'une interaction à distance avec le corps constituait également une méthode de diagnostic (cf. point 10 des motifs).
En outre, la méthode faisant l'objet de la décision T 964/99 englobe des étapes qui peuvent être appliquées, tant "au corps humain ou animal" (pose de la chambre d'échantillonnage à la surface du corps, extraction de la substance à travers le tissu superficiel) qu'à l'extérieur du corps (analyse de la chambre d'échantillonnage à l'aide de moyens techniques pour connaître la concentration de la substance). L'étape consistant à prélever un échantillon d'une substance sur un organisme humain ou animal vivant aux fins d'un examen médical a été considérée par la Chambre comme une "activité de diagnostic fondamentale" et comme une "activité essentielle se rapportant au diagnostic et appliquée à l'organisme vivant" (points 5.2 et 6.1 des motifs). Etant donné que la méthode revendiquée comporte ladite étape, elle doit être considérée comme une méthode de diagnostic au sens de l'article 52(4) CBE.
Il ressort de cette décision qu'il n'est apparemment pas nécessaire que toutes les étapes soient pratiquées à même le corps, pour conclure à la non-brevetabilité des méthodes de diagnostic appliquées au corps humain ou animal au titre de l'article 52(4) CBE. Il semble suffire qu'une desdites étapes soit pratiquée sur le corps humain ou animal. Une telle interprétation paraît également conforme à la jurisprudence développée jusqu'ici concernant les méthodes de traitement chirurgical ou thérapeutique.
Dans la décision T 964/99, l'étape ayant "valeur de diagnostic" était aussi celle qui était "appliquée au corps humain ou animal". Ceci pose la question de savoir si ce rapport doit toujours être présent ou si, dans certaines circonstances, une "méthode de diagnostic appliquée au corps humain ou animal" peut aussi exister lorsque, dans une méthode à plusieurs étapes, l'étape appliquée au corps n'est pas l'activité essentielle se rapportant au diagnostic, mais une des autres étapes. Dans l'affaire T 807/98, l'étape ayant "valeur de diagnostic" semble pouvoir se dérouler à l'extérieur du corps. Dans cette décision, c'est la détermination de la valeur seuil et de la valeur théorique qui ont été considérées comme "étapes essentielles à caractère diagnostique constituant une activité de diagnostic fondamentale", car elles se déroulent, en définitive, sous la responsabilité d'un médecin (point 2.3 des motifs). La détermination des valeurs est constituée d'opérations effectuées sur l'appareil utilisé et non pas directement sur le corps humain ou animal vivant.
IV. Décisions divergentes de deux Chambres de recours au sens de l'article 112(1)b) CBE
Selon son libellé, l'article 112(1)b) CBE est applicable "lorsque deux chambres de recours ont rendu des décisions divergentes sur cette question".
En l'espèce, les deux décisions divergentes, T 385/86 et T 964/99, émanent de la même Chambre de recours technique suivant le plan de répartition des affaires, à savoir la Chambre 3.4.1. Elles doivent néanmoins être considérées comme des décisions divergentes au sens de l'article 112(1)b) CBE, pour les raisons suivantes.
La décision T 385/86 a également été suivie par d'autres Chambres de recours dans les décisions T 775/92, T 530/93, T 1165/97, T 629/98 et T 807/98. Toutes ces décisions font référence à la décision T 385/86 et reprennent ses arguments. Par conséquent, la décision T 964/99, qui a aussi suivi une autre décision (T 310/99), diverge de décisions rendues par d'autres Chambres en vertu du plan de répartition des affaires. La divergence a surtout été exemplifiée à l'aide des décisions T 385/86 et T 964/99, car celles-ci ont développé des approches différentes quant à l'exclusion de la brevetabilité, lesquelles ont débouché sur des résultats différents dans des cas concrets, comme p.ex. dans l'affaire T 964/99. De surcroît, la Chambre de recours technique 3.4.1, dans sa décision T 964/99, s'est distancée expressément de la décision T 385/86 (cf. notamment le point 4.1 des motifs).
Il faut ajouter que la Chambre de recours technique 3.4.1 a rendu ses décisions T 385/86 et T 964/99 dans des compositions totalement différentes. Dans le cas de décisions divergentes rendues par la Chambre de recours juridique, la Grande Chambre de recours, dans son avis G 4/98 (JO OEB 2001, 131, point 1.2 des motifs), a jugé recevable la saisine par le Président. La considération déterminante de cet avis est que si le pouvoir de saisine du Président devait se définir sur une interprétation littérale des termes "deux chambres de recours" comme signifiant autant d'unités structurellement différentes, cela aurait pour effet de restreindre à l'excès le champ d'application de l'article 112 CBE. En effet, il serait alors impossible de déférer à la Grande Chambre de recours des décisions de la Chambre de recours juridique, dès lors que celle-ci ne forme qu'une même unité structurelle. Dans cette situation, la Grande Chambre de recours a estimé que la saisine était recevable au motif que les décisions contradictoires avaient été prises par la même Chambre, mais dans des compositions différentes. Compte tenu du sens et de la finalité de l'article 112 CBE, il pourrait y avoir un besoin tout à fait comparable de clarifier la question de savoir quelle est l'interprétation qui doit l'emporter, lorsqu'une Chambre de recours technique rend des décisions divergentes dans des compositions totalement différentes. De même, la notion de "Chambre de recours" figurant à l'article 112(1)b) CBE pourrait ne pas être seulement interprétée comme Chambre au sens du plan de répartition des affaires (cf. aussi Schulte, Patentgesetz mit EPÜ, 6e édition 2001, annexe au point 73, Art. 112 EPÜ, n° 42 ; Günzel in : Benkard, EPÜ, 2000, Artikel 112, n° 5).
