CHAMBRES DE RECOURS
Décisions des Chambres de recours techniques
Décision de la Chambre de recours technique 3.3.4, en date du 8 novembre 1995 - T 923/92 - 3.3.41
(Traduction)
Composition de la Chambre :
Président : | U.M. Kinkeldey |
Membres : | L. Galligani |
S. C. Perryman |
Titulaire du brevet/intimé : GENENTECH, INC.
Opposant 2/requérant II : The Wellcome Foundation Limited
Opposant 3/requérant III : Celltech Limited
Opposant 7/requérant VII : Boehringer Mannheim GmbH
Opposant 1/autre partie : KabiVitrum AB
Opposant 4/autre partie : Toyo Boseki Kabushiki Kaisha
Opposant 6/autre partie : Behringwerke Aktiengesellschaft
Référence: t-PA humain/GENENTECH
Article : 123, 87, 88, 54, 56, 83, 84 CBE
Mot-clé : "Requête principale - droit de priorité (non) - différences dans les séquences - nouveauté (non)"- "Requêtes subsidiaires 1 et 2 - manque de clarté (oui)" - "exposé insuffisant de l'invention (oui)" - "Requête subsidiaire 3 - recevabilité (oui)" - "reformatio in peius (non)" - "droit de priorité (oui)" - "exposé suffisant de l'invention (oui)" - "nouveauté (oui)" - "activité inventive (oui) - pas de chances raisonnables de succès"
Sommaire
I. Pour l'homme du métier, une référence à une séquence donnée d'acides aminés dans une revendication constitue une véritable caractéristique technique de l'invention. En vertu de l'article 87 CBE, une demande comportant une telle revendication ne peut revendiquer la priorité d'une demande antérieure qui ne divulgue pas cette séquence d'acides aminés (cf. points 8 à 16 des motifs).
II. Une revendication relative à un procédé qui comprend la préparation d'une protéine ayant une fonction d'activateur de plasminogène de tissu humain (t-PA), sans que soient précisées, parmi les multiples fonctions du t-PA humain, lesquelles sont visées, n'est pas admissible au regard des articles 83 et 84 CBE, du fait notamment que l'homme du métier ne saurait pas si un dérivé possédant seulement une des fonctions caractéristiques de cette molécule est couvert par la revendication. En outre, il n'est pas satisfait aux conditions requises à l'article 83 CBE si les exemples et informations fournis dans le fascicule du brevet sont insuffisants pour qu'un homme du métier puisse, en interprétant au sens le plus large possible la définition fonctionnelle contenue dans la revendication, réaliser dans l'ensemble du domaine revendiqué l'invention à laquelle se rapporte cette revendication, et cela en faisant appel simplement à ses connaissances générales, sans avoir à déployer d'efforts déraisonnables (cf. point 27 des motifs).
III. Si la description contient des informations suffisantes sur la manière d'obtenir du t-PA humain et que la revendication relative aux dérivés de t-PA humain indique les fonctions à tester, il doit être considéré que l'homme du métier peut, sans avoir à faire preuve d'activité inventive ni avoir à déployer d'efforts déraisonnables, préparer des dérivés de t-PA humain, par délétion, substitution, insertion, addition ou remplacement d'acides aminés, et qu'il peut tester quels sont les dérivés qui possèdent les fonctions requises, si bien que l'exposé de l'invention revendiquée doit être jugé suffisant au regard de l'article 83 CBE (cf. points 44 et 45 des motifs).
Exposé des faits et conclusions
I. Le brevet européen n° 93 619 (demande n° 83 302 501.8), relatif à un activateur de plasminogène de tissu humain, à des compositions pharmaceutiques le contenant, à des procédés pour sa préparation ainsi qu'à de l'ADN et à des intermédiaires cellulaires transformés pour la mise en oeuvre de ces procédés, a été délivré le 13 septembre 1989 pour dix Etats contractants sur la base de dix-huit revendications, et pour l'Autriche sur la base de dix-sept revendications. Le demandeur avait revendiqué la priorité de trois demandes antérieures : P1 en date du 5 mai 1982, P2 en date du 14 juillet 1982 et P3 en date du 7 avril 1983.
II. Les revendications 1, 2, 3, 4, 16 et 18 du brevet tel que délivré pour tous les Etats désignés à l'exception de l'Autriche s'énonçaient comme suit :
"1. Procédé qui comprend la préparation d'ADNc à partir d'ARNm extrait de la lignée de cellules de mélanome de Bowes et l'isolement d'une séquence d'ADN ayant le schéma de restriction montré à la figure 4, pour la séquence putative d'activateur de plasminogène de tissu mûr et qui code un polypeptide de 527 acides aminés ayant une fonction d'activateur de plasminogène de tissu humain.
2. Procédé qui comprend la préparation d'une ou plusieurs librairies d'ADNc à partir d'ARNm extrait de cellules produisant l'activateur de plasminogène de tissu humain, le sondage de la librairie ou des librairies par une ou plusieurs sondes d'hybridaction choisies parmi les séquences :
(i) 5'-TCACAGTACTCCCA-3'
(ii) 5'-TTCTGAGCACAGGGCG-3'
(iii) un fragment Pvu II de 4,2kb de l'ADN génomique humain qui s'hybride à une haute rigueur avec le fragment d'ADN Hpall-Rsal qui est placé en aval de l'acide aminé n° 30 de la figure 5 ;
Le séquençage de l'ADNc des colonies s'hybridant fortement, et l'utilisation dudit ADNc pour obtenir une séquence d'ADN codant un polypeptide de 527 acides aminés de la sérine N terminale à la proline C terminale, qui a une fonction d'activateur de plasminogène de tissu humain.
3. Procédé qui comprend la préparation d'une protéine qui a une fonction d'activateur de plasminogène de tissu humain et qui comprend la séquence de 527 acides aminés telle que codée par l'ADN produit selon la revendication 1 ou la revendication 2, où la protéine est préparée par expression, dans un organisme hôte recombinant, de l'ADN transformant codant la protéine.
4. Procédé qui comprend la préparation d'une protéine qui comprend un allèle ou son dérivé, par délétion, substitution, insertion, inversion, addition ou remplacement d'acides aminés, de la séquence de 527 acides aminés telle que codée par l'ADN produit selon la revendication 1 ou la revendication 2, et qui a une fonction d'activateur de plasminogène de tissu humain, où la protéine est préparée par expression, dans un organisme hôte recombinant, d'ADN transformant codant la protéine.
16. Protéine ayant une fonction d'activateur de plasminogène de tissu humain et qui comprend un dérivé, par délétion, substitution, insertion, inversion, addition ou remplacement d'acides aminés de la séquence de 527 acides aminés telle que codée par l'ADN produit selon la revendication 1 ou la revendication 2.
18. Protéine telle que préparée par le procédé selon la revendication 3 ou 4 qui n'est pas accompagnée d'une glycosylation originaire de l'activateur de plasminogène de tissu humain."
III. Sept parties (opposants 1 à 7) ont formé une opposition contre le brevet européen. L'opposant 5 a retiré par la suite son opposition.
La révocation du brevet était requise pour les motifs prévus à l'article 100 a), b) et c) CBE. Au cours de la procédure devant la division d'opposition, les parties se sont référées à trente-cinq documents, dont les documents suivants, cités dans la présente décision (la numérotation utilisée par la division d'opposition a été reprise) :
(4) Wallace et al., Nucl. Ac. Res., 1981, vol. 9(4), pages 879 à 894 ;
(7) Rijken et al., J. Biol. Chem., 10 juillet 1981, vol, 256, n° 13, pages 7035 à 7041 ;
(9) Weimar et al., The Lancet, 7 novembre 1981, pages 1018 à 1020 ;
(11) Suggs et al., Proc. Natl. Aca. Sci. USA, novembre 1981, vol. 78, n° 11, pages 6613 à 6617 ;
(12) EP-B1-0 041 766 ;
(13) Opdenakker et al., Eur. J. Biochem, 1982, vol. 121, pages 269 à 274 ;
(17) Edlund et al., Proc. Natl, Aca. Sci. USA, janvier 1983, vol. 80, pages 349 à 352 ;
(18) Pennica et al., Nature, 20 janvier 1983, vol. 301, pages 214 à 221.
(33) Noda et al., Nature, 21 janvier 1982, vol. 295, pages 202 à 206.
