G. Questions institutionnelles
1. Les décisions de l'OEB, la Convention et les juridictions nationales
BE Belgique
Tribunal de commerce de Mons, 23 octobre 2014 (14/5716) – Société Oliver Funderingstechnieken c. Société Votquenne Foundations
Mots-clés : questions institutionnelles – OEB – indice
Le tribunal parvient à la conclusion que les moyens soulevés par la société V pour contester la validité du brevet européen ne peuvent être retenus. Le tribunal relève d'ailleurs que l'examinateur de l'OEB n'a pas réagi suite à la modification de la demande de brevet, ce qui est aussi un indice de validité, même s'il n'est pas contraignant pour le tribunal.
Note de la rédaction : pour le résumé complet de cette décision et une autre décision abordant cet aspect (Cour d'appel de Mons, 3 avril 2017 (17/1385) – Société Nouvag c. Monsieur M.), voir chapitre E.4. Modifications des revendications.
CH Suisse
Tribunal fédéral des brevets, 7 octobre 2015 (O2013_006)
Mots-clés : questions institutionnelles – harmonisation
Les chambres de recours de l'OEB et le tribunal fédéral allemand des brevets s'étaient déjà penchés sur ce brevet dans le cadre de procédures parallèles. Le tribunal fédéral suisse des brevets a retenu qu'aux fins d'harmonisation au niveau européen, il convenait de prendre en compte les décisions rendues par les juridictions étrangères dans le cadre de procédures parallèles. Il a estimé que les parties étaient tenues, à tous les stades de la procédure, de l'informer immédiatement de telles décisions.
Note de la rédaction: pour le résumé complet de cette décision, voir chapitre B.1. État de la technique.
DE Allemagne
Cour fédérale de justice, 2 décembre 2014 (X ZB 1/13) – Dispositif de numérotation des sièges
Mots-clés : questions institutionnelles – harmonisation – décisions de l'OEB – droit d'être entendu
Le défendeur était titulaire d'un modèle d'utilité allemand qui portait sur un dispositif de numérotation des sièges pour des rangées assemblées dans des halls, des salles ou des pièces analogues.
Le défendeur faisait valoir que dans sa décision, le Tribunal fédéral des brevets n'avait pas pris en considération la notification intermédiaire de la division d'opposition de l'Office européen des brevets (versée au dossier), ni sa décision de rejeter l'opposition contre le brevet européen parallèle, qui concluaient, sur la base des mêmes documents cités, que le dispositif de numérotation des sièges proposé était brevetable. S'agissant de la question de savoir si l'objet du modèle d'utilité litigieux impliquait une activité inventive, la division d'opposition de l'Office européen des brevets avait apprécié deux aspects techniques différemment du Tribunal fédéral des brevets.
La Cour fédérale de justice a estimé que le droit du défendeur à être entendu n'avait pas été violé. Les tribunaux allemands doivent tenir compte des décisions rendues par les instances de l'Office européen des brevets ou par les tribunaux des autres États parties à la Convention sur le brevet européen, dans la mesure où elles concernent essentiellement la même problématique, et, le cas échéant, se pencher attentivement sur les motifs qui ont conduit à un résultat divergent dans la décision antérieure. Cela s'applique également à la question de savoir si l'objet d'un droit de protection découlait de façon évidente de l'état de la technique (Cour fédérale de justice Xa ZB 10/09 – Profileuse à rouleaux). Il peut y avoir violation du droit d'être entendu si un tribunal omet de se pencher attentivement sur la décision d'un autre tribunal comme il le devrait. Ce n'était toutefois pas le cas en l'espèce.
La Cour fédérale de justice a constaté que le Tribunal fédéral des brevets avait manifestement pris connaissance de l'avis provisoire et de la décision de la division d'opposition concernant le rejet de l'opposition, et que selon les motifs de sa décision, il les avait pris en considération de manière suffisante eu égard au droit du défendeur à être entendu. Il n'est pas possible de généraliser dans quelle mesure les motifs écrits doivent refléter le résultat de l'analyse requise d'une autre décision qui porte essentiellement sur la même problématique ; cette question dépend des circonstances particulières de l'espèce.
