CHAMBRES DE RECOURS
Décisions des Chambres de recours techniques
Décision de la Chambre de recours technique 3.3.1, en date du 26 octobre 2000 T 1129/97 - 3.3.1
(Langue de la procédure)
Composition de la Chambre :
Président : | A. J. Nuss |
Membres : | P. O. Bracke |
| J. P. B. Seitz |
Demandeur : CENTRE INTERNATIONAL DE RECHERCHES DERMATOLOGIQUES GALDERMA (CIRD GALDERMA)
Référence : benzimidazoles/GALDERMA
Mot-cle : "Clarté des revendications" - "Interprétation des termes"
Sommaire
"Le seul fait que la signification précise du terme "alkyle inférieur" soit explicitement divulguée dans la description et non dans les revendications ne suffit pour autant pas pour que celles-ci satisfassent à l'exigence de clarté."
Exposé des faits et conclusions
I. La demande de brevet européen n° 92 911 098.9 (n° de publication 0 643 701) correspondant à la demande internationale publiée sous le n° WO 92/21663 a été refusée par décision signifiée le 7 juillet 1997 pour manque de clarté (article 84 CBE).
La Division d'examen était d'avis que les revendications objet de la décision ne remplissaient pas la condition de clarté du fait des termes y inclus "alkyle inférieur" et "fluoroalkyl inférieur". Elle basait son rejet sur le principe posé dans la décision T 337/95 (JO OEB 1996, 628) selon laquelle le terme "alkyle inférieur" est ambigu.
Le jeu de revendications servant de base à la décision avait été soumis par lettre du 27 décembre 1996 et consistait en 15 revendications pour les pays désignés à l'exception de ES et GR, 14 revendications pour ES et 15 revendications pour GR.
La revendication 1 pour les pays désignés à l'exception de ES et GR s'énonçait comme suit :
"Dérivés du benzimidazole caractérisés par le fait qu'ils répondent à la formule générale :
dans laquelle :
R1 et R2 représentent un atome d'hydrogène, un radical alkyle inférieur, un radical OR4, un radical fluoroalkyle inférieur ou un atome d'halogène, R3 représente un atome d'hydrogène, un radical alkyle inférieur, un halogène, un hydroxyle ou un radical alcoxy inférieur ayant de 1 à 6 atomes de carbone,
R4 représente un atome d'hydrogène, un radical alkyle inférieur, un radical benzyle, ou un radical -CO-R7, PO3H, SO3H ou un reste d'acide aminé,
R7 représente un radical alkyle inférieur, un radical alcoxy inférieur ayant de 1 à 6 atomes de carbone, le radical -(CH2)n-COOH, n = 1 à 6, ou le radical
- Nr'r''
r' er r'' représentant un atome d'hydrogène, un radical alkyle inférieur, ou r' er r'' pris ensemble forment avec l'atome d'azote, un hétérocycle à 5 ou 6 chaînons choisi parmi les radicaux pipéridino, morpholino, pyrrolidino ou pipérazino éventuellement substitué en position 4 par un radical alkyle inférieur,
R5 et R6 représentent l'un un radical OR8 et l'autre un radical cycloalkyle mono ou polycyclique ayant de 5 à 12 atomes de carbone, lié au noyau phényle par un carbone tertiaire ;
R8 représente un atome d'hydrogène, un radical alkyle inférieur, un radical acyle ayant de 2 à 7 atomes de carbone, un radical benzyle éventuellement substitué par un ou plusieurs atomes d'halogène ou le radical benzoyle,
et les sels desdits composés obtenus par addition d'un acide ou d'une base pharmaceutiquement acceptable." (caractères gras rajoutés par la Chambre)
II. La requérante (déposante) a formé un recours contre cette décision et a soumis par lettre du 31 octobre 1997 un jeu de revendications comme première requête subsidiaire et par lettre du 9 juin 2000 deux jeux de revendications comme deuxième et troisième requêtes subsidiaires et par télécopie du 5 septembre 2000 elle a soumis des libellés corrigés de la revendication 3 pour ES et pour GR selon la troisième requête subsidiaire.