IV. La division d'opposition a rendu le 1er septembre 1992 une décision intermédiaire au sens de l'article 106(3) CBE, par laquelle elle maintenait le brevet sous une forme modifiée, sur la base de quinze revendications produites au cours de la procédure orale tenue les 2 et 3 juin 1992. Ces revendications avaient été déposées dans deux versions, l'une destinée à tous les Etats contractants autres que AT et l'autre destinée à l'Autriche. Les revendications 1, 2 et 9, dans la version destinée aux Etats contractants autres que AT, s'énonçaient comme suit:
"1. Procédé qui comprend la préparation d'une protéine ayant une fonction d'activateur du plasminogène du tissu humain et comprenant la séquence d'acides aminés 1-527 telle que représentée à la figure 5, où la protéine est préparée par expression dans un organisme hôte recombinant d'ADN transformant codant la protéine.
2. Procédé qui comprend la préparation d'une protéine comprenant un allèle ou son dérivé, par délétion, substitution, insertion, addition ou remplacement d'acides aminés, de la séquence d'acides aminés 1-527 telle que représentée à la figure 5, et ayant la fonction d'activateur du plasminogène de tissu humain, où la protéine est préparée par expression dans un organisme hôte recombinant d'ADN transformant codant la protéine.
9. Isolat d'ADN codant une telle protéine telle que préparée par le procédé selon la revendication 1 ou 2".
V. La division d'opposition a estimé que ces revendications étaient admissibles au regard de l'article 123(2) et (3) CBE et qu'elles satisfaisaient aux conditions requises à l'article 84 CBE. En ce qui concerne le droit de priorité, elle a considéré qu'il était possible de revendiquer la première date de priorité pour les séquences de nucléotides et d'acides aminés selon la figure 5, tout en reconnaissant que ces séquences présentaient des différences (3 nucléotides ---> 3 acides aminés) par rapport aux séquences selon le premier document de priorité (P1). Certes ce n'était que dans le troisième document de priorité (P3) qu'était exposée une séquence identique à la séquence selon la figure 5, mais, selon la division d'opposition, on pouvait considérer ces trois différences comme des erreurs tolérables, restant dans le cadre des imprécisions statistiques inévitables, vu notamment la longueur de la séquence (environ 2415 nucléotides) et le fait que la nature et/ou le caractère du produit obtenu n'en étaient pas affectés (la division d'opposition citait à ce propos les décisions T 212/88, JO OEB 1992, 28 et T 73/88, JO OEB 1992, 557).
S'agissant du respect des conditions énoncées à l'article 83 CBE, la division d'opposition a fait observer que l'intimé avait été le premier à divulguer les séquences de nucléotides et d'acides aminés du t-PA, et a estimé que l'exposé fait de l'invention dans le brevet en litige était suffisant pour permettre à un homme du métier de reproduire l'invention, vu que le brevet fournissait à cet homme du métier toutes les informations nécessaires pour l'expression d'une protéine ayant une fonction d'activateur du plasminogène du tissu humain (t-PA), aux fins de sa purification et de la préparation de ses "dérivés". Bien que le t-PA ait plusieurs fonctions, l'homme du métier aurait compris la notion de "fonction" au sens large et y aurait inclus la fonction immunologique du t-PA qui était connue.
En outre, la division d'opposition a reconnu la nouveauté de l'objet revendiqué et a jugé qu'il impliquait une activité inventive. En ce qui concerne l'activité inventive, elle a considéré que l'état de la technique le plus proche était constitué par le document 13, Opdenakker et al., qui divulguait la purification partielle d'ARNm codant pour du t-PA humain extrait de la lignée de cellules de mélanome de Bowes, ainsi que sa traduction au moyen d'ovocytes de Xenopus laevis. Selon la division d'opposition, le problème technique posé était celui de la préparation de grandes quantités de t-PA humain par la technologie de l'ADN recombinant. La solution proposée dans les revendications avait fait intervenir plusieurs étapes intermédiaires qui n'étaient pas de pratique courante à la date de priorité et/ou dont le résultat était incertain, si bien que l'homme du métier ne pouvait raisonnablement s'attendre à réussir le clonage et l'expression du t-PA.
VI. Trois requérants (à savoir les opposants 2, 3 et 7, ci-après dénommés requérants II, III et VII) ont formé un recours contre la décision de la division d'opposition.
VII. Dans sa réponse aux mémoires exposant les motifs des requérants, l'intimé s'est fondé sur les revendications telles que maintenues par la division d'opposition.
VIII. Conformément à l'article 110(2) CBE, la Chambre a adressé aux parties une première notification qui contenait une première analyse de l'affaire, avec examen notamment de la question du droit de priorité et de la question de la recevabilité au regard de l'article 123(2) et (3) CBE des revendications figurant au dossier.
L'intimé et les requérants ont répondu à cette notification de la Chambre.
IX. La Chambre leur a alors envoyé une notification établie en vertu de l'article 11(2) du règlement de procédure des chambres de recours, dans laquelle elle exposait brièvement les points à discuter lors de la procédure orale.
X. L'intimé a présenté en réponse six requêtes subsidiaires en remplacement des requêtes subsidiaires figurant au dossier.
XI. Dans une nouvelle notification établie en vertu de l'article 11(2) du règlement de procédure des chambres de recours, la Chambre, passant en revue les requêtes versées au dossier, déclarait qu'elle considérait à titre préliminaire que de toutes ces requêtes, seule la requête principale, qui portait sur les revendications telles que maintenues par la division d'opposition, pouvait être prise en considération durant la procédure.
XII. L'intimé a répondu à la notification de la Chambre en produisant des requêtes subsidiaires "possibles" A et B, pour que la Chambre les examine à l'avance.
XIII. La procédure orale s'est tenue les 2 et 3 août 1995 et la Chambre a annoncé qu'elle rendrait sa décision finale par écrit.
L'intimé a d'abord déposé neuf requêtes subsidiaires, pas tout à fait identiques aux précédentes, en remplacement de toutes ses requêtes subsidiaires antérieures, et la requête principale a alors été examinée. Après avoir annoncé à l'intimé qu'elle ne pouvait faire droit à sa requête principale, et déclaré que plusieurs requêtes subsidiaires risquaient d'être rejetées pour les mêmes motifs, la Chambre a proposé à l'intimé, au choix, soit de maintenir les neuf requêtes subsidiaires qu'il avait déjà présentées, soit de déposer trois nouvelles requêtes subsidiaires au maximum, en remplacement de toutes les requêtes subsidiaires qu'il avait formulées auparavant. Après une suspension de la procédure, l'intimé a produit trois nouvelles requêtes subsidiaires en remplacement de toutes ses requêtes subsidiaires précédentes.
Dans la nouvelle requête subsidiaire 1, les revendications 1 et 2 de la version destinée à tous les Etats contractants autres que AT s'énoncent comme suit :
"1. Procédé qui comprend la préparation d'une protéine ayant une fonction d'activateur du plasminogène de tissu humain, par expression, dans un organisme hôte recombinant, d'ADN transformant codant la protéine, dans lequel ladite protéine comprend une séquence de 527 acides aminés à partir de la sérine N-terminale jusqu'à la proline C-terminale pouvant être codée par un ADNc dérivé de l'ARNm extrait de la lignée de cellules de mélanome de Bowes, et qui
a) comporte le schéma de restriction représenté sur la figure 4 pour la séquence putative d'activateur du plasminogène de tissu mature, et
b) qui s'hybride fortement avec les séquences :
(i) 5'-TCACAGTACTCCCA-3'
(ii) 5'-TTCTGAGCACAGGGCG-3'
(iii) un fragment Pvu II de 4,2 kb d'ADN génomique humain qui s'hybride fortement avec la séquence :
CGG GTG GAA TAT TGC TGG TGC AAC AGT GGC AGG GCA CAG TGC CAC
TCA GTG CCT GTC AAA AGT TGC AGC GAG CCA AGG TGT TTC AAC GGG
GGC ACC TGC CAG CAG GCC CTG T."
"2. Procédé qui comprend la préparation d'une protéine qui présente la fonction d'activateur du plaminogène de tissu humain par expression, dans un organisme hôte recombinant, d'ADN transformant codant la protéine, dans lequel la protéine comprend un allèle ou dérivé, par délétion, substitution, insertion, addition ou remplacement d'acides aminés de ladite séquence de 527 acides aminés telle que définie dans la revendication 1".