L'idée à la base de l'article 112(1)b) CBE est que le Président de l'OEB doit pouvoir saisir la Grande Chambre de recours d'une question de droit lorsque deux chambres de recours ont rendu des décisions divergentes, lesquelles, p. ex. en raison de leurs interprétations différentes du droit, entraînent une insécurité juridique appelant une clarification. Dans ce contexte, il importe peu que les décisions émanent de deux Chambres de recours différentes au sens du plan de répartition des affaires, de deux Chambres de recours ayant des compositions différentes, ou même de Chambres de recours ayant des compositions partiellement ou totalement identiques (Schulte, Patengesetz mit EPÜ, 6e édition 2001, annexe au point 73, Art. 112 EPÜ, n° 42 ; concernant le fait que la saisine est recevable dès lors que deux décisions contradictoires ont été rendues, indépendamment de la question de savoir si elles ont été rendues par deux Chambres ayant des dénominations organisationnelles différentes, voir aussi Joos dans : Singer/Stauder, Europäisches Patentübereinkommen, 2e édition 2000, Artikel 112, point 30). L'article 112 CBE, comme le montre son libellé, vise justement à assurer l'application uniforme du droit (cf. également Moser, Münchner Gemeinschaftskommentar, 20. Lieferung, Art. 112, n° 28 ; Paterson, The European Patent System, 2001, 4-175, 187). Lorsque des décisions de Chambres de recours développent des principes différents qui débouchent, dans leur application concrète, sur des résultats différents, il importe au plus haut point, tant pour l'Office que pour le public, de clarifier la question de savoir quelle est l'interprétation du droit qui l'emporte. En pareil cas, le besoin de sécurité et de clarté juridiques existe, indépendamment de la question de savoir quelle était la composition des Chambres qui ont rendu les décisions divergentes.
En l'espèce, il ne semble pas s'agir d'un développement de la jurisprudence, mais d'une divergence de la jurisprudence. Dans sa décision T 964/99, la Chambre de recours a clairement indiqué qu'elle voulait appliquer un autre principe que celui posé dans l'affaire T 385/86 (et dans les décisions confirmant celle-ci). Elle a pris complètement ses distances par rapport à l'interprétation de la notion de "méthodes de diagnostic" au sens de l'article 52(4) CBE présentée dans la décision T 385/86, en reprenant, au sommaire 1 et aux points 4.1 et 4.2 des motifs de sa décision T 964/99, une formulation quasiment identique à celle utilisée dans la décision T 385/86, afin d'en donner une définition négative. Par ailleurs, la Chambre a cité plusieurs exemples de méthodes qui ne seraient pas exclues de la brevetabilité au titre de l'article 52(4) CBE, si les principes développés dans la décision T 385/86 étaient appliqués, ce qui, selon elle, serait contraire à l'esprit même de cette disposition (cf. T 964/99, point 3.5 des motifs). Ce faisant, elle a nettement indiqué que l'expression "méthodes de diagnostic" ne devait pas être comprise comme elle l'avait été dans la décision T 385/86, et elle s'est délibérément détachée des principes interprétatifs établis dans la décision T 385/86. Les limites du développement de la jurisprudence existante sont ainsi dépassées. En outre, la divergence des décisions T 385/86 et T 964/99 s'est manifestée dans la récente décision T 807/98. Dans cette dernière, la Chambre 3.2.2, qui examinait la question de savoir si elle avait affaire à une méthode de diagnostic exclue de la brevetabilité par l'article 52(4) CBE, a appliqué parallèlement les principes des deux décisions (cf. points 2.2 et 2.3 des motifs). Une telle mise en parallèle n'aurait pas été nécessaire s'il s'était agi d'un développement de la jurisprudence.
En conséquence, les décisions T 385/86 (et les décisions s'inspirant de celle-ci) et T 964/99 divergent. Dans un souci de sécurité et de clarté juridiques, la saisine de la Grande Chambre de recours par le Président semble donc nécessaire, bien que les approches différentes aient été développées par la même Chambre de recours au sens du plan de répartition des affaires.
V. Application uniforme du droit et importance fondamentale de la question de droit
Selon l'article 112 CBE la saisine de la Grande Chambre de recours par le Président de l'OEB n'est recevable que s'il s'agit d'assurer une application uniforme du droit ou que si une question de droit d'importance fondamentale se pose.