En suite d'une notification de la Chambre de recours, la requérante a retiré sa première requête subsidiaire.
Les libellés des revendications selon la deuxième requête subsidiaire se distinguaient des libellés selon la requête principale par la substitution des termes "alkyle inférieur" et "fluoroalkyle inférieur" (voir les caractères gras dans la revendication citée dans le paragraphe I) respectivement par "alkyle ayant de 1 à 6 atomes de carbone" et "fluoroalkyle ayant de 1 à 6 atomes de carbone".
Les libellés des revendications selon la troisième requête subsidiaire se distinguaient des libellés selon la requête principale par la substitution des termes "alkyle inférieur" et "fluoroalkyle inférieur" (voir les caractères gras dans la revendication citée dans le paragraphe I) respectivement par "alkyle ayant de 1 à 6 atomes de carbone" et "fluoroalkyle ayant de 1 à 6 atomes de carbone et de 1 à 5 atomes de fluor".
III. La troisième requête subsidiaire consistait en 15 revendications pour les pays désignés à l'exception de ES et GR ; 14 revendications pour ES ; et 15 revendications pour GR.
Les revendications indépendantes pour tous pays désignés sauf ES et GR selon la troisième requête subsidiaire s'énonçaient :
"1. Dérivés du benzimidazole caractérisés par le fait qu'ils répondent à la formule générale suivante :
dans laquelle :
R1 et R2 représentent un atome d'hydrogène, un radical alkyle ayant de 1 à 6 atomes de carbone, un radical OR4, un radical fluoroalkyle ayant de 1 à 6 atomes de carbone et de 1 à 5 atomes de fluor ou un atome d'halogène,
R3 représente un atome d'hydrogène, un radical alkyle ayant de 1 à 6 atomes de carbone, un halogène, un hydroxyle ou un radical alcoxy inférieur ayant de 1 à 6 atomes de carbone,
R4 représente un atome d'hydrogène, un radical alkyle ayant de 1 à 6 atomes de carbone, un radical benzyle, ou un radical -CO-R7, PO3H, SO3H ou un reste d'acide aminé,
R7 représente un radical alkyle ayant de 1 à 6 atomes de carbone, un radical alcoxy inférieur ayant de 1 à 6 atomes de carbone, le radical -(CH2)n-COOH, n = 1 à 6, ou le radical -Nr'r''
r' et r'' représentant un atome d'hydrogène, un radical alkyle ayant de 1 à 6 atomes de carbone, ou r' er r'' pris ensemble forment avec l'atome d'azote, un hétérocycle à 5 ou 6 chaînons choisi parmi les radicaux pipéridino, morpholino, pyrrolidino ou pipérazino éventuellement substitué en position 4 par un radical alkyle ayant de 1 à 6 atomes de carbone,
R5 et R6 représentent l'un un radical OR8 et l'autre un radical cycloalkyle mono ou polycyclique ayant de 5 à 12 atomes de carbone, lié au noyau phényle par un carbone tertiaire ;
R8 représente un atome d'hydrogène, un radical alkyle ayant de 1 à 6 atomes de carbone, un radical acyle ayant de 2 à 7 atomes de carbone, un radical benzyle éventuellement substitué par un ou plusieurs atomes d'halogène ou le radical benzoyle,
et les sels desdits composés obtenus par addition d'un acide ou d'une base pharmaceutiquement acceptable." (caractères gras rajoutés par la Chambre)
"10. Procédé de préparation des composés de formule (I) selon l'une quelconque des revendications 1 à 9 et de leurs sels, dans lequel on fait réagir un dérivé d'acide carboxylique aromatique de formule :
sur une orthonitroaniline de formule :
dans lesquels R1, R2, R4 ont les mêmes significations que celles données à la revendication 1,
Q représente une fonction hydroxy ou un atome de chlore et Ar représente le radical :
la réaction étant effectuée dans la pyridine, on procède ensuite à une réaction de réduction du composé intermédiaire obtenu puis à une cyclisation par chauffage dans un solvant et en présence d'un réactif choisi parmi l'acide paratoluènesulfonique ou l'oxychlorure de phosphore, et si désiré on prépare les sels desdits composés de Formule I par addition d'un acide ou d'une base pharmaceutiquement acceptable."