Dans la nouvelle requête subsidiaire 2, les revendications 1 et 2 destinées aux Etats contractants autres que AT s'énoncent comme suit :
"1. Isolat d'ADN tel que pouvant être obtenu en préparant une ou plusieurs librairies d'ADNc à partir d'ARNm extrait de la lignée de cellules de mélanome de Bowes, en sondant la ou les librairie(s) par une ou plusieurs sondes d'hybridation choisies parmi les séquences suivantes :
(i) 5'-TCACAGTACTCCCA-3'
(ii) 5'-TTCTGAGCACAGGGCG-3'
(iii) un fragment Pvu II de 4,2 kb d'ADN génomique humain qui s'hybride à une haute rigueur avec la séquence d'ADNc de l'activateur du plasminogène de tissu humain :
CGG GTG GAA TAT TGC TGG TGC AAC AGT GGC AGG GCA CAG TGC CAC
TCA GTG CCT GTC AAA AGT TGC AGC GAG CCA AGG TGT TTC AAC GGG
GGC ACC TGC CAG CAG GCC CTG T
et en isolant et en séquençant de l'ADNc à partir de clones s'hybridant fortement, et en utilisant ledit ADNc pour obtenir un isolat de la séquence d'ADN ayant le schéma de restriction montré à la figure 4 pour la séquence putative d'activateur du plasminogène de tissu mature, et codant un polypeptide de 527 acides aminés à partir de la sérine N-terminale jusqu'à la proline C terminale, qui a une fonction d'activateur du plasminogène de tissu humain.
2. Procédé qui comprend l'expression dans un organisme hôte recombinant d'ADN transformant pour obtenir le polypeptide de 527 acides aminés tel que pouvant être codé par ledit isolat de la séquence d'ADN selon la revendication 1, ou un allèle ou un dérivé dudit polypeptide, par délétion, substitution, insertion, addition ou remplacement d'acides aminés, et ayant une fonction d'activateur du plasminogène de tissu humain".
Les revendications 1 et 2 selon la nouvelle requête subsidiaire 3 correspondent respectivement aux revendications 1 et 2 selon la nouvelle requête subsidiaire 1, à ceci près que la fonction d'activateur du plasminogène de tissu humain est spécifiée comme suit: "en particulier, est capable de catalyser la transformation du plasminogène en plasmine, se lie à la fibrine et est classé en tant que t-PA sur la base de propriétés immunologiques".
XIV. Les requérants ont soulevé une objection en ce qui concerne la recevabilité de toutes les requêtes de l'intimé au regard de l'article 123(2) et/ou (3) CBE. Les arguments pertinents qu'ils ont avancés à cet égard sont exposés ci-après dans les motifs de la décision. En ce qui concerne la requête principale, les requérants ont souligné que l'on ne pouvait revendiquer pour son objet la première date de priorité, vu que les données du premier document de priorité relatives à la séquence de nucléotides et à la séquence d'acides aminés différaient considérablement de celles du brevet en litige. Ils ont allégué qu'en conséquence, ledit objet était dénué de nouveauté par rapport au document 18, Pennica et al. Ils se sont référés en particulier aux décisions T 81/87 (JO OEB 1990, 250), T 269/87 en date du 24 janvier 1989 (non publiée au JO OEB), T 301/87 (JO OEB 1990, 335), T 161/86 en date du 25 juin 1987 (non publiée au JO OEB) et T 184/91, en date du 4 avril 1986 (non publiée au JO OEB), qui étaient pertinentes selon eux, vu qu'elles portaient toutes sur le problème du droit de priorité pour des séquences de nucléotides ou d'acides aminés. Ils ont suggéré de soumettre le cas échéant à la Grande Chambre de recours la question de savoir quelle était l'approche qu'il convenait d'adopter pour déterminer la date de priorité d'une revendication.
Les requérants ont estimé qu'aucune des requêtes ne satisfaisait aux conditions requises à l'article 84 CBE, estimant notamment que les expressions "fonction d'activateur du plasminogène humain" et "dérivé" manquaient de clarté et ne se fondaient pas sur la description. Ils ont également allégué que le brevet en litige ne satisfaisait pas aux conditions requises à l'article 83 CBE, l'invention n'étant pas suffisamment exposée dans la description. Ils ont contesté en particulier les modes de réalisation faisant intervenir les dérivés de t-PA, ainsi que l'expression de t-PA humain dans E-coli. En ce qui concerne ce dernier point, les requérants ont notamment produit en plus les documents suivants, dans lesquels figuraient des avis d'experts :
(36) Sarmientos et al., Bio/Technology, vol. 7, mai 1989, pages 495 à 501;
(37) Krause J., Fibrinolysis, vol. 2, 1988, pages 133 à 142;
(38) Rothstein et al., Gene, vol. 61, 1987, pages 41 à 50.
Ces documents montraient selon eux qu'il n'était pas encore possible, même à une date ultérieure, d'obtenir du t-PA humain dans E.coli.
S'agissant de l'activité inventive, les requérants ont fait observer que la crainte des difficultés qui pourraient surgir n'aurait pas dissuadé l'homme du métier d'appliquer au t-PA les techniques habituelles de clonage d'ADNc. En pratique, il n'avait pas été rencontré de difficulté réelle. Les requérants ont notamment souligné qu'il était évident pour un homme du métier de combiner l'enseignement d'Opdenakker et al. (document 13), qui portait sur la préparation de l'ARNm du t-PA à partir de cellules de mélanome de Bowes, avec celui de Noda et al. (document 33), qui décrivait une stratégie de clonage pratiquement identique à celle suivie par l'intimé. Ils ont estimé que vu ces documents et d'autres documents appartenant à l'état de la technique, tels que les documents 7, 9 et 17, l'homme du métier pouvait raisonnablement s'attendre à cloner avec succès l'ADNc du t-PA. Ils ont fait observer que de l'aveu même de l'intimé, une fois obtenu l'ADNc codant le t-PA, son expression dans des bactéries, la levure et des cellules de mammifère n'impliquait aucun effort d'invention.
XV. En réponse à ces objections, l'intimé s'est efforcé essentiellement de prouver la recevabilité des revendications au regard de l'article 123 (2) et (3) CBE. Par souci de concision, la Chambre exposera ci-après dans les motifs de la décision les arguments pertinents qui ont été développés à cet égard ainsi qu'à propos des autres questions.
S'agissant de l'objection de manque de clarté, l'intimé a soutenu que la "fonction" du t-PA était connue et que l'homme du métier l'aurait comprise au sens large, comme incluant la fonction immunologique connue. Le terme "dérivé" était défini par référence à la fonction et à la nature du dérivé, si bien qu'il était suffisamment clair dans ce contexte.
En ce qui concerne la reproductibilité de l'invention, l'intimé a fait observer qu'en vertu de l'article 83 CBE, c'est l'invention qui doit pouvoir être reproduite, et non les exemples. Il a allégué qu'en tout état de cause, la description exposait suffisamment le premier clonage et l'expression du t-PA humain dans E.coli, ainsi que son obtention dans des cellules de mammifère. Le brevet en litige fournissait des informations détaillées sur la structure et les propriétés de la molécule. La valeur des travaux qui y étaient décrits était reconnue dans le monde entier.
Quant à la question de la priorité, l'intimé a allégué que le raisonnement sur lequel se fondaient les décisions T 73/88 (citée supra) et T 65/92, en date du 13 juin 1993 (non publiée au JO OEB) valait également pour la présente espèce, les différences relevées entre la séquence exposée à la figure 5 du brevet en litige et la séquence selon le premier document de priorité n'étant pas des différences substantielles. La molécule divulguée et rendue accessible par la description dans les deux documents était pour l'essentiel la même. L'intimé en concluait que dans le cadre de sa requête principale il devait pouvoir bénéficier de la première date de priorité. Par conséquent, le document Pennica et al (18) n'était pas compris dans l'état de la technique.
En ce qui concerne l'activité inventive, l'intimé a fait observer que la présente invention constituait l'aboutissement de longues et difficiles recherches qui avaient été entreprises alors que l'issue était incertaine, et qui impliquaient l'utilisation et l'adaptation de techniques qui n'étaient pas d'usage courant à la date de priorité. Il ne convenait pas de combiner l'enseignement du document 13 (Opdenakker et al.) avec celui du document 33 (Noda et al.). Le document 13 (Opdenakker et al) ne permettait pas de tirer des conclusions sur la qualité et la pureté de l'ARNm du t-PA ni de prévoir dans quelle mesure ledit ARNm pouvait être utilisé pour isoler des clones d'ADN du t-PA. Quant au document 33 (Noda et al.), il décrivait une procédure de clonage beaucoup plus facile. De l'avis de l'intimé, il était impossible de prévoir dans quelle mesure cette approche permettrait de cloner avec succès l'ADN du t-PA.
