LA JURISPRUDENCE DES CHAMBRES DE RECOURS ET DE LA GRANDE CHAMBRE DE RECOURS EN 2015 ET 2016
I. BREVETABILITÉ
A. Exceptions à la brevetabilité
1. Brevetabilité des inventions biologiques
1.1 Revendications de produit relatives à des végétaux ou à du matériel végétal
(Jurisprudence des chambres de recours, 8e éd. 2016 ("CLB"), I.B.3.3.3)
Dans sa décision T 83/05 en date du 10 septembre 2015, la chambre a appliqué la décision G 2/13 de la Grande Chambre de recours. La revendication 1 de la requête principale portait sur une plante du genre Brassica comestible obtenue selon un procédé de croisement et de sélection. Les revendications 2 et 3 avaient pour objet une portion comestible et la semence d'une plante brocoli obtenue par un procédé défini de la même manière que dans la revendication 1. Les revendications 4 et 5 portaient quant à elles sur une plante brocoli et une inflorescence de brocoli. La chambre a renvoyé l'affaire à l'instance du premier degré, à charge pour elle de maintenir le brevet sur la base des revendications 1 à 5 de la requête principale, d'une description à adapter en conséquence et des figures 1 à 5 du brevet tel que délivré.
Dans l'affaire T 1242/06 du 8 décembre 2015, la chambre a appliqué la décision G 2/12. La requête subsidiaire I, déposée le 8 novembre 2011 pendant la procédure orale devant la chambre, se limitait à des revendications de produit ayant pour objet un fruit de tomate (naturellement) déshydraté de l'espèce L. esculentum. La chambre a estimé que l'objet de ces nouvelles revendications n'était pas exclu de la brevetabilité en vertu de l'art. 53 b) CBE.
La chambre a annulé la décision de la division d'opposition et a renvoyé l'affaire à cette dernière, avec l'ordre de maintenir le brevet sur la base des revendications précitées et d'une description à adapter en conséquence.
1.2 Procédés essentiellement biologiques d'obtention de végétaux
(CLB, I.B.3.3.2)
Dans l'affaire T 915/10, l'invention portait sur des plants de soja qui avaient été modifiés génétiquement afin d'être rendus tolérants à l'herbicide glyphosate. L'objet de la revendication 3 était un procédé d'obtention d'un plant de soja tolérant à l'herbicide glyphosate. Le plant obtenu avait un potentiel de rendement supérieur lié à la présence de la séquence N°9. Le procédé était défini exclusivement par l'étape de procédé technique consistant à introduire la séquence N°9 dans le génome du plant par transformation des cellules du plant avec un ADN hétérologue, c'est-à-dire par une étape de génie génétique consistant à introduire un ADN hétérologue dans des cellules de plants.
La chambre a noté que le caractère introduit découlait directement de l'expression de l'ADN inséré et non d'un procédé d'obtention de végétaux caractérisé par les étapes du croisement et de la sélection. En effet, le procédé tel que revendiqué n'impliquait ni ne définissait, implicitement ou explicitement, d'étapes de mélange de gènes végétaux par croisement sexué suivi d'une sélection végétale. La chambre était dès lors convaincue que le procédé selon la revendication 3 ne tombait pas sous le coup de l'exclusion des "procédés essentiellement biologiques d'obtention de végétaux" prévue par l'art. 53 b) CBE.
La chambre a estimé que l'objet de la revendication 3 était un procédé d'obtention de végétaux par des techniques de génie génétique (en l'occurrence la transformation), qui implique des techniques de laboratoire fondamentalement différentes des procédés d'obtention, techniques qui, en soi, ont été admises dans la jurisprudence comme étant brevetables. Selon la chambre, rien dans les décisions G 2/07 et G 1/08 n'indiquait que la Grande Chambre de recours estimait nécessaire de revenir sur cette pratique à la suite de son analyse de l'exclusion des procédés prévue à l'art. 53 b) CBE. La Grande Chambre de recours a au contraire confirmé que les techniques de génie génétique appliquées aux végétaux, lesquelles techniques diffèrent largement des techniques d'obtention classiques, sont susceptibles d'être protégées par brevet (G 2/07, point 6.4.2.3 des motifs, avant-dernier paragraphe).
2. Terme "thérapie" – définition du terme
(CLB, I.B.4.4.1 a))
Dans l'affaire T 2420/13, la chambre a estimé que l'utilisation d'un verre de lunettes pour corriger le défaut visuel d'une personne portant des lunettes ne constituait pas une méthode de traitement thérapeutique du corps humain au sens de l'art. 53c) CBE. Même si l'utilisation des lunettes en question permettait de soulager, voire d'atténuer les symptômes du défaut visuel (cf. T 24/91), elle ne constituait pas un "traitement thérapeutique". Un "traitement thérapeutique" implique une intervention sur le corps ou la partie du corps à traiter qui soit à l'origine d'un effet thérapeutique. Dans le cas de l'utilisation revendiquée, l'on parvenait à soulager, voire à atténuer les symptômes du défaut visuel uniquement en modifiant de façon ciblée la convergence ou la divergence du faisceau lumineux se dirigeant vers l'œil de la personne portant des lunettes, sans que le corps de celle-ci, en particulier ses yeux, soit "traité" d'une quelconque manière.
B. Nouveauté
1. Accessibilité au public – modes d'accessibilité au public
1.1 Publications et autres documents imprimés
(CLB, I.C.3.2.1)
Dans l'affaire T 526/12, la division d'examen a considéré D1 comme état de la technique le plus proche. La décision et le rapport de recherche renvoyaient à D1 en tant que citation Internet, mais il n'était pas précisé si - ni expliqué pourquoi - ce document faisait effectivement partie de l'état de la technique. La date indiquée comme la date à laquelle le document avait été trouvé, à savoir le 2 août 2007, était postérieure à la date de priorité de la demande en cause. Une recherche effectuée par le requérant à l'aide de "Wayback Machine" a également révélé une date postérieure à la date de priorité. La division d'examen n'a pas fourni d'éléments prouvant que D1 était effectivement accessible sur Internet avant la date de priorité, bien que cela ait été explicitement contesté par le demandeur. La chambre a conclu que l'accessibilité de D1 sur Internet avant cette date n'avait donc pas été établie. Elle a fait observer qu'une description écrite était considérée comme ayant été rendue accessible au public dès lors qu'il était possible à ce dernier d'avoir connaissance du contenu du document sans être tenu à une obligation de confidentialité qui aurait restreint l'utilisation ou la diffusion des connaissances ainsi acquises. Pour établir si des informations écrites figurant dans un document ont été rendues accessibles au public, il est généralement nécessaire de déterminer tous les faits concernant le lieu où ces documents sont apparus, les circonstances dans lesquelles les informations figurant dans lesdits documents ont été rendues accessibles au public, notamment qui était le public dans ce cas précis et s'il existait un accord de confidentialité explicite ou implicite, ainsi que la date à laquelle ces documents ont été rendus accessibles au public ou l'intervalle de temps pendant lequel ils étaient accessibles au public.
1.2 Usage antérieur public
(CLB, I.C.3.2.4)
Dans l'affaire T 1410/14, les parties ne contestaient pas que le 26 avril 2004, un véhicule ("City Runner") présentant les caractéristiques de la revendication 1 en litige ait circulé sur la voie publique dans une ville. Elles ne mettaient pas non plus en doute le fait que l'articulation de couplage en cause n'ait pu être vue que d'en haut, à savoir d'une passerelle qui enjambait la route. De l'avis de la chambre, il n'était pas établi qu'un homme du métier ait eu la possibilité d'identifier toutes les caractéristiques de l'invention lors de l'utilisation antérieure du véhicule en question. En particulier, le requérant n'avait pas suffisamment montré que l'homme du métier avait pu reconnaître pendant le parcours d'essai la caractéristique 1.5, selon laquelle une console faisant partie de la liaison articulée est maintenue coulissante sur la caisse. La chambre a constaté en résumé que les caractéristiques d'un objet qui n'a été visible que pendant un bref laps de temps n'ont été accessibles au public que s'il est prouvé sans conteste que l'homme du métier a pu les identifier clairement et directement au cours de ce bref laps de temps.
Dans l'affaire T 2440/12, l'invention portait sur une simulation d'un écoulement fluide et d'une analyse structurelle au sein de géométries tridimensionnelles à parois minces. L'invention avait trait à un procédé devant être exécuté par un ordinateur (après un certain nombre d'entrées effectuées par l'utilisateur). La question déterminante concernait l'incidence d'un usage antérieur public allégué sur la brevetabilité de l'invention revendiquée. L'usage antérieur consistait en la vente d'un produit logiciel qui mettait en œuvre l'invention revendiquée. Les faits essentiels relatifs à l'usage antérieur n'étaient pas contestés. L'intimé (titulaire du brevet) avait déjà commercialisé son produit logiciel ("Cadmould") avant la date de dépôt de la demande ayant donné lieu au brevet attaqué. Ayant été poursuivi par le requérant (opposant) pour contrefaçon de brevet, l'intimé a souhaité divulguer le procédé mis en œuvre dans ce logiciel pour démontrer que c'était son propre travail de développement qui en était à l'origine, et que le brevet du requérant n'était pas contrefait. Ne voulant pas laisser sans protection les informations divulguées, et supposant qu'un brevet valable pouvait être délivré malgré la commercialisation antérieure de son logiciel, l'intimé a décidé de déposer sa propre demande de brevet, qui a donné lieu au brevet attaqué. Selon la chambre, tout client auquel le produit logiciel de l'intimé avait été fourni avant la date de dépôt de la demande de brevet était en mesure de mettre en œuvre le procédé revendiqué simplement en exécutant le logiciel sur un ordinateur (universel). Dans une telle situation, où un nombre potentiellement illimité de personnes du public ont mis en œuvre ou étaient en mesure de mettre en œuvre un procédé au moyen d'un outil logiciel commercialisé, la question juridique fondamentale se posait de savoir si et, dans l'affirmative, dans quelle mesure, ces personnes devaient avoir connaissance des caractéristiques spécifiques du procédé mis en œuvre pour que celui-ci soit considéré comme ayant été rendu accessible au public. La chambre a conclu en substance que suite à l'usage antérieur – intervenu au moyen de la vente – d'un produit logiciel, le procédé exécuté par le logiciel était compris dans l'état de la technique, puisque, en principe, l'homme du métier aurait pu exécuter le logiciel ligne par ligne sur un ordinateur et, ce faisant, aurait non seulement mis en œuvre le procédé mais également pris connaissance des étapes du procédé effectuées par l'ordinateur. La chambre a souscrit à l'avis du requérant selon lequel même une "divulgation" du procédé différente, comme celle susceptible de se produire lorsque le procédé est exécuté ligne par ligne sur un ordinateur, sans que le droit d'auteur soit enfreint, suffit à détruire la nouveauté du procédé tel que revendiqué. Elle a dès lors conclu que l'objet de la revendication 1 n'était pas nouveau en conséquence de l'usage antérieur d'un produit logiciel qui mettait incontestablement en œuvre l'objet revendiqué.
2. Détermination du contenu de l'état de la technique pertinent
2.1 Prise en considération de dessins
(CLB, I.C.4.6)
Dans l'affaire T 2052/14, la division d'examen avait estimé qu'il y avait eu divulgation de l'intervalle indiqué dans la partie caractérisante de la revendication 1, et correspondant au rapport entre la longueur et le rayon de courbure, et avait cité à cet égard les figures du document D1, qui faisaient apparaître un rapport de 0,9. Cette constatation n'a toutefois pas résisté au réexamen effectué par la chambre. Selon celle-ci, même si les figures du document D1 donnaient à la division d'examen l'impression de représenter l'élément en cause de la partie caractérisante de la revendication 1, elles ne constituaient pas pour autant une divulgation directe et non ambigüe pour l'homme du métier. Ce dernier savait en effet que les figures du document D1 n'étaient que des représentations schématiques, dont il ne saurait en l'occurrence déduire de dimensions ou proportions spécifiques en l'absence d'indications correspondantes. N'ayant pas été qualifiées de dessins à l'échelle, les figures du document D1 constituaient de simples dessins schématiques classiques, qui représentaient certes ce qui paraissait essentiel dans le document en question, mais qui, en règle générale, ne reproduisent pas nécessairement à l'échelle tous les éléments concernés (cf. à ce sujet la décision T 204/83, JO 1985, 310). Il ne ressortait nullement de D1 que les figures reproduisaient les proportions à l'échelle (cf. T 748/91, point 2.1.1 des motifs).
2.2 Possibilité de mettre en œuvre le contenu d'une divulgation
(CLB, I.C.4.11)
Dans l'affaire T 719/12, aucune des parties ne contestait que le document (1) divulguait nommément le composé méthyl-2-(α-thénoyl)-éthylamine. Leurs avis divergeaient toutefois quant à la question de savoir si ledit composé avait été rendu accessible au public. La chambre a renvoyé à la jurisprudence constante, selon laquelle un objet décrit dans un document ne peut être considéré comme ayant été mis à la disposition du public et par conséquent comme compris dans l'état de la technique conformément à l'art. 54(1) CBE que si les informations fournies dans ce document sont suffisantes pour permettre à l'homme du métier, à la date pertinente du document, de mettre en pratique l'enseignement technique qui fait l'objet de la divulgation, compte tenu également des connaissances générales qu'il est censé posséder en la matière à cette date (cf. T 206/83, JO 1987, 5). Le document (1) se bornait à mentionner le composé méthyl-2-(α-thénoyl)-éthylamine comme produit potentiel théorique d'une réaction de Mannich ou de la distillation à la vapeur de l'amine tertiaire correspondante, mais indiquait sans équivoque que ledit composé ne pouvait être isolé ni obtenu lorsque ces réactions étaient effectivement réalisées, même dans des conditions considérées comme étant favorables à sa formation. La chambre a dès lors estimé que le document (1) ne mettait pas à lui seul le composé à la disposition du public, car les tentatives spécifiques de préparation décrites dans le document (1) menaient à un échec. La chambre de conclure que le composé n'avait pas été mis à disposition du public, aucune méthode de préparation n'étant disponible à la date de publication de l'art antérieur.
3. Caractéristiques distinctives non techniques
(CLB, I.C.5.2.8)
Dans l'affaire T 2191/13, la revendication 1 de la requête subsidiaire 8 portait sur un procédé pour la préparation d'une composition adhésive adaptée individuellement aux substrats et aux conditions de transformation. Le document D10 divulguait les étapes un à trois du procédé, à savoir, respectivement, la préparation d'un système adhésif, le choix d'un durcisseur B1/C3 et le mélange du composant C3 au composant B1. Le titulaire du brevet a fait valoir que dans D10, on ne savait pas encore au moment de choisir le durcisseur C3 si le durcisseur retenu était adapté au substrat et aux conditions de transformation, cela n'étant établi qu'après le collage et la caractérisation de la force adhésive. La caractéristique selon laquelle le choix était opéré de façon ciblée, à savoir en fonction des substrats et des conditions de transformation, faisait donc défaut. La chambre n'a pas souscrit à cette argumentation. Même en suivant l'interprétation proposée par le titulaire du brevet pour la revendication 1, il n'existait de différence que sur le plan purement intellectuel et non technique, à savoir en ceci que, selon la revendication, on devait savoir, dès le moment de choisir le composant B, que la quantité choisie était adaptée à un substrat et à des conditions de transformation spécifiques, alors que dans le document D10, ce constat n'était établi qu'une fois le choix effectué. La chambre a fait remarquer qu'une différence qui n'existe qu'au niveau intellectuel, à savoir qui ne repose que sur l'existence d'une découverte, sans répercussion sur les caractéristiques techniques de l'objet revendiqué, ne peut servir de fondement à la nouveauté. La chambre a fait référence à la décision G 2/88 (JO 1990, 93), où il est dit que pour pouvoir être considérée comme nouvelle, l'invention revendiquée doit se distinguer de l'état de la technique par au moins une caractéristique technique essentielle. Ainsi, selon cette décision, une caractéristique à caractère purement intellectuel ne constitue pas une caractéristique technique au sens de l'art. 54 CBE, de sorte que la nouveauté n'est pas reconnue lorsque les seules caractéristiques techniques indiquées dans la revendication sont connues. Cette approche a aussi été suivie dans les décisions T 959/98, T 553/02 et T 154/04.
4. Première et deuxième application thérapeutique
4.1 Revendications de substance proposée à une fin spécifique et revendications de type suisse – étendue de la protection
(CLB, I.C.7.2.3)
L'affaire T 1021/11 concernait une requête principale comprenant deux revendications indépendantes relatives à la même indication médicale de la même substance. L'une était rédigée sous forme de revendication de type suisse et l'autre suivant les dispositions de l'art. 54(5) CBE. La demande en question était en instance lorsque la décision G 2/08 (JO 2010, 456) a été rendue, et elle faisait donc partie du groupe de demandes pour lequel la forme suisse pouvait, en principe, être encore utilisée. Étant donné qu'il était possible de recourir à ces deux formes de revendication pour la demande en question et que des revendications rédigées sous ces deux formes figuraient dans la requête principale, la question s'est posée de savoir si les deux types de revendications pouvaient encore être présents dans un seul jeu de revendications. La chambre s'est ralliée à la conclusion tirée dans l'affaire T 1570/09, selon laquelle la décision G 2/08 ne donnait pas aux demandeurs le droit absolu de rédiger deux revendications indépendantes dans un seul jeu de revendications pour une seule et même indication médicale d'une seule et même substance, l'une sous la forme de type suisse et l'autre sous la forme prévue à l'art. 54(5) CBE. La chambre a cependant considéré que, d'un autre côté, on ne pouvait déduire de la décision G 2/08 que la coexistence de ces revendications dans un seul jeu de revendications était interdite, puisque cette décision était muette à ce sujet. Après avoir examiné avec soin les motifs fournis dans la décision T 1570/09, elle a estimé que plusieurs éléments de réflexion l'empêchaient de soulever une objection quant à la présence, dans un seul jeu de revendications, de revendications rédigées sous les deux formes. Elle a tout d'abord souligné qu'un seul jeu de revendications pouvait être régi à la fois par les dispositions de la CBE 1973 et par celles de la CBE révisée. Elle a ensuite indiqué que le fait que la forme de type suisse subsistait parallèlement aux dispositions de l'art. 54(5) CBE était une conséquence directe de la disposition transitoire prévue par la Grande Chambre de recours dans la décision G 2/08. Enfin, la chambre a déclaré qu'elle ne voyait aucune raison d'empêcher un demandeur de choisir, pendant la période de transition, les deux formes de revendication disponibles et elle a estimé qu'il était justifié de le faire dans un seul jeu de revendications. Même si les revendications rédigées sous les deux formes conféraient une protection par brevet pour la même indication médicale, leur objet différait en raison de leur catégorie et de leurs caractéristiques techniques (T 1780/12 et T 879/12). En déposant deux demandes de brevet ayant la même date effective (deux demandes parallèles, ou une demande initiale/divisionnaire, ou une demande établissant la priorité/une demande ultérieure), un demandeur pouvait du reste obtenir une protection par brevet pour une seule et même deuxième indication médicale, ou une seule et même indication médicale ultérieure, avec les deux formes de revendication disponibles. La chambre n'avait donc pas d'objection quant à la présence de ces deux formes dans un seul jeu de revendications, puisqu'elles pouvaient être utilisées dans la demande en cause. La chambre a relevé qu'aucune objection n'avait été élevée dans des affaires antérieures similaires (cf. T 396/09 et T 1869/11), même si cette question n'avait pas été abordée dans les décisions concernées.