"11. Composition pharmaceutique caractérisée par le fait qu'elle contient dans un véhicule approprié pour une administration par voie entérale, parentérale, topique ou oculaire, au moins un composé de formule (I) selon l'une quelconque des revendications 1 à 9."
"13. Utilisation d'un composé selon l'une quelconque des revendications 1 à 9, pour la préparation d'une composition pharmaceutique destinée au traitement ou à la prévention des états inflammatoires et/ou immuno-allergiques."
"14. Composition cosmétique destinée à prévenir l'aspect inesthétique de la peau, caractérisée par le fait qu'elle contient dans un véhicule cosmétique approprié au moins un composé tel que défini dans l'une quelconque des revendications 1 à 9."
Les revendications indépendantes pour ES selon la troisième requête subsidiaire s'énonçaient :
"1. Procédé de préparation de dérivés du benzimidazole de formule générale :
dans laquelle :
R1 et R2 représentent un atome d'hydrogène, un radical alkyle ayant de 1 à 6 atomes de carbone, un radical OR4, un radical fluoroalkyle ayant de 1 à 6 atomes de carbone et de 1 à 5 atomes de fluor ou un atome d'halogène,
R3 représente un atome d'hydrogène, un radical alkyle ayant de 1 à 6 atomes de carbone, un halogène, un hydroxyle ou un radical alcoxy inférieur ayant de 1 à 6 atomes de carbone,
R4 représente un atome d'hydrogène, un radical alkyle ayant de 1 à 6 atomes de carbone, un radical benzyle, ou un radical -CO-R7, PO3H, SO3H ou un reste d'acide aminé,
R7 représente un radical alkyle ayant de 1 à 6 atomes de carbone, un radical alcoxy inférieur ayant de 1 à 6 atomes de carbone, le radical -(CH2)n-COOH, n = 1 à 6, ou le radical -Nr'r''
r' er r'' représentant un atome d'hydrogène, un radical alkyle ayant de 1 à 6 atomes de carbone, ou r' er r'' pris ensemble forment avec l'atome d'azote, un hétérocycle à 5 ou 6 chaînons choisi parmi les radicaux pipéridino, morpholino, pyrrolidino ou pipérazino éventuellement substitué en position 4 par un radical alkyle ayant de 1 à 6 atomes de carbone,
R5 et R6 représentent l'un un radical OR8 et l'autre un radical cycloalkyle mono ou polycyclique ayant de 5 à 12 atomes de carbone, lié au noyau phényle par un carbone tertiaire ;
R8 représente un atome d'hydrogène, un radical alkyle ayant de 1 à 6 atomes de carbone, un radical acyle ayant de 2 à 7 atomes de carbone, un radical benzyle éventuellement substitué par un ou plusieurs atomes d'halogène ou le radical benzoyle, et des sels desdits composés, dans lequel on fait réagir un dérivé d'acide carboxylique aromatique de formule :
sur une orthonitroaniline de formule :
dans lesquels R1, R2 et R4 sont définis comme précédemment,
Q représente une fonction hydroxy ou un atome de chlore et Ar représente le radical :
la réaction étant effectuée dans la pyridine, on procède ensuite à une réaction de réduction du composé intermédiaire obtenu puis à une cyclisation par chauffage dans un solvant et en présence d'un réactif choisi parmi l'acide paratoluènesulfonique ou l'oxychlorure de phosphore, et si désiré on prépare les sels desdits composés de Formule I par addition d'un acide ou d'une base pharmaceutiquement acceptable." (caractères gras rajoutés par la Chambre)
"10. Procédé de préparation d'une composition pharmaceutique caractérisé par le fait que l'on mélange au moins un composé pouvant être obtenu selon le procédé de l'une quelconque des revendications 1 à 9 avec un véhicule approprié pour une administration par voie entérale, parentérale, topique ou oculaire."