XVI. Les requérants ont demandé l'annulation de la décision attaquée et la révocation du brevet.
L'intimé a demandé à titre principal le rejet du recours et, dans ses requêtes subsidiaires 1 à 3, l'annulation de la décision attaquée ainsi que le maintien du brevet sur la base de l'une des nouvelles requêtes subsidiaires 1 à 3 présentées à la fin de la première journée de la procédure orale.
Motifs de la décision
1. Les recours sont recevables.
Requête principale : revendication 1
Recevabilité au regard de l'article 123(2) et (3) CBE
2. Du point de vue de la forme, la revendication 1 se fonde sur la demande telle qu'elle a été déposée initialement, si bien qu'elle n'appelle aucune objection au titre de l'article 123(2) CBE.
De l'avis de la Chambre, la portée de la revendication 1 selon cette requête n'est pas plus large que celle des revendications 3 et 4 du brevet tel que délivré. En effet, la référence qui est faite à "la séquence d'acides aminés 1-527 telle que décrite à la figure 5" limite cette revendication 1 à un mode de réalisation bien précis, à savoir le procédé de préparation d'une protéine de t-PA humain, avec la séquence d'acides aminés qui a été exposée, par expression dans un organisme hôte recombinant de l'ADN transformant codant la protéine. Cet ADN fait partie du vaste groupe des séquences d'ADN codant "un polypeptide de 527 acides aminés ayant une fonction d'activateur du plasminogène de tissu humain" selon les revendications 3 et 4 du brevet tel que délivré. Il est donc satisfait aux exigences de l'article 123(3) CBE.
Droit de priorité (articles 87 et 88 CBE)
3. Le droit de priorité est régi par l'article 87 CBE, qui prévoit que la demande de brevet (ou le brevet) européen et la demande dont la priorité est revendiquée doivent porter sur la même invention. L'article 88(3) CBE spécifie en outre que lorsqu'une ou plusieurs priorités sont revendiquées pour une demande de brevet européen, le droit de priorité ne couvre que les éléments de la demande qui sont contenus dans la demande ou dans les demandes dont la priorité est revendiquée.
4. L'objet de la revendication 1 est défini par référence à la séquence d'acides aminés de la figure 5. La séquence dont il est question à la figure 5 du brevet en litige diffère de celle représentée à la figure 5 aussi bien du premier que du deuxième document de priorité (respectivement P1 et P2), pour ce qui est des trois acides aminés situés aux positions 175, 178 et 191. La séquence selon le brevet en litige est divulguée pour la première fois dans le troisième document de priorité (P3). Les triplets correspondants de nucléotides sont également différents.
La position des requérants
5. Selon les requérants, la revendication 1 ne peut bénéficier ni de la première ni de la deuxième date de priorité, mais uniquement de la troisième, étant donné que la séquence selon la figure 5 à laquelle il est fait référence n'est divulguée que dans le troisième document de priorité. La séquence d'acides aminés est un élément essentiel de l'invention, car si un ou plusieurs acides aminés (en l'occurrence trois) sont différents, il peut être enregistré des différences au niveau de la conformation ou de l'activité de la protéine. Dans le cas de la décision T 73/88 (cf. supra) citée par l'intimé la situation et le domaine technique étaient différents; cette décision ne peut donc être suivie en l'espèce. En revanche, les décisions T 81/87, T 269/87, T 301/87, T 161/86 et T 184/91 (mentionnées supra), qui portent toutes sur le problème du droit de priorité pour des séquences de nucléotides ou d'acides aminés, ou la décision G 11/91 (JO OEB 1993, 125), qui a trait à la rectification d'erreurs, peuvent être invoquées dans la présente espèce. Il a notamment été observé qu'il ne s'agissait pas en l'occurrence d'un cas où il a été déposé une séquence spécifique d'ADN ou dans lequel, partant de cellules de mélanome de Bowes, l'homme de métier parviendrait nécessairement à la séquence spécifique d'ADN exposée à la figure 5 du brevet en litige.
La position de l'intimé
6. Les différences relevées entre la séquence selon la figure 5 de la présente demande et la séquence selon le premier document de priorité ne sont pas essentielles, mais ont été signalées à titre d'information. La séquence en question n'est essentielle que pour la détermination de l'étendue de la protection. La molécule citée dans les deux documents est fondamentalement la même. Elle peut déjà être préparée sur la base de la description contenue dans le premier document de priorité, puisqu'un homme du métier qui suivrait le protocole d'isolement de l'ADN indiqué dans ce document parviendrait à identifier la bonne séquence, c'est-à-dire la séquence exposée à la figure 5 du brevet en litige. Les trois erreurs qui ont été signalées ne portent pas sur des caractéristiques cruciales de l'invention, étant donné que - comme le montrent les comptes rendus d'expériences qui ont été produits - elles n'ont aucune incidence sur l'activité de la molécule et ne modifient donc pas l'essence même de l'invention. Les décisions T 81/87, T 269/87 et T 301/87 (citées supra) ne peuvent être suivies en l'espèce, car elles portent toutes sur des cas dans lesquels ou bien il manquait une caractéristique essentielle, ou bien les informations fournies au sujet de la séquence étaient insuffisantes. Dans la présente affaire, la séquence d'ADN codant le t-PA humain est entièrement identifiée. Il convient de se fonder de préférence sur les décisions T 73/88 (citée supra) et T 65/92 (citée supra). D'après la première décision, le respect des conditions (au sens strict) énoncées à l'article 123(2) CBE n'est pas le critère approprié, ou tout du moins pas le critère absolu pour la détermination de l'existence d'un droit de priorité. La décision T 65/92 (citée supra) portait quant à elle sur une situation analogue à celle dont il est question dans la présente affaire, puisque la Chambre avait considéré que la différence relevée entre la demande de brevet européen et le document de priorité pour ce qui est de la limite supérieure fixée pour le poids moléculaire d'un polypeptide n'affectait en rien l'essence de l'invention. En effet, comme dans la présente espèce, les protocoles d'expérimentation relatifs à l'isolement et à la caractérisation du produit étaient identiques dans les deux documents.
Les conclusions de la Chambre
7. La Chambre constate que les séquences d'acides aminés et de nucléotides selon la figure 5 du premier ou du deuxième document de priorité présentent incontestablement des différences par rapport aux séquences selon la figure 5 du brevet en litige, lesquelles ont été exposées pour la première fois dans le troisième document de priorité. La question qui se pose est celle de savoir s'il s'agit de la même invention que celle qui a été divulguée dans le premier ou dans le deuxième document de priorité.
8. De l'avis de la Chambre, la structure primaire en acides aminés d'une protéine constitue, pour l'homme du métier, une caractéristique essentielle de cette protéine, puisqu'elle représente sa formule chimique. L'homme du métier sait que les structures secondaire, tertiaire et quaternaire d'une protéine sont fonction de la structure en acides aminés de la chaîne polypeptidique primaire et que ces caractéristiques structurelles déterminent à leur tour les propriétés physico-chimiques et biologiques de la molécule, telles que son activité, ses propriétés immunologiques, la glycosylation, la coupure par des protéases, la demi-vie in vivo, etc.. S'il sait que des variations alléliques ou d'autres modifications de la structure primaire d'une protéine peuvent donner des molécules dont les caractéristiques physiques et biologiques essentielles demeurent inchangées, l'homme du métier sait aussi qu'une modification structurelle même mineure (par ex. la substitution ou la délétion d'un seul acide aminé) peut entraîner des modifications fonctionnelles considérables. Il considérerait par conséquent que la formule chimique d'une protéine, c'est-à-dire sa séquence d'acides aminés, n'est pas citée à titre simplement d'information, mais jugerait qu'elle constitue au contraire une caractéristique technique primaire portant sur le caractère et la nature du produit.
9. Dans la présente espèce, aussi bien le brevet en litige que le premier (ou le deuxième) document de priorité enseignent que dans leur figure 5, la séquence nucléotidique complète codant le t-PA humain (et, par conséquent, la séquence d'acides aminés de t-PA humain qui en est déduite) est une séquence qui a été déterminée à partir des deux clones pPA25E10 et pPA17. Le texte des documents est à cet égard identique. Toutefois, lorsque l'homme du métier compare les séquences selon la figure 5 dans ces différents documents, il relève les différences suivantes au niveau de trois acides aminés qui en sont déduits (et des triplets correspondants) :
- à la position 175, l'acide aminé basique (Lys) selon la figure 5 du document P1 est remplacé par un acide aminé dicarboxylique (Glu),
- à la position 178, l'acide aminé aliphatique (Gly) selon la figure 5 du document P1 est remplacé par un acide aminé hydroxylé (Ser),
- à la position 191, l'acide aminé aliphatique (Ala) selon la figure 5 du document P1 est remplacé par un acide aminé hydroxylé (Thr).