Dans le sommaire de son arrêt, la Cour fédérale de justice a estimé qu'en fonction du cas, l'exigence selon laquelle un tribunal doit se pencher attentivement sur une décision divergente de l'Office européen des brevets ou d'un tribunal d'un autre État partie à la Convention sur le brevet européen (Cour fédérale de justice – Xa ZB 10/09 – Profileuse à rouleaux) peut être également remplie si le tribunal motive sa propre décision en traitant des considérants qui ont fondé l'appréciation divergente.
FR France
Tribunal de grande instance de Paris, 21 novembre 2014 (10/14073) – Ethypharm c. AstraZeneca AB & CIPLA Ltd
Mots-clés : questions institutionnelles – autorité des décisions des chambres de recours
Dans cette affaire, la société A faisait valoir que les arguments avancés par la société E au soutien de son grief tiré de la violation de l'art. 123 CBE étaient les mêmes que ceux déjà rejetés par les instances de l'OEB. Le tribunal énonce que les décisions de l'OEB, organe administratif, si elles sont naturellement prises en compte avec le plus grand intérêt, ne lient pas le juge français des brevets. Ensuite, sur l'activité inventive, le tribunal relève que l'art. 56 CBE n'exige pas, pour déterminer si un brevet procède ou non d'une activité inventive, de procéder par une approche problème-solution en identifiant au préalable un état de la technique le plus proche du brevet attaqué, cette approche étant propre à la jurisprudence des chambres de recours de l'OEB mais ne s'imposa pas aux juridictions françaises.
Note de la rédaction : pour le résumé complet de cette décision, voir chapitre C.2. Approche problème-solution. Pour d'autres décisions reportées dans cette publication abordant cet aspect, voir aussi : Tribunal de grande instance de Paris, 15.01.2016 (13/17432) – Time Sport c. Decathlon ; Tribunal de grande instance de Paris, 14.04.2016 (14/05992) – SAS Bayer Healthcare & Bayer Animal Health GmbH c. Intervet International BV ; Tribunal de grande instance de Paris, 26.05.2016 (14/05090) – Mme W et France Brevets c. Nintendo ; Cour d'appel de Paris, 7.10.2016 (14/16544) – PMT Italia c. ABK Machinery.
2. Sursis à statuer
BE Belgique
Cour d'appel de Bruxelles, 5 mars 2015 – Shamrock Technologies c. État belge
Mot-clé : questions institutionnelles – sursis à statuer – art. 1 Protocole 1 CEDH
La société S est titulaire du brevet européen 1 001 880, délivré en anglais. La loi belge de 1977 impose la traduction en français dans le délai de trois mois après le jour de la publication. Faute d'une telle traduction, le brevet a été réputé sans effet en Belgique par l'OPRI (Office belge de la propriété intellectuelle).
La société S fait valoir devant les juridictions belges que la loi de 1977 porte une atteinte disproportionnée au droit de propriété sur son brevet européen tel que garanti par l'art. 1 du Protocole 1 de la CEDH.
La cour d'appel de Bruxelles a sursis à statuer et a posé à la Cour constitutionnelle belge une question préjudicielle. La cour constitutionnelle, par arrêt 3/2014 du 16 janvier 2014, a déclaré que les dispositions de ladite loi de 1977 violent l'art. 16 de la Constitution, lu en combinaison avec l'art. 1 du Protocole 1 de la CEDH (le brevet européen étant un bien au sens de l'art. 1 du Protocole 1 CEDH).
