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DE Allemagne
Arrêt du Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice), Xe chambre civile, en date du 11 septembre 2001 (X ZR 168/98)*
Référence : "Luftverteiler" (Distributeur d'air)
Article 4F Convention de Paris
Mot-clé : "Priorité - notion de même invention - priorités différentes pour une même revendication - EP 359 698"
Sommaire
L'objet d'une demande de brevet européen ne concerne la même invention qu'une demande antérieure au sens de l'article 87(1) CBE que si la combinaison de caractéristiques revendiquée dans la demande de brevet européen est divulguée à l'homme du métier dans la demande antérieure dans son ensemble comme faisant partie de l'invention objet de la demande. Des caractéristiques isolées ne peuvent être combinées dans une seule et même revendication avec des priorités différentes (suivant l'avis G 2/98 de la Grande Chambre de recours de l'Office européen des brevets1).
Exposé des faits et conclusions
La défenderesse est titulaire enregistré de la partie allemande du brevet européen 359 698 (brevet litigieux) demandé le 27 avril 1989 sous revendication de la priorité de la demande de modèle d'utilité allemande 88 07 929 en date du 20 juin 1988. La revendication 1 du brevet litigieux, qui a été publié le 22 décembre 1993, se lit comme suit :
"Distributeur de gaz, notamment distributeur d'air permettant l'aération de l'eau au moyen de fines bulles, comprenant :
- un élément de base (1), solide et en forme de plaque,
- une membrane (2) (= feuille ou plaque distributrice de gaz ou d'air, perforée et à élasticité du type de celle du caoutchouc) disposée par dessus l'élément de base (1),
- un dispositif de fixation (4) permettant de fixer des zones marginales de la membrane (2) sur des zones marginales correspondantes de l'élément de base (1), d'une manière amovible et étanche aux gaz, de façon telle que, lorsque l'alimentation en gaz, notamment en air et/ou en O2, est absente ou réduite, la membrane (2) repose à plat sur au moins une surface de l'élément de base (1),
- et des éléments de maintien, pratiquement en forme de barre, qui sont disposés par-dessus la membrane (2), notamment sur sa surface, et qui empêchent un bombement de la membrane (2) lors d'une alimentation en gaz, notamment en air et/ou en O2,
- le dispositif de fixation (4) entourant au moins une zone d'enveloppement de la membrane en forme de U (2), dans laquelle la membrane (2) soit entoure une zone marginale de l'élément de base (1) en forme de plaque, soit est appliquée, approximativement en forme de U, au fond d'un évidement en forme de rainure (3 ; 13) de l'élément de base (1) en forme de plaque, et dans laquelle il est prévu un élément profilé d'étanchéité à ajustement bloqué (9, 10 ; 14,15 ; 19, 20 ; 19', 20') qui assure, au plus tard dans l'état de fonctionnement, au moins deux serrages de la membrane (2) qui sont de forme rectiligne et sont situés dans des zones de serrage de la zone d'enveloppement qui ont une disposition pratiquement opposée."
(...) Les figures 12 et 13 du fascicule du brevet litigieux, reproduites ci-après, montrent un exemple de réalisation de l'invention.
Dans son action en nullité, la demanderesse a fait valoir que le brevet litigieux était dépourvu d'activité inventive tant par rapport à l'état de la technique antérieur à la date de priorité que par rapport au modèle d'utilité 88 07 929, dont il ne peut revendiquer la priorité, et qu'il était antériorisé par une utilisation antérieure publique dans l'intervalle de priorité. Elle a demandé que le brevet litigieux (...) soit déclaré partiellement nul.
Le Tribunal fédéral des brevets a rejeté cette demande ; son jugement a été publié dans Mitt. 1998, 430.
La demanderesse a formé appel de ce jugement et a demandé en substance :
de déclarer nul le brevet litigieux avec effet pour la République fédérale d'Allemagne dans les limites des revendications 1 à 7 et 10, et également dans la mesure même dans laquelle les revendications 16 à 19, 21 à 26 et 30 se réfèrent directement et/ou indirectement aux revendications 1 à 7 et 10.
La défenderesse s'élève contre cette voie de recours.