4.2 Nouveauté de l'application thérapeutique
(CLB, I.C.7.2.4)
Dans l'affaire T 773/10, la revendication 1 portait sur une nouvelle utilisation d'une membrane de dialyse destinée au traitement du myélome multiple. Le fait que le document D1 divulguait toutes les caractéristiques structurelles de la membrane de dialyse n'était pas contesté. Conformément à l'art. 54(5) CBE, l'art. 54(2) CBE n'exclut pas la brevetabilité d'une substance ou composition faisant partie de l'état de la technique, pour une utilisation dans une méthode visée à l'art. 53c) CBE, à condition que son utilisation dans cette méthode ne soit pas comprise dans l'état de la technique. La chambre a indiqué que ces dispositions introduisaient une évaluation particulière de la nouveauté pour les caractéristiques limitées à une utilisation spécifique. Le requérant avait fait valoir que l'utilisation spécifique de la membrane de dialyse faisant l'objet de la revendication 1, en vue du traitement du myélome multiple, à savoir une méthode de traitement thérapeutique du corps humain, n'était pas comprise dans l'état de la technique. Il était donc crucial de déterminer si la membrane revendiquée pouvait faire l'objet de l'évaluation particulière de la nouveauté au titre de l'art. 54(5) CBE et si elle devait être considérée comme une "substance ou composition" au sens de l'art. 54(5) CBE. Se référant aux travaux préparatoires relatifs à la CBE 2000, la chambre n'a pas remis en cause le fait que la décision G 6/83 mettait l'accent sur les nouvelles utilisations de composés ou "substances", à savoir de produits de l'industrie pharmaceutique généralement désignés sous le terme de "médicaments". Affirmer que la question des nouvelles utilisations de produits médicaux autres que des composés ou "substances", à savoir de produits de l'industrie pharmaceutique généralement désignés sous le terme de "médicaments", n'avait pas été examinée lors des travaux préparatoires, ne permet pas d'établir que l'intention du législateur était d'assimiler ces produits à des "substances ou compositions". La chambre a conclu que les termes "substance ou composition" figurant à l'art. 54(5) CBE ne couvraient pas tous les produits destinés à une utilisation spécifique dans une méthode visée à l'art. 53c) CBE. Elle a cité la décision T 2003/08, dans laquelle une revendication relative à une nouvelle utilisation d'une colonne pour un traitement extracorporel avait été admise. Cependant, dans cette décision, ce n'était pas la colonne en tant que telle qui avait été considérée comme la "substance ou composition" dont la nouvelle utilisation pouvait conférer le caractère de nouveauté en vertu de l'art. 54(5) CBE. La colonne contenait en effet un ligand qui constituait le principe "actif" à l'origine de l'"effet thérapeutique". La chambre a estimé que l'affaire dont elle était chargée était différente. La membrane de dialyse revendiquée ne contenait pas d'autre substance ou composition susceptible de constituer un principe "actif" conformément à la décision T 2003/08. Il s'ensuivait que la membrane de dialyse revendiquée ne pouvait faire l'objet d'une évaluation particulière de la nouveauté en vertu de l'art. 54(5) CBE. La demande a été rejetée.
5. Deuxième (ou autre) application non thérapeutique – revendications de procédé
(CLB, I.C.8.1.3 e))
Dans l'affaire T 151/13, la chambre a affirmé que le but d'un réactif spécifique dans un procédé chimique connu ne constitue pas une caractéristique technique fonctionnelle au sens de la décision G 2/88 (JO 1990, 93) et ne rend pas ledit procédé nouveau. Conformément à cette décision, la nouveauté au sens de l'art 54(1) CBE peut être reconnue lorsque la découverte d'un nouvel effet technique d'une substance connue donne lieu à une invention qui est définie dans la revendication par une utilisation de ladite substance en vue d'un usage non médical nouveau, jusqu'alors inconnu, reflétant ledit effet (nouvelle caractéristique technique fonctionnelle), même si la seule caractéristique nouvelle de cette revendication est le but dans lequel la substance est utilisée. Le document 2 divulguait toutes les caractéristiques de procédé de la revendication 1 selon la requête subsidiaire 2. Le requérant a fait valoir que la revendication 1 était une revendication d'utilisation au sens de la décision G 2/88 et que l'objet de cette revendication était nouveau par rapport au document 2 compte tenu de l'effet technique non divulgué jusqu'alors consistant en l'utilisation de la pression partielle superatmosphérique du chlorure d'hydrogène, sans élimination importante d'eau pendant l'étape de contact, dans le but de réduire les quantités d'1,2,3-trichloropropane, d'éthers chlorés et d'oligomères dans le produit. La chambre a estimé que le procédé, sinon identique, défini dans le document 2 aboutissait nécessairement à la production des mêmes quantités d'1,2,3-trichloropropane, d'éthers chlorés et d'oligomères que le procédé défini dans la revendication en cause, ce qui signifiait qu'il n'y avait aucune réduction de la quantité de ces composés par rapport à l'exemple 1 du document 2.
C. Activité inventive
1. État de la technique le plus proche
1.1 Généralités sur la détermination de l'état de la technique le plus proche
(CLB, I.D.3.1)
Dans l'affaire ex parte T 2517/11, le recours était dirigé contre la décision de la division d'examen rejetant la demande relative à un procédé de codage/décodage par transformée, à fenêtres adaptatives. Le requérant contestait en premier lieu la manière de procéder de la division d'examen consistant à rechercher dans D1 – l'état de la technique le plus proche – une caractéristique technique cachée que seule une analyse mathématique aurait permis de révéler. La chambre a estimé que la démonstration mathématique effectuée par la division d'examen avait en effet permis d'établir que la caractéristique d'équivalence des fenêtres d'analyse et de synthèse était bel et bien présente dans le procédé de D1, et qu'elle était donc accessible. Elle s'est notamment appuyée sur l'avis G 1/92 (JO 1993, 277, point 2 des motifs).
Selon la chambre, le fait que l'existence d'une caractéristique technique "cachée" – à savoir une caractéristique implicitement présente dans un document de l'état de la technique dont l'existence ne saurait, cependant, être établie à la seule lecture du document considéré – d'un procédé connu de l'état de la technique ne puisse être établie qu'en ayant recours à une démonstration mathématique ne fait nullement obstacle à sa prise en compte en tant que caractéristique divulguée, la démonstration mathématique établissant le caractère accessible de la caractéristique "cachée". L'argument selon lequel il n'existe aucune raison objective de procéder à une telle démonstration n'affecte en rien ce constat (cf. points V et 5.2.1 des motifs). La chambre a en outre estimé que cette approche résultait du caractère objectif de l'approche problème-solution, telle que développée par la jurisprudence des chambres de recours, approche qui conduit à prendre en compte toutes les caractéristiques techniques de l'état de la technique le plus proche, que celles-ci soient directement identifiables, ou bien cachées, dès lors que ces dernières sont néanmoins accessibles. En revanche, sur un autre aspect de l'examen de l'activité inventive et contrairement à la division d'examen, la chambre a conclu à l'absence d'évidence. Suite à la reformulation du problème technique et à la prise en compte de D2, la chambre a ainsi observé que même si D2 avait effectivement proposé, comme l'a interprété la division d'examen, de recourir aux deux branches de l'alternative, à savoir de recourir à des fenêtres symétriques ou, au contraire, dissymétriques, ce constat n'aurait pas suffi en tant que tel à établir l'évidence de la solution retenue. Ce n'est, en effet, que si les deux branches de l'alternative avaient été considérées équivalentes, dans le contexte de la demande en instance, qu'il aurait alors été possible de conclure à l'évidence de la solution retenue au titre d'un choix, arbitraire, entre deux possibilités techniquement équivalentes. Or, la demande litigieuse démontrait amplement, en soulignant les avantages de recourir à des fenêtres dissymétriques, que ce n'était pas le cas.
Dans l'affaire ex parte T 1742/12, la chambre a informé le requérant, dans une annexe à la citation à la procédure orale, de son avis préliminaire selon lequel l'invention revendiquée n'impliquait pas d'activité inventive par rapport au document D1. Le demandeur (requérant) a fait valoir que la chambre avait mal appliqué l'approche problème-solution, étant donné que le document D1 n'était pas "l'état de la technique le plus proche" au sens de la jurisprudence constante des chambres de recours. Le document D6, introduit par le requérant, était plus proche que le document D1. Le requérant a demandé "que la Grande Chambre de recours soit saisie de questions". Parmi elles, la question 1 était formulée comme suit : "1. Lorsqu'il existe plusieurs éléments de l'état de la technique pouvant être considérés comme l'état de la technique le plus proche au sens requis par l'approche problème-solution, est-il légitime de prendre comme point de départ divers documents reflétant prétendument l'état de la technique le plus proche ou bien convient-il d'identifier un seul document de l'état de la technique comme étant le plus proche ?" La décision contient des motifs détaillés sur la question de la détermination de l'état de la technique le plus proche. Selon la chambre, si un élément de l'état de la technique peut être identifié comme étant l'état de la technique "le plus proche" ou le "tremplin le plus prometteur" et qu'il peut être prouvé qu'à partir de cet état de la technique, l'invention revendiquée n'est pas évidente, alors cette invention ne peut qu'être encore moins évidente à partir de tout autre élément de l'état de la technique et on peut donc se dispenser d'un examen approfondi de l'activité inventive à partir des autres éléments de l'état de la technique. D'après le requérant, la chambre était tenue de choisir "l'état de la technique le plus proche" et non simplement "un point de départ approprié". La chambre n'a pas partagé ce point de vue. Elle a au contraire fait siennes les conclusions énoncées dans les décisions T 967/97 et T 21/08, où il avait été considéré que si l'homme du métier avait le choix entre plusieurs pistes valables, c'est-à-dire des pistes fondées sur des documents différents, qui pourraient mener à l'invention, la nature même de l'approche problème-solution exigeait que toutes les pistes soient examinées avant de pouvoir confirmer l'activité inventive. À l'inverse, si au moins une de ces pistes suggérait l'invention à l'homme du métier, il y avait alors défaut d'activité inventive. Dans l'affaire T 967/97, il avait été estimé en outre qu'en cas de négation de l'activité inventive, le choix du point de départ ne nécessitait pas de justification spécifique. La chambre a également rappelé l'enseignement des décisions T 710/97 et T 824/05. Il peut arriver qu'un élément de l'état de la technique soit si "éloigné" de l'invention revendiquée, pour ce qui est du but poursuivi ou autre, qu'il peut être soutenu que l'homme du métier n'aurait pas pu de façon concevable le modifier pour aboutir à l'invention revendiquée. Un tel état de la technique peut être qualifié de "non approprié". Cependant, selon la chambre, cela n'empêche pas d'envisager d'examiner l'activité inventive à partir d'un élément de l'état de la technique ayant un but différent. Si un argument montre que l'invention revendiquée est évidente par rapport à un certain état de la technique, cet argument ne pourrait être pas réfuté simplement par l'introduction d'un autre élément de l'état de la technique. Par ailleurs, la chambre a décidé de ne pas saisir la Grande Chambre de recours.
1.2 Sélection du point de départ le plus proche
(CLB, I.D.3.4.1)
Dans l'affaire T 1841/11, l'invention revendiquée portait sur une méthode de fabrication d'un substrat de silicium-germanium sur isolant. La chambre a estimé que le but ou l'objectif de l'invention revendiquée était la mise à disposition d'une méthode de fabrication d'un substrat semi-conducteur comprenant un film de silicium-germanium. Dans la décision attaquée, il avait été considéré que l'état de la technique le plus proche était le document D2, qui divulguait une méthode de fabrication d'un substrat comprenant un film de germanium formé par un procédé CVD. La chambre devait déterminer si le document D2 pouvait être accepté comme point de départ pour l'examen de l'activité inventive, étant donné que des méthodes de fabrication d'un substrat comprenant un film de silicium-germanium étaient connues dans l'état de la technique.
La chambre a déclaré que l'état de la technique le plus proche doit se rapporter au même but (ou objectif) que l'invention revendiquée, ou tout au moins à un but similaire. Même si un art antérieur afférent au même but est disponible, il n'est pas exclu qu'un document relatif à un objectif similaire puisse être considéré comme représentant un meilleur choix – ou au moins un choix tout aussi plausible – en ce qui concerne l'état de la technique le plus proche, à condition que l'homme du métier reconnaisse immédiatement que ce qui est divulgué dans le document peut être adapté à l'objet de l'invention revendiquée d'une manière simple, en n'utilisant rien de plus que les connaissances générales (point 2.6 des motifs).
Si, en dépit de la disponibilité d'un état de la technique concernant le même but que l'invention revendiquée (en l'occurrence la fabrication d'un substrat semi-conducteur comprenant un film de silicium-germanium), il est néanmoins jugé approprié de choisir comme état de la technique le plus proche une divulgation relative à un but similaire (en l'occurrence la fabrication d'un substrat semi-conducteur comprenant un film de germanium), au moins une caractéristique revendiquée correspondant à l'objet de l'invention apparaîtra généralement en tant que différence par rapport à l'état de la technique le plus proche (en l'occurrence le silicium-germanium).
Toutefois, cette différence ne peut pas être légitimement invoquée à l'appui de l'activité inventive. L'approche problème-solution suppose que l'homme du métier ait un but à l'esprit dès le début du processus inventif, en l'espèce la fabrication d'un type connu de substrat semi-conducteur comprenant un film de silicium-germanium. Dans ce cadre conceptuel, on ne peut logiquement faire valoir que l'homme du métier ne serait pas incité à incorporer du silicium-germanium. En outre, l'argument selon lequel il ne serait pas facile d'intégrer cette différence dans l'enseignement du document considéré comme état de la technique le plus proche, ou que cela nécessiterait plus que des connaissances générales, ne serait pas alors un argument en faveur de l'activité inventive, mais plutôt un argument tendant à prouver que ledit document n'est en fait nullement un point de départ prometteur (point 4.1 des motifs).
2. Problème technique
2.1 Détermination du problème technique
(CLB, I.D.4.1)
Dans l'affaire T 943/13, analysant les décisions G 2/08 et G 2/88, la chambre est parvenue à la conclusion que la relation de causalité entre la substance ou composition d'une part, et l'effet thérapeutique obtenu d'autre part, était décisive pour apprécier l'activité inventive des revendications portant sur une indication médicale ultérieure. La chambre a considéré que le problème technique objectif était la mise à disposition de l'effet thérapeutique revendiqué par un autre moyen. L'opposant a fait valoir que le problème technique objectif était la mise à disposition d'une composition alternative. La chambre a admis que le problème technique objectif pourrait en effet être la mise à disposition d'une composition alternative si la revendication 1 était une revendication de produit "normale" portant sur une substance ou composition. Or, la revendication 1 était rédigée sous la forme d'une revendication relative à une indication ultérieure portant sur une substance ou composition destinée à une utilisation dans une application thérapeutique.
2.2 Reformulation du problème technique
(CLB, I.D.4.4)
S'agissant de la question de savoir s'il avait été prouvé, dans l'affaire T 568/11, que l'objet revendiqué offrait une solution efficace au problème mentionné, l'intimé (titulaire du brevet) invoquait trois essais comparatifs du brevet litigieux. La chambre s'est référée à la jurisprudence constante des chambres de recours, selon laquelle lorsqu'il est procédé à des essais comparatifs pour démontrer l'existence d'une activité inventive sur la base d'un effet amélioré, la comparaison avec l'état de la technique le plus proche doit être de nature à montrer de manière convaincante que l'avantage ou effet allégué est dû à la caractéristique distinguant l'invention de l'état de la technique le plus proche. La chambre a estimé que les essais comparatifs invoqués par l'intimé (titulaire du brevet) ne s'appuyaient pas sur des compositions ayant pour unique différence la caractéristique censée distinguer l'objet revendiqué de l'état de la technique le plus proche. L'intimé a toutefois prétendu que les différences supplémentaires entre les compositions à comparer étaient si minimes qu'elles n'auraient aucune influence sur les propriétés de la composition. Étant donné que l'intimé n'a présenté ni preuve, ni explication corroborant l'allégation selon laquelle il était vraisemblable que le prétendu avantage technique avait été obtenu, il ne pouvait être tenu compte de l'avantage allégué des compositions aqueuses revendiquées par rapport à l'état de la technique le plus proche. Le problème technique résolu, par rapport à l'état de la technique le plus proche, par l'objet revendiqué tel que proposé par l'intimé ne pouvait pas être admis et devait être reformulé.
3. Analyse a posteriori
(CLB, I.D.6)
Dans l'affaire T 2201/10, la chambre a considéré que l'analyse faite par la division d'examen relevait d'une approche a posteriori des faits de la cause. Même si l'on supposait que la solution proposée découlait des connaissances de l'homme du métier, la chambre a estimé qu'elle allait à l'encontre de l'enseignement de l'état de la technique le plus proche dans ce que celui-ci a d'essentiel et que, pour cette raison, la solution envisagée ne saurait, de manière réaliste, être retenue. L'approche problème-solution conduit à écarter des documents qui ne relèvent pas du domaine technique de l'invention. Elle conduit également à rejeter toute analyse en vertu de laquelle l'homme du métier aurait modifié un état de la technique le plus proche de manière contraire à sa raison d'être. En d'autres termes, le constat selon lequel une invention telle que revendiquée s'éloigne de la divulgation d'un document de l'état de la technique dans ce que celui-ci a de fondamental, au vu du but poursuivi par cet état de la technique, suffirait en soi à conclure à l'existence d'une activité inventive de ladite invention vis-à-vis de la divulgation par cet état de la technique.