La cour d'appel de Bruxelles juge qu'il ne peut être sérieusement soutenu par l'État belge que l'absence de traduction des fascicules originaires permettrait de ne plus qualifier ce brevet de bien. De même, la cour écarte l'argumentation consistant à dire qu'il ne s'agirait pas d'un bien actuel ou encore qu'il s'agirait d'un bien conditionnel qui disparaît après trois mois à défaut du dépôt de traduction. La société S n'invoque pas le Premier protocole pour acquérir un bien mais pour s'opposer à être privée d'un bien qu'elle détenait. La validation nationale invoquée par l'État belge, constituée par le dépôt d'une traduction complète, n'est pas une étape liée à la délivrance d'un brevet européen mais une étape postérieure à celle-ci. Elle ne peut donc constituer une condition préalable à la naissance du droit de propriété intellectuelle qui résulte de la délivrance du brevet par l'OEB (art. 64 CBE). Les dispositions de l'art. 65 CBE et de la loi de 1977 ne modifient pas la qualité juridique du brevet délivré mais se bornent à prévoir qu'à défaut de traduction, il sera privé d'effet c'est-à-dire qu'il ne sera pas opposable aux tiers.
Bien que l'absence de traduction n'influence presque pas la connaissance que des tiers peuvent acquérir de l'existence et de la portée du brevet européen, le législateur a opté pour une sanction extrême. L'art. 65(3) CBE n'exige pas une telle sanction. La privation de propriété en cause n'est pas proportionnée au but poursuivi et porte une atteinte non justifiée au droit de propriété du titulaire du brevet européen.
Les droits des tiers en l'espèce ne sont pas compromis par la rétroactivité.
La cour d'appel de Bruxelles dit pour droit que le brevet européen sort ses pleins et entiers effets en Belgique du fait et à compter de sa délivrance par l'OEB le 21 septembre 2005 en application de l'art. 64 CBE, et ordonne la suppression de la mention "sans effets" au Registre belge des brevets.
Note de la rédaction : Suppression par la loi du 29 juin 2016, portant dispositions diverses en matière d'économie, de l'exigence de dépôt, en Belgique, d'une traduction des fascicules de brevets européens délivrés en anglais (réforme entrée en vigueur le 1er janvier 2017).
FR France
Tribunal de grande instance de Paris, ordonnance du juge de la mise en état, 14 avril 2016 (15/06549) – Piaggio c. Peugeot Motocycles
Mots-clés : questions institutionnelles – sursis à statuer facultatif – appréciation du juge
La société P invoque quatre brevets européens dont elle est titulaire parmi lesquels le brevet européen 1 635 234 intitulé "Système de contrôle pour groupes fonctionnels d'un véhicule". La société P a fait assigner la société PM, devant le tribunal de grande instance de Paris, en contrefaçon de ses 4 brevets. La société PM sollicite notamment du juge de la mise en état de surseoir à statuer sur l'ensemble des demandes de la société P dans l'attente d'une décision définitive et purgée de tout recours de l'Office européen des brevets sur les oppositions formées à l'encontre du brevet européen 1 635 234.
Sur le sursis à statuer, le juge énonce que le sursis à statuer dans le cadre d'une action en contrefaçon de brevet européen, dans l'attente de l'issue d'une procédure d'opposition devant l'OEB, est facultatif et relève du pouvoir souverain d'appréciation du juge, au regard de l'intérêt d'une bonne administration de la justice. Si le juge ne peut procéder à un examen des oppositions pour en apprécier la valeur, il doit néanmoins, préalablement au prononcé du sursis, s'assurer que la demande de sursis à statuer n'est pas dilatoire et que les arguments développés à l'appui de l'opposition ou du recours ne sont pas dépourvus de sérieux.