(...)
Extrait des motifs
L'appel est recevable et fondé. Le brevet litigieux se révèle non brevetable dans les limites dans lesquelles il est attaqué par l'action en nullité (...).
I. Le brevet litigieux concerne un distributeur de gaz, notamment un distributeur d'air permettant l'aération de l'eau au moyen de fines bulles. Ainsi qu'il ressort de la description, l'invention (...) repose sur un distributeur de gaz comportant un élément de base, solide et en forme de plaque, par-dessus duquel est disposée comme membrane une feuille ou une plaque distributrice de gaz ou d'air, perforée et à élasticité du type de celle du caoutchouc. Un dispositif de fixation, développé plus en détail dans le brevet litigieux, permet de fixer, d'une manière amovible et étanche aux gaz, des zones marginales de la membrane sur des zones marginales correspondantes de l'élément de base. Lorsque l'alimentation en gaz est absente, la membrane repose à plat sur au moins une surface de l'élément de base. Lors d'une alimentation en gaz, des éléments de maintien, pratiquement en forme de barre, qui sont disposés par-dessus la membrane, notamment sur sa surface, empêchent un bombement de la membrane.
La demande de brevet européen 171 452, citée dans le fascicule du brevet litigieux, décrit un tel distributeur de gaz, dans lequel la membrane est reliée le long de ses bords à l'élément de base au moyen de rebords, ceux-ci étant vissés ou rivés à la membrane disposée en dessous et à l'élément de base.
Pour le brevet litigieux, le fait que l'assemblage entre élément de base, membrane et rebord faisant fonction d'élément d'étanchéité soit relativement complexe sur le plan du matériel, de la fabrication et du montage, est un inconvénient.
Le problème technique consiste donc à créer un distributeur de gaz muni d'un dispositif de fixation à étanchéité fiable aux gaz qui puisse être produit à faible coût et qui permette un montage et un démontage facile en cas de changement de la membrane.
La solution proposée par le brevet litigieux consiste en un distributeur de gaz présentant les caractéristiques suivantes :
1. Le distributeur de gaz comprend
1.1 un élément de base (1), solide et en forme de plaque,
1.2 une feuille ou plaque distributrice de gaz ou d'air, perforée et à élasticité du type de celle du caoutchouc et disposée comme membrane par-dessus l'élément de base (1).
2. Un dispositif de fixation (4) permettant de fixer, d'une manière amovible et étanche aux gaz, les zones marginales de la membrane (2) sur des zones marginales correspondantes de l'élément de base (1), de façon telle que, lorsque l'alimentation en gaz est absente ou réduite, la membrane (2) repose à plat sur au moins une surface de l'élément de base (1).
3. Le dispositif de fixation (4)
3.1 entoure au moins une zone d'enveloppement en forme de U de la membrane (2), dans laquelle celle-ci
3.1.1 soit entoure une zone marginale de l'élément de base (1),
3.1.2 soit est appliquée, approximativement en forme de U, au fond d'un évidement en forme de rainure (3 ; 13) de l'élément de base (1),
3.2 prévoit un élément profilé d'étanchéité à ajustement bloqué (9, 10 ; 14, 15 ; 19, 20 ; 19', 20'), qui assure, au plus tard dans l'état de fonctionnement, au moins deux serrages de la membrane (2) qui sont de forme rectiligne et sont situés dans des zones de serrage de la zone d'enveloppement qui ont une disposition pratiquement opposée,
4. Des éléments de maintien, pratiquement en forme de barre, sont disposés par-dessus la membrane (2), notamment sur sa surface, et empêchent un bombement de la membrane (2) lors d'une alimentation en gaz.
II. L'objet de la revendication 1 n'est pas brevetable, étant donné que pour l'homme du métier, il découle d'une manière évidente de l'état de la technique (art. 52(1), 56 CBE).
Pour l'homme du métier concerné, (...) l'invention résulte d'une manière évidente d'une combinaison des distributeurs de gaz décrits dans le modèle d'utilité 88 07 929 et dans la demande de brevet européen 171 452.