4. Espérance raisonnable de réussite, notamment dans le domaine de la biotechnologie et du génie génétique
(CLB, I.D.7.1)
Dans l'affaire T 1577/11, les revendications 1 et 2 portaient sur l'utilisation d'anastrozole en vue de réduire le taux de récurrence du cancer ou le taux de nouvelle tumeur primaire controlatérale chez la femme postménopausée atteinte d'un cancer du sein à un stade précoce. Le traitement était en outre caractérisé en ce que l'anastrozole était fourni en l'absence de tamoxifène. Partageant l'avis de la division d'opposition, la chambre a estimé que, compte tenu de l'état de la technique le plus proche, le problème à résoudre était de mettre à disposition un moyen de réduire de manière plus efficace le taux de récurrence du cancer et le taux de formation d'une nouvelle tumeur primaire controlatérale chez la femme postménopausée atteinte d'un cancer du sein à un stade précoce. La chambre était convaincue que le problème avait été résolu de manière plausible. Il restait à déterminer si, pour l'homme du métier, la solution proposée était évidente à la lumière de l'état de la technique. Selon le requérant, l'homme du métier n'avait pas d'espérance raisonnable de réussite, car on ne pouvait raisonnablement s'attendre à ce que l'anastrozole soit supérieur au tamoxifène, lequel était, au moment où l'invention a été réalisée, la norme de référence dans le traitement endocrinien du cancer du sein à un stade précoce. Le requérant a fait valoir que le cancer à un stade avancé et le cancer à un stade précoce étaient deux pathologies différentes, qui exigeaient une prise en charge clinique différente. Il n'était donc pas possible d'appliquer par extrapolation les résultats d'un traitement du cancer du sein à un stade avancé au traitement du cancer du sein à un stade précoce. La chambre n'a pas partagé cet avis. Au moment où l'invention a été réalisée, l'utilisation du tamoxifène dans le traitement du cancer du sein à un stade avancé et à un stade précoce était bien connue dans l'état de la technique. L'homme du métier savait également que l'anastrozole était supérieur au tamoxifène dans le traitement endocrinien du cancer du sein à un stade avancé. La chambre a estimé que le cancer à un stade avancé et le cancer à un stade précoce n'étaient pas des pathologies différentes, mais des étapes ou phases différentes de la progression d'une même maladie. Elle a conclu que l'homme du métier aurait pu raisonnablement s'attendre à ce que l'anastrozole soit plus efficace que le tamoxifène dans le traitement endocrinien du cancer du sein à un stade précoce. En réponse à des arguments supplémentaires du requérant, notamment l'argument selon lequel l'utilisation de l'anastrozole n'était pas indiquée en dehors du cadre des essais cliniques, la chambre s'est référée à la jurisprudence constante des chambres de recours, qui établit une distinction claire entre l'espérance raisonnable de réussite et la garantie de succès et selon laquelle la garantie de succès n'est pas exigée. La chambre a ajouté que la recommandation du document (38), selon laquelle l'utilisation de l'anastrozole n'était pas indiquée en dehors du cadre des essais cliniques, reflétait la prudence des oncologues en l'absence de données cliniques. Cette recommandation ne prouvait pas l'absence d'espérance raisonnable de réussite.
5. Appréciation de l'activité inventive
5.1 Caractère technique d'une invention
(CLB, I.D.9.1)
Dans l'affaire T 339/13, la demande concernait un animal de compagnie virtuel pouvant produire une "rétroaction haptique", à savoir, par exemple, des sensations tactiles, comme des vibrations ou des pulsations, ou des effets visuels/audio. Le recours était dirigé contre la décision par laquelle la division d'examen avait rejeté la demande pour absence d'activité inventive. Il était notamment précisé dans les revendications indépendantes de la requête subsidiaire que l'utilisateur qui interagit avec l'animal de compagnie électronique virtuel déplace un curseur en avant et en arrière sur l'affichage de l'animal de compagnie virtuel et, en réponse à ce mouvement et en fonction de celui-ci, reçoit en retour une sensation haptique, à savoir une vibration périodique. Cette interaction était conçue d'après l'interaction réelle d'une personne avec son animal de compagnie, et plus particulièrement en fonction de la manière dont un chat répond aux caresses de son maître. La chambre a fait observer qu'une personne en possession d'un jouet était nécessairement prête à considérer le comportement de ce jouet comme étant réel. Elle a convenu que dans le contexte d'animaux de compagnie virtuels, la restitution d'une perception fidèle et reproduisible d'une interaction physique avec le véritable animal de compagnie représentait un problème technique. De plus, elle a constaté que l'invention résolvait ce problème par des moyens techniques, en l'occurrence à l'aide des caractéristiques techniques de l'interface du dispositif, à savoir un mouvement alternatif de curseur et une rétroaction haptique. La chambre a conclu que l'objet de la requête subsidiaire impliquait l'activité inventive requise par rapport à l'état de la technique.
Dans l'affaire T 690/11, la chambre a souscrit au point de vue du requérant, selon lequel, conformément à la jurisprudence constante des chambres de recours, il convient de ne pas tenir compte des caractéristiques non techniques pour apprécier l'activité inventive. Il était donc primordial d'établir si les caractéristiques de la revendication 1 avaient ou non un caractère technique. L'invention concernait en l'occurrence un système de dialyse qui comprenait un dispositif d'affichage, un serveur web et un navigateur web fonctionnant avec le dispositif d'affichage pour présenter des informations pouvant guider l'opérateur tout au long de la procédure d'établissement du traitement par dialyse, et pouvant illustrer la progression de ce traitement. Selon la chambre, les caractéristiques revendiquées avaient plus qu'un simple contenu informationnel destiné exclusivement à l'intelligence humaine. Les informations affichées n'étaient pas seulement définies par leur contenu, mais étaient liées de manière inextricable au fonctionnement du système revendiqué. Celui-ci ne pouvait fonctionner sans l'intervention de l'opérateur, qui était requise par les écrans revendiqués de procédure d'établissement de thérapie de dialyse. De plus, l'affichage en temps réel des écrans de traitement par dialyse équivalait à des informations techniques concernant l'état du système de dialyse pendant le traitement, et aidait l'opérateur à surveiller le bon fonctionnement du système revendiqué, ce qui représentait en soi une tâche d'ordre technique. Autrement dit, l'affichage revendiqué d'une pluralité d'écrans de procédure d'établissement de thérapie de dialyse et d'une pluralité d'écrans de traitement par dialyse était lié à l'interaction entre le système et l'opérateur, et faisait donc intervenir des moyens techniques pour la transmission et le traitement des signaux correspondants qui contribuaient au bon fonctionnement du système. Cela conférait un caractère technique aux caractéristiques revendiquées, dont il fallait donc dûment tenir compte pour apprécier la nouveauté et l'activité inventive.
Dans l'affaire T 483/11, la chambre n'a pas contesté le fait que la méthode revendiquée s'inscrivait dans un contexte technique. Cette méthode était réalisée par des moyens techniques (un ou plusieurs serveurs d'un réseau) et avait donc un caractère technique. La chambre a toutefois fait observer qu'il était nécessaire d'établir si l'invention apporte une contribution technique par rapport à l'état de la technique pour juger la question de l'activité inventive (T 641/00). Dans l'affaire en cause, la contribution de l'invention ne tenait pas à l'utilisation de résumés de documents exécutés dans un système de communication mobile, une telle utilisation faisant déjà partie de l'état de la technique. La contribution résidait plutôt dans l'algorithme permettant d'extraire du document électronique des informations de synthèse. Selon la chambre, cet algorithme était dépourvu de caractère technique. Il s'agissait d'une activité intellectuelle, telle qu'un être humain la réaliserait à la lecture d'un texte. La chambre n'était pas d'accord avec le point de vue du requérant, selon lequel la technicité du contexte dans lequel s'inscrit la caractéristique s'étend automatiquement à celle-ci. La caractéristique doit elle-même apporter une contribution au contexte technique ou aux aspects techniques de l'invention. Par conséquent, l'invention n'impliquait pas d'activité inventive (art. 56 CBE).
5.2 Appréciation de caractéristiques portant sur la présentation d'informations
(CLB, I.D.9.1.6 b))
Dans l'affaire T 651/12, la division d'examen avait considéré que l'objet de la revendication 1 selon la requête principale ne satisfaisait pas à l'exigence d'activité inventive. La chambre a souligné que la requête principale concernait essentiellement la mise en œuvre technique, dans un dispositif d'affichage de carte, de la méthode d'affichage d'une carte en vue aérienne selon la revendication 6. L'objet de la revendication 6 n'était pas exclu de la brevetabilité au titre de l'art. 52(3) CBE, étant donné qu'il ne concernait pas cet objet ou ces activités, considérés en tant que tels. La revendication 6, relative à une méthode mise en œuvre par ordinateur, impliquait en effet l'utilisation de moyens techniques sous la forme d'un ordinateur. Conformément à la jurisprudence constante des chambres de recours, elle représentait donc une invention au sens de l'art. 52(1) CBE (cf. T 258/03, JO 2004, 575). L'art. 52(2)a) CBE a pour objet des méthodes mathématiques purement abstraites, à savoir des méthodes permettant la réalisation de calculs en tant que but en soi. Or, dans l'affaire en cause, le résultat du calcul était utilisé dans un but technique, à savoir l'affichage d'informations dans de meilleures conditions ergonomiques. La chambre a en outre déclaré que selon elle, le calcul proprement dit comportait lui aussi, en l'espèce, des aspects manifestement techniques. Les étapes a à c selon la revendication 6 produisaient un effet technique, à savoir la réduction des besoins en stockage de données et l'augmentation de la vitesse de calcul. Elles apportaient donc une solution technique à un problème technique. Aussi la chambre a-t-elle jugé qu'en ce qui concerne l'affichage de la carte en vue aérienne tridimensionnelle et les étapes de calcul, la revendication 6 portait sur un objet technique. Elle a fait observer que dans le contexte de l'affichage de carte dans l'affaire en cause, l'ergonomie, en tant que science appliquée visant à optimiser la conception de produits en vue de leur utilisation par l'homme, était un domaine technique. Elle a donc considéré que l'affichage de la carte en vue aérienne tridimensionnelle apportait une solution technique à un problème technique. De plus, s'agissant par exemple d'un système de navigation pour automobile, la compréhension immédiate des informations présentées permettait au conducteur de se concentrer davantage sur la route et la circulation et, partant, contribuait à la sécurité. De ce point de vue également, l'affichage de la carte en vue aérienne tridimensionnelle fournissait donc une solution technique à un problème technique. La vue aérienne tridimensionnelle offrait non pas simplement une présentation plus méthodique ou plus attrayante des données de la carte, mais surtout une présentation qui était adaptée, sur le plan ergonomique, aux besoins de l'utilisateur, à savoir un conducteur de voiture. Enfin, la chambre a constaté que le niveau de détails techniques et la complexité de l'objet technique allaient au-delà des éléments que l'on pouvait raisonnablement tenir pour notoires. L'affaire devait par conséquent être renvoyée à la division d'examen afin que celle-ci effectue une recherche supplémentaire avant de se prononcer sur la délivrance d'un brevet.
Dans l'affaire T 1375/11, l'appareil de jeu et/ou de divertissement selon la revendication 1 était un dispositif, ce qui lui conférait nécessairement un caractère technique. Selon la division d'examen, certaines caractéristiques de l'objet revendiqué n'étaient cependant pas techniques et n'apportaient donc pas de contribution technique par rapport à l'état de la technique le plus proche. La chambre a constaté que la revendication 1 définissait une invention dans laquelle des caractéristiques techniques étaient combinées à des caractéristiques non techniques. La question se posait de savoir quel problème était ce faisant résolu et s'il devait être considéré comme technique ou non technique (T 641/00). Selon le requérant, le problème à résoudre par l'objet de la revendication 1 consistait à améliorer "la visibilité des champs de mise occupés et, partant, à accroître le confort d'utilisation, afin de permettre aux participants de jouer sans se fatiguer, tout en surveillant en permanence le déroulement de la partie". Pour résumer, le problème consistait à "améliorer la maniabilité d'un point de vue ergonomique". La chambre a souscrit à cette formulation du problème. Selon elle, il ne faisait aucun doute que le problème lié à l'amélioration de l'ergonomie était d'ordre technique. Cela était du reste confirmé par la jurisprudence des chambres de recours (T 1296/05). L'application des principes énoncés dans la décision T 862/10 conduisait à la même conclusion. Dans cette affaire, la revendication 1 de la première requête subsidiaire avait pour objet la fourniture d'un signal audio qui était localisé dans une position ou près de l'emplacement de la restitution physique de l'objet d'affichage. Cela résolvait le problème qui consistait à permettre à l'utilisateur de détecter facilement sur l'écran la position de l'objet d'affichage. Dans ce contexte, la chambre chargée de l'affaire T 862/10 avait considéré que le problème comme la solution avaient un caractère technique, puisqu'ils ne dépendaient pas de facteurs psychologiques ou subjectifs. Ils étaient au contraire fonction de paramètres techniques (se fondant entre autres sur la physiologie humaine) qui pouvaient être définis de manière précise. Or, dans la présente affaire, le problème à résoudre était défini non pas par des facteurs psychologiques ou subjectifs, mais par des facteurs physiologiques comme la fatigue oculaire, et une visibilité limitée. Le caractère technique de la caractéristique distinctive et du problème connexe de l'invention en cause était donc corroboré par la décision T 862/10. Compte tenu de l'état de la technique disponible, la chambre a conclu que l'objet de la revendication 1 impliquait une activité inventive au sens des art. 52(1) et 56 CBE.
5.3 Combinaison de documents
(CLB, I.D.9.7)
Dans l'affaire T 454/13, l'invention portait sur un dispositif à bloc d'échantillons et une méthode de maintien d'une microcarte sur un bloc d'échantillons. Le problème à résoudre consistait à améliorer l'uniformité thermique d'une pluralité d'échantillons sur une seule microcarte. Selon le requérant 2 (opposant), la solution était évidente au vu de chacun des documents D6 à D8, ainsi que du document D4. Concernant les documents D6 à D8, la chambre a fait observer qu'ils relevaient d'un domaine technique éloigné du domaine des essais biologiques, à savoir la fabrication de dispositifs semi-conducteurs, et qu'ils ne pouvaient donc livrer un quelconque indice quant à la manière de résoudre le problème de l'amélioration de l'uniformité thermique d'une pluralité d'échantillons de matériau biologique situés sur une microcarte. Le requérant 2 a fait valoir que le document D1 prouvait qu'il ressortait des connaissances générales que des problèmes similaires se posaient dans les domaines de la fabrication de semi-conducteurs et des essais biologiques. Le document D1 n'étant toutefois qu'un fascicule de brevet parmi d'autres, il ne permettait pas, à lui seul, de prouver l'état des connaissances générales. La chambre a noté que le document D1 enseignait en effet que le dispositif divulgué dans le document pourrait être utilisé pour le cyclage thermique de substrats tels que des plaquettes de semi-conducteurs, ainsi que pour le cyclage thermique dans les procédés ACP. Cependant, cela ne signifiait pas que l'homme du métier chercherait des solutions dans le domaine de la fabrication de semi-conducteurs s'il était confronté au problème spécifique de l'amélioration de l'uniformité thermique d'une pluralité d'échantillons biologiques sur une microcarte. Comme il n'est normalement pas question d'échantillons biologiques dans le domaine de la fabrication de semi-conducteurs, rien ne l'aurait incité à chercher une solution dans ce domaine. Par souci d'exhaustivité, la chambre a également fait observer que, dans le document D1, il n'était fait mention que de procédés ACP et non d'une microcarte comportant une pluralité d'échantillons biologiques, c'est-à-dire un système dans lequel la température des différentes chambres d'échantillon d'une microcarte pourrait ne pas être uniforme. La chambre a conclu que l'homme du métier n'aurait pas eu de raisons de consulter les documents D6 à D8.
II. DEMANDE DE BREVET ET MODIFICATIONS
A. Revendications
(CLB, II.A)
Dans l'affaire T 81/14, la chambre a estimé que, s'agissant de la définition d'un produit au moyen de son procédé de production, les principes définis dans la jurisprudence pour les revendications de produits caractérisés par leur procédé d'obtention ("revendications product-by-process") doivent généralement être appliqués, y compris dans le cas d'une revendication portant sur l'utilisation de ce produit. Les revendications 1 à 7 de l'une des requêtes subsidiaires portaient sur une méthode de production d'un corps en carbure cémenté fritté. La revendication 8 portait sur l'utilisation, pour la fabrication d'un outil de coupe, d'un corps en carbure cémenté fritté obtenu grâce à la méthode selon l'une des revendications 1 à 7. De ce fait, la revendication 8 comprenait des caractéristiques de procédé et de produit et équivalait sur un plan théorique à une revendication portant sur un procédé de fabrication d'un outil de coupe à l'aide du corps en carbure cémenté fritté (cf. G 2/88, point 5.1 des motifs, JO 1990, 93). Bien que la revendication ne porte pas sur un produit, mais sur un procédé, la chambre a déclaré que les principes qui guident l'appréciation de la clarté des caractéristiques de produit ne doivent pas varier selon que ces caractéristiques apparaissent dans une revendication de produit ou dans une revendication de procédé. Appliquant à la revendication 8 les principes élaborés dans la jurisprudence pour les revendications de produits caractérisés par leur procédé d'obtention, la chambre a indiqué qu'il aurait été possible de définir le corps fritté au moyen de caractéristiques structurelles, à savoir sa composition, sa microstructure et ses propriétés mécaniques, en conséquence de quoi la définition par le procédé d'obtention dans la revendication 8 entraînait un manque de clarté.
Selon la chambre, la contribution technique ne réside pas normalement en cela que le problème est résolu, mais dans la combinaison de caractéristiques par lesquelles il est résolu, à savoir les caractéristiques essentielles qui sont nécessaires à la résolution du problème technique à la base de la demande. Si une revendication indépendante contient une caractéristique définie par un résultat recherché qui correspond pour l'essentiel au problème à la base de la demande, les caractéristiques restantes de la revendication doivent, pour qu'il soit satisfait aux exigences de l'art. 84 CBE 1973, couvrir toutes les caractéristiques essentielles qui sont nécessaires à l'obtention de ce résultat. Étant donné qu'il n'était en l'espèce pas satisfait à ces exigences, la chambre a rejeté le recours formé par le titulaire du brevet.