En l'espèce, le juge relève que ledit brevet a fait l'objet de deux oppositions par une société japonaise Y et par la société PM en juillet 2015. La société PM expose justement que son choix de saisir l'OEB plutôt que de faire valoir la nullité du brevet devant la juridiction française s'explique notamment par l'existence d'au moins deux procédures en cours à son encontre en Italie et en France. En octobre 2015, la société PM a demandé un traitement accéléré de la procédure devant l'OEB qui devrait permettre d'obtenir une décision au cours du premier trimestre 2017. En décembre 2015, la société P a demandé une extension du délai de réponse. Il ne peut dans ces circonstances être reproché à la société PM d'avoir été négligente dans son recours ou dilatoire. Par ailleurs, la société PM expose et produit les moyens invoqués par elle et par la société Y à l'appui des recours formés. Ces moyens sont exposés par la société PM dans ses écritures. Le juge résume trois des quatre motifs d'opposition invoqués, relevant entre autres que sur le motif d'extension au-delà du contenu de la demande telle que déposée, la description d'origine mentionnait un "gearcase" et que ce terme aurait été remplacé par un "controller" ; sur le défaut de nouveauté soulevé, le juge énonce que l'argument le plus marquant est que la société P a déposé auparavant une demande européenne quasiment identique, avec le même inventeur, qui fait partie de l'état de la technique. Le juge conclut qu'au vu de ces éléments et des pièces versées aux débats, le juge de la mise en état constate le caractère suffisamment sérieux et non dilatoire de la procédure de recours engagée et sursoit à statuer jusqu'à la décision de la division d'opposition de l'OEB. Les parties s'entendent pour considérer que les quatre brevets de la société P sont liés entre eux et dès lors le sursis décidé jusqu'à la décision de la division d'opposition de l'OEB concernant le brevet européen 1 635 234 doit s'étendre à l'intégralité du litige.
Note de la rédaction : Pour un autre exemple récent de sursis à statuer facultatif ordonné dans l'attente de la décision du recours sur opposition devant la chambre de recours, voir TGI Paris, ord. JME, 17 novembre 2016 Novartis c. Biogaran, faisant référence à des procédures parallèles, (PIBD 2017, n° 1064, III, p.33) et pour un exemple de sursis rejeté après avoir évalué le sérieux de l'opposition, voir TGI Paris, 17 avril 2015 (PIBD 2015, n° 1028, III, p. 363). Pour un exemple où le sursis à statuer est de droit sur le fondement de l'art. L. 614-15 CPI (action en contrefaçon sur la base d'un brevet européen revendiquant la priorité du brevet français et désignant la France), voir TGI Paris, ord. JME, 24 novembre 2016 (15/15648), société NCAM Technologies contre société Solidanim. Et la même décision comme exemple également où le sursis est de droit sur le fondement de l'art. L. 615-4, dernier alinéa, CPI (demande de brevet).
GB Royaume-Uni
Tribunal des brevets, 2 octobre 2015 – Fontem Holdings 1BV & Anor c. Ten Motives Limited & Ors [2015] EWHC 2752 (Pat)
Mots-clés : questions institutionnelles – sursis à statuer – opposition pendante à l'OEB
Dans l'affaire en question, 10 Motives avait demandé un jugement en référé et, à titre subsidiaire, un sursis à statuer sur la demande de Fontem relative à son brevet portant entre autres sur une structure de nébulisation qui améliore les effets aérosols et l'efficacité de la nébulisation des cigarettes électroniques.
Concernant la demande de sursis à statuer eu égard à la procédure d'opposition en instance devant l'OEB, le tribunal s'est référé aux principes établis dans la décision IPCOM GmbH c. HTC Europe Co Limited [2013] EWCA Civ 1496 (pour un résumé de cette décision, voir la 3e édition de "La jurisprudence des États parties à la CBE" (2011-2014), publication supplémentaire – JO 2/2015, p. 170). Le point essentiel est que le pouvoir de surseoir à statuer doit être exercé de manière à parvenir à un juste équilibre entre les parties en tenant compte de toutes les circonstances pertinentes de l'affaire. C'est cette question qui prime toujours en dernier ressort. Ceci étant dit, en l'absence d'autres facteurs, l'option par défaut est de suspendre la procédure nationale jusqu'à ce que soit achevée la procédure parallèle devant l'OEB relative à la validité du brevet.
Le juge Norris a fondé sa décision sur un certain nombre de facteurs. Il a notamment tenu compte de la durée du sursis, étant donné qu'il était peu probable que la procédure d'opposition devant l'OEB s'achève avant 2019. En outre, il était peu probable que la poursuite de la procédure engendre des frais inutiles. Le juge a également pris en considération l'effet d'un sursis à statuer dans un marché très fluctuant, comme celui de la cigarette électronique.