"13. Composition cosmétique destinée à prévenir l'aspect inesthétique de la peau, caractérisée par le fait qu'elle contient dans un véhicule cosmétique approprié au moins un composé pouvant être obtenu selon le procédé de l'une quelconque des revendications 1 à 9."
Les revendication indépendantes pour GR selon la troisième requête subsidiaire s'énonçaient :
"1. Dérivés du benzimidazole caractérisés par le fait qu'ils répondent à la formule générale suivante :
dans laquelle :
R1 et R2 représentent un atome d'hydrogène, un radical alkyle ayant de 1 à 6 atomes de carbone, un radical OR4, un radical fluoroalkyle ayant de 1 à 6 atomes de carbone et de 1 à 5 atomes de fluor ou un atome d'halogène,
R3 représente un atome d'hydrogène, un radical alkyle ayant de 1 à 6 atomes de carbone, un halogène, un hydroxyle ou un radical alcoxy inférieur ayant de 1 à 6 atomes de carbone,
R4 représente un atome d'hydrogène, un radical alkyle ayant de 1 à 6 atomes de carbone, un radical benzyle, ou un radical -CO-R7, PO3H, SO3H ou un reste d'acide aminé,
R7 représente un radical alkyle ayant de 1 à 6 atomes de carbone, un radical alcoxy inférieur ayant de 1 à 6 atomes de carbone, le radical -(CH2)n-COOH, n = 1 à 6, ou le radical -Nr'r''
r' er r'' représentant un atome d'hydrogène, un radical alkyle ayant de 1 à 6 atomes de carbone, ou r' er r'' pris ensemble forment avec l'atome d'azote, un hétérocycle à 5 ou 6 chaînons choisi parmi les radicaux pipéridino, morpholino, pyrrolidino ou pipérazino éventuellement substitué en position 4 par un radical alkyle ayant de 1 à 6 atomes de carbone,
R5 et R6 représentent l'un un radical OR8 et l'autre un radical cycloalkyle mono ou polycyclique ayant de 5 à 12 atomes de carbone, lié au noyau phényle par un carbone tertiaire ;
R8 représente un atome d'hydrogène, un radical alkyle ayant de 1 à 6 atomes de carbone, un radical acyle ayant de 2 à 7 atomes de carbone, un radical benzyle éventuellement substitué par un ou plusieurs atomes d'halogène ou le radical benzoyle, et les sels desdits composés obtenus par addition d'un acide ou d'une base pharmaceutiquement acceptable." (caractères gras rajoutés par la Chambre)
"10. Procédé de préparation des composés de formule (I) selon l'une quelconque des revendications 1 à 9 et de leurs sels dans lequel on fait réagir un dérivé d'acide carboxylique aromatique de formule :
sur une orthonitroaniline de formule :
dans lesquels R1, R2, R4 ont les mêmes significations que celles données à la revendication 1,
Q représente une fonction hydroxy ou un atome de chlore et Ar représente le radical :
la réaction étant effectuée dans la pyridine, on procède ensuite à une réaction de réduction du composé intermédiaire obtenu puis à une cyclisation par chauffage dans un solvant et en présence d'un réactif choisi parmi l'acide paratoluènesulfonique ou l'oxychlorure de phosphore, et si désiré on prépare les sels desdits composés de Formule I par addition d'un acide ou d'une base pharmaceutiquement acceptable."