L'homme du métier qui comparerait l'enseignement technique du document P1 (ou P2) avec celui du brevet en litige se rendrait compte que des erreurs ont pu être commises dans l'indication des séquences, mais il ne serait pas en mesure d'établir laquelle des deux séquences de t-PA humain est la bonne. Il ne pourrait pas non plus en déduire si les deux polypeptides présentent, en dépit des différences relevées au niveau de leur structure primaire, des caractéristiques physiques et biologiques identiques. De par leur nature, les remplacements d'acides aminés qui viennent d'être indiqués ne sont pas sans importance, en théorie tout au moins, et ils pourraient donc entraîner de considérables différences structurelles et fonctionnelles. Aussi l'homme du métier considérerait-il les deux polypeptides exposés l'un à la figure 5 du brevet en litige, l'autre à la figure 5 du document P1 (ou P2) comme deux variants spécifiques distincts de t-PA humain, possédant éventuellement des caractéristiques similaires, mais pas nécessairement identiques.
10. L'intimé a produit des preuves (cf. la déclaration sous serment de D. V. Goeddel en date du 4 avril 1988), aux fins de démontrer que les erreurs dans l'indication des séquences étaient dues à l'attribution erronée de trois nucléotides particuliers durant le séquençage de l'ADN et qu'en tout cas, lors des expériences, ces erreurs n'avaient pas d'incidences substantielles sur l'obtention ou l'activité du t-PA humain. En effet, les cellules transfectées correspondantes produisaient à peu près la même quantité de t-PA reconnaissable de façon immunologique que les transfectants sauvages, la seule différence étant que l'activité spécifique était légèrement réduite. A cet égard toutefois, la Chambre a fait observer que l'essai produit à titre de preuve, qui, bien entendu, était limité à un nombre restreint de paramètres, à savoir la reconnaissance immunologique et l'activité dans un essai de lyse du caillot, prouve tout au plus que les polypeptides sont similaires, mais non qu'ils sont identiques. Même s'ils ont une activité biologique et/ou immunologique similaire, les deux polypeptides pourraient présenter une ou plusieurs propriétés différentes, parmi les centaines de propriétés de la protéine, telles que la stabilité, la conformation, la susceptibilité aux protéases, la glycosylation, la demi-vie in vivo, etc. Quoi qu'il en soit, ces deux polypeptides diffèrent par une seule caractéristique essentielle: la séquence primaire d'acides aminés.
11. Quant à la jurisprudence citée par les parties, la Chambre estime que les questions de droit sur lesquelles portent les décisions T 73/88 (citée supra) et T 65/92 (citée supra) n'ont rien à voir avec le problème qui se pose dans la présente espèce. La Chambre juge également inutile de soumettre cette question, qui est de nature technique, à la Grande Chambre de recours.
12. Dans la décision T 73/88 (citée supra), il s'agissait de savoir si la revendication relative à un aliment à croquer, dont le préambule comportait une caractéristique technique ("renfermant au moins 5% en poids d'huile ou de matière grasse") non mentionnée dans le document de priorité, pouvait bénéficier de la priorité de ce document. La chambre avait estimé que l'invention revendiquée était la même que celle qui était divulguée dans le document de priorité, étant donné que la caractéristique en question, quoique nécessaire pour limiter l'étendue de la protection, n'avait rien à voir avec le caractère essentiel et la nature de l'invention en tant que telle. Dans la présente affaire au contraire, il est considéré, pour les raisons énoncées plus haut, que la séquence primaire d'acides aminés du polypeptide influe sur le caractère essentiel et la nature de l'invention.
13. Dans la décision T 65/92 (citée supra), la chambre a estimé que la différence relevée entre le document de priorité et la demande de brevet européen pour ce qui est de la limite supérieure fixée pour le poids moléculaire de la forme glycosylée d'un polypeptide (tous les autres paramètres étant sinon identiques) ne traduisait pas une véritable différence de structure entre les produits selon les deux demandes, vu notamment que le poids moléculaire ne pouvait être déterminé que de manière approximative. En revanche, dans la présente espèce, la structure primaire du t-PA humain ne constitue pas un paramètre déterminé approximativement, à moins que l'on ne se fonde sur une formule générale, ce qui n'est pas le cas ici.
14. De l'avis de la Chambre, ce serait plutôt la décision T 301/87 (citée supra) qui pourrait être invoquée dans la présente espèce. Dans cette décision, la chambre compétente avait jugé qu'il ne suffisait pas d'avoir fait mention d'une séquence spécifique d'ADN, intégralement contenue dans un plasmide déposé, pour pouvoir revendiquer la priorité d'un élément entrant dans la composition de cette séquence, dans la mesure où cet élément n'avait pas été directement envisagé en tant que tel, sans la moindre ambiguïté, et où des recherches considérables étaient nécessaires afin de l'identifier. Pour des raisons similaires, la Chambre estime dans la présente espèce que, contrairement à ce que prétend l'intimé, la divulgation des deux clones pPA25E10 et pPA17 dans le document P1 (ou P2) ne permet pas pour autant de revendiquer la priorité de ces documents pour les "bonnes" séquences exposées à la figure 5 du brevet en litige. En effet, celles-ci ne peuvent être déduites directement et sans ambiguïté du document P1 (ou P2), lequel divulguait à la figure 5 des séquences différentes, et des recherches considérables étaient nécessaires pour pouvoir véritablement les identifier.
15. Les autres décisions citées par les parties ont trait à des situations tout à fait différentes de celle dont il s'agit dans la présente affaire ou portent sur des questions (par ex. la rectification d'erreurs) qui ne se posent pas en l'espèce et qui n'appellent donc pas un examen détaillé.
16. En conséquence, la séquence primaire d'acides aminés d'une protéine (ou la séquence nucléotidique d'un ADN) constitue une véritable caractéristique technique, et se fonder sur telle séquence de préférence à telle autre pour définir l'objet d'une invention dans une revendication entraîne des différences cruciales. La revendication 1 ne peut donc pas bénéficier de la première ou de la deuxième date de priorité, car elle ne porte pas sur la même invention que celle qui est divulguée dans les documents de priorité correspondants. Elle ne peut bénéficier que de la date de priorité du document P3, à savoir le 7 avril 1983.
Nouveauté (article 54 CBE)
17. Vu la conclusion énoncée au point 16 supra, le document 18, Pennica et al, publié le 20 janvier 1983, est compris dans l'état de la technique au sens de l'article 54(2) CBE. Ce document divulgue le clonage et l'expression de t-PA humain à partir de l'ADNc du t-PA humain dans E.coli et expose à la figure 3 la séquence nucléotidique ainsi que la séquence d'acides aminés (qui en est déduite) de l'insert d'ADNc complet du t-PA humain du plasmide d'expression pt-PAtrp 12, qui correspond à la séquence selon la figure 5 du brevet en litige. Le polypeptide exprimé possède les propriétés fibrinolytiques caractéristiques du t-PA humain. L'objet de la revendication 1 du brevet en litige n'est donc pas nouveau par rapport au document 18, et la revendication 1 selon la requête principale n'est pas admissible au regard de l'article 54(1) et (2) CBE.
Requêtes subsidiaires 1 et 2
18. La Chambre va d'abord examiner si ces requêtes satisfont aux conditions requises aux articles 84 (clarté et fondement sur la description) et 83 CBE (exposé suffisant de l'invention), eu égard notamment au raisonnement développé dans les décisions T 409/91 (JO OEB 1994, 653), T 435/91 (JO OEB 1995, 188) et T 626/91, en date du 5 avril 1995 (non publiée au JO OEB). Cette question se posant pour les deux requêtes, celles-ci ont été examinées conjointement.
La position des requérants
19. Les requérants ont objecté en particulier que l'étendue de la protection demandée dans la revendication 2 pour les dérivés de t-PA humain est beaucoup trop large, étant donné d'une part le nombre limité d'exemples et d'informations fournis par la description et d'autre part, la définition vague et obscure du paramètre "ayant une fonction d'activateur du plasminogène de tissu humain".
La position de l'intimé
20. L'intimé a allégué que du point de vue juridique, le rejet des requêtes ne pouvait se fonder sur l'article 84 CBE, car les objections soulevées au titre de cet article ne visent pas des modifications jugées vagues ou indéfinies, mais des définitions figurant déjà dans les revendications du brevet tel que délivré.