Le juge a par ailleurs relevé que le marché de la cigarette électronique était dynamique et se développait très rapidement. Les principaux acteurs utilisaient la technologie que Fontem disait avoir brevetée. Le brevet pouvait contenir le droit de propriété intellectuelle clé en matière de nébulisateurs. Il était dès lors souhaitable de garantir dès que possible le plus haut degré de sécurité commerciale pour le plus grand nombre d'acteurs. Les différentes marques se disputaient avant tout les parts de marché. Une fois qu'une marque s'était assuré une part de marché (même avec un produit contrefaisant), elle pouvait lancer toutes sortes de nouveaux produits. Le marché aurait été considérablement faussé si 10 Motives s'était vu garantir 35 % du marché britannique au motif qu'il avait formé une opposition devant l'OEB, alors qu'un litige portant sur des questions similaires (mais pas absolument identiques) opposerait les autres acteurs du marché à Fontem en mai 2016.
Dans un marché en plein essor, i) il convient d'évaluer les conséquences financières de toute violation d'un droit le plus tôt possible (plus on attend, plus il est difficile de faire la distinction entre les conséquences de la violation et les mutations du marché) et ii) il importait surtout, en l'occurrence, de vérifier si les produits de 10 Motives étaient contrefaisants (car, dans la négative, 10 Motives pourrait pleinement livrer concurrence et décider d'abandonner la procédure d'opposition).
Après avoir pesé les différents arguments en présence, le juge Norris a conclu qu'il convenait de refuser le sursis à statuer, sans préjudice toutefois de la capacité de 10 Motives de présenter une nouvelle demande juste avant que soit tranchée la question de la réparation.
GB Royaume-Uni
Tribunal des brevets, 18 février 2016 – Eli Lilly and Company c. Janssen Sciences Ireland UC (anciennement Janssen Alzheimer Immunotherapy) [2016] EWHC 313 (Pat)
Mots-clés : questions institutionnelles – sursis à statuer – opposition pendante à l'OEB
Eli Lilly a requis l'annulation du brevet européen (UK) 2 305 282 de Janssen, délivré sur la base d'une demande divisionnaire, ainsi qu'une déclaration de non-contrefaçon. Janssen a demandé la suspension de la procédure en attendant que l'OEB ait tranché la question de la validité.
Le Tribunal, ayant appliqué les principes énoncés dans la décision IPCOM GmbH & Co KG c. HTC Europe Co Ltd [2013] EWCA Civ 1496 (pour un résumé de cette décision, voir la 3e édition de "La jurisprudence des États parties à la CBE" (2011-2014), publication supplémentaire – JO 2/2015, p. 170), a considéré qu'en l'absence d'autres facteurs, la suspension de la procédure nationale constituait le choix par défaut. Rien ne justifiait de poursuivre deux procédures différentes uniquement parce que la Convention le permet.
L'application à la présente affaire des critères énoncés dans la décision IPCOM a soulevé les principales questions suivantes :
i) Quel serait le calendrier probable de la procédure anglaise d'une part et de la procédure devant l'OEB d'autre part ?
ii) Y aurait-il une insécurité commerciale considérable pour Eli Lilly si la procédure anglaise était suspendue et qu'il lui fallait attendre la clôture de la procédure devant l'OEB ?
iii) Si la suspension était accordée, les engagements offerts par Janssen suffisaient-ils pour ramener à un niveau acceptable l'insécurité commerciale pour Eli Lilly ?
iv) Les autres faits de l'affaire IPCOM tels qu'appliqués aux faits de l'espèce vont-ils ou non dans le sens de l'octroi de la suspension de la procédure ?