Il se peut que l'application des principes interprétatifs développés dans les décisions T 385/86 d'une part, et T 964/99 d'autre part, mène, dans un cas particulier, aux mêmes résultats. Mais il est également possible que le choix de l'une ou l'autre de ces approches dans un cas particulier aboutisse à une conclusion différente quant à la question de savoir s'il y a exclusion de la brevetabilité au sens de l'article 52(4) CBE. Ainsi, dans la décision T 964/99, la Chambre de recours technique a estimé avoir affaire à une méthode de diagnostic au sens de l'article 52(4) CBE, mais si elle avait appliqué à la méthode revendiquée les principes interprétatifs de la décision T 385/86, elle serait parvenue à la conclusion inverse (cf. également les points III.1 et III.2 supra). Le résultat aurait alors été tout autre. D'autres exemples dans lesquels l'application des deux approches conduit chaque fois à des résultats différents sont mentionnés dans la décision T 964/99 elle-même (point 3.5 des motifs). Selon que l'on se fonde sur l'une ou l'autre approche, on peut donc conclure dans un cas particulier à la présence ou à l'absence d'une méthode de diagnostic au sens de l'article 52(4) CBE, et par conséquent à la brevetabilité ou à l'exclusion de la brevetabilité. En fin de compte, les perspectives d'obtenir un brevet peuvent dépendre de l'approche interprétative.
Comme il est déjà signalé au point II.1, les Directives relatives à l'examen pratiqué à l'Office européen des brevets suivent l'interprétation donnée dans la décision T 385/86. La pratique de l'Office s'aligne donc sur cette interprétation, même si les examinateurs peuvent, à titre exceptionnel, s'écarter des Directives (cf. Directives, Introduction générale, 1.2). Compte tenu de l'interprétation développée dans la décision T 964/99 et confirmée par la suite dans d'autres décisions, il est impératif de clarifier la question de savoir quelle est l'approche à suivre pour interpréter la notion de "méthodes de diagnostic" au sens de l'article 52(4) CBE.
Pour les demandeurs de brevets européens, il est également capital de savoir quelle approche interprétative il convient de suivre, surtout pour la formulation de la demande. Il est essentiel qu'ils puissent s'orienter car l'obtention d'un brevet peut dépendre en grande partie de l'approche interprétative adoptée.
Les titulaires de brevets éprouvent le même besoin de clarification, car ils risquent de perdre leurs brevets dans une procédure d'opposition ou de recours dont l'issue peut dépendre de l'approche interprétative suivie.
Les opposants, quant à eux, ont besoin de savoir ce que recouvre l'expression "méthodes de diagnostic" au sens de l'article 52(4) CBE afin de pouvoir évaluer le coût d'une opposition ou d'un recours contre le rejet de l'opposition.
Afin d'assurer une application uniforme du droit, il semble donc nécessaire que la Grande Chambre de recours clarifie ce qu'il faut entendre par "méthodes de diagnostic appliquées au corps humain ou animal" au sens de l'article 52(4) CBE.
La question de l'interprétation qu'il convient de suivre revêt également une importance fondamentale. L'exclusion de la brevetabilité prévue à l'article 52(4) CBE a pour finalité d'exclure de la protection par brevet les méthodes utilisée à des fins médicales, car les droits de brevets ne doivent entraver personne dans l'exercice de l'art médical. La portée de cette exclusion est donc largement tributaire de l'interprétation qui sera donnée de la notion de "méthodes de diagnostic" telle qu'elle figure à l'article 52(4) CBE. L'étendue de cette interprétation semble varier selon que l'on s'en tient aux principes développés dans la décision T 385/86 ou T 964/99. Ainsi, dans la décision T 964/99, la Chambre a constaté que l'adoption des principes exposés dans la décision T 385/86 mènerait à la conclusion que des méthodes de diagnostic typiques pratiquées sur le corps, telles que la percussion, l'auscultation ou la palpation, sont en principe brevetables, au motif qu'elles ne constituent pas un diagnostic complet et qu'elles n'entrent assurément pas dans les autres catégories médicales de traitement chirurgical ou thérapeutique énoncées à l'article 52(4) CBE. De l'avis de la Chambre, il serait néanmoins contraire à l'esprit de l'article 52(4) CBE d'interpréter ces dispositions de telle sorte que certaines "méthodes manuelles", qui sont appliquées par un médecin lors d'un examen physique et sont essentielles pour poser un diagnostic, ne constituent pas une exception à la brevetabilité (point 3.5 des motifs de la décision). Dès lors, l'interprétation de la notion de méthodes de diagnostic appliquées au corps humain ou animal détermine l'étendue du domaine exempt de droits de brevets en vertu de considérations socio-éthiques.
Si la Grande Chambre de recours estime que les informations ci-dessus méritent d'être complétées, elle est priée de le faire savoir.
L'affaire est en instance sous le numéro G 1/04.
Ingo KOBER
Président