Les conclusions de la Chambre
21. La Chambre fait observer que le rejet d'une requête peut se fonder sur l'article 84 CBE, si cette objection a été soulevée à l'encontre de modifications apportées aux revendications du brevet tel que délivré. Les problèmes de clarté peuvent également jouer un rôle lorsqu'il s'agit de statuer sur des objections formulées au titre de l'article 100 CBE, concernant par ex. l'absence de nouveauté, d'activité inventive, ou le caractère insuffisant de l'exposé. Dans la décision T 626/91 (citée supra), rendue dans le cadre d'une procédure inter partes, la question de la clarté de l'une des caractéristiques utilisées pour définir l'objet revendiqué a été abordée dans le cadre de l'examen de la nouveauté et du caractère suffisant de l'exposé. Cette caractéristique ne provenait pas d'une modification. La chambre avait décidé que puisque le brevet en litige ne fournissait aucune information pertinente pour la détermination de la caractéristique en question, il devait être considéré que l'objet correspondant n'avait pas été exposé de façon suffisamment claire et complète.
22. La décision T 409/91 (citée supra) a été rendue dans le cadre d'une procédure ex parte, au cours de laquelle il était donc possible de soulever des objections au titre de l'article 84 CBE. Dans cette décision, la chambre, se référant au principe général du droit qui veut que l'étendue de la protection conférée par le brevet, telle que définie dans les revendications, ne soit fondée ou justifiée que si elle correspond à un apport technique, a établi un lien entre les conditions requises à l'article 83 CBE et celles requises à l'article 84 CBE. Elle a estimé que pour pouvoir satisfaire aux conditions énoncées à l'article 83 CBE, la demande telle que déposée doit contenir suffisamment d'informations pour que l'homme du métier puisse, en s'aidant de ses connaissances générales, réaliser l'invention dans l'intégralité du domaine revendiqué. Les revendications qui, à la suite de l'omission d'une caractéristique essentielle, s'étendent à des éléments qui ne seraient pas encore accessibles à l'homme du métier une fois qu'il aurait lu la description peuvent appeler des objections au titre des articles 83 et 84 CBE.
23. Dans la décision T 435/91 (citée supra), rendue dans une procédure inter partes, la chambre a estimé qu'une des revendications, relative à une composition détergente comprenant un "additif" défini en termes fonctionnels, ne pouvait être admise au regard de l'article 83 CBE, le brevet ne divulguant pas de concept technique se suffisant à lui-même, correspondant vraiment à cette définition en termes fonctionnels de l'"additif". Elle a considéré que cette définition constituait simplement une invitation à mettre en oeuvre un programme de recherche en vue de trouver d'autres "additifs" satisfaisant à la condition "fonctionnelle" posée dans la revendication (cf. point 2.2.1 des motifs).
24. Dans la présente affaire, la revendication 2 selon la requête subsidiaire 1 et selon la requête subsidiaire 2 porte entre autres sur la préparation dans un système recombinant de dérivés de la séquence de 527 acides aminés "telle que définie à la revendication 1" (requête subsidiaire 1) ou "telle que pouvant être codée par ledit isolat de la séquence d'ADN selon la revendication 1" (requête subsidiaire 2), ces dérivés ayant une "fonction d'activateur du plasminogène de tissu humain". La Chambre note que dans ces requêtes, contrairement à la requête principale examinée ci-dessus, la séquence de 527 acides aminés, et la séquence nucléotidique la codant ne sont pas définies par référence à des séquences spécifiques, mais par d'autres paramètres, tels que le schéma de restriction et les propriétés d'hybridation de l'ADNc codant. Ces revendications n'indiquent donc pas, pour les dérivés, de structure de référence du t-PA humain (que ce soit sous forme de séquence d'acides aminés ou de séquence de nucléotides), comme c'était le cas dans les revendications selon la requête principale.
25. La Chambre observe en outre que la caractéristique "ayant une fonction d'activateur du plasminogène de tissu humain" est tout à fait vague et ambiguë. Bien qu'elle n'ait pas été modifiée au cours de la procédure d'opposition, sa signification, et donc sa clarté, doivent être réexaminées dans le cadre des modifications apportées aux revendications, étant donné l'importance que revêt cette caractéristique lorsqu'il s'agit de décider si l'exposé de l'invention est suffisamment clair et complet (cf. décision T 626/91 citée supra).
26. Le t-PA humain est une molécule aux fonctions multiples, dont certaines sont communes à d'autres molécules, comme par ex. l'urokinase (cf. description du brevet en litige, page 1, lignes 42 à 58). Par conséquent, une indication qui ne permet pas de caractériser la/les fonction(s) précise(s) dont il est question n'est d'aucune utilité pour l'homme du métier. Le brevet en litige contient au moins quatre définitions à cet égard :
a) à la page 5, lignes 24 à 27, il est précisé que le t-PA humain est un activateur extrinsèque (tissulaire) du plasminogène humain produit par des systèmes de culture microbiologique ou cellulaire, sous forme bioactive comprenant une partie protéase et correspondant aux activateurs naturels du plasminogène du tissu humain ;
b) à la page 5, lignes 59 à 61, il est fait référence à la fonction de la sérine protéase et à la liaison à la fibrine;
c) à la page 5, lignes 62 à 65, il est question de produits comprenant uniquement la partie sérine protéase;
d) à la page 6, lignes 1 à 3, mention est faite d'un produit capable de catalyser la conversion du plasminogène en plasmine, se liant à la fibrine et classé en tant que t-PA sur la base de propriétés immunologiques.
En conséquence, l'homme du métier ne sait pas avec certitude quelle est la signification exacte de l'expression "ayant une fonction d'activateur du plasminogène de tissu humain".
27. Compte tenu de ce qui précède, la Chambre attribue à la caractéristique "ayant une fonction d'activateur du plasminogène de tissu humain" la signification la plus large possible, à savoir n'importe quelle fonction (non spécifiée) du t-PA humain. Cette définition montre que l'objet de la revendication 2 porte sur un vaste catalogue de dérivés de t-PA humain de structure non spécifiée, ayant n'importe quelle fonction du t-PA humain. Il est incontestable que la présente description divulgue l'obtention de t-PA humain dans un système recombinant. Toutefois, de l'avis de la Chambre, vu notamment l'interprétation très large donnée des fonctions du paramètre cité, les exemples et informations fournis ne sont pas suffisants pour qu'un homme du métier, se fondant sur ses connaissances générales, puisse réaliser l'invention dans l'ensemble du domaine revendiqué sans avoir à déployer d'efforts déraisonnables. Le texte de la revendication 2 ne permet pas à l'homme du métier de savoir si la revendication couvre n'importe quel dérivé de t-PA humain possédant seulement une des fonctions caractéristiques de cette molécule. A cet égard, la Chambre estime, en accord sur ce point avec les décisions qui ont été citées, que le brevet en litige n'expose pas suffisamment l'invention, de sorte qu'il ne satisfait pas aux conditions requises à l'article 83 CBE. En outre, le domaine couvert par la revendication n'est pas clairement défini, ce qui est contraire aux dispositions de l'article 84 CBE.
28. En conséquence, les requêtes subsidiaires 1 et 2 doivent être rejetées en vertu des dispositions des articles 83 et 84 CBE.
Requête subsidiaire 3
29. Comme indiqué supra au point XIII, dernier paragraphe, cette requête subsidiaire ne diffère de la requête subsidiaire 1 qu'en ce que les revendications 1 et 2 définissent en ces termes la "fonction de t-PA humain" : "est en particulier capable de catalyser la conversion du plasminogène en plasmine, se lie à la fibrine et est classé en tant que t-PA sur la base de propriétés immunologiques". Dans le contexte des revendications en litige, cette modification signifie que le texte actuel des revendications 1 et 2 porte sur un procédé de préparation d'une protéine présentant au minimum les fonctions du t-PA humain qui sont indiquées. De l'avis de la Chambre, cette modification clarifie la caractéristique contestée : "ayant une fonction d'activateur du plasminogène de tissu humain" selon les requêtes subsidiaires 1 et 2 (cf. points 25 à 28 supra), de sorte que les motifs de rejet de ces requêtes ne peuvent être invoqués pour rejeter la présente requête. En effet, bien que les revendications selon cette requête ne mentionnent elles non plus aucune structure de référence du t-PA humain (cf. point 24 supra) pour les dérivés de t-PA humain, elles indiquent au moins les activités biologiques qui doivent être testées lorsque l'on apporte des modifications à la protéine obtenue conformément à la revendication 1, ce qui ramène à un niveau acceptable la somme de travail nécessaire pour que l'homme du métier puisse mettre en oeuvre l'invention dans l'ensemble du domaine revendiqué. En outre, le domaine couvert par la revendication est désormais défini de façon suffisamment précise pour pouvoir satisfaire aux conditions requises à l'article 84 CBE.
