CHAMBRES DE RECOURS
Décisions de la Chambre de recours juridique
Décision de la Chambre de recours juridique, en date du 30 janvier 1996 - J 29/95 - 3.1.1
(Traduction)
Composition de la Chambre :
Président : | R. Schulte |
Membres : | R.E. Teschemacher |
B.J. Schachenmann |
Demandeur : AXIS S.p.A.
Référence : Demandes divisionnaires/AXIS
Article : 76, 113(2) CBE
Règle : 25(1), 51(4), (5) et (6) CBE
"Demande divisionnaire" - "Notification au titre de la règle 51(4) CBE"
Sommaire
I. En autorisant des modifications proposées par le demandeur en réponse à la notification établie conformément à la règle 51(4) CBE, la division d'examen peut établir, en application de la règle 51(6) CBE, que le demandeur est d'accord avec le texte dans lequel il est envisagé de délivrer le brevet, sur la base de ces modifications et des textes notifiés au demandeur auxquels aucune modification n'a été apportée.
II. Pour qu'un accord soit valablement donné au sujet du texte dans lequel il est envisagé de délivrer le brevet , il est nécessaire de savoir clairement de quel texte il s'agit. Tel n'est pas le cas si la notification au titre de la règle 51(4) CBE se réfère à un texte en annexe qui n'est pas en fait annexé.
Exposé des faits et conclusions
I. La demande de brevet européen n° 92 103 552.3 a été déposée le 2 mars 1992. A la case 35 du formulaire de requête en délivrance, il était indiqué que la demande était une demande divisionnaire de la demande antérieure n° 89 110 492.9.
II. Dans une notification en date du 24 mars 1992, établie en application de la règle 69(1) CBE, la section de dépôt a informé le demandeur que la demande ne serait pas traitée comme demande divisionnaire au motif qu'elle avait été déposée alors que le demandeur avait déjà donné son accord à propos de la demande antérieure conformément à la règle 51(4) CBE.
III. Dans sa réponse, reçue le 8 avril 1992, le demandeur a requis une décision en application de la règle 69(2) CBE. Il a fait valoir que des modifications de la demande initiale avaient été sollicitées dans sa réponse en date du 13 février 1992 à la notification établie conformément à la règle 51(4) CBE et datée du 19 décembre 1991. Ces modifications avaient été acceptées par la division d'examen dans sa notification au titre de la règle 51(6) CBE en date du 3 mars 1992, c'est-à-dire après le dépôt de la demande divisionnaire. Vu les décisions J 11/91 et J 16/91 (JO OEB 1994, 28) et la question soumise à la Grande Chambre de recours de savoir jusqu'à quel moment un demandeur peut déposer une demande divisionnaire, la section de dépôt a informé le demandeur qu'aucune décision ne serait prise en l'espèce avant que la Grande Chambre de recours n'ait donné son avis dans l'affaire G 10/92.
IV. Une fois informé de l'avis G 10/92 (JO OEB 1994, 633), le demandeur a maintenu sa requête en décision au motif que la proposition de modifications contenue dans sa lettre du 13 février 1992 ne pouvait être interprétée comme valant acceptation du texte notifié par la division d'examen.Après avoir reçu cette requête en modification, l'OEB aurait dû émettre une nouvelle notification au titre de la règle 51(4) CBE plutôt que d'établir directement la notification au titre de la règle 51(6) CBE.
V. Le 25 juillet 1995, la section de dépôt a rendu une décision en vertu de laquelle la demande ne serait pas traitée comme demande divisionnaire. Dans les motifs de sa décision, elle a fait valoir que, conformément à la pratique publiée de l'OEB (cf. Communiqué du Vice-Président chargé de la direction générale 2 en date du 20 septembre 1988, JO OEB 1989, 43), il n'est pas nécessaire que le demandeur donne expressément son accord sur les pièces destinées à la délivrance en présentant sa requête en modification ; la requête en modification, une fois acceptée, vaut accord du demandeur sur le texte.
VI. Le 25 septembre 1995, le demandeur a formé un recours contre cette décision et déposé le mémoire exposant les motifs du recours ; la taxe correspondante a été acquittée le même jour.