1. Le modèle d'utilité, qui a été enregistré le 18 août 1988, doit être considéré comme état de la technique, étant donné que la priorité de la demande en cause n'a pas été valablement revendiquée par le brevet litigieux.
a) L'objet décrit par les groupes de caractéristiques 1 à 4 dans la revendication 1 du brevet litigieux n'est pas (...) divulgué dans la demande de modèle d'utilité comme faisant partie de l'invention objet de la demande. Ainsi, ce n'est bien plutôt qu'un distributeur de gaz présentant les caractéristiques 1 à 3 qui y est divulgué, et non un distributeur dans lequel, en outre, des éléments de maintien, pratiquement en forme de barre, sont disposés par-dessus la membrane et empêchent un bombement de celle-ci lors d'une alimentation en gaz.
La description du modèle d'utilité indique qu'un diffuseur pour disperser de fines bulles d'air dans de l'eau est déjà connu par la demande de brevet européen 171 452, ce diffuseur d'air comportant une feuille trouée distributrice d'air qui est placée sur une plaque rigide et qui est reliée de façon étanche à la plaque rigide par des rebords, des baguettes étant en outre disposées sur le dessus de la feuille distributrice d'air et directement reliées à la plaque rigide. Les rebords faisant fonction d'élément d'étanchéité sont nécessaires pour garantir un assemblage étanche aux gaz de la feuille distributrice d'air le long de ses bords à la plaque fixe, l'assemblage de ces rebords, de la feuille distributrice d'air et éventuellement des baguettes avec la plaque rigide étant assuré par des vis autotaraudeuses ou des rivets, mais aussi, selon le cas, par des agrafes prévues pour maintenir par intervalles le bord de la plaque rigide avec le rebord correspondant et la zone marginale intermédiaire de la feuille distributrice d'air (p. 2, l. 7 à 19). L'assemblage entre la plaque rigide, la feuille distributrice d'air et les rebords prévu dans la demande de brevet européen est décrit comme relativement complexe sur le plan du matériel, de la fabrication et du montage (p. 2, l. 27 ; p. 3, l. 4), le problème qui en découle consistant à créer un dispositif de fixation présentant les caractéristiques énumérées dans le préambule de la revendication 1 et à le concevoir de telle façon que son développement et sa fabrication soient relativement simples, tout en garantissant une très bonne fonction d'étanchéité aux gaz, et que le montage et le démontage ainsi que l'entretien puissent s'effectuer rapidement et simplement (p. 3, l. 9 à 19). A cette fin, le dispositif de fixation doit comprendre, pour chaque zone marginale, au moins un élément profilé d'étanchéité à ajustement bloqué, dont le profilé est tel qu'on obtient une fixation aussi bien bloquante qu'étanche entre la zone marginale de la feuille distributrice d'air et la zone marginale correspondante de la plaque rigide.
Des baguettes qui, comme sur le distributeur de gaz selon la demande de brevet européen, seraient disposées ou pourraient être disposées sur le dessus de la feuille distributrice d'air ne sont pas mentionnées dans la suite de la description de l'invention, ni illustrées par les dessins. Il n'est donc pas explicitement divulgué que le distributeur d'air selon l'invention pourrait être équipé de telles baguettes. Leur mention dans l'introduction de la description n'y change rien, car elle se réfère uniquement au distributeur d'air déjà connu. Les baguettes n'ont précisément pas été reprises dans la partie générique de la revendication, qui est par ailleurs conçue selon la demande de brevet européen ; l'examen de leur assemblage avec la plaque solide intervient plutôt en rapport avec l'examen du dispositif de fixation des bords figurant dans l'état de la technique et considéré comme présentant des inconvénients et devant être amélioré par le modèle d'utilité (p. 2, l. 7 à 19).