"11. Procédé de préparation d'une composition pharmaceutique caractérisé par le fait que l'on mélange au moins un composé tel que défini dans l'une quelconque des revendications 1 à 9 avec un véhicule approprié pour une administration par voie entérale, parentérale, topique ou oculaire."
"14. Composition cosmétique destinée à prévenir l'aspect inesthétique de la peau, caractérisée par le fait qu'elle contient dans un véhicule cosmétique approprié, au moins un composé tel que défini dans l'une quelconque des revendications 1 à 9."
IV. La requérante a soutenu que dans son cas les expressions "alkyle inférieur" et "fluoroalkyle inférieur" sont précisément définies dans la description, alors même que dans celui ayant abouti à la décision T 337/95 elle ne contenait aucune définition précise de l'expression "alkyle inférieur" figurant dans les revendications. Par conséquent, le principe posé dans la décision T 337/95 ne serait pas transposable au cas de l'espèce.
Par ailleurs, étant donné que la caractéristique "alkyle" a été jugée dans la décision T 238/88 (JO OEB 1992, 709) comme n'étant ni imprécise ni ambiguë, la requérante imaginerait mal que cette même caractéristique "alkyle inférieur" pût rendre indéfinie la portée de la revendication.
V. La requérante sollicite la délivrance du brevet
- sur la base du jeu de revendications objet de la décision contestée (requête principale) ;
- sur la base du jeu de revendications soumis par lettre du 31 octobre 1997 comme deuxième requête subsidiaire ; ou
- sur la base du jeu de revendications soumis par lettre du 31 octobre 1997 comme troisième requête subsidiaire contenant les revendications 3 corrigées pour ES et GR soumises par télécopie du 5 septembre 2000.
Motifs de la décision
1. Le recours régulier en la forme est recevable.
2. Requête principale
2.1 L'article 84 CBE dispose que les revendications, définissant l'objet de la protection demandée, doivent être claires. Dès lors que la revendication 1 concerne des dérivés du benzimidazole caractérisés par une formule générale (I), pour qu'il soit satisfait à cette exigence de clarté le groupe de composés selon la revendication 1 doit être défini de telle sorte que l'homme du métier puisse distinguer sans ambiguïté les composés chimiques appartenant au groupe revendiqué de ceux n'en faisant pas partie.
En l'espèce, la question se pose de savoir si les radicaux définis par "alkyle inférieur" et "fluoroalkyle inférieur" dans la revendication 1 sont suffisamment clairs et précis pour permettre une telle distinction.
2.1.1 Il n'est point contesté que le terme "alkyle inférieur" n'a pas de signification communément admise dans le domaine de la chimie organique, dès lors qu'il n'apporte aucune certitude relative au nombre maximal d'atomes de carbone que peut porter le groupe alkyle, ainsi que déjà précisé dans la décision T 337/95 (voir motif 2.8).
Cependant, dans le cas ayant abouti à cette décision T 337/95, il n'y avait pas de définition du terme "alkyle inférieur" dans la description qui ne fournissait ainsi pas d'enseignement concluant du nombre d'atomes de carbone que peut contenir un groupe "alkyle inférieur".
Tout au contraire dans la présente espèce, il a bien été précisé dans la description à la page 2, lignes 31 et 32 et 35 à 37 que respectivement "Par radical alkyle inférieur, on doit entendre un radical linéaire ou ramifié ayant de 1 à 6 atomes de carbone" et que "Par radical fluoroalkyle inférieur, on doit entendre un radical ayant de 1 à 6 atomes de carbone et de 1 à 5 atomes de fluor tel que le radical trifluorométhyle". Ainsi à la différence de celle posée dans la décision T 337/95 (voir motif 2.9.3), la question qu'il convient aujourd'hui de trancher en premier lieu est de savoir s'il faut et s'il suffit, pour que soient remplies les conditions de l'article 84 CBE, que l'homme du métier puisse remédier à un quelconque manque de clarté de la revendication 1 prise en elle même en se reportant à la description qui la soutient.