VII. Le requérant a fait valoir que les pièces annexées à la notification établie conformément à la règle 51(4) CBE ne contenaient pas la page 3 de la description, alors que la division d'examen proposait une modification de la page 3b de ladite description. L'omission de la page 3 était signalée par le requérant dans sa réponse à la notification. Celui-ci proposait en outre d'apporter des modifications aux pages 3a, 3b, 13, 18, 22 et 23, ainsi qu'aux figures 8 à 15. La réponse ne contenait aucune déclaration selon laquelle le texte destiné à la délivrance était approuvé, et il ne pouvait pas être considéré que la lettre valait acceptation implicite du texte puisque le demandeur n'avait pas pu prendre connaissance de la page 3 de la description telle que proposée par la division d'examen. De plus, les propositions de modifications du demandeur contenaient une "contre-offre" à "l'offre" faite par la division d'examen dans la notification établie en application de la règle 51(4) CBE. En vertu des principes établis de droit civil en vigueur dans les Etats contractants, une contre-offre n'est pas acceptée tant que l'acceptation de l'offre n'a pas été notifiée à la partie d'où l'offre émane. En l'espèce, l'OEB avait accepté l'offre du demandeur par le biais de la notification établie au titre de la règle 51(6) CBE. Dès lors, la contre-offre ne prenait effet qu'après le dépôt de la demande divisionnaire.
VIII. Le requérant a demandé que la décision attaquée soit annulée. Ses conclusions contennait implicitement la requête visant à ce que la demande soit traitée comme demande divisionnaire de la demande n° 89 110 492.9.
IX. En outre, le requérant a demandé que la taxe de recours et ses frais lui soient remboursés compte tenu du vice substantiel de procédure commis dans la procédure selon la règle 51, paragraphes (4) et (6) CBE et du retard injustifié de la section de dépôt dans la poursuite de la procédure.
Motifs de la décision
1. Le recours, qui est recevable, est dirigé contre la décision prise par la section de dépôt de ne pas traiter la demande litigieuse comme demande divisionnaire, décision prise au motif que le demandeur avait valablement donné son accord sur le texte dans lequel il était envisagé de délivrer un brevet relatif à la demande initiale,avant le dépôt de la demande litigieuse.
2. La règle 25(1) CBE dispose que le demandeur peut déposer une demande divisionnaire jusqu'au moment où il donne, conformément à la règle 51(4) CBE, son accord sur le texte dans lequel il est envisagé de délivrer le brevet. Allant à l'encontre des décisions J 11/91 et J 16/91 (cf. supra), la Grande Chambre de recours a confirmé dans G 10/92 (cf. supra) que les conditions énoncées à la règle 25(1) CBE, qui fixent la date limite à laquelle un demandeur peut déposer une demande divisionnaire, ne sont pas incompatibles avec les dispositions de l'article 76(3) CBE.
3. Dans la présente espèce, le demandeur a répondu à la notification établie conformément à la règle 51(4) CBE par une requête en modification. Lorsque cette situation se présente, la règle 51(6), première phrase CBE prévoit expressément que la division d'examen peut établir que le demandeur est d'accord avec le texte dans lequel est envisagée la délivrance "en tenant compte éventuellement des modifications proposées". Cela signifie que la division d'examen peut poursuivre la procédure sur la base des modifications proposées et que les pièces auxquelles aucune modification n'a été apportée restent inchangées. La règle 51 CBE ne permet pas au demandeur de prendre position sur une partie seulement des pièces qui lui sont communiquées. Par conséquent, la division d'examen peut, en application de la règle 51(6), première phrase CBE, établir que les parties des pièces destinées à la délivrance pour lesquelles aucune modification n'a été sollicitée, ont été approuvées par le demandeur. Ce n'est que lorsque le demandeur a sollicité des modifications relatives à certaines parties spécifiques des pièces qui lui sont communiquées, et qu'il déclare ne pas être d'accord avec d'autres parties des documents, que la division d'examen ne peut établir l'accord du demandeur. Dans ce cas, toutefois, la règle 51(5), première phrase CBE est applicable et la demande est rejetée.
4. Non seulement cette façon de procéder découle clairement du libellé de la règle 51 (4) à (6) CBE, mais elle va dans le sens d'une rationalisation de la procédure. La règle 51(4) CBE prévoit une dernière vérification des pièces destinées à la délivrance. Elle met un point final à l'examen quant au fond. Cela implique qu'à ce stade, le demandeur ne doit plus pouvoir mettre en doute le résultat de l'examen préalablement réalisé, lequel s'est fondé sur ses propres requêtes, et réserver sa position eu égard à l'intégralité de la demande.
5. Il reste à examiner si, compte tenu des circonstances de l'espèce, la réponse à la notification établie au titre de la règle 51(4) CBE avait valeur d'accord donné au texte dans lequel il était envisagé de délivrer le brevet.