Recevabilité de la requête
...
37. En résumé, la Chambre estime que les modifications apportées selon la requête subsidiaire 3 n'étendent pas la protection par rapport aux revendications du brevet tel que délivré et qu'elles n'ajoutent pas d'éléments s'étendant au-delà du contenu de la demande telle qu'elle a été déposée. Cette requête n'appelle donc pas d'objection au titre de l'article 123(2) et (3) CBE.
La question de la reformatio in peius
La position des requérants
38. Les requérants ont allégué pour l'essentiel que la requête subsidiaire 3, qui ne fait plus référence à la séquence spécifique exposée à la figure 5, a désormais une portée beaucoup plus large que les revendications telles que maintenues par la division d'opposition (requête principale), dans lesquelles cette référence constituait une caractéristique d'une importance capitale. A cet égard, le requérant VII a présenté un calcul montrant que cette omission dans la requête subsidiaire 3 entraîne une diminution du nombre de nucléotides de référence (sondes, sites de restriction), qui n'atteint plus que 13,5% du nombre total de nucléotides indiqué dans la figure 5 selon la requête principale (214 sur 1581), ce qui, d'après ce requérant, montre bien la différence considérable qui existe entre les deux requêtes au niveau de l'étendue de la protection conférée. Aussi, compte tenu de la décision G 4/93 (citée supra; cf. aussi G 9/92, JO OEB 1994, 875), la présente requête ne devrait-elle pas être admise dans la procédure, car si la Chambre y faisait droit, les requérants seraient dans une situation pire que s'ils n'avaient pas formé de recours ("reformatio in peius").
La position de l'intimé
39. L'intimé a répliqué que bien qu'elles utilisent des termes différents, les revendications selon la requête subsidiaire 3, les revendications selon la requête principale et les revendications du brevet tel que délivré ont toutes la même vaste portée, à savoir qu'elles couvrent la préparation de n'importe quel t-PA humain et de dérivés fonctionnels dans un organisme hôte recombinant. Bien que différents, les textes des revendications selon ces requêtes ont donc la même étendue. Dans ces conditions, l'interdiction énoncée dans la décision G 4/93 (citée supra) ne peut pas s'appliquer.
Les conclusions de la Chambre
40. Dans la décision G 4/93 (citée supra), la Grande Chambre de recours a déclaré que "si l'opposant est l'unique requérant contre une décision intermédiaire maintenant le brevet dans sa forme modifiée, le titulaire du brevet ne peut en principe dans le cadre de la procédure de recours que défendre le brevet tel qu'approuvé par la division d'opposition dans sa décision intermédiaire. La chambre de recours peut rejeter toutes les modifications proposées par le titulaire du brevet en sa qualité de partie à la procédure conformément à l'article 107, deuxième phrase CBE, si ces modifications ne sont ni utiles ni nécessaires" (cf. dispositif, point 2). Dans la présente affaire, l'intimé ne pouvait faire valoir que la décision de la division d'opposition n'avait pas fait droit à ses prétentions, vu que celle-ci avait fait droit à sa requête principale. Il ne pouvait donc pas former de recours (cf. article 107 CBE). Toutefois, comme cette requête principale est désormais attaquée avec succès par les requérants (cf. les conclusions de la Chambre exposées supra), on peut s'attendre à ce que l'intimé présente des modifications afin de défendre son brevet, en tentant de riposter aux objections soulevées au sujet de sa requête principale. Cependant, comme dans l'affaire G 4/93 (citée supra), il y a lieu de rejeter les requêtes modifiées qui, si la Chambre y faisait droit, placeraient le requérant dans une situation pire que s'il n'avait pas formé de recours.
41. Il y a donc lieu d'examiner si les revendications selon la requête subsidiaire en question ont une portée plus large que les revendications selon la requête principale (revendications telles que maintenues par la division d'opposition; cf. point IV supra). Cette requête principale était centrée sur la "séquence d'acides aminés 1-527 telle que représentée à la figure 5", ainsi que sur ses allèles et dérivés. Comme elle a été rejetée pour défaut de nouveauté, la Chambre ayant conclu qu'elle ne pouvait pas revendiquer la première date de priorité (cf. points 3 à 17 supra), l'intimé a tenté avec juste raison dans la requête subsidiaire 3 de définir la protéine sans faire référence à la figure 5. La protéine est désormais définie par l'ADN la codant et par sa fonction. L'ADN codant la protéine n'est pas défini par une séquence, mais par son origine ("ADNc dérivé d'ARNm extrait de la lignée de cellules de mélanome de Bowes"), son schéma de restriction ("montré à la figure 4") et sa capacité à s'hybrider fortement avec les séquences (i) à (iii). La description figurant dans le fascicule du brevet montre que cet ADN code effectivement la séquence d'acides aminés 1-527 représentée à la figure 5.
42. La Chambre fait observer que s'il est vrai que la définition donnée dans la revendication 1 selon la requête subsidiaire 3, à savoir "ladite protéine comprend une séquence de 527 acides aminés à partir de la sérine N terminale jusqu'à la proline C terminale pouvant être codée par un ADNc ...", a une portée plus large qu'"une protéine ... qui comprend la séquence d'acides aminés 1-527 telle que représentée à la figure 5" (c'est la Chambre qui souligne), il n'en demeure pas moins que la revendication 2 selon la requête principale (cf. point IV supra) mentionnait déjà les allèles et les dérivés "de la séquence d'acides aminés 1-527 telle que représentée à la figure 5". Les requérants n'ont pas été en mesure de fournir, comme les y a invités la Chambre au cours de la procédure orale, un exemple qui soit couvert par les nouvelles revendications proposées, mais non par les revendications approuvées par la division d'opposition,. Pour cette raison, la Chambre estime que la portée globale des revendications dans les différentes requêtes est la même. Il convient en outre de noter que l'expression vague "fonction de t-PA humain" selon la requête principale a été clarifiée dans la requête subsidiaire 3 (cf. point 29 supra). De l'avis de la Chambre, s'il était fait droit à cette requête, les requérants ne se trouveraient pas dans une situation pire que s'ils n'avaient pas formé de recours. Cette requête est donc admissible.
Caractère suffisant ou non de l'exposé (article 83 CBE)
La position des requérants
43. Les requérants objectent que la présente invention n'est pas exposée de façon suffisamment claire et complète pour qu'un homme du métier puisse l'exécuter. Ils ont en particulier allégué que:
i) Bien que disponible dans certains laboratoires, la lignée de cellules de mélanome de Bowes n'était pas en général accessible au public sous une forme (dépôt auprès d'une institution reconnue) assurant un accès illimité pendant toute la durée de vie du brevet en litige. Les requérants se référaient à cet égard au brevet européen EP-B1-0 041 766 (document 12), qui avait été révoqué à la suite d'une opposition formée par des tiers, l'exposé de l'invention ayant été jugé insuffisant du fait que la lignée de cellules de mélanome de Bowes n'était pas disponible.
ii) Comme le montrent les comptes rendus d'expériences produits par le requérant VII au cours des procédures d'opposition et de recours, les exemples portant sur l'expression dans E.coli ne peuvent pas être mis en oeuvre. Cette constatation est également étayée par des preuves produites ultérieurement (cf. documents 36 à 38), qui montrent que longtemps après la date de priorité, l'obtention de t-PA humain dans E.coli posait encore des problèmes. Par conséquent, l'intimé ne pouvait pour le moins revendiquer ce mode de réalisation particulier.
iii) La description figurant dans le fascicule du brevet ne contient pas suffisamment d'informations sur la liaison à la fibrine et sur les essais immunologiques, qui sont importants pour permettre de distinguer le t-PA humain de l'urokinase (cf. description, page 3, lignes 44 à 52).
iv) L'information donnée au sujet de la sonde (iii) selon la revendication 1 risque d'induire en erreur, puisque l'on sait que c'est le fragment RsaI-PstI, et non le fragment HpaII-RsaI, qui a été utilisé pour l'isoler (cf. document 18, Pennica et al.).
v) La description du brevet en litige ne contient pas un seul exemple de dérivé fonctionnel, alors qu'il est revendiqué une foule de dérivés possibles, si bien qu'il ne s'agit là que d'une invitation à mettre en oeuvre un programme de recherche afin de trouver des dérivés appropriés de t-PA humain (cf. décision T 435/91 citée supra).