2.1.2 En effet, l'exigence de clarté posée par l'article 84 CBE concerne uniquement les revendications et, par conséquent, selon la jurisprudence constante des chambres de recours de l'OEB, impose qu'elles soient claires en elles-mêmes pour un homme du métier disposant des connaissances générales du domaine technique considéré, sans pour autant qu'il lui soit nécessaire de prendre connaissance de la description du brevet en cause (voir T 2/80JO OEB 1981, 431, motif 2). Ainsi faut-il que la signification du libellé d'une revendication se dégage sans équivoque des termes mêmes de ladite revendication, de telle sorte qu'elle se suffise à elle même pour assurer une protection utile, et par tant dépourvue d'ambiguïté.
Or précisément dans le cas de l'espèce, le terme "alkyle inférieur" contenu dans la revendication 1 n'est pas suffisamment précis pour qu'un homme du métier puisse sur le champ et sans équivoque déterminer le nombre maximal d'atomes de carbone que doit contenir un groupe alkyle inférieur et donc pour qu'il puisse distinguer sans ambiguïté les composés chimiques appartenant au groupe revendiqué de ceux n'en faisant pas partie.
2.1.3 Le fait que la signification précise du terme "alkyle inférieur" soit explicitement divulguée dans la seule description et non pas dans la revendication 1 ne suffit pour autant pas pour qu'elle satisfasse à l'exigence de clarté.
L'article 69(1) CBE prévoit certes que la description sert à interpréter les revendications. Toutefois, l'article 69 CBE ne traite que de l'étendue de la protection conférée lorsqu'il s'agit de déterminer l'étendue de cette protection, notamment à l'égard des tiers, et non pas de la définition de l'objet que l'on cherche à protéger par une revendication, comme stipulé dans l'article 84 CBE. La requérante ne saurait dès lors invoquer la divulgation de la description selon l'article 69 CBE pour se dispenser de satisfaire aux conditions requises par l'article 84 CBE, fors quoi l'exigence première d'autosuffisance ne serait pas remplie d'une part, et l'interprétation de la protection déférée deviendrait aléatoire d'autre part.
2.1.4 La requérante fait aussi référence à la décision T 860/93 (JO OEB 1995, 47) dans laquelle la Chambre saisie a considéré que l'on pouvait se reporter à la description pour déterminer si les revendications étaient claires.
Toutefois, cette décision ne concerne pas la question de savoir si la divulgation de la description peut être utilisée pour rendre clair un terme dans une revendication. De plus, au motif 5.5 de la décision T 860/93, la Chambre a expressément jugé qu'il n'était pas possible de se reporter à la description pour clarifier le sens d'une revendication.
2.1.5 Dès lors que l'expression "alkyle inférieur" n'a pas, en chimie organique, une signification généralement admise pour ce qui est du nombre maximum d'atomes de carbone, la chambre aboutit donc à la conclusion que la revendication 1 selon la requête principale ne remplit pas la condition de clarté selon l'article 84 CBE.
2.1.6 La requérante ayant cité la décision antérieure T 238/88, la Chambre juge utile de rappeler ce qui avait été constaté dans cette affaire. Il s'agissait d'un cas dans lequel la caractéristique "alkyle" figurait dans la définition des substituants des composés revendiqués. La Chambre saisie de cette affaire était d'avis que le terme "alkyle" correspondait incontestablement à un terme technique courant utilisé en chimie et qui n'est ni imprécis ni ambigu.
Toutefois, dans le cas présent, la question n'est pas tant de savoir si le terme "alkyle" est clair, mais si le terme "alkyle inférieur" est quant à lui suffisamment clair pour qu'un homme du métier puisse distinguer sans ambiguïté les composés appartenant au groupe revendiqué de ceux n'en faisant pas partie. Bien que le terme "alkyle" corresponde à un terme technique courant utilisé en chimie, c'est à considération de la spécification d'"inférieur", dépourvue d'une signification généralement admise pour ce qui est du nombre maximum d'atomes de carbone, que l'homme du métier se trouve incapable à la lecture de la seule revendication de faire la distinction entre le groupe de composés appartenant au groupe revendiqué et ceux n'en faisant pas partie.