Pour l'homme du métier, la possibilité de doter de baguettes le distributeur d'air faisant l'objet de la demande de modèle d'utilité ne ressort pas non plus à l'évidence des pièces de cette demande. Or, selon la jurisprudence de la Chambre, un document faisant partie de l'état de la technique au sens de l'article 3(1), deuxième phrase de la loi allemande sur les brevets et de l'art. 54(2) CBE est réputé divulguer, et donc antérioriser, au-delà de ce qui est écrit, tout ce que l'homme du métier ajoute naturellement ou quasi inévitablement ou qu'une lecture attentive du document lui permet de constater aisément ou de considérer comme lu (BGHZ 128, 270, 276 et ss. - elektrische Steckverbindung, arrêt de la Chambre en date du 30.9.1999 - X ZR 168/96, GRUR 2000, 296, 297 - Schmierfettzusammensetzung). Cela vaut également lorsqu'il s'agit d'établir le contenu d'une demande initiale déterminante pour la revendication valable d'un droit de priorité ou l'examen d'une extension inadmissible, avec cette réserve que cela dépend de la question de savoir si l'homme du métier dans le domaine technique concerné, possédant des connaissances et des aptitudes moyennes, est en mesure de déduire qu'un tel ajout évident à la demande fait partie de l'invention objet de la demande. En effet, un enseignement technique va au-delà du contenu de la demande initiale si l'ensemble des pièces de la demande ne permet pas de constater qu'il doit être inclus comme objet de la protection recherchée par la demande (arrêt de la Chambre en date du 21.9.1993 - X ZR 50/91, Mitt. 1996, 204, 206 - Spielfahrbahn ; décision de la Chambre en date du 20.6.2000 - X ZB 5/99, GRUR 2000, 1015, 1016 - Verglasungsdichtung ; décision de la Chambre en date du 5.10.2000 - X ZR 184/98, GRUR 2001, 140, 141 - Zeittelegramm). Les pièces de cette demande ne font toutefois pas apparaître que des distributeurs de gaz comportant des baguettes selon le modèle de la demande de brevet européen 171 452 doivent être inclus dans la protection recherchée par la demande de modèle d'utilité.
En effet, la demande concerne uniquement la fixation par les bords entre la feuille et la plaque rigide, sur laquelle portent également toutes les revendications, et ne vise pas la surface de la feuille et les baguettes qui doivent éventuellement y être disposés. Elle indique simplement qu'en cas d'augmentation de la sollicitation de traction de la fixation par serrage selon l'invention, par exemple à la suite du bombement de la feuille élastique dû à une augmentation de la pression du gaz, l'effet de serrage s'en trouve même renforcé de manière avantageuse (p. 4, l. 19 à 25). Ce n'est en tout cas pas un effet rendant indispensable la pose de baguettes. Comme l'expert l'a démontré de manière convaincante, l'homme du métier à la date de priorité n'a pas naturellement considéré qu'il fallait empêcher un bombement excessif sur les distributeurs de gaz de ce type au moyen de baguettes. Bien au contraire, il lui était possible de renforcer la fixation par serrage en fonction de l'importance de la force s'exerçant en direction du bombement. L'invention faisant l'objet de la demande ne couvrait donc pas la mise en place de baguettes sur le distributeur de gaz.
b) Il s'ensuit qu'il n'est pas possible de revendiquer valablement la priorité du modèle d'utilité pour le brevet litigieux en vertu de l'article 87(1) CBE, étant donné que le brevet litigieux ne concerne pas la même invention que la demande de modèle d'utilité.