Les conclusions de la Chambre
44. En ce qui concerne les objections ci-dessus, la Chambre estime que:
i) Il ressort d'un grand nombre de preuves que les cellules de mélanome de Bowes étaient d'une manière générale disponibles et librement échangées dans la communauté scientifique composée de l'ensemble des personnes engagées dans un programme de recherche sur le t-PA (cf. par ex. les documents 7, 13 et 17), et que les chercheurs n'étaient pas liés par des accords de confidentialité ou des obligations contractuelles limitant l'utilisation ou la dissémination des cellules. En outre, il n'avait pas été fourni la preuve que les cellules n'étaient accessibles qu'à quelques laboratoires sélectionnés, pour une période de temps limitée. Aussi, de l'avis de la Chambre, les cellules de mélanome de Bowes étaient déjà comprises dans l'état de la technique à la date de priorité. Dans ces conditions, la Chambre, à la différence des requérants, ne peut considérer que l'intimé aurait dû faire en sorte que ces cellules soient accessibles pendant toute la durée du brevet en litige, en procédant à un dépôt au sens de la règle 28 CBE.
ii) Selon la jurisprudence constante les chambres de recours (cf. par ex. T 281/86, JO OEB 1989, 202; T 301/87, citée supra, et T 292/85, JO OEB 1989, 275), la question que soulève en l'occurrence l'application de l'article 83 CBE n'est pas de savoir si un exemple particulier qui a été décrit est exactement reproductible, mais si, considéré dans son ensemble, l'enseignement d'un brevet au sujet d'un mode de réalisation revendiqué permet à coup sûr à l'homme du métier de le mettre en pratique. En l'espèce, les requérants ne jugent pas insuffisant l'enseignement fourni par le brevet en litige au sujet de l'expression de t-PA humain dans des cellules de mammifère (cf. revendications 5 et 6). Ils contestent par contre comme insuffisant l'exposé de l'expression dans E.coli qui constitue l'objet de la revendication 4. A cet égard, la Chambre note qu'il ressort des preuves fournies ultérieurement par les requérants non pas qu'il était impossible d'exprimer une molécule de t-PA humain dans E.coli, mais que l'expression de t-PA actif "à un niveau significatif" (cf. document 36, Sarmientos et al.) n'était pas démontrée, ou que "la majeure partie de la protéine s'accumule dans le cytoplasme sous une forme inactive" (cf. document 37, Krause), ou encore que "l'expression est pauvre" (document 38, Rothstein et al.). Rappelons qu'il s'agit ici de savoir si l'enseignement du brevet en litige est suffisant pour permettre d'obtenir l'expression du t-PA humain dans E.coli à n'importe quel niveau. A cet égard, la dernière preuve citée tendrait plutôt à confirmer l'existence de cette possibilité puisqu'elle montre qu'une séquence d'ADN codant du t-PA humain peut effectivement être exprimée dans un système recombinant d'E.coli. Même si l'exemple particulier décrit ne peut pas être reproduit à l'identique, comme le montreraient selon le requérant VII les compte rendus d'expériences qu'il a produits, il ne permet pas de rejeter en bloc l'enseignement du brevet en litige. Il convient de se placer dans la perspective plus large de l'exposé considéré dans son ensemble (la séquence nucléotidique complète codant le t-PA humain et sa séquence d'acides aminés), et non de se cantonner dans un seul exemple, qui ne fait après tout que montrer de quelle manière l'intimé est parvenu au résultat final. De l'avis de la Chambre, l'homme du métier qui connaîtrait les informations relatives à la séquence et les résultats de l'expression de cette séquence dans un hôte mammifère n'aurait pas besoin de faire preuve d'esprit inventif ni de réaliser un nombre excessif d'expériences pour pouvoir réussir l'expression dans le système E.coli.
iii) Les essais immunologiques et ceux portant sur la liaison à la fibrine du t-PA humain étaient compris dans l'état de la technique à la date de priorité (cf. par ex. document 7 (Rijken et al.), en particulier les "procédures expérimentales"), et il n'était pas nécessaire de les présenter en détail dans la description du fascicule du brevet, leur réalisation ne posant pas de problèmes extraordinaires pour l'homme du métier.
iv) Le fait que l'isolement de la sonde (iii) selon la revendication 1 fasse intervenir au départ non pas le fragment HpaII-RsaI de pPA25E10 qui avait été indiqué, mais le fragment adjacent Rsal-Pstl ne peut être invoqué pour dénoncer l'insuffisance de l'exposé, car le premier fragment peut également, de par sa structure, s'hybrider avec un fragment PvuII de 4,2 kb d'ADN génomique humain ..., comme le confirment également les carnets de Pennica - cf. Notebook 6, pages 90 à 95, produits par l'intimé avec sa lettre du 7 mai 1991, dans lesquels il était indiqué que la sonde HpaII-RsaI de 110 bp avait été en fait utilisée pour recribler des clones positifs obtenus par criblage avec le fragment Rsal-Pstl de 230 bp.
v) Lorsqu'il s'agit de tester une structure moléculaire de base donnée (en l'occurrence la séquence nucléotidique et la séquence d'acides aminés de t-PA humain qui en est déduite) et une activité (en l'occurrence la capacité à catalyser la conversion du plasminogène en plasmine, la liaison à la fibrine et les propriétés immunologiques du t-PA), il est considéré que l'homme du métier peut préparer des dérivés fonctionnels génériques de la molécule, par délétion, substitution, insertion, addition ou remplacement d'acides aminés, en n'effectuant que des essais de routine ne nécessitant de sa part ni esprit inventif, ni efforts extraordinaires d'expérimentation.
45. Bref, la Chambre est d'avis qu'aucune des objections soulevées par les requérants ne permet de conclure que l'objet revendiqué n'est pas exposé de façon suffisamment claire et complète pour qu'un homme du métier puisse l'exécuter. En conséquence, le brevet en litige satisfait aux conditions requises à l'article 83 CBE.
Droit de priorité (articles 87 et 88 CBE)
46. De l'avis de la Chambre, l'objet revendiqué selon la présente requête peut bénéficier de la date de priorité du document P1, car tous les éléments le caractérisant sont déjà exposés dans ce document : il s'agit donc de la même invention. En particulier, le document P1 porte sur un procédé de préparation d'une protéine de t-PA humain par expression d'un ADN transformant (cf. p. 1 à 8) dans un organisme hôte recombinant, tel que E.coli ou des cellules de mammifère, ladite protéine comprenant une séquence de 527 acides aminés à partir de la sérine N-terminale jusqu'à la proline C terminale (cf. figure 5), telle que codée par de l'ADNc pouvant être dérivé d'ARNm extrait de cellules de mélanome de Bowes (cf. page 21), qui a le schéma de restriction représenté à la figure 4 et qui s'hybride fortement avec les mêmes sondes (i) à (iii) selon la revendication 1 de la requête subsidiaire 3 (cf. page 27, ligne 3; page 29, troisième ligne à partir de la fin ; pages 30 à 32 en liaison avec la figure 5, en particulier les nucléotides correspondant aux résidus d'acides aminés nos 30 à 67 qui sont identiques à ceux selon la figure 5 du brevet en litige). Le document P1 fait également référence à la préparation de variants de ladite protéine, qui sont soit des variants alléliques naturels, soit des variants obtenus par délétion, substitution, insertion, inversion ou addition d'acides aminés (cf. page 38). La requête subsidiaire 3 peut donc revendiquer la date de priorité du 5 mai 1982 (document P1).
Nouveauté (article 54 CBE)
...
Activité inventive (article 56 CBE)
....
59. Les autres revendications dépendantes ainsi que la formulation des revendications pour AT n'appellent aucune objection. En conséquence, la Chambre conclut que l'objet de la requête subsidiaire 3 implique une activité inventive. Il peut donc être fait droit à cette requête (revendications 1 à 15 pour les Etats désignés autres que AT et revendications 1 à 15 pour AT).
Dispositif
Par ces motifs, il est statué comme suit :
1. La décision contestée est annulée.
2. L'affaire est renvoyée à la première instance, à charge pour celle-ci de maintenir le brevet sur la base des revendications 1 à 15 (Etats désignés autres que AT) et 1 à 15 (AT) selon la nouvelle requête subsidiaire 3, telle que déposée lors de la procédure orale.
1 Seul un extrait de la décision est publié. Une copie de la décision complète dans la langue de la procédure peut être obtenue auprès du Bureau d'information à Munich moyennant versement d'une taxe de photocopie de 1,30 DEM par page.