Dans l'affaire T 1722/11, l'une des revendications avait pour objet un programme d'ordinateur stocké sur un support déchiffrable par ordinateur et définissait ce programme par référence à une revendication de méthode. La chambre a noté que la mise en œuvre de la première étape de la revendication de méthode (transmission de contenu aux dispositifs des utilisateurs via un réseau de communication, impliquant l'utilisation de ressources du réseau) nécessitait une interaction coordonnée entre différentes ressources du réseau de communication, notamment entre un émetteur de contenu, une voie de transmission et un récepteur de contenu, ces ressources étant situées à des endroits différents, éloignés les uns des autres. Il n'apparaissait donc pas clairement de quelle manière cette étape pouvait être mise en œuvre seulement par un programme d'ordinateur (unique) lorsqu'il était exécuté sur un ordinateur, ni, par conséquent, dans quelle mesure cette étape définissait le programme d'ordinateur revendiqué. Il en allait de même pour la dernière caractéristique de la revendication de méthode ("caractérisé en ce que les paramètres de transmission d'au moins un message au dispositif de l'utilisateur comprennent un plan de l'horaire de transmission d'au moins un message, défini en fonction de l'usage du contenu par le dispositif de l'utilisateur") car ladite caractéristique se bornait à spécifier les paramètres de transmission, sans indiquer clairement dans quelle mesure cela définissait ou limitait le programme d'ordinateur revendiqué. Il a dès lors été considéré que la revendication relative au programme d'ordinateur manquait de clarté.
Dans l'affaire T 1871/09, la chambre a fait application d'un principe général d'interprétation, dont l'art. 69 CBE n'est qu'une illustration, en vertu duquel une partie d'un document ne saurait être interprétée indépendamment de son contexte, mais qu'il convient au contraire de considérer l'intégralité du document, dès lors que l'on recherche le sens de tels ou tels termes. Il n'est donc pas justifié, à ce titre, de retenir un passage de la description au détriment d'un autre, afin de donner une coloration particulière à certains termes utilisés.
Dans le même temps, il ne saurait être fait abstraction de la particularité du fascicule de brevet pour lequel les revendications ont vocation à généraliser les modes de réalisation particuliers effectivement divulgués dans le fascicule de brevet. Dans quelle mesure cette particularité intervient dans l'exercice d'interprétation relève de chaque espèce. Il n'en demeure pas moins que les termes choisis dans les revendications sont supposés avoir été choisis pour servir cet objectif de généralisation des modes de réalisation particuliers. En conséquence, dès lors que le titulaire du brevet aura omis, sciemment ou non, de définir certains concepts, ou aura accepté de laisser subsister certaines ambiguïtés dans la description du brevet inhérente à la requête considérée, celui-ci sera alors mal fondé à se retrancher derrière une interprétation limitative des termes de la revendication, tout au moins dans la mesure où l'interprétation générale retenue est techniquement sensée et conforme à l'enseignement général du brevet.
En l'espèce, le brevet conduisait à généraliser le procédé revendiqué au-delà de son interprétation littérale. Selon la chambre il était regrettable que la version de la description n'ait pas été adaptée à la version des revendications considérée brevetable par la division d'examen et conduise à ce qui constitue avant tout un problème de clarté du procédé revendiqué. La version du brevet relevait cependant de l'entière responsabilité du requérant. Si aucune objection de clarté (art. 84 CBE 1973) ne pouvait être soulevée à l'encontre de la version délivrée du brevet en vertu de l'art. 100 CBE 1973, les titulaires du brevet devaient néanmoins accepter que toute contradiction, ambiguïté ou imprécision puisse être exploitée par les opposants qui pourront notamment tirer bénéfice de la portée élargie des revendications que de telles circonstances permettent. L'argument selon lequel D1 reproduisait le procédé de la revendication 1, tel qu'interprété à la lumière de la description, était donc justifié.
B. Unité de l'invention
1. Un seul concept inventif général
(CLB, II.B.5.2)
Dans l'affaire T 2248/12, le rapport complémentaire de recherche européenne se limitait à l'invention mentionnée en premier lieu dans les revendications, à savoir la variante "S96C" du ligand apo-2 (Apo2L). La division d'examen a rejeté la demande, après avoir conclu que les deux variantes R170C et K179C du coordinat Apo2L, non couvertes par le rapport de recherche, présentaient un défaut d'unité a posteriori compte tenu de l'exposé de D1 combiné à celui de D4 en ce qui concernait la variante S96C, au motif que le concept (c'est-à-dire les "éléments techniques particuliers" liant entre elles les trois variantes) n'était pas inventif (cf. art. 82 CBE, et règles 137(4) et 164(2) CBE tels qu'applicables à l'époque).
La chambre a déclaré que l'appréciation de l'unité de l'invention nécessitait une analyse préalable du ou des problème(s) technique(s) sous-jacent(s) à chacun des groupes d'invention. En effet, seule une telle analyse permet de décider si les différents modes de réalisation présentent des éléments techniques particuliers identiques ou analogues. Les variantes R170C et K179C se distinguaient de celles décrites par D1 en ce que le résidu d'acide aminé natif à chacune des positions était remplacé par de la cystéine. La variante S96C n'était pas divulguée dans D1.
Les "éléments techniques particuliers " par rapport à D1 qui étaient communs aux trois variantes étaient les suivants : i) les acides aminés présents aux trois positions de la protéine native étaient remplacés par une cystéine, ii) les trois positions se trouvaient en dehors de la région de contact avec le récepteur d'Apo2L dans un complexe liant avec DR5 et iii) ces positions présentaient une haute accessibilité au solvant. Les effets techniques en résultant étaient que ces trois variantes étaient faciles à pégyler, mais conservaient pour l'essentiel leur activité biologique, c'est-à-dire qu'elles se liaient à leurs récepteurs et induisaient une apoptose. Dès lors, le problème technique sous-jacent était de trouver des variantes d'Apo2L qui soient à la fois faciles à pégyler et biologiquement actives.
D1 ne portait pas sur l'indication des positions, dans Apo2L, qui se caractérisent par une haute accessibilité au solvant permettant une pégylation n'interférant pas de manière notable avec l'activité biologique de la protéine, mais portait sur l'identification des positions qui ont une incidence sur la formation de trimères et la stabilité d'Apo2L. Par conséquent, le remplacement potentiel des acides aminés natifs à ces positions par de la cystéine ne pouvait pas être déduit à partir de D1.
D4 divulguait les avantages de la pégylation pour les protéines thérapeutiques en général, et indiquait par ailleurs que l'acide aminé appelé cystéine constituait l'un des partenaires de liaison possibles. Ce document attirait en outre l'attention de la personne du métier sur le risque potentiel de perte d'activité biologique d'une protéine lorsqu'on tentait d'améliorer sa pharmacocinétique par pégylation et indiquait à cet égard que "[l]e même mécanisme qui empêche des enzymes protéolytiques ou des anticorps d'approcher une protéine pégylée est également capable de rejeter un substrat du site actif sur la protéine". Cependant, on ne pouvait déduire de D4 aucune suggestion indiquant la manière d'éviter ou de minimiser ce risque pour des protéines thérapeutiques connues pour leur rôle dans les interactions protéine-protéine, que ce soit en général ou pour Apo2L en particulier.
Par conséquent, ni D1 pris séparément ni D1 en combinaison avec D4 ne divulguaient ou ne suggéraient le concept inventif commun sous-jacent aux trois variantes, à savoir l'obtention de résidus de cystéine modifiés à des positions situées en dehors de la région de contact avec les récepteurs d'Apo2L, qui présentent également une accessibilité au solvant élevée et permettent par là même une conjugaison aisée avec le PEG sans diminuer notablement l'activité biologique des protéines.
Le concept liant les trois variantes était dès lors nouveau et inventif, et devait être considéré comme un "seul concept inventif général". Il était donc satisfait à l'exigence d'unité d'invention, et l'objet de la revendication 1 se rapportant aux variantes basées sur R170C et K179C était conforme aux exigences de l'art. 82 CBE. Même si les deux variantes revendiquées portaient sur des éléments n'ayant pas fait l'objet d'une recherche, elles pouvaient être combinées avec la variante S96C, qui avait quant à elle fait l'objet d'une recherche, afin de former un "seul concept inventif général", de sorte qu'il était également satisfait aux exigences des règles 164(2) CBE et 137(4) CBE.
2. Objet non couvert par la recherche – applicabilité de la règle 137(5) CBE
(CLB, II.B.6.3)
Dans l'affaire T 1126/11, la demande portait sur l'exécution anticipée d'une commande sur un support de données portable comportant un circuit intégré. Un défaut d'unité ayant été constaté, le demandeur avait payé des taxes de recherche supplémentaires pour les inventions 2 et 3, mais pas pour la quatrième. Une nouvelle revendication 1 déposée pendant la phase d'examen contenait une caractéristique provenant initialement de la revendication (dépendante) 12 qui faisait partie de la quatrième invention, laquelle n'avait pas fait l'objet d'une recherche. La division d'examen n'avait pas admis le jeu de revendications modifié en application de la règle 137(5) et (3) CBE, et avait rejeté la demande sur la base des art. 78(1)c) et 113(2) CBE au motif qu'elle ne contenait pas de revendications.
La chambre a fait remarquer que la division d'examen doit prendre une décision sur la base de la règle 137(5) CBE lorsqu'elle est appelée à déterminer si les éléments qui n'ont pas fait l'objet de la recherche sont liés à l'invention ou à la pluralité d'inventions initialement revendiquées de manière à former un seul concept inventif général. Il n'y a pas lieu de se référer pour cela à la règle 137(3) CBE. Dans la présente espèce, même si les revendications modifiées du brevet portaient sur des éléments n'ayant pas fait l'objet d'une recherche, elles étaient néanmoins liées avec l'invention ou la pluralité d'inventions initialement revendiquées de manière à former un seul concept inventif général. S'il arrive parfois que des revendications dépendantes forment elles-mêmes une invention ou une pluralité d'inventions, ce n'était pas le cas ici. L'unicité du concept inventif ressortait clairement du seul mode de réalisation proposé. De plus, on trouvait une généralisation de l'invention dans la description. L'unité de l'invention pouvait également être mise en évidence par l'argument suivant : si l'on recherchait un document se rapportant exclusivement à la quatrième invention alléguée, celui-ci serait très probablement pertinent aussi pour la revendication 1 et les autres inventions supposées. Dès lors, le remboursement des taxes de recherche supplémentaires s'imposait.
C. Possibilité d'exécuter l'invention
1. Éléments de la demande déterminants pour l'appréciation de la suffisance de l'exposé
(CLB, II.C.2)
Dans l'affaire ex parte T 206/13, la chambre n'a pas pu accepter les arguments du requérant selon lesquels les caractéristiques préférées ou facultatives définies dans une revendication doivent être ignorées lors de l'évaluation au titre de l'art. 83 CBE. Selon la jurisprudence constante, il n'est satisfait à l'exigence relative à la suffisance de l'exposé définie à l'art. 83 CBE que si la divulgation de l'invention permet à l'homme du métier d'exécuter, sans effort excessif, essentiellement tous les modes de réalisation couverts par l'invention revendiquée. Cela vaut en particulier pour les modes de réalisation spécifiques d'une invention définis dans les revendications dépendantes conformément à la règle 43(3) CBE et, par là même, pour toute caractéristique facultative définie dans une revendication, une telle caractéristique constituant également, par sa nature même, un mode de réalisation particulier de l'invention revendiquée, indépendamment du fait que la caractéristique facultative soit qualifiée de "préférée" ou non.
2. Exposé clair et complet – paramètres
(CLB, II.C.4.5)
Dans l'affaire T 147/12, le requérant (opposant) faisait valoir que l'invention n'avait pas été exposée de manière suffisante. Il ne niait pas l'existence de méthodes permettant de déterminer la teneur de polyéthers en métaux alcalins, mais affirmait que selon les documents D7 (publication scientifique), D8 (étude) et D11 (rapport d'expérience fourni par l'opposant), la valeur relative à la teneur du polyéther en métaux alcalins dépendait de la méthode d'analyse utilisée pour l'obtenir. Étant donné que le brevet litigieux n'indiquait pas quelle méthode avait été utilisée pour déterminer la teneur en métaux alcalins, l'homme du métier n'était pas en mesure de reproduire l'opération permettant d'établir cette teneur et, partant, ne pouvait pas savoir s'il travaillait dans le champ des revendications. On pouvait donc considérer que l'objet revendiqué n'avait pas été exposé de manière suffisante. Concernant le document D11, la chambre a estimé que même si ce document montrait, comme l'a affirmé le requérant, que la teneur en métaux alcalins pouvait varier selon les conditions de mesure, cet élément n'impliquait pas à lui seul l'insuffisance de l'exposé de l'objet revendiqué pris dans son intégralité. En effet, il n'était pas démontré que l'incertitude quant à la teneur en métaux alcalins avait une incidence telle sur le procédé revendiqué que l'homme du métier n'aurait pu réaliser le procédé sans effort excessif. Le requérant avait indiqué qu'en raison de l'incertitude pesant sur la méthode de mesure de la teneur en métaux alcalins, l'homme du métier n'était pas à même de s'assurer que la valeur obtenue se trouvait bien dans la plage revendiquée, sans toutefois démontrer en quoi cette incertitude empêchait fondamentalement l'homme du métier d'obtenir un polyéther au sens de la revendication 1. La chambre a considéré que les affaires T 83/01 (homme du métier n'étant pas à même d'effectuer une quelconque mesure du paramètre revendiqué) et T 815/07 (méthode d'essai définie dans la revendication 1 donnant des valeurs totalement arbitraires) n'étaient pas applicables en l'espèce.
3. Exécution de l'invention
3.1 Reproductibilité
(CLB, II.C.5.1)
Dans l'affaire ex parte T 2001/12, la demande de brevet portait sur un dispositif à mémoire et sa méthode de lecture. La question se posait de savoir si l'allégation selon laquelle l'invention revendiquée ne permettait pas d'obtenir un effet technique mentionné dans la description mais non dans la revendication 1 (à savoir une réduction de la tension d'écriture et la suppression à un niveau égal ou inférieur à environ 70 % de la tension d'un dispositif conventionnel de type plan), justifiait, si elle s'avérait exacte, le rejet de la demande de brevet au motif que celle-ci ne satisfaisait pas aux exigences prévues à l'art. 83 CBE.
La chambre s'est référée à la décision G 1/03 (JO 2004, 413), dans laquelle la Grande Chambre de recours avait déclaré ce qui suit :
"Le fait que l'invention revendiquée ne puisse pas être reproduite […] peut devenir pertinent pour les exigences d'activité inventive et de suffisance de l'exposé. Si un effet est décrit dans une revendication, l'exposé n'est pas suffisant. En revanche, si l'effet n'est pas décrit dans une revendication, mais fait partie du problème à résoudre, il se pose un problème d'activité inventive (T 939/92, JO 1996, 309)."
Ce passage a depuis été cité dans d'autres décisions. Dans la décision T 1079/08 par exemple, le point est développé comme suit : "Dans la décision G 1/03 (JO 2004, 413), la Grande Chambre de recours a indiqué que le manque de reproductibilité de l'invention revendiquée est pertinent pour les exigences de suffisance de l'exposé si l'effet technique est une caractéristique technique de la revendication, puisque dans ce cas, il caractérise l'objet revendiqué (cf. point 2.5 des motifs)."
Ce même point avait été développé dans de précédentes décisions, par exemple dans la décision T 939/92 (citée par la Grande Chambre de recours dans l'extrait susmentionné de la décision G 1/03) et dans la décision T 260/98 (qui cite également la décision T 939/92), dans laquelle la conclusion suivante avait été tirée : "Cependant, étant donné que les revendications ne mentionnent qu'une abrasivité réduite et n'exigent aucune activité synergique des composants, la question de savoir si un tel effet synergique est obtenu par les encres d'impression revendiquées n'est pas pertinente en ce qui concerne la suffisance de l'exposé, bien qu'elle puisse légitimement se poser au titre de l'art. 56 CBE si ce résultat technique s'avère être le seul élément étayant l'activité inventive alléguée des encres d'impression (T 939/92)."
Une objection pour insuffisance de l'exposé au titre de l'art. 83 CBE 1973 ne peut donc légitimement être fondée sur l'argument selon lequel la demande de brevet ne permettrait pas à l'homme du métier d'obtenir un effet technique non revendiqué.
Étant donné que l'effet technique en question (à savoir la réduction de la tension d'écriture et la suppression à un niveau égal ou inférieur à 70 % de la tension de programmation d'un dispositif conventionnel de type plan) ne faisait pas partie de l'invention définie dans la revendication 1, l'objection selon laquelle la demande considérée dans son ensemble ne divulguait pas de caractéristiques permettant d'obtenir cet effet ne constituait pas une objection valable au sens de l'art. 83 CBE 1973 (cf. point 3.4 des motifs).
Un doute sur le fait que l'invention revendiquée soit en mesure de résoudre le problème défini dans la demande peut avoir les conséquences suivantes :
a) si la question se pose parce que la revendication omet de mentionner les caractéristiques décrites dans la demande comme permettant de résoudre le problème, la description et les revendications ne sont pas cohérentes avec la définition de l'invention, et il peut être objecté à juste titre, en vertu de l'art. 84 CBE 1973, que les revendications ne contiennent pas toutes les caractéristiques essentielles nécessaires pour définir l'invention ;
b) si ce n'est pas le cas mais que, vu l'état de la technique et indépendamment de ce qui peut être affirmé dans la description, il ne semble pas crédible que l'invention revendiquée soit réellement en mesure de résoudre le problème, une objection au titre de l'art. 56 CBE 1973 peut être soulevée (point 4.4 des motifs) et il est possible que le problème doive être reformulé.