2.1.7 La requérante soutenait ensuite ne point concevoir pourquoi les expressions "alkyle inférieur" et "fluoroalkyle inférieur" ne rempliraient pas la condition de clarté alors même que les expressions "reste d'acide aminé" et "un radical cycloalkyle mono ou polycyclique ayant de 5 à 12 atomes de carbone, lié au noyau phényle par un carbone tertiaire" ne seraient quant à elles pas l'objet d'une telle objection.
Or, bien que par l'emploi de ces deux dernières expressions un très grand nombre de radicaux soit contenu dans le libellé des revendications, un homme du métier n'a aucune difficulté à faire la distinction entre les composés revendiqués et ceux qui ne le sont pas, dès lors que par ces deux expressions sont entendus des groupes de radicaux bien précis. La Chambre ne voit donc aucune raison d'objecter quelque manque de clarté à ces termes.
2.1.8 La requérante a de plus attiré l'attention de la Chambre sur le fait que depuis la décision T 337/95, l'OEB a continué et continue toujours à délivrer des brevets dont la revendication principale comporte l'expression "alkyle inférieur".
Toutefois la Chambre est compétente pour connaître de la seule présente procédure de recours, relative à la décision de la Division d'examen de rejeter la demande de brevet en cause, elle n'a pas le pouvoir de s'exprimer en termes généraux outrepassant sa saisine sur l'admissibilité des libellés des revendications dans d'autres demandes de brevet. Agir autrement serait juger par arrêt de règlement et donc ultra-petita.
2.1.9 La requérante fait encore valoir le moyen selon lequel l'article 84 CBE exigerait seulement d'une revendication qu'elle soit claire, ce qui ne signifierait pas nécessairement qu'elle soit précise.
L'argument ne saurait être retenu en ce qu'il ferait nécessairement fi des dispositions du premier alinéa dudit article 84 qui établissent l'objet d'une revendication, à savoir de définir la protection déférée par le titre monopolistique que constitue le brevet. Pour remplir cet objet il est manifestement nécessaire, fût-ce implicitement, que le libellé de la revendication soit dépourvu d'équivoque d'une part, et ne prête point le flanc à interprétation aléatoire d'autre part, qu'il soit précis, quoique concis.
En décider autrement serait dénier aux tiers un degré raisonnable de certitude quant à l'étendue de la protection déférée.
L'article 69(1) CBE n'en dispose point autrement, qui prévoit que l'étendue de la protection conférée par le brevet se fonde sur la teneur des revendications, lesquelles toutefois (concession) peuvent être interprétées à la lueur de la description.
De la conjonction de ces deux textes il résulte que la pratique qui consisterait dans le libellé d'une revendication à faire usage d'un terme équivoque, et donc non précis, en renvoyant son interprétation à une référence implicite mais nécessaire à la description, demeure prohibée. L'exigence demeurant par contre du principe de l'autosuffisance de la revendication.
2.2 Au reste si l'article 84 CBE dispose que les revendications doivent se fonder sur la description, cela signifie que la matière de la revendication doit être puisée dans la description, et qu'il n'est pas permis de revendiquer ce qui n'est pas décrit.
Selon la jurisprudence constante des chambres de recours de l'OEB, l'exigence de l'article 84 CBE que les revendications soient fondées sur la description ne reflète qu'un principe général de droit selon lequel l'étendue du monopole conféré par le brevet, telle que définie dans les revendications, doit correspondre à l'apport technique à l'état de la technique. Cela signifie que les définitions données dans les revendications doivent correspondre pour l'essentiel à l'étendue de l'invention telle que divulguée dans la description. Et par conséquent, une caractéristique technique qui est décrite et présentée dans la description comme constituant une caractéristique essentielle de l'invention doit nécessairement être indiquée dans les revendications indépendantes définissant ladite invention (voir décision T 409/91, JO OEB 1994, 653, motif 3.3).