En ce qui concerne le calendrier des procédures, la juge Rose a considéré que le stade avancé de la procédure devant l'OEB plaidait en faveur d'une suspension. Il était probable, même dans le cadre d'un recours, que la décision de l'OEB concernant la validité serait disponible avant le résultat de la procédure anglaise, et ce alors même que la procédure devant l'OEB était susceptible d'être déviée de son cours en raison par exemple de demandes de report présentées par d'autres opposants ou du renvoi de questions non tranchées si le recours de Janssen concernant le brevet initial connaissait une issue favorable. S'agissant de la duplication potentielle des procédures, la juge a estimé que le coût de la poursuite de la procédure anglaise n'était pas significatif eu égard à la somme en jeu sur le plan commercial pour les deux parties. Sur la question de l'insécurité commerciale, les engagements offerts par Janssen étaient, dans les circonstances de l'affaire, insuffisants car il demeurerait difficile pour Eli Lilly de décider à quel moment lancer la procédure d'autorisation de son produit solanezumab. Il était très important pour Eli Lilly de savoir le plus tôt possible si ledit produit constituerait une contrefaçon des brevets de Janssen (si ces derniers étaient valables) et aussi si Janssen allait pouvoir fonder une demande de certificat complémentaire de protection sur le produit solanezumab. Le fait qu'un jugement pleinement motivé de la juridiction anglaise portant à la fois sur la validité et la contrefaçon contribuerait de manière significative au règlement des litiges entre les parties à l'échelle de toute l'Europe a été considéré comme un facteur neutre, tandis que l'intérêt du public à ce que soit dissipée toute insécurité concernant un traitement susceptible de devenir un produit vedette jouait en défaveur de la suspension de la procédure.
Ayant pesé tous les éléments en cause, la juge Rose a décidé de rejeter la requête en suspension présentée par Janssen. Il était possible que la procédure devant l'OEB ne permette pas de trancher tous les éléments du litige entre les parties. Les questions liées à la contrefaçon étaient importantes en l'espèce et il était préférable que la procédure devant le tribunal anglais, seule juridiction compétente pour statuer à ce sujet, se poursuive.
NL Pays-Bas
Cour d'appel régionale de la Haye, 17 mars 2015 – Doebros c. Rijkswaterstaat
Mots-clés : questions institutionnelles – sursis à statuer – opposition pendante à l'OEB – appréciation du juge
Le 30 octobre 2013, Doebros a fait appel du jugement du Tribunal de première instance de La Haye en date du 31 juillet 2013 faisant droit à une action en nullité de la partie néerlandaise de son brevet européen ayant pour objet un poste d'extinction d'incendie (EP 1224954). Cette action avait été engagée par Rijkswaterstaat (l'organisme public néerlandais chargé des routes et des voies navigables) lequel, tout comme Ajax Chubb Varel B.V., avait également formé une opposition auprès de l'OEB à l'encontre du brevet délivré.
Par son premier moyen, Doebros a contesté le refus par le Tribunal de première instance de surseoir à statuer sur la procédure en nullité eu égard à la procédure d'opposition en instance devant l'OEB et a réitéré sa demande de sursis à statuer en se fondant sur le même motif. La Cour a d'abord entériné l'avis du Tribunal de première instance selon lequel la décision de surseoir à statuer sur une procédure nationale en attendant l'issue d'une procédure d'opposition devant l'OEB est laissée à l'appréciation de la juridiction concernée en vertu de l'art. 83(4) de la Loi néerlandaise sur les brevets. Elle a ensuite fait observer que la procédure d'opposition en question n'en était encore qu'à un stade préliminaire après plus de deux ans. En effet, aucune procédure orale n'avait été programmée et la division d'opposition n'avait pas encore émis d'avis provisoire. De fait, rien ne s'était produit depuis l'audience devant le tribunal de première instance et Doebros n'avait pas demandé de traitement accéléré. Étant donné que la décision de la division d'opposition serait susceptible de recours devant une chambre de recours technique, il faudrait probablement attendre encore longtemps avant qu'une décision définitive ne soit rendue sur la validité du brevet. En tout état de cause, les juridictions nationales n'étaient pas liées par les décisions des divisions d'opposition ni des chambres de recours techniques de l'OEB et devaient former leurs propres opinions quant à la validité d'un brevet délivré. Jugeant le brevet de Doebros nul, la Cour n'a vu dès lors aucune raison de surseoir à statuer.
Voir également chapitre B.1. État de la technique.