3.2 Exécution de l'invention sans effort excessif – tâtonnements
(CLB, II.C.5.6.1)
Dans l'affaire T 2220/14, la chambre a estimé que le domaine technique dont relevait l'invention étant particulièrement complexe (méthodes de modification de cellules eucaryotes), il faudrait en moyenne déployer beaucoup d'efforts pour mettre en pratique un exposé écrit dans ce domaine et cela nécessiterait de nombreux tâtonnements. La chambre a ajouté que la CBE n'exigeait nullement que le demandeur ait exécuté l'invention revendiquée, que ce soit à la date de priorité ou à la date de dépôt. En vertu de l'art. 83 CBE, l'homme du métier, fort de ses connaissances générales de base et moyennant un nombre raisonnable d'essais et quelques tâtonnements, doit être en mesure, en suivant les enseignements de la demande telle que déposée, d'exécuter l'invention telle que revendiquée à la date pertinente. La chambre a conclu, à l'issue d'un raisonnement technique détaillé, qu'elle n'avait aucune raison de douter que l'invention telle que revendiquée dans les revendications 1, 5 et 6 était exposée de manière suffisante, comme l'exige l'art. 83 CBE.
3.3 Documents publiés ultérieurement
(CLB, II.C.5.8)
Dans l'affaire T 1329/11, les intimés (titulaires du brevet) se référaient à des documents publiés ultérieurement, en particulier au document D8 publié plus de cinq ans après la date de priorité, afin de montrer que la méthode revendiquée fonctionnait. Selon la jurisprudence constante des chambres de recours, des preuves publiées ultérieurement peuvent être invoquées non pour établir la suffisance d'un exposé, mais seulement pour l'étayer. Par conséquent, le contenu des documents auxquels l'homme du métier n'avait pas accès à la date de priorité ne permettait pas de répondre au point important de savoir si l'invention revendiquée avait été exposée de manière suffisante à cette date.
La chambre n'a pas non plus accepté l'argument des intimés selon lequel l'invention revendiquée était suffisamment exposée puisque le requérant (opposant) n'avait pas apporté la preuve au moyen d'éléments vérifiables qu'elle ne fonctionnait pas. Bien que la charge de la preuve en ce qui concerne la suffisance de l'exposé incombe en général au requérant (opposant), ce principe ne s'applique pas à des cas comme la présente affaire, dans laquelle la demande telle que déposée ne fournissait aucun exemple, ni aucune autre information technique donnant tout lieu de penser que l'invention revendiquée pouvait être exécutée.
L'exigence de suffisance de l'exposé n'ayant pas été respectée, la requête principale a été rejetée en vertu de l'art. 83 CBE.
Dans l'affaire T 2059/13, la division d'opposition avait révoqué le brevet litigieux (pour insuffisance de l'exposé), se fondant en particulier sur l'une des conclusions tirées dans la décision T 609/02 (cf. point 9 des motifs). Le requérant (titulaire du brevet) a fait valoir que l'affaire T 2059/13 différait de l'affaire T 609/02, dans laquelle la structure chimique des composés en question n'était pas mentionnée. La chambre a toutefois estimé que la conclusion sur laquelle s'était appuyée la division d'opposition était de nature plus générale. Elle ne se limitait pas aux affaires dans lesquelles la structure chimique des composés n'était pas indiquée et concernait l'utilisation thérapeutique de composés chimiques en général.
La chambre a par conséquent estimé qu'un brevet revendiquant un composé pour une utilisation thérapeutique (en l'occurrence, l'aripiprazole contre les troubles bipolaires) ne pouvait être maintenu en vertu de l'art. 100b) CBE si la demande ne divulguait pas à l'homme du métier faisant appel à ses connaissances générales que le produit en question était indiqué pour l'application thérapeutique revendiquée. Des preuves produites ultérieurement ne pouvaient être prises en considération pour établir la suffisance de l'exposé que si la demande de brevet contenait des indications en ce sens. Pour ces raisons, afin d'évaluer la suffisance de l'exposé dans l'affaire en question, il convenait de déterminer (i) dans quelle mesure l'exposé du brevet litigieux et, surtout, de la demande telle que déposée divulguait le caractère idoine des composés en question pour l'application thérapeutique revendiquée ; (ii) dans quelle mesure l'homme du métier était à même de compléter cet exposé à l'aide de ses connaissances générales de base ; (iii) dans quelle mesure il convenait de considérer les documents publiés antérieurement et cités par les parties comme relevant des connaissances générales de base ; et (iv) s'il était possible de rectifier d'éventuelles erreurs dans l'exposé du brevet litigieux au moyen de preuves publiées ultérieurement. Après examen de ces aspects, la chambre a indiqué qu'à la date de dépôt, rien dans le brevet tel que divulgué ne montrait de manière plausible que l'un quelconque des composés de la formule revendiquée convenait pour le traitement de troubles bipolaires quels qu'ils soient. Il n'en ressortait pas non plus de lien clair entre l'activité agoniste du récepteur 5-HT1A et l'indication pour le traitement des troubles bipolaires. Concernant les connaissances générales de base, la chambre a fait observer que, selon la jurisprudence constante des chambres de recours, ces connaissances comprenaient les guides et manuels de base existant sur le sujet, mais n'englobaient normalement ni la littérature brevet, ni les articles scientifiques (T 766/91 ; T 1253/04). Le requérant a fait valoir que les documents D2, D8, D43 à D45 et D47 reflétaient les connaissances générales de base et que ces documents montraient l'existence d'un lien direct. Le document D8 était un rapport médical de spécialité de troisième cycle. Les documents D43 à D45 et D47 étaient des articles publiés dans des revues scientifiques. La chambre a estimé qu'en général, de tels documents ne reflétaient pas les connaissances générales de base (T 1253/04) et que le requérant n'avait pas démontré en quoi, dans la présente espèce, l'on pouvait exceptionnellement affirmer l'inverse. Rien dans le dossier ne prouvait qu'à la date de dépôt du brevet litigieux, l'homme du métier aurait conclu directement et sans ambiguïté, en s'appuyant sur ses connaissances générales de base associées à l'exposé de la demande telle que déposée, que l'un quelconque des composés, en particulier de la formule 1, était utile dans le traitement de tout type de trouble bipolaire. Partant, la demande telle que déposée, combinée aux connaissances de base disponibles à la date de dépôt, ne mentionnait pas que l'un quelconque des composés de la formule 1 était indiqué pour le traitement de troubles bipolaires quels qu'ils soient. Par conséquent, les exigences minimales énoncées dans la décision T 609/02 pour que des preuves publiées ultérieurement puissent être prises en compte, n'étaient pas remplies. Le motif prévu à l'art. 100b) CBE faisait donc obstacle au maintien du brevet.
4. La condition de suffisance de l'exposé dans le domaine des biotechnologies
4.1 Niveau de divulgation nécessaire pour les utilisations médicales
(CLB, II.C.6.2)
Dans l'affaire T 895/13, la chambre a déclaré que conformément à la décision T 609/02, l'obtention de l'effet thérapeutique revendiqué est une caractéristique fonctionnelle de toute revendication de type suisse. De l'avis de la chambre, le même principe s'applique aux revendications de produit limitées à un usage déterminé rédigées en conformité avec l'art. 54(5) CBE. Par conséquent, l'examen de l'effet thérapeutique produit par l'objet revendiqué devait s'effectuer dans le contexte de l'appréciation de la suffisance de l'exposé et non pas dans celui de l'appréciation de l'activité inventive, comme c'était le cas dans la décision attaquée.
4.2 Dépôt de matière biologique
(CLB, II.C.6.6)
Dans l'affaire T 2542/12, concernant une nouvelle bactérie à l'origine du syndrome du cabillaud dans le cabillaud ou dans le poisson, la division d'examen avait rejeté la demande de brevet au motif que l'objet de la demande n'était pas exposé de manière suffisante (art. 83 CBE). Le requérant (demandeur) a fait valoir qu'en 2004, cette maladie était bien connue chez les pêcheurs et les éleveurs en Norvège et en Suède et que l'on pouvait donc facilement isoler de nouveau le microorganisme en se procurant un poisson infecté auprès d'une ferme piscicole ou d'un pêcheur. Il a indiqué que des poissons infectés avaient été collectés auprès de quatre fermes différentes dans l'ouest de la Norvège.
La chambre, en accord avec la décision T 2068/11, a fait observer qu'un dépôt par l'intermédiaire d'une institution de dépôt reconnue n'est exigé que si la matière biologique n'est pas accessible au public et qu'il n'est pas possible, dans la demande de brevet européen, d'en donner une description permettant à l'homme du métier d'exécuter l'invention. En l'espèce, la question était donc de savoir si le microorganisme revendiqué qui n'avait pas été déposé, était exposé de manière suffisante. À la date de priorité, à moins de connaître personnellement des pêcheurs suédois ou des pisciculteurs norvégiens, l'homme du métier ne disposait d'aucune indication quant à l'endroit où commencer à chercher des poissons infectés. Plus important encore, les fermes de cabillaud sont des entités commerciales qui ne sont ni accessibles au public, ni tenues de partager leurs poissons malades avec une personne demandant un échantillon. Elles peuvent accepter de le faire, mais également le refuser. C'est une des raisons pour lesquelles, en matière de brevets, afin de garantir un accès libre et continu, le législateur a prévu que des microorganismes revendiqués dans une demande de brevet fassent l'objet d'un dépôt dans les conditions énoncées à la règle 28 CBE 1973. Les fermes piscicoles commerciales ne constituent pas une source fiable de poissons infectés, car elles ne sont nullement tenues de partager leurs poissons malades. Les pêcheurs suédois tels que décrits dans le document D6 ne sont pas, eux non plus, une source fiable pour se procurer du poisson infecté. Il est possible d'en obtenir auprès d'eux, mais rien ne garantit qu'en contactant l'un d'eux, l'on puisse obtenir de manière fiable et continue du poisson infecté contenant le microorganisme revendiqué. Le requérant a fait valoir que du poisson malade avait été envoyé à différents instituts vétérinaires publics en Norvège et en Suède sans aucune restriction. Tel a bien pu être le cas. Cependant, la chambre a considéré que la garantie de l'accès à des échantillons appropriés n'en était pas pour autant démontrée.
La chambre a conclu que, dans ces conditions, pour que l'invention soit considérée comme suffisamment exposée, il aurait fallu qu'un échantillon soit déposé conformément aux dispositions applicables. Elle a estimé par ailleurs que le dépôt du microorganisme ne satisfaisait pas aux règles en vigueur. Les exigences prévues à l'art. 83 CBE n'étant pas remplies, le recours a été rejeté.
5. Rapport entre l'article 83 et l'article 84 CBE
(CLB, II.C.7)
Dans l'affaire T 1691/11, la revendication 1 de toutes les requêtes comportait les caractéristiques d'"au moins deux moteurs programmables indépendants" et d'"au moins un des dispositifs de transfert couplés à chacun des moteurs programmables". Ces caractéristiques étaient claires et dépourvues d'ambiguïtés. De par sa clarté, la structure linguistique de la revendication ne laissait place à aucune autre interprétation. En outre, le fait qu'il existe une contradiction entre les revendications et la description ne constituait pas une raison valable pour ignorer la structure linguistique claire d'une revendication et interpréter cette revendication de manière différente. Lorsque le libellé d'une revendication est parfaitement clair, comme c'est le cas de la revendication 1 en question, il convient de le considérer sous l'angle de l'art. 83 CBE, plutôt que de procéder à une autre interprétation de la revendication, sur la base de conjectures. L'interprétation de ces caractéristiques par la division d'opposition supposait de remplacer le terme "au moins un" par "chaque" et le terme "chacun" par "au moins un". Le sens donné par la division d'opposition à la caractéristique ne s'appuyait pas sur l'exposé et ne pouvait se justifier. La chambre a conclu que l'homme du métier ne serait pas en mesure d'exécuter l'invention eu égard à la relation revendiquée entre les dispositifs de transfert et les moteurs. Par conséquent, s'agissant de la requête principale, le motif d'opposition prévu à l'art. 100b) CBE 1973 faisait obstacle au maintien du brevet tel que délivré.
Dans l'affaire T 1727/12, la division d'opposition avait opéré une distinction entre "insuffisance classique" et "suffisance Biogen". En raison du manque de "suffisance Biogen", elle avait conclu que la revendication 1 ne satisfaisait pas aux exigences prévues à l'art. 83 CBE 1973. La chambre s'est penchée sur la question de la charge de la preuve lorsqu'il incombe à la division d'opposition d'étayer ses objections, comme c'était le cas en l'espèce. Le concept de "suffisance Biogen" n'est pas fréquemment utilisé dans les procédures devant l'OEB. Il tire son origine d'une décision rendue par la Chambre des Lords en 1996 (Biogen Inc. c. Medeva plc [1996] UKHL 18), qui portait sur la brevetabilité d'une invention biotechnologique et faisait expressément référence à la jurisprudence des chambres de recours. La division d'opposition n'avait nul besoin d'invoquer ce concept. En l'utilisant, elle aurait dû en expliquer le sens exact, à savoir que l'étendue du monopole revendiqué ne devrait pas aller au-delà de la contribution de l'invention telle que décrite dans le fascicule du brevet à l'état de la technique. La division d'opposition semble avoir estimé qu'on ne pouvait considérer la revendication 1 comme exposée de manière suffisante dans toute l'étendue de la revendication au motif que la seule invention divulguée dans le fascicule correspondait à la combinaison des revendications 1 et 3 à 5.
La chambre a fait observer que, dans les motifs de la décision T 409/91, citée dans l'affaire opposant Biogen à Medeva, il était fait référence aux exigences prévues à l'art. 84 CBE 1973 plutôt qu'à l'art. 83 CBE 1973. L'affaire T 409/91 étant une affaire ex parte, l'argument fondé sur le but commun poursuivi par les art. 83 et 84 CBE 1973 ne posait aucun problème, étant donné qu'une demande peut être rejetée pour manque de conformité à chacun de ces deux articles. La présente affaire, en revanche, était un recours faisant suite à une opposition ; il était donc nécessaire de distinguer clairement les exigences prévues à l'art. 83 CBE 1973 (suffisance de l'exposé) de celles énoncées à l'art. 84 CBE 1973 (clarté et fondement dans la description). Le manque de clarté et l'absence de fondement ne constituent pas des motifs d'opposition au sens de l'art. 100 CBE 1973 et ne peuvent se muer en de tels motifs par le biais de considérations téléologiques. Il importait donc peu de savoir, en l'espèce, si la description étayait suffisamment la revendication 1 ; la seule question qui se posait au titre de l'art. 100b) CBE 1973 était de déterminer si le brevet attaqué divulguait l'invention d'une manière suffisamment claire et complète pour qu'un homme du métier puisse l'exécuter.
La chambre a conclu que la division d'opposition, à qui revenait la charge de la preuve, n'était pas parvenue à établir que la revendication 1 de la requête principale ne satisfaisait pas aux exigences énoncées à l'art. 100b) CBE 1973. L'affaire a été renvoyée au motif que la division d'opposition avait tranché uniquement une question particulière et laissé des questions de fond (art. 54 et 56 CBE 1973) en suspens.
D. Priorité
1. Titulaire du droit de priorité – ayant cause
(CLB, II.D.2.2)
La chambre, dans l'exergue de la décision T 577/11, a énoncé ce qui suit :
Pour qu'une priorité revendiquée soit valable au titre de l'art. 87(1) CBE 1973, le demandeur ayant déposé une demande ultérieure revendiquant la priorité d'une demande antérieure (demande fondant la priorité) qui n'est pas la personne ayant déposé la demande fondant la priorité doit, lors du dépôt de la demande ultérieure, être l'ayant cause de cette personne à l'égard de la demande fondant la priorité ou du droit de revendiquer la priorité. Une succession en droit survenant après la date à laquelle la demande ultérieure a été déposée n'est pas suffisante pour satisfaire aux exigences de l'art. 87(1) CBE 1973 (cf. point 6.5 des motifs).
Si le demandeur ayant déposé la demande fondant la priorité et le demandeur ayant déposé la demande ultérieure conviennent par contrat que (seule) la propriété économique ("economische eigendom" en droit néerlandais) de la demande fondant la priorité et du droit de revendiquer sa priorité doit être transférée au demandeur ultérieur, cela ne suffit pas pour considérer ce dernier comme un ayant cause au sens de l'art. 87(1) CBE 1973 (cf. point 6.6.2 des motifs).
2. Inventions qui se réfèrent à des séquences nucléotidiques et à des séquences d'acides aminés
(CLB, II.D.3.1.10)
Aux termes de l'art. 87 CBE, il n'est possible de bénéficier d'un droit de priorité pour une demande de brevet européen que s'il s'agit de la "même invention" que celle qui était exposée dans la demande antérieure.
Dans l'affaire T 50/10, le brevet était intitulé "Protéine de résistance aux médicaments contre le cancer du sein (BCRP) et ADN codant cette protéine". Le requérant (opposant) contestait que l'objet de la revendication 1, à savoir le polypeptide de 655 acides aminés ayant comme séquence SEQ ID NO: 1, était le même que celui de la séquence SEQ ID NO: 1 de la demande antérieure dont la priorité était revendiquée. La chambre a fait observer que la demande antérieure ne contenait pas de séquence distincte identique à la séquence SEQ ID NO: 1 du brevet. Cependant, l'exemple 6 divulguait "un insert d'ADNc […] d'une longueur de 2 418 pb (paires de bases) comme dans la figure 2C ou la séquence SEQ ID NO: 2 [avec] un long code ouvert de lecture qui commençait à la position 239 et se terminait avec le codon de terminaison TAA à la position 2204-06". La traduction de ce code ouvert de lecture produisait une protéine de 655 acides aminés qui était identique à la séquence SEQ ID NO : 1 telle que mentionnée dans le brevet ; or, l'homme du métier sait, grâce à ses connaissances techniques de base, que la traduction d'une séquence d'acides nucléiques en l'acide aminé correspondant produit une séquence d'acides aminés déterminée. De plus, la séquence d'acides aminés traduite de cette région était incluse dans la séquence plus longue présentée dans la figure 2A de la demande dont la priorité était revendiquée. La chambre avait donc la conviction que, compte tenu des informations relatives aux positions des codons d'initiation et de terminaison du code ouvert de lecture correspondant, l'homme du métier, en s'appuyant sur ses connaissances générales, pouvait déduire directement et sans ambiguïté de la demande antérieure, considérée dans son ensemble, le polypeptide revendiqué ayant la séquence SEQ ID NO: 1.