2.2.1 Dans le cas d'espèce, étant donné qu'il est dit seulement dans la description que "Par radical fluoroalkyle inférieur, on doit entendre un radical ayant de 1 à 6 atomes de carbone et de 1 à 5 atomes de fluor tel que le radical trifluorométhyle" (voir page 2, dernier paragraphe) et que dans le reste de la description aucune autre précision n'est donnée, la description ne saurait servir de fondement (ou de justification) à une revendication se rapportant à des radicaux fluoroalkyle inférieurs ayant de 1 à 6 atomes de carbone et plus de cinq atomes de fluor.
2.2.2 La requérante a encore soutenu que le nombre d'atomes de fluor peut très aisément se calculer dans le cas d'un radical fluoroalkyle ayant de 1 à 6 atomes de carbone, car celui-ci ne peut en effet qu'être compris entre 1 et 13 atomes de fluor. Comme les revendications doivent être replacées dans leur contexte, c'est-à-dire à la lumière de la divulgation de la description - à savoir dans le cas présent, la citation dans la description "Par radical fluoroalkyle inférieur, on doit entendre un radical ayant de 1 à 6 atomes de carbone et de 1 à 5 atomes de fluor tel que le radical trifluorométhyle" - (caractères gras rajoutés par la Chambre), la requérante en conclut qu'il est certain que cette expression doit être comprise comme sous-entendant, en fonction de la description : "on doit, en particulier (ou notamment) entendre".
2.2.3 La Chambre ne saurait suivre cette argumentation, étant donné que nulle part dans la description il n'y a une quelconque indication que les radicaux R1 et R2 puissent représenter des radicaux alkyles ayant plus que 5 atomes de fluor et qu'ainsi l'homme du métier confronté à la description ne peut être qu'amené à la conclusion qu'une caractéristique essentielle est que les radicaux fluoroalkyles inférieurs ne contiennent pas plus de cinq atomes de fluor.
2.2.4 La Chambre aboutit donc de même à la conclusion que la revendication 1 ainsi libellée ne se fonde pas clairement sur la description, contrairement aux dispositions de l'article 84 CBE.
2.3 Par conséquent, la requête principale ne remplit pas les conditions de clarté d'une part et de support par la description d'autre part énoncées dans l'article 84 CBE.
3. Deuxième requête subsidiaire
Etant donné que les libellés des revendications selon la deuxième requête subsidiaire contiennent toujours encore le terme "fluoroalkyle ayant de 1 à 6 atomes de carbone", ce jeu de revendications ne remplit pas plus la condition de support par la description énoncée dans l'article 84 CBE (voir les motifs 2.2 ci-dessus).
4. Troisième requête subsidiaire
4.1 Modifications
Dès lors que les modifications dans les libellés des revendications selon la troisième requête subsidiaire résultent de l'incorporation des sens propres des termes "alkyle inférieur" et "fluoroalkyle inférieur" figurant à la page 2, lignes 31 et 32 et 35 à 37 de la demande telle que déposée, ces modifications ne contreviennent pas à la disposition de l'article 123(2) CBE.
4.2 Article 84 CBE
Par l'effet des modifications ainsi faites dans les libellés des revendications selon la troisième requête, les seules objections de clarté et de support par la description faites par la Division d'examen se trouvent levées.
Dispositif
Par ces motifs, il est statué comme suit :
1. La décision attaquée est annulée.
2. L'affaire est renvoyée à la première instance avec l'ordre de délivrer un brevet sur la base du jeu de revendications soumis par lettre du 31 octobre 1997 intitulé troisième requête subsidiaire, avec les revendications 3 corrigées pour ES et pour GR soumises par télécopie du 5 septembre 2000.