La Chambre se rallie à l'avis de la Grande Chambre de recours de l'Office européen des brevets, en date du 31 mai 2001 (G 2/98)1, dans lequel celle-ci a interprété l'exigence de même invention selon l'article 87(1) CBE en ce sens qu'il ne convient de reconnaître qu'une revendication figurant dans une demande de brevet européen bénéficie de la priorité d'une demande antérieure conformément à l'article 88 CBE que si l'homme du métier peut, en faisant appel à ses connaissances générales, déduire directement et sans ambiguïté l'objet de cette revendication de la demande antérieure considérée dans son ensemble. Les considérations suivantes sont déterminantes :
En vertu de l'article 4 F de la Convention de Paris - la CBE ne saurait mettre le demandeur dans une position moins favorable par rapport aux principes régissant la priorité dans cette Convention (Chambre, BGHZ 82, 88, 97 - Roll- und Wippbrett (Planche à roulettes basculante)2) -, la reconnaissance d'une priorité ne peut pas être refusée pour le motif qu'une demande contient un ou plusieurs éléments (en allemand : Merkmale ; en anglais : elements) qui n'étaient pas compris dans la demande dont la priorité est revendiquée, à la condition qu'il y ait unité d'invention au sens de la loi du pays. Un élément au sens de l'article 4 F de la Convention de Paris ne s'entend toutefois pas d'une caractéristique d'une revendication, mais de l'objet d'une invention qui est divulgué explicitement ou implicitement dans les pièces initiales, mais qui, selon l'article 4 H de la Convention de Paris, ne doit pas nécessairement être défini dans une revendication. Cela répond à la condition d'unité que pose l'article 4 F de la Convention de Paris à la combinaison de plusieurs éléments dans une demande ultérieure et correspond à la finalité, sur le plan de la procédure, de la disposition visant à épargner au demandeur d'avoir à déposer une pluralité de demandes ultérieures à l'étranger (cf. Lins, Das Prioritätsrecht für inhaltlich geänderte Nachmeldungen, p. 27). Une interprétation de la notion de même invention visée à l'article 87(1) CBE l'assimilant à la notion de même objet visée à l'article 87(4) CBE n'est donc pas en contradiction avec la Convention de Paris.
L'article 88(2), deuxième phrase CBE dispose cependant que des priorités multiples peuvent être revendiquées pour une même revendication. Selon la genèse de cette disposition, il n'avait toutefois pas été envisagé, ainsi qu'il ressort de l'avis de la Grande Chambre de recours, d'admettre des priorités différentes pour des parties d'une seule et même revendication, mais plutôt de régler le cas dans lequel des variantes de modes de réalisation d'une invention ("revendications de type "ou") sont divulguées dans des demandes antérieures différentes.
L'aspect décisif - également pour l'avis de la Grande Chambre de recours - est en dernière analyse l'effet du droit de priorité selon l'article 89 CBE, par lequel la date de priorité, aux fins de l'article 54(2), (3) et de l'article 60(2), est considérée comme celle du dépôt de la demande de brevet européen. Ce serait favoriser sans raison le demandeur ultérieur que de reconnaître cet effet à l'objet de la demande ultérieure dans son ensemble, également dans le cas d'un perfectionnement de l'invention (par ajout d'une caractéristique supplémentaire dans la demande ultérieure). Cela serait contraire au principe de l'égalité de traitement des demandeurs et des tiers sur la base d'une notion uniforme de divulgation ainsi qu'à la finalité de l'article 54(3) CBE, qui est d'attribuer, dans le cas de deux demandes de brevet européen concernant le même objet, le droit au brevet (seulement) au demandeur qui a divulgué en premier l'objet revendiqué dans son ensemble.
Un tel traitement de faveur injustifié du déposant de la demande ultérieure ne pourrait être évité que s'il était possible de distinguer les caractéristiques ajoutées dans la demande ultérieure selon qu'elles ont ou non une incidence sur la fonction et l'effet de l'invention (au sens de la signification technique de la combinaison de caractéristiques initialement divulguée). Dans la pratique, il n'existe toutefois pas de critères utilisables à cette fin. C'est à juste titre que la Grande Chambre de recours a considéré comme inadmissible, pour des raisons de sécurité juridique, la distinction parfois faite par les chambres de recours techniques entre caractéristiques supplémentaires essentielles et non essentielles. Le point de vue adopté par le Tribunal fédéral des brevets dans la décision attaquée, selon lequel la priorité de la demande initiale est accordée à la demande ultérieure - uniquement dans les