3. Priorité partielle
(CLB, II.D.5.3)
Dans la décision G 1/15 (JO 2017, ***), la Grande Chambre de recours a répondu comme suit aux questions qui lui ont été soumises :
"Le droit à une priorité partielle ne peut pas être refusé au titre de la CBE pour une revendication qui englobe des objets alternatifs du fait d'une ou de plusieurs expressions génériques ou d'une autre manière (revendication générique du type "OU") pour autant que ces objets alternatifs aient été divulgués pour la première fois, directement ou au moins implicitement, sans ambiguïté et de manière suffisante dans le document de priorité. Aucune autre restriction ou condition matérielle ne s'applique à cet égard."
La Grande Chambre de recours a renvoyé à ce qu'elle avait affirmé précédemment, concernant les revendications génériques du type "OU", au point 6.7 des motifs de son avis G 2/98, à savoir que : "[...] l'utilisation d'un terme ou d'une formule générique dans une revendication pour laquelle des priorités multiples sont revendiquées conformément à l'article 88(2), deuxième phrase CBE est parfaitement acceptable au regard des articles 87(1) et 88(3) CBE, à condition qu'elle conduise à revendiquer un nombre limité d'objets alternatifs clairement définis" (c'est la Grande Chambre qui souligne en l'espèce). Elle a noté que la condition précitée avait donné lieu à des divergences dans la jurisprudence. Dans un certain nombre de décisions, cette expression a été interprétée comme posant une exigence supplémentaire pour reconnaître le droit à une priorité partielle.
La Grande Chambre a exposé son interprétation des dispositions pertinentes en matière de priorité partielle et de priorités multiples, à savoir de l'art. 88(2) et (3) CBE. Si une revendication de la demande ultérieure est plus large qu'un élément divulgué dans le document de priorité, la priorité peut être revendiquée pour ledit élément. Peu importe que la priorité partielle soit revendiquée pour un élément figurant dans un seul et même document de priorité, pour plusieurs éléments divulgués dans un document de priorité (premier cas de figure visé à l'art. 88(3) CBE), pour plusieurs éléments divulgués dans plus d'un document de priorité (deuxième cas de figure visé à l'art. 88(3) CBE) ou pour une revendication englobant plusieurs éléments divulgués dans plusieurs documents de priorité (cas de figure visé à l'art. 88(2), deuxième phrase CBE). Il est également sans importance qu'une revendication englobe un seul élément divulgué dans un document de priorité ou plusieurs éléments divulgués dans un ou plusieurs documents de priorité. Selon la Grande Chambre, cette interprétation est confirmée par le mémorandum C de la FICPI (cf. document M/48/I des Travaux préparatoires à la CBE 1973) qui peut être considéré comme traduisant l'intention du législateur (G 2/98, point 6.4 des motifs ; cf. également procès-verbal de la conférence diplomatique de Munich de 1973, M/PR/I, "Article 86 (88) Revendication de priorité", points 308 à 317), ainsi que par la Convention de Paris. Il s'ensuit que la CBE ne contient aucune autre condition, outre l'exigence de "même invention", pour reconnaître le droit de priorité, qu'il s'agisse d'une priorité simple, de priorités multiples ou d'une priorité partielle, cette dernière étant considérée comme une sous-catégorie des priorités multiples. La condition énoncée dans l'avis G 2/98 ne saurait dès lors être interprétée comme impliquant une restriction supplémentaire du droit de priorité.
Pour déterminer si un objet d'une revendication générique du type "OU" peut bénéficier d'une priorité partielle, la première étape consiste à identifier l'objet pertinent qui est divulgué dans le document de priorité, à savoir l'objet pertinent par rapport à l'état de la technique divulgué pendant le délai de priorité. Cela doit être fait en appliquant le test de divulgation défini dans la conclusion de l'avis G 2/98 et sur la base des explications fournies par le demandeur ou le titulaire du brevet à l'appui de sa revendication de priorité, pour démontrer ce que l'homme du métier aurait pu déduire du document de priorité. L'étape suivante consiste à examiner si l'objet est couvert par la revendication de la demande ou du brevet qui revendique la priorité en question. Dans l'affirmative, la revendication est de fait divisée en deux parties distinctes sur le plan conceptuel : d'une part l'invention divulguée directement et sans ambiguïté dans le document de priorité, et, d'autre part, le reste de la revendication générique ultérieure du type "OU", qui ne bénéficie pas de cette priorité mais qui donne lieu en soi à un droit de priorité, comme le prévoit l'art. 88(3) CBE. Cela correspond également au système décrit dans le mémorandum précité.
La tâche qui consiste à identifier la divulgation pertinente du document de priorité pris dans son ensemble et à déterminer si l'objet correspondant est couvert par la revendication de la demande ultérieure relève de la pratique courante à l'OEB et parmi les praticiens du système du brevet européen. Elle ne devrait dès lors pas créer de nouvelles difficultés. Il n'en résulte pas non plus d'insécurité pour les tiers. Comme il ressort des décisions T 665/00, T 135/01, T 571/10 et T 1222/11, cet exercice ne nécessite ni tests ni étapes supplémentaires.
E. Modifications
1. Article 123(2) CBE – extension de l'objet de la demande
1.1 Norme de référence ("gold standard")
(CLB, II.E.1.2.1)
Dans l'affaire T 1363/12, le requérant s'est appuyé sur un passage des Directives, à savoir le point H-IV, 2.3, pour faire valoir qu'il y avait lieu d'appliquer un critère plus souple que la norme de référence ("gold standard") résumée dans la décision G 2/10. Ce passage des Directives semblait provenir de la décision T 2619/11, dans laquelle la chambre avait estimé que la décision prise en première instance s'était focalisée de manière disproportionnée sur la structure des revendications telles que déposées, au détriment des éléments que les documents déposés divulguaient réellement à l'homme du métier ; la demande s'adressait non à un philologue ou un logicien, mais à un public de techniciens par rapport auquel toute tentative de déduire des informations de la structure des revendications dépendantes conduirait à un résultat artificiel. Dans l'affaire T 1363/12, la chambre a considéré que la décision T 2619/11 ne définissait pas de nouveau critère (lié aux éléments "réellement divulgués" à l'homme du métier) qui diffère de la "norme de référence" (cf. également T 938/11).
1.2 Pas d'interprétation artificielle ni sémantique
(CLB, II.E.1.2)
Dans l'affaire T 99/13, le point litigieux concernait la question de savoir si l'indication de la température pour la condition relative à la viscosité ("à 25°C") découlait directement et sans ambiguïté de la demande telle que déposée. La chambre a rappelé, conformément à la jurisprudence (cf. par exemple T 667/08 et T 1269/06), qu'il convient d'évaluer les exigences prévues à l'art. 123(2) CBE sur la même base que pour toutes les autres conditions en matière de brevetabilité (par exemple la nouveauté et l'activité inventive), à savoir en se plaçant du point de vue de l'homme du métier, en s'appuyant sur des critères techniques et raisonnables et en évitant toute interprétation artificielle et sémantique. L'homme du métier qui lirait la revendication 1 telle que déposée initialement, en se plaçant du point de vue d'un technicien travaillant dans le domaine concerné, considérerait que la condition formulée en des termes larges dans cette revendication eu égard à la mesure de la viscosité représentait une condition devant être remplie à la température à laquelle la formulation revendiquée était utilisée, et il consulterait la description pour trouver des précisions. Il découlait de la description que la température de reconstitution préférée était de 25°C et que la viscosité était mesurée à 25°C, à une exception près, dans tous les exemples. L'unique exemple dans lequel une autre température était spécifiée n'était pas compris dans la revendication 1. La chambre a conclu que la modification de la condition relative à la viscosité, qui avait consisté à indiquer que la température de mesure était de "25°C", découlait directement et sans ambiguïté de la demande telle que déposée.
1.3 Modification et clarté – piège inextricable
(CLB, II.E.1.10)
Dans l'affaire T 81/13, la chambre a rejeté la revendication 1 de la requête principale au motif qu'elle contenait une caractéristique en matière de viscosité qui était, selon la chambre, dépourvue de clarté (art. 84 CBE). Dans la revendication 1 de la requête subsidiaire, le requérant a supprimé cette caractéristique relative à la viscosité et allégué qu'une valeur de viscosité dépourvue de clarté et non mesurable n'était pas essentielle et qu'elle pouvait être omise pour cette raison de la revendication. Selon lui, on devait également pouvoir l'omettre afin d'échapper à l'"écueil" des art. 84 et 123(2) CBE, qui conduisait à un "piège inextricable". La chambre a fait observer que la composition du dentifrice n'était pas divulguée indépendamment de ses caractéristiques de viscosité dans la description et dans les revendications telles que déposées initialement. Elle a estimé que c'était le requérant qui avait choisi de définir une caractéristique essentielle de l'invention par un paramètre. Ce paramètre s'est révélé dépourvu de clarté, mais il restait essentiel puisque, même en manquant de clarté, il conférait à la composition un aspect particulier et caractérisait une composition ayant des propriétés spécifiques et essentielles. De plus, la présence d'une caractéristique essentielle dépourvue de clarté dans une revendication ne conduisait pas inévitablement à un "piège inextricable". Si une telle caractéristique correspondant à des propriétés essentielles d'un produit revendiqué ne pouvait être omise, elle devait normalement pouvoir être remplacée par une caractéristique équivalente, possédant inévitablement la même propriété essentielle. Cela était généralement possible en incorporant des caractéristiques techniques adéquates, pouvant présenter inévitablement ladite propriété. En dernier recours, l'objet revendiqué aurait même pu revêtir la forme d'un objet exemplifié.
1.4 Disclaimer
1.4.1 Applicabilité aux disclaimers non divulgués de la norme de référence énoncée dans la décision G 2/10
(CLB, II.E.1.5.2 b))
Dans l'affaire T 437/14 (JO 2017, ***), la chambre a soumis à la Grande Chambre de recours la question de l'admissibilité des disclaimers non divulgués et, en particulier, de l'applicabilité de la décision G 2/10 à de tels disclaimers. Elle a fait observer que, dans les décisions G 1/03 et G 2/03, la Grande Chambre de recours avait considéré que, dans certaines conditions, les disclaimers non divulgués étaient admissibles au titre de l'art. 123(2) CBE. Dans la décision G 2/10, la Grande Chambre avait énoncé le critère à appliquer aux disclaimers divulgués. Ainsi, à première vue, la décision G 2/10 ne s'appliquait pas aux disclaimers non divulgués. Après avoir analysé les conclusions énoncées dans la décision G 2/10, la chambre a conclu que l'examen de la conformité de toute modification, y compris des disclaimers non divulgués, avec l'art. 123(2) CBE devait répondre à une seule norme, à savoir la norme de référence (le "gold standard"). Cette conclusion ne laisse selon elle aucune place aux exceptions définies dans la décision G 1/03, car le seul test pertinent, y compris pour les disclaimers non divulgués, est la norme de référence. Ce n'est que si ce critère est rempli que le disclaimer est admissible au titre de l'art. 123(2) CBE. Cependant, même après avoir longuement analysé la décision G 1/03 et laissé entendre que la norme de référence est pertinente à l'égard des disclaimers non divulgués, la Grande Chambre de recours, dans la décision G 2/10, n'a pas écarté la décision G 1/03 en ce qui concerne les exceptions relatives aux disclaimers non divulgués définies dans cette décision.
La chambre a fait observer que si la norme de référence énoncée dans la décision G 2/10 devait être appliquée aux revendications contenant des disclaimers non divulgués, alors ceux-ci seraient le plus souvent non admissibles au titre de l'art. 123(2) CBE. Un disclaimer excluant un objet non divulgué contrevient presque par définition à l'art. 123(2) CBE. Si une première partie non divulguée est retranchée d'un tout, la chambre ne voit pas comment la deuxième partie restante pourrait jamais être considérée comme étant divulguée explicitement ou implicitement, mais directement et sans ambiguïté, dans la demande telle que déposée.
La chambre a noté que la jurisprudence postérieure à la décision G 2/10 n'était pas uniforme quant à la question de savoir si la norme de référence devait être appliquée et, dans l'affirmative, quel critère il convenait précisément d'appliquer pour déterminer si des disclaimers non divulgués sont admissibles au titre de l'art. 123(2) CBE. Dans de nombreuses décisions (T 1870/08 et T 2018/08 par exemple), les chambres ont appliqué une norme de référence quelque peu modifiée, la raison étant que, dans ces décisions, elles ont cherché un moyen d'adapter la norme de référence, manifestement exigée par la décision G 2/10, sans aller à l'encontre des motifs et du dispositif de la décision G 1/03.
Aussi les questions de droit fondamentales suivantes ont-elles été soumises à la Grande Chambre de recours :
1. Le critère énoncé dans la décision G 2/10 aux fins d'établir si un disclaimer divulgué est admissible en vertu de l'art. 123(2) CBE, autrement dit aux fins d'établir si l'homme du métier, en se fondant sur ses connaissances générales, considérerait l'objet restant dans la revendication, après introduction du disclaimer, comme étant divulgué explicitement ou implicitement, mais directement et sans ambiguïté dans la demande telle que déposée, doit-il également être appliqué aux revendications contenant des disclaimers non divulgués ?
2. S'il est répondu par l'affirmative à la première question, la décision G 1/03 est-elle écartée en ce qui concerne les exceptions relatives aux disclaimers non divulgués définies au point 2.1 de sa réponse ?
3. S'il est répondu par la négative à la deuxième question, autrement dit si les exceptions relatives aux disclaimers non divulgués qui sont définies dans la réponse 2.1 de la décision G 1/03 s'appliquent en plus du critère énoncé dans la décision G 2/10, ce critère peut-il être modifié au vu desdites exceptions ?
1.4.2 Formulation des disclaimers – clarté
(CLB, II.E.1.5.3 d))
Dans l'affaire T 2130/11, la chambre a estimé que la difficulté à formuler un disclaimer admissible ne peut justifier qu'il soit dérogé à l'application de l'art. 84 CBE, une telle dérogation n'étant pas prévue par la CBE. Un disclaimer doit par conséquent satisfaire, au même titre que toute autre caractéristique d'une revendication de brevet, aux exigences de l'art. 84 CBE. En tout état de cause, s'il convient d'appliquer la condition selon laquelle un disclaimer ne doit pas retrancher plus que ce qui est nécessaire pour rétablir la nouveauté (G 1/03), il est nécessaire de tenir compte en même temps de son objectif, à savoir que "le fait que le demandeur doive introduire un disclaimer ne signifie pas qu'il peut remanier arbitrairement ses revendications" (G 1/03). À cet égard, on peut envisager des situations où, même si cette condition ne peut être remplie à la lettre, il devrait être possible de formuler une définition de l'objet exclu qui satisfasse aux exigences de l'art. 84 CBE et remplisse l'objectif de cette condition (à savoir éviter que les revendications ne soient remaniées arbitrairement). En d'autres termes, un disclaimer qui retrancherait plus que ce qui est strictement nécessaire pour rétablir la nouveauté serait conforme à l'esprit de la décision G 1/03 si sa présence était obligatoire aux fins de l'art. 84 CBE et s'il ne conduisait pas un remaniement arbitraire des revendications.
1.4.3 La mise à disposition de l'objet restant dans la revendication à la date de dépôt ou de priorité de la demande
(CLB, II.E.1.5.3 f))
Dans la décision T 1808/13, la chambre a confirmé l'approche qu'elle avait adoptée dans l'affaire T 1441/13 et qui avait consisté à examiner si l'objet de l'invention restant dans la revendication était disponible à la date de dépôt. Dans l'affaire T 1808/13, le requérant estimait que l'homme du métier, grâce à ses connaissances générales, savait implicitement que des cellules souches embryonnaires pouvaient être obtenues à partir de parthénotes humains. La chambre a jugé que même en se fondant sur ses connaissances générales, l'homme du métier ne pouvait pas déduire directement et sans ambiguïté de la demande de brevet que des lignées de cellules souches embryonnaires pouvaient être obtenues à partir de parthénotes humains. L'homme du métier n'était pas en mesure, à la date de dépôt, d'établir ou d'utiliser des lignées de cellules souches embryonnaires humaines à partir de parthénotes.
1.5 Plages de valeurs – termes qualificatifs "inférieur à" et "environ"
(CLB, II.E.1.3.1)
Dans l'affaire T 1990/10, la chambre a eu à déterminer si la demande telle que déposée fournissait une base pour la plage de températures "inférieure à 35°C", qui était indiquée dans la revendication 1. La demande telle que déposée divulguait diverses températures, à savoir à la fois des valeurs spécifiques ("30°C") et des plages de valeurs, par exemple des plages dont la limite inférieure était indéterminée ("inférieure à 37°C") et des plages de valeurs dont les limites supérieure et inférieure étaient définies ("de 30°C à 35°C"). La chambre a estimé que le terme "inférieure à" n'était divulgué de manière explicite que pour définir la plage de températures la plus large mentionnée, à savoir "inférieure à 37°C". Elle a considéré que la plage "inférieure à 35°C" ne pouvait être implicitement déduite de la combinaison entre la plage de valeurs la plus large, dont la limite inférieure était indéterminée, à savoir la plage "inférieure à 37°C", et la limite supérieure de la plage allant "de 30°C à 35°C". Si les critères énoncés dans la décision T 2/81 étaient appliqués, le fait de combiner les limites inférieure et supérieure de cette dernière plage avec la plage de températures la plus large conduirait à des plages de températures allant "de 30°C à moins de 37°C" et "de 35°C à moins de 37°C", et non à une plage de températures dont la limite inférieure ne serait pas déterminée, à savoir une plage "inférieure à 35°C". De plus, la plage de températures allant "de 30°C à 35°C" incluait la température spécifique de "35°C", alors que la plage de températures "inférieure à 35°C", qui était indiquée dans la revendication 1, excluait de manière explicite cette valeur. Le simple fait de déplacer le terme "inférieure à", tel que figurant dans "inférieure à 37°C", et de l'appliquer à la limite supérieure de la plage allant "de 30°C à 35°C" ne revenait pas à combiner, comme expliqué dans la décision T 2/81, des plages complètes avec des plages partielles de valeurs. En l'absence de toute indication correspondante dans la demande telle que déposée, le déplacement du terme "inférieure à" et son application à une autre valeur ou plage de températures n'avaient pas de fondement dans la demande telle que déposée. La chambre a également eu à déterminer si la demande telle que déposée fournissait une base pour la plage de températures allant "d'environ 26°C à 32°C", qui était indiquée dans la revendication 4 et définissait la température de culture pour la propagation d'un Chordopoxvirus dans des cellules hôtes infectées spécifiques, à savoir des cellules fibroblastes d'embryons de poulet (FEP). La chambre a fait observer que le terme "environ" n'était présent que dans le contexte général (et non de manière spécifique en ce qui concernait les FEP) et que, lorsqu'il était présent dans une plage de températures, il s'appliquait à la fois aux limites supérieure et inférieure de la plage. Pour parvenir à la plage de températures allant "d'environ 26°C à 32°C", il fallait combiner la limite inférieure de la plage allant "d'environ 26°C à environ 32°C", qui était indiquée dans la revendication 2 initiale, avec la limite supérieure de la plage comprise "entre 28°C et 32°C" ou de la plage allant de "30°C à 32°C", qui étaient décrites dans la demande telle que déposée. Ces deux dernières plages se retrouvaient certes dans le contexte spécifique des cellules FEP utilisées en tant que cellules hôtes, mais la première plage de valeurs ("d'environ 26°C à environ 32°C") s'inscrivait, elle, dans le contexte de la divulgation la plus étendue de la demande telle que déposée, qui ne faisait pas référence à des cellules hôtes spécifiques.