6. On ne peut donner une réponse positive à cette question que si l'on sait avec certitude sur quel texte le demandeur a donné son accord. A cet égard, la réponse est sans ambiguïté pour ce qui est du texte notifié au demandeur et des modifications apportées par celui-ci audit texte, puisqu'il s'agit de pièces annexées à la notification ou à la réponse.
7. Il en va tout autrement de la page 3 manquante de la description. Sur la page de garde de la notification (formulaire 2004), il y est fait référence en tant que "page 3 reçue le 22 juillet 1991 par lettre en date du 19 juillet 1991", et la seule modification proposée par la division d'examen portait sur la page 3b. Il est mentionné sur la même page de garde qu'une copie des pièces pertinentes est jointe. Les indications figurant sur la page de garde ne correspondaient donc pas aux pièces annexées, puisque la page 3 était en réalité manquante.
8. La pratique consistant à transmettre une copie complète des pièces au demandeur en vue d'obtenir son accord vise à garantir de façon absolue que le brevet ne soit délivré que dans le texte accepté par le demandeur (article 113(2) CBE). Le demandeur a notamment la possibilité de contrôler la totalité des pièces réunies, sans devoir les rassembler en suivant les références indiquées dans la notification. Si les pièces sont incomplètes par suite d'une erreur administrative lors de la préparation de la notification au titre de la règle 51(4) CBE, la notification n'atteint pas son but. Au cas où la notification se contredit elle-même, on ne peut pas savoir exactement sur quel texte le demandeur a donné son accord et on ne peut pas considérer qu'un accord a été exprimé au sujet d'un texte qui n'a pas été transmis.
9. La réponse du demandeur ne peut pas non plus être interprétée comme étant une requête visant à l'insertion de la page 3 par le biais d'une modification. Le demandeur s'est contenté de faire remarquer à la division d'examen qu'une page manquait. Il n'a pas sollicité qu'une version bien précise de ladite page soit incluse dans les pièces destinées à la délivrance. Par conséquent, il incombait à la division d'examen d'envoyer au demandeur une copie de la page 3, dans la version dans laquelle il était envisagé de délivrer le brevet, et d'obtenir son accord sur ce texte. Sans cette confirmation, on ne peut considérer que le demandeur a donné son accord, comme le prévoit la règle 51(4) CBE, et les conditions énoncées à la règle 25(1) CBE concernant la date limite à laquelle des demandes divisionnaires peuvent être déposées ne sont pas remplies.
10. Eu égard à la règle 67 CBE, le remboursement de la taxe de recours demandé par le requérant n'est pas justifié. L'on peut laisser en suspens la question de savoir si un vice substantiel de procédure supposé avoir été commis à propos de la demande antérieure pourrait donner lieu à un remboursement de la taxe de recours dans le cadre de la procédure concernant la présente demande divisionnaire. L'envoi de la notification établie au titre de la règle 51(6) CBE après la réception de la réponse du demandeur à la notification émise conformément à la règle 51(4) CBE était fondé sur une interprétation de la déclaration du demandeur qui s'est révélée erronée pour des raisons juridiques. Une application erronée du droit ne suffit pas toutefois à établir l'existence d'un vice substantiel de procédure au sens de la règle 67 CBE.
11. Le requérant n'a pas non plus prouvé que la section de dépôt avait retardé de façon injustifiable la poursuite de la procédure relative à la présente demande. Selon le point de vue juridique adopté par la section de dépôt, l'avis que devait rendre la Grande Chambre de recours dans l'affaire G 10/92 était déterminant pour le traitement de la présente affaire. Tant qu'il était possible que la Grande Chambre de recours confirme les décisions J 11/91 et J 16/91 (cf. supra), il convenait de ne pas rendre de décision négative dans la présente espèce (cf. T 166/84, JO OEB 1984, 489). Il ne ressort pas du dossier que le demandeur se soit opposé à ce traitement de l'affaire, dont il avait été informé.
12. Le requérant n'a pas précisé les autres frais dont il souhaitait le remboursement. Comme ni la règle 67 CBE, ni l'article 104 CBE ne peuvent servir de base au remboursement d'autres frais en l'espèce, il n'a pas été nécessaire d'examiner cette question plus avant.
Dispositif
Par ces motifs, il est statué comme suit :
1. La décision attaquée est annulée.
2. La demande doit être traitée comme une demande divisionnaire de la demande antérieure n° 89 110 492.9.
3. La requête en remboursement de la taxe de recours et d'autres frais est rejetée.