limites de la combinaison de caractéristiques divulguée dans la demande initiale -, lorsque la demande ultérieure complète l'idée initiale de l'invention au sens d'un nouveau mode de réalisation, comme le feraient en règle générale les caractéristiques d'une véritable sous-revendication, obligerait à attribuer à l'idée initiale de l'invention un mode de réalisation qui n'est justement pas divulgué en tant que tel dans la demande initiale et, partant, à renoncer à la notion uniforme de l'invention pour laquelle la protection par brevet est recherchée, laquelle détermine cette invention uniquement à partir de la demande elle-même sur la base de ce qui est divulgué en elle comme faisant partie de l'invention objet de la demande. En outre, la distinction entre une combinaison de caractéristiques 1 à 4, dans laquelle la caractéristique 4 ne fait que compléter les caractéristiques 1 à 3, et une combinaison de caractéristiques 1 à 4, dans laquelle les caractéristiques 1 à 3 revêtent une autre signification technique dans le cadre de la combinaison globale, pourrait poser dans certains cas des problèmes dont la prise en compte nuirait à la sécurité juridique lors de l'appréciation de la question de savoir si une priorité a été valablement revendiquée. Enfin, il en découlerait la conséquence dangereuse pour le demandeur que, en cas de demande ultérieure portant sur la combinaison globale 1 à 4, l'octroi du droit de priorité pour la combinaison de caractéristiques 1 à 3 ne lui serait pas utile si, dans l'intervalle de priorité, la combinaison globale 1 à 4 faisait l'objet d'une demande déposée par un tiers ou - comme le soutient en l'espèce la demanderesse - devenait notoire étant donné qu'elle bénéficierait simplement de la priorité de la date de dépôt (cf. Chambre, BGHZ 63, 150, 154 - Allopurinol ; Lins/Gramm, GRUR Int. 1983, 634/635 ; v. Hellfeld, Mitt. 1997, 294, 296/297 ; Tönnies, GRUR Int. 1998, 451, 453). En particulier dans les domaines de la technique qui connaissent une évolution rapide, un droit de priorité ainsi compris serait donc finalement insuffisant (Joos, GRUR Int. 1998, 456, 459 s.) et risquerait de donner au demandeur la certitude illusoire qu'une demande ultérieure portant sur l'invention sous une forme perfectionnée n'affecte pas la priorité.
L'objet d'une demande de brevet européen ne concerne donc la même invention qu'une demande antérieure au sens de l'article 87(1) CBE que si la combinaison de caractéristiques revendiquée dans la demande de brevet européen est divulguée à l'homme du métier dans la demande antérieure dans son ensemble comme faisant partie de l'invention objet de la demande. Des caractéristiques isolées ne peuvent être combinées dans une seule et même revendication avec des priorités différentes.
En l'espèce, il en résulte que le brevet litigieux, dont l'objet, selon l'ensemble des revendications, inclut nécessairement la caractéristique 4, ne peut revendiquer la priorité du modèle d'utilité 88 07 929, celui-ci ne divulguant pas cette caractéristique comme faisant partie de l'invention.
2. Pour l'homme du métier qui a réfléchi à la conception adéquate d'un distributeur d'air tel qu'il est décrit dans le modèle d'utilité 88 07 929, il était évident de le munir de baguettes, comme celles que prévoit la demande de brevet européen 171 452.
Dans le cas du distributeur d'air selon la demande de brevet européen, elles servent, comme décrit à la page 4, lignes 31 à 34, à empêcher un bombement de la feuille trouée distributrice d'air lors d'une alimentation en air. Comme indiqué, le modèle d'utilité décrit le bombement comme étant avantageux, étant donné qu'il renforce avantageusement l'effet souhaité de serrage du dispositif de fixation des bords (p. 4, lignes 19 à 25). Il y a cependant toujours un bombement de la feuille, soit de la feuille dans son ensemble, soit de certaines de ses parties prises par les baguettes, de sorte que la référence faite dans le modèle d'utilité à l'avantage qu'il faut y voir n'a pas empêché l'homme du métier (...) d'utiliser des baguettes. Au contraire, il a semblé à l'homme du métier à la date de dépôt (...) qu'il était aussi bien possible de construire le distributeur d'air en fonction de l'utilité et de la détermination de la force de serrage de l'élément profilé d'étanchéité de telle manière que se produise un bombement plus important (sans baguettes) ou moins important (avec baguettes). C'est en choisissant la seconde solution qu'il est parvenu à l'objet du brevet litigieux.
(...)
* Sommaire officiel et extrait des motifs de la décision, dont le texte intégral a été publié dans GRUR Int. 2002, 146.
1 JO OEB 2001, 413 ; GRUR Int. 2002, 80.