1.6 Suppression d'une caractéristique essentielle
(CLB, II.E.1.2.4)
Dans l'affaire T 1515/11, la chambre a fait observer qu'une caractéristique présentée systématiquement comme étant essentielle dans l'invention ne peut être supprimée d'une revendication indépendante puisque cette suppression ajouterait des éléments. Dans certains cas, la question de savoir si une caractéristique est présentée dans la demande comme étant essentielle pour l'invention ou comme étant facultative ne peut être tranchée d'emblée de manière catégorique. Cependant, il y a également des cas où, pour des raisons purement formelles, il n'est pas possible de mettre en doute le fait que la caractéristique est essentielle, par exemple dans le cas où le demandeur choisit d'inclure dans une revendication indépendante telle que déposée une caractéristique dans laquelle le problème est explicitement mentionné et selon laquelle celui-ci est résolu par l'objet revendiqué. En particulier, lorsqu'une revendication de méthode inclut une caractéristique dont il ressort explicitement que la méthode est mise en œuvre d'une manière qui résout le problème, le fait d'alléguer que cette caractéristique n'est pas essentielle reviendrait à affirmer que pour résoudre le problème, il n'est pas essentiel de mettre en œuvre la méthode d'une manière qui résolve le problème.
2. Article 123(3) CBE – extension de la protection conférée
2.1 Limitation à une classe générique ou liste de composés chimiques plus étroite ; revendications "ouvertes" ("comprenant")
(CLB, II.E.2.4.13)
Dans l'affaire T 1360/11, la revendication du brevet avait pour objet une composition qui était définie de manière ouverte par des moyens classiques, à savoir à l'aide du terme "comprenant". Cette composition incluait un composé qui appartenait à une classe ou liste de composés selon une quantité déterminée par une plage de valeurs. La revendication a été modifiée ultérieurement par une limitation de la définition de la classe ou liste de composés. La chambre a souligné que, dans un tel cas, malgré la limitation apparente qui découlait de la suppression explicite ou implicite de certains éléments de la classe ou liste de composés, il se pouvait que la revendication du brevet et la revendication modifiée aient été rédigées de telle sorte que, selon la revendication du brevet, les composés supprimés devaient être présents dans des quantités comprises dans une plage définie, tandis que selon la revendication modifiée, ils pouvaient éventuellement être encore présents sans être toutefois limités sur le plan quantitatif, si bien qu'il en résultait une extension de la protection conférée contraire aux exigences de l'art. 123(3) CBE. Ce problème est bien connu dans la jurisprudence. Voir par exemple les décisions T 172/07, T 2017/07, T 832/08, T 1312/08, T 869/10 et T 287/11. La chambre a fait observer qu'en insérant une double condition, on pouvait éviter que la revendication n'étende la protection conférée par le brevet. Lorsque, à l'instar de la présente espèce, la revendication d'un brevet avait pour objet une composition définie de manière ouverte et incluant un composé qui appartenait à une classe ou liste de composés selon une quantité déterminée par une plage de valeurs, et que cette revendication était modifiée ultérieurement par une limitation de la définition de la classe ou liste de composés, il était possible d'éviter une éventuelle violation des exigences de l'art. 123(3) CBE en insérant dans la revendication modifiée une condition d'ordre quantitatif quant à la classe ou liste de composés limitée, ainsi qu'une contrainte supplémentaire relative à la quantité totale de composés faisant partie de la classe ou liste plus étendue.
2.2 Remplacement des dessins
(CLB, II.E.2.4.10)
Dans l'affaire T 236/12, la chambre a constaté que les dessins publiés dans le fascicule du brevet divulguaient certes des informations techniques ne pouvant être déduites des dessins qui avaient été déposés initialement et qui faisaient désormais foi, mais elle a néanmoins estimé que cela n'avait pas pour effet d'étendre la protection conférée par le brevet. Étant donné que les caractéristiques techniques des revendications étaient expliquées suffisamment en détail dans la description, telle que considérée avec les dessins initiaux, l'homme du métier était toujours en mesure de déterminer clairement quels éléments entraient dans le champ de la protection et quel aspect ils devaient revêtir.
2.3 Piège inextricable – pas de piège au titre de l'article 123(2)- (3) CBE – absence de nouveauté due à la perte du droit de priorité
(CLB, II.E.2.4.1)
Dans l'affaire T 1983/14, le demandeur avait ajouté une caractéristique restrictive dans la revendication pendant l'examen. Selon la division d'opposition, le titulaire du brevet, en ajoutant cette caractéristique, avait perdu son droit de priorité et l'utilisation qu'il avait lui-même faite de l'invention pendant le délai de priorité en avait détruit la nouveauté. La chambre a souscrit à la conclusion de la division d'opposition, en précisant de surcroît que le problème lié à l'ajout de la caractéristique n'aurait pu être résolu au moyen d'une modification. L'art. 123(3) CBE empêche en effet la suppression, après la délivrance, d'une caractéristique restrictive problématique. Le problème décrit dans la décision G 1/93 était lié à une violation de l'art. 123(2) CBE. Or, dans l'affaire en cause, il s'agissait d'une absence de nouveauté due à la perte du droit de priorité.
2.4 Modification d'une revendication de type suisse en une revendication relevant des dispositions de l'article 54(5) CBE 2000
(CLB, II.E.2.6.7)
Dans l'affaire T 1673/11, la revendication 1 de la requête principale était rédigée sous la forme d'une revendication de produit limité à une utilisation spécifique, telle que prévue à l'art. 54(5) CBE, alors que toutes les revendications du brevet tel que délivré étaient "de type suisse". La chambre a estimé qu'en vertu de la décision G 2/88, il est généralement admis comme un principe de base de la CBE qu'une revendication portant sur une activité physique particulière (méthode, procédé, usage) confère une protection moindre qu'une revendication relative à l'entité physique en tant que telle. Par conséquent, une revendication de procédé limité à une utilisation spécifique confère une protection moins large qu'une revendication de produit limité à une utilisation spécifique (T 1780/12, dans le contexte d'une double protection par brevet ; raisonnement suivi dans la décision T 879/12 ; cf. également T 250/05). L'intimé n'était pas d'accord avec le principe selon lequel une revendication de procédé a intrinsèquement une portée plus étroite qu'une revendication de produit. Il a en effet estimé que ces deux types de revendication conféraient la même protection. La chambre a réfuté cette position. Dans le cas d'espèce, la revendication de produit limité à une utilisation spécifique conférait une protection au produit chaque fois qu'il était utilisé dans le traitement de la maladie de Pompe chez l'enfant. Comme la revendication ne comprenait pas une étape de fabrication d'un médicament, le produit revendiqué ne se limitait pas à un médicament fabriqué, conditionné et/ou comportant des indications pour son emploi dans le traitement de la maladie de Pompe chez l'enfant. Même si, en vertu de l'art. 64(2) CBE, la protection conférée par la revendication 1 du brevet tel que délivré s'étendait au produit obtenu directement par le procédé de fabrication mentionné dans ladite revendication, la revendication 1 de la requête principale conférait une protection plus large. La chambre n'a pas non plus souscrit à l'argument du requérant selon lequel les revendications de la requête principale et celles du brevet tel que délivré conféreraient la même étendue de protection parce qu'elles avaient la même limitation d'utilisation. Ainsi, une fois le brevet modifié, un médicament contenant le produit, conditionné et comprenant des indications pour son emploi dans le traitement d'une maladie autre que la maladie de Pompe chez l'enfant serait couvert par la revendication 1 de la requête principale si ledit médicament était utilisé dans le traitement de la maladie de Pompe chez l'enfant. Or, la protection conférée par la revendication 1 du brevet tel que délivré ne couvrait pas une telle utilisation. La chambre a conclu que la modification du brevet litigieux étendait la protection qu'il conférait, ce qui est contraire à l'art. 123(3) CBE.
F. Demandes divisionnaires – exigence relative à une demande antérieure encore en instance
(CLB, II.F.3.4.6)
Dans l'affaire J 23/13, le demandeur avait déposé la demande divisionnaire après avoir produit l'acte de recours contre la décision de rejet de la demande initiale, mais avant l'expiration du délai prescrit pour le dépôt du mémoire exposant les motifs du recours ; aucun mémoire n'ayant été déposé, la chambre a rejeté le recours formé contre la décision de rejet de la demande initiale pour irrecevabilité. Elle a fait observer que la demande divisionnaire avait été déposée alors que le délai de dépôt du mémoire exposant les motifs du recours n'était pas encore arrivé à expiration. Le rejet ultérieur du recours pour irrecevabilité ne changeait rien au fait qu'à la date de dépôt de la demande divisionnaire, il existait encore des droits substantiels.
Dans l'affaire J 22/13, le demandeur avait déposé la demande divisionnaire, contrairement à la situation dans l'affaire J 23/13, après l'expiration du délai prescrit pour le dépôt du mémoire exposant les motifs du recours. La demande ne pouvait donc pas être traitée comme une demande divisionnaire.
III. PRINCIPES DIRECTEURS DE LA PROCÉDURE DEVANT L'OEB
A. Confiance légitime
(CLB, III.A)
Dans l'affaire T 595/11, le requérant avait joint à l'acte de recours un ordre de débit concernant un montant réduit de la taxe de recours. La chambre a estimé que la période de temps au cours de laquelle l'OEB devait vérifier le paiement de la taxe et prévenir la partie concernée était assurément plus courte que la période de quatre années qui s'était écoulée en l'espèce entre l'expiration du délai de recours et le moment auquel l'Office a pour la première fois attiré l'attention du requérant sur cette question. Il était donc établi que le requérant pouvait légitiment s'attendre à ce que le paiement de la taxe soit en ordre et n'appelle aucune objection. Après avoir pesé les intérêts légitimes de toutes les parties, la chambre a conclu que l'erreur initiale aurait pu avoir des conséquences graves et inéquitables du fait que l'Office ne l'avait pas découverte. Il était donc équitable de remédier à l'omission de l'Office et d'autoriser dans toute la mesure du possible la réparation de l'erreur. Constatant qu'une conséquence négative était inévitable pour une partie, la chambre a estimé que l'éventualité d'un revers réel, mais qui n'est pas nécessairement décisif en soi pour une partie (en l'occurrence le fait que celle-ci n'obtiendrait pas immédiatement une décision favorable), était préférable à une perte de droits décisive et certaine pour une autre partie, eu égard notamment au fait que pendant longtemps, aucune des parties ne s'y attendait (cf. également la décision T 1037/11).
Dans l'affaire T 105/11, le demandeur avait demandé que la décision de la division d'examen datée du 30 juin 2010 soit rectifiée. Le 6 septembre 2010, la division d'examen a émis une nouvelle fois la décision sous forme rectifiée avec une nouvelle date. La chambre a établi que la date de la signification de la décision de rejet de la demande demeurait celle de la signification de la première décision écrite. Si l'acte de recours a été reçu dans les délais, tel n'était pas le cas du mémoire exposant les motifs du recours.
La chambre a noté que dans plusieurs affaires dans lesquelles une "deuxième décision" avait été émise par l'instance du premier degré, les chambres ont estimé qu'un recours qui aurait en principe été rejeté pour irrecevabilité devait, dans les circonstances desdites affaires, être jugé recevable eu égard au principe de la protection de la confiance légitime. La présente affaire se distingue des affaires concernées en cela que le requérant avait explicitement demandé que la décision écrite soit rectifiée. Le requérant, représenté par un mandataire agréé, aurait dû savoir que la deuxième décision avait pour vocation de rectifier, au titre de la règle 140 CBE, la première décision écrite. Par ailleurs, à la différence des autres affaires, il n'y avait pas eu en l'espèce de déclaration explicite selon laquelle il devait être fait abstraction de la première décision.
Néanmoins, on pouvait imputer à l'OEB le fait que la deuxième décision écrite n'avait pas d'emblée été identifiée correctement et sans équivoque comme une décision de rectification, ce qui expliquait pourquoi le requérant avait dirigé l'acte de recours et le mémoire exposant les motifs du recours contre la décision du 6 septembre 2010 et déposé lesdites pièces dans le délai respectif de deux et de quatre mois à compter de la signification de ladite décision. La chambre a dès lors considéré, en application du principe de la protection de la confiance légitime, que le mémoire exposant les motifs du recours était réputé déposé dans les délais.
Dans l'affaire T 1785/15, le requérant avait obtenu, en réponse à sa première demande de renseignement auprès de l'examinateur, des informations erronées quant à la possibilité d'apporter des corrections. Bien que cette erreur ait par la suite été rectifiée par l'agent des formalités, lors de l'entretien téléphonique en date du 24 juillet 2015, le requérant avait été amené à croire qu'il serait possible de former un recours contre la décision de délivrance ([il] "signala l'option d'un recours contre la décision de délivrance"). La chambre a estimé que cette information, à l'instar de l'avis contenu dans la plupart des décisions officielles de l'OEB qui sont susceptibles de recours, revenait à indiquer qu'il était possible d'introduire un recours. Le demandeur a formé recours trois jours plus tard. La chambre a jugé le recours irrecevable.
La chambre s'est référée à la décision G 1/10, dont il ressort clairement qu'il n'existe en fait aucun moyen de remédier à des erreurs dans le texte approuvé d'une demande de brevet une fois que la décision de délivrance a été émise. Le fait d'avoir suggéré une possibilité de recours, alors qu'il n'en existait pas, était tout au plus trompeur. Au vu du bref espace de temps entre cette information et le recours, il est fort possible que le demandeur ait formé le recours sur la base de cette information. La chambre a assimilé la présente affaire à celle qui a donné lieu à la décision T 308/05 et a considéré qu'il était équitable d'ordonner le remboursement de la taxe de recours au motif qu'il ne saurait être exclu, voire qu'il était probable, que le demandeur avait formé son recours sur la base des informations incorrectes fournies par l'Office. Par conséquent, le demandeur pouvait à tout le moins légitimement s'attendre à ce que le recours soit jugé recevable et instruit quant au fond.
B. Droit d'être entendu
(CLB, III.B.2)
Dans l'affaire T 2238/11, la division d'examen avait conclu dans la section "Autres observations" de la décision contestée que l'objet revendiqué était dépourvu de nouveauté. Le requérant a fait valoir que cette conclusion était inattendue et que comme il n'avait pas pu présenter ses observations à ce sujet, son droit d'être entendu au titre de l'art. 113(1) CBE avait été enfreint.
La décision contestée était toutefois fondée sur l'absence d'activité inventive et non sur le défaut de nouveauté. Or, le requérant n'a jamais allégué avoir été privé de la possibilité de prendre position au sujet de l'objection d'absence d'activité inventive, laquelle avait été soulevée au cours de la procédure d'examen. Selon la chambre, il est satisfait au droit d'être entendu à partir du moment où la partie concernée a eu la possibilité de prendre position au sujet de l'ensemble des motifs sur lesquels la décision est fondée, et le fait qu'elle n'a pas pu prendre position au sujet d'observations formulées dans une opinion incidente ne porte nullement atteinte à ce droit (T 726/10, point 9 des motifs, et T 725/05, point 6 des motifs). Par ailleurs, le fait que la rubrique "Autres observations" ne faisait pas partie de la décision contestée en tant que telle ressortait aussi des considérations suivantes : i) la décision de rejet de la demande avait été rendue au cours de la procédure orale et était fondée sur l'absence d'activité inventive ; ii) la rubrique "Autres observations" figurait après la déclaration de la division d'examen selon laquelle la demande devait être rejetée ; et iii) la rubrique commençait par l'expression "analyse à l'issue de la procédure".
Dans l'affaire T 738/13, le requérant avait présenté devant la division d'examen des arguments concernant l'activité inventive qui n'avaient pas été pris en considération dans les motifs de la décision contestée. Cela constituait une violation de son droit d'être entendu (art. 113(1) CBE) justifiant normalement le renvoi immédiat de l'affaire devant la division d'examen.
La chambre a toutefois estimé que les revendications, telles qu'initialement déposées, ne satisfaisaient pas à première vue à l'exigence de clarté (art. 84 CBE). Si l'affaire avait fait l'objet d'un renvoi immédiat devant la division d'examen, elle serait ensuite revenue devant la chambre avec, sans doute, une décision pleinement motivée concernant l'activité inventive, mais avec le même manque de clarté. C'est pourquoi la chambre a décidé d'examiner d'emblée la question de la clarté. Le requérant a modifié en conséquence les revendications et a ainsi levé l'objection de la chambre au titre de l'art. 84 CBE.
En revanche, la chambre n'a pas abordé les questions de la nouveauté ou de l'activité inventive. Elle aurait autrement été amenée à examiner pour la première fois les arguments du requérant qui n'avaient pas été pris en considération, sans que la division d'examen ne se soit prononcée en la matière. L'affaire a dès lors été renvoyée à la division d'examen pour suite à donner (art. 111(1) CBE).
Dans l'affaire T 1691/15 (JO 2017, A15), le requérant (opposant) avait, au cours de la procédure d'opposition, déposé des réclamations qui avaient été traitées par la Direction Soutien à la qualité. De telles réclamations, ainsi que les réponses de la Direction Soutien à la qualité sont conservées, par défaut, dans la partie du dossier non accessible au public, conformément à l'article premier, paragraphe 2b) de la décision de la Présidente de l'OEB (JO éd. spéc. 3/2007, J.3) qui dispose que des pièces "peuvent, à titre exceptionnel, être exclues d'office de l'inspection publique si cette inspection porte à première vue atteinte à des intérêts personnels ou économiques d'une personne physique ou morale autre qu'une partie ou son mandataire qu'il y a lieu de préserver" (art. 128(4) et règle 144d) CBE).
La règle 79(1) CBE exige que l'OEB notifie l'acte d'opposition au titulaire du brevet. La règle 79(2) CBE énonce que, si plusieurs oppositions ont été formées, elles doivent être notifiées aux différents opposants. La règle 79(3) CBE dispose que l'OEB doit notifier aux autres parties toutes observations et modifications présentées par le titulaire du brevet. Enfin, la règle 81(2) CBE exige que l'OEB envoie à toutes les parties les notifications émises conformément à l'art. 101(1) CBE ainsi que les réponses à ces notifications. Ces dispositions posent le principe selon lequel, dans les procédures d'opposition, qui sont des procédures inter partes, l'ensemble de la correspondance échangée doit être notifiée à toutes les parties, ce qui ressort également du Communiqué de l'OEB en date du 3 juin 2009 (JO 2009, 434).
Afin de respecter ce principe, la correspondance complète entre l'opposant et l'OEB dans le cadre de la procédure de réclamation (qui portait manifestement sur des questions spécifiques au dossier en question) aurait dû être communiquée sans tarder au titulaire du brevet. Aucune des réclamations ne pouvait être considérée comme portant atteinte, à première vue, à des intérêts personnels ou économiques de personnes physiques ou morales. Il n'y avait dès lors aucune raison de les exclure de l'inspection publique. Une telle exclusion devrait en tout état de cause être exceptionnelle et non pas systématique. C'est pourquoi la chambre a décidé de mettre l'intégralité de la correspondance à la disposition de l'intimé sous forme de notification faisant partie du dossier accessible au public.
C. Procédure orale
1. Requête tendant à recourir à la procédure orale – nouvelle procédure orale devant la même instance
(CLB, III.C.2.4.2)
Selon l'art. 116(1), deuxième phrase CBE, l'OEB peut rejeter une requête tendant à recourir à nouveau à la procédure orale devant la même instance pour autant que les parties ainsi que les faits de la cause soient les mêmes. Dans la décision T 1548/11, la chambre a fait observer que durant la procédure orale devant la division d'opposition tenue avant que ne soit rendue la première décision, seule la question de la nouveauté avait été examinée. La division d'opposition ayant conclu à l'absence de nouveauté de la revendication contestée, elle a révoqué le brevet sans aborder la question de l'activité inventive lors de la procédure orale. En revanche, la décision frappée du recours traitait exclusivement de la question de l'activité inventive. Elle ne portait donc pas sur le même objet que la procédure orale tenue avant que la première décision ne soit prononcée. En outre, la chambre a considéré que le requérant n'était pas juridiquement tenu de reformuler une requête tendant à recourir à la procédure orale après le renvoi, bien que la division d'opposition ait expressément invité les parties à présenter leurs requêtes respectives. En particulier, le fait que la requête tendant à recourir à la procédure orale n'ait pas été réitérée ne pouvait pas être interprété comme un retrait de la requête. En effet, lorsqu'une requête en procédure orale a été présentée par une partie à la procédure, elle ne peut être retirée que si la partie intéressée fait une déclaration en ce sens, par exemple en produisant une déclaration correspondante, formulée par écrit en termes clairs.
2. Modification de la date de la procédure orale
(CLB, III.4.1)
Dans l'affaire T 1246/10, la chambre avait accepté un premier renvoi de la procédure orale en raison de la détérioration de l'état de santé du requérant, atteint d'une maladie grave, et compte tenu du fait que l'intimé n'y voyait pas d'objection. Cependant, la chambre a rejeté la seconde demande de renvoi, présentée moins d'un mois avant la date prévue. L'intimé avait déjà organisé son voyage pour assister à la procédure orale et était donc opposé à son report. De plus, de l'avis de la chambre, rien ne laissait présager qu'à l'issue d'un nouveau report de quelques mois, l'état de santé du requérant aurait évolué. Le requérant aurait dû désigner un mandataire s'il ne pouvait assister en personne à la procédure orale.
Dans l'affaire T 861/12, l'opposant avait confié la défense de ses intérêts à six mandataires agréés au total. L'opposant a demandé à la chambre de recours de reporter la date de la procédure orale, étant donné que son mandataire devait assister à une autre procédure orale le même jour. La chambre a constaté que l'opposant avait certes indiqué que l'un des mandataires qu'il avait librement choisis avait un empêchement, mais qu'il n'avait pas invoqué de motifs suffisants expliquant pourquoi aucun des cinq mandataires restants, librement choisis, ne pouvait remplacer leur homologue empêché. L'opposant a dès lors révoqué le pouvoir et l'a remplacé par un pouvoir désignant uniquement le mandataire qui avait un empêchement. La chambre a jugé que ce comportement enfreignait le principe de la bonne foi. Si l'opposant retire le pouvoir à cinq des six mandataires qui étaient autorisés initialement à le représenter, et ce alors qu'il sait que le mandataire restant ne peut assister à une procédure orale dont la date avait été fixée antérieurement, et s'il ne peut faire valoir d'intérêt légitime pour la révocation de l'ancien pouvoir, il n'agit pas de bonne foi. Selon l'adage juridique "nemo auditur propriam turpitudinem allegans" (T 1705/07, T 23/10, T 1125/10 et T 736/14), l'opposant ne saurait tirer profit des actes qu'il a accomplis en vue de faire échouer après coup le remplacement du mandataire empêché.
3. Objet de la notification adressée aux parties au titre de l'article 15(1) RPCR
(CLB, III.C.4.3.1)
Dans l'affaire T 1459/11, la chambre a estimé que l'objectif de la notification émise au titre de l'art. 15(1) RPCR est d'établir le cadre de la procédure orale. La notification ne constitue en aucun cas une invitation ou une opportunité, qu'elle soit explicite ou implicite, permettant de présenter de nouveaux moyens écrits ou de redéfinir le cadre de l'affaire à traiter lors de la procédure orale. Au contraire, l'objet du recours est déterminé par le mémoire exposant les motifs du recours et la réponse à ce mémoire (art. 12(2) RPCR). Par conséquent, il n'existe aucune base juridique ni dans la CBE ni dans le RPCR pour le dépôt d'une "réponse" à une notification au titre de l'art. 15(1) RPCR. Une chambre n'a aucune obligation de tenir compte d'une telle "réponse". Tous les moyens – qu'il s'agisse d'arguments ou de requêtes – contenus dans une pareille "réponse" et allant au-delà de ce qui figure dans le mémoire exposant les motifs du recours et la réponse à celui-ci sont susceptibles de modifier les faits de la cause, et il appartient à la chambre de décider, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, si ces moyens doivent être pris en compte (art. 13(1) RPCR).
4. Procédure orale sous forme de visioconférence
(CLB, III.C.4.6)
Dans l'affaire T 2068/14, la chambre a estimé qu'elle disposait d'un pouvoir d'appréciation en ce qui concerne l'organisation des procédures orales, y compris, en principe, leur tenue sous forme de visioconférence. Ce pouvoir s'exerce en fonction des circonstances de chaque espèce, et notamment de la nature de la procédure (ex parte ou inter partes). Un autre point important concerne la disponibilité, à la fois de manière générale et dans chaque cas qui se présente, des salles se prêtant à la tenue de procédures orales devant les chambres de recours par visioconférence. Dans ce cas, il est nécessaire de prévoir également de la place pour le public (voir T 1266/07). Bien qu'une visioconférence ne permette pas aux participants de communiquer directement de vive voix, comme c'est le cas lors d'une procédure orale conventionnelle, l'essentiel de la procédure orale n'en est pas moins préservé, puisque la chambre et les parties/mandataires peuvent s'entretenir simultanément. Ainsi, chaque partie peut présenter ses arguments en temps réel à la chambre, laquelle peut poser des questions aux parties/mandataires. Il appartient au requérant de convaincre la chambre qu'une procédure orale conventionnelle ne lui permettrait pas de présenter correctement ses arguments et que la chambre devrait exercer son pouvoir d'appréciation pour examiner, à titre exceptionnel, la possibilité de tenir la procédure orale par visioconférence. Dans l'affaire en cause, la chambre a rejeté la requête.
5. Modifications manuscrites au cours de la procédure orale devant la chambre de recours
(CLB, III.C.4.15)
Les motifs qui sont exposés dans le communiqué de l'OEB du 8 novembre 2013 relatif aux modifications manuscrites et qui ont guidé le changement de la pratique telle que suivie depuis des années en première instance n'imposent pas de modifier l'approche retenue dans la procédure de recours ni la jurisprudence développée à cet égard (décision T 37/12, citant l'affaire T 1635/10, point 5 des motifs).
D. Délais, poursuite et interruption de la procédure
(CLB, III.D.3)
Dans l'affaire T 854/12, la chambre a conclu que la procédure n'était pas interrompue au sens de la règle 142 CBE.
La chambre a fait observer en premier lieu qu'il convient de tenir compte d'office des interruptions survenant conformément à la règle 142 CBE. La décision ultérieure qui consiste à déterminer l'interruption et à l'inscrire au Registre n'a qu'un effet déclaratif, et non constitutif.
Dans l'affaire en cause, il n'existait aucun motif d'interruption. En effet, il n'y a pas d'incapacité provisoire d'exercice lorsqu'un brevet est transféré à une personne dont les biens font déjà l'objet depuis un certain temps d'une procédure de redressement judiciaire pour laquelle un administrateur judiciaire a été nommé. Conformément à la logique de la règle 142 CBE, une interruption présuppose l'existence de cette incapacité d'exercice. La chambre a fait une distinction entre cette situation et le cas où un administrateur judiciaire vient d'être nommé pour un demandeur ou titulaire de brevet en cessation de paiement, et a fait observer que dans ce dernier cas, l'administrateur judiciaire doit d'abord faire connaître son identité à l'Office et a lui-même besoin d'un certain temps de préparation pour pouvoir prendre les dispositions pertinentes concernant la masse de l'insolvabilité, ce qui justifie dès lors le mécanisme d'interruption et de reprise tel que défini à la règle 142(1)b) CBE et à la règle 142(2) CBE.
La règle 142(1)b) CBE est donc applicable aux cas où un titulaire de brevet qui pouvait au départ mener sans restriction la procédure se trouve ultérieurement "dans l'impossibilité juridique de poursuivre la procédure". Ladite règle ne peut toutefois pas être appliquée à des cas où un brevet est transféré, avec l'accord de l'administrateur judiciaire, à un titulaire qui, du fait qu'il est déjà partiellement dessaisi, ne devient pas lui-même partie à la procédure et est représenté d'emblée par l'administrateur judiciaire, dont le pouvoir de disposition n'est pas limité.
La chambre a en outre considéré qu'une chambre de recours n'est pas tenue d'attendre que la division juridique se prononce au sujet de l'interruption de la procédure. La chambre chargée de statuer doit au contraire décider elle-même si, compte tenu des faits qui ont été exposés et des éventuels faits qui doivent être déterminés d'office à titre complémentaire, les conditions préalables dont dépend l'interruption sont réunies, dans la mesure où il s'agit d'une question préalable à trancher en vue de la décision à prendre (voir également chapitre IV.D.1. "Chambre de recours compétente").
E. Restitutio in integrum – bien-fondé de la requête
(CLB, III.E.5)
Dans l'affaire T 1101/14, la chambre a considéré que la signature de documents est un acte qui requiert une vigilance particulière de la part du mandataire, en particulier si la signature concerne le dernier moyen de recours contre une décision défavorable. En signant par erreur un mémoire exposant les motifs du recours dont la plupart des pages étaient manquantes, le mandataire n'avait pas fait preuve de toute la vigilance nécessitée par les circonstances, en l'absence de circonstances particulières susceptibles de justifier son erreur.
Dans l'affaire T 1022/14, la chambre a estimé que l'abandon d'une demande est un acte définitif qui peut avoir de sérieuses conséquences s'il n'est pas accompli correctement. Ainsi, avant de décider de clôturer un dossier et d'abandonner une demande, il convient de déterminer avec le plus grand soin si le client a donné sans aucun doute possible des instructions à cet effet. La décision de renoncer à une demande doit être prise par le mandataire lui-même, sur la base de ses propres observations et connaissances. Cette responsabilité ne peut être confiée à ses employés, étant donné que de telles décisions requièrent les connaissances spécialisées du mandataire et qu'il doit en assumer personnellement la responsabilité en tant que professionnel.
Dans l'affaire T 942/12, la chambre a estimé que si un mandataire européen avait expressément reçu pour instruction de ne pas surveiller le paiement des taxes annuelles, le devoir de vigilance n'exigeait pas qu'il surveille néanmoins ces paiements. On ne pouvait attendre d'un mandataire européen qu'il surveille les paiements de taxes annuelles à ses propres frais.
Dans l'affaire J 15/14, la chambre a estimé que dans le cas d'une procédure de travail appropriée entre les cabinets de deux mandataires, où l'un est chargé de donner des instructions à l'autre, l'autre mandataire doit confirmer qu'il a reçu et exécuté une instruction particulière ; si aucune confirmation n'est reçue, un courriel de suivi doit être envoyé pour préserver les droits du client.
Dans l'affaire J 7/15, la chambre n'était pas en mesure de déterminer avec certitude pourquoi la taxe annuelle n'avait pas été acquittée. Le demandeur avait chargé une société externe d'acquitter les taxes annuelles et cette tâche avait toujours été accomplie de manière irréprochable depuis plus de quinze ans, sauf dans le cas d'espèce. Dans ces circonstances, la chambre a suivi le raisonnement adopté dans la décision T 529/09 et a accordé le bénéfice du doute au requérant, en faisant droit à sa requête en restitutio in integrum.
F. Droit de la preuve
1. Témoins et experts
(CLB, III.G.2.2.1)
Dans l'affaire T 2054/11, ce n'est qu'au stade de la procédure orale devant la division d'opposition que l'opposant (requérant) avait présenté une attestation du témoin S., afin de prouver les circonstances dans lesquelles D5 avait été rendu accessible au public. Or, à aucun moment au cours de la procédure d'opposition, S. n'avait été désigné comme témoin, ni son audition demandée. Les écritures de l'opposant, déposées tardivement, étaient ainsi formulées : "nous sommes bien entendu disposés à désigner ... en tant que témoin". La chambre a estimé qu'il ne s'agissait pas d'une désignation ferme. De plus, l'opposant n'avait pas indiqué quel devait être l'objet de la déposition. La chambre a donc considéré que la décision de la division d'opposition de ne pas entendre S comme témoin n'était pas entachée d'un vice de procédure. En effet, contrairement au point de vue de l'opposant, il n'était pas possible, par l'audition du témoin S, de compléter par après les faits manquants. Un témoin ne peut que corroborer par ses déclarations, c'est-à-dire confirmer dans le cadre de son audition, des faits déjà allégués, et non se substituer à l'opposant pour remédier à l'insuffisance des éléments invoqués à l'appui du prétendu usage antérieur. La chambre a jugé en résumé qu'il n'y avait pas lieu d'admettre dans la procédure, conformément aux art. 12(4) et 13(1) RPCR, le témoignage de S ou de B finalement proposé dans les écritures déposées tardivement (en vue de l'instruction devant la division d'opposition ou la chambre de recours). Les demandes d'audition des témoins par la chambre ou, le cas échéant, de renvoi à l'instance du premier degré pour audition des témoins devaient par conséquent être rejetées, en ce qui concernait les usages antérieurs allégués, aux motifs qu'elles étaient insuffisamment motivées et donc non pertinentes de prime abord, et présentées tardivement sans raison, dès lors regardées comme non justifiées.
2. Instruction – droit d'être entendu
(CLB, III.G.3.3)
Dans l'affaire T 2294/12, la chambre a constaté que conformément à la jurisprudence constante des chambres de recours, le droit d'être entendu garantit également le droit de faire prendre en considération, dans la décision écrite, des motifs pertinents susceptibles d'influer sur la conclusion. Par ailleurs, les parties ont le droit de produire des preuves sous une forme appropriée et le droit d'être entendu sur ces preuves (T 1110/03, point 2.4 des motifs), sauf à ce qu'elles aient été expressément écartées des débats. Les requérants faisaient valoir entre autres griefs que la procédure devant la division d'examen était entachée d'un vice procédural majeur du fait que les tests comparatifs qu'ils avaient fournis à deux reprises au cours de la procédure écrite n'auraient pas été pris en considération. La chambre a observé que la décision contestée ne contenait aucun motif expliquant pourquoi la division d'examen avait jugé la première série de tests comparatifs comme non pertinents. La deuxième série de tests comparatifs soumise en réponse aux objections de défaut de nouveauté soulevées par la division d'examen, sur la base du document D3, n'était quant à elle pas même mentionnée dans la décision attaquée. Ces tests avaient pourtant pour but de prouver qu'il existait une différence entre l'objet de la revendication 1 de la requête principale à la base de la décision attaquée et le document D3. La chambre a finalement jugé que le droit d'être entendu selon l'art. 113(1) CBE 1973 n'avait pas été respecté par la division d'examen, ce qui constituait un vice substantiel de procédure. La chambre a considéré en l'espèce qu'il n'était pas opportun de renvoyer l'affaire à la première instance sans examen quant au fond.
Dans l'affaire T 1363/14, la division d'opposition avait refusé d'entendre deux témoins, au motif que l'usage antérieur public allégué n'avait pas été suffisamment étayé. La chambre a toutefois estimé que l'opposant avait exposé en détails dans l'acte d'opposition les faits pertinents pour l'examen de la question de l'usage antérieur et qu'il avait rendu celui-ci plausible en produisant des preuves à titre complémentaire. C'est précisément parce que l'opposant avait exposé de façon suffisamment étayée que l'objet de l'usage antérieur permettait de reconnaître toutes les caractéristiques du brevet, que la division d'opposition aurait dû donner suite à l'offre de preuves d'entendre les témoins. Pour justifier son refus d'entendre les témoins, la division d'opposition avait indiqué que l'usage antérieur n'était pas suffisamment étayé, puisque les témoins ne seraient pas en mesure d'apporter les preuves en question. La chambre a constaté que la CBE ne comporte pas de disposition prévoyant que les moyens produits à l'appui d'un usage antérieur allégué doivent déjà être prouvés dans le délai d'opposition pour que l'usage antérieur soit étayé. Il appartient à l'opposant d'exposer tous les faits pertinents au regard d'un usage antérieur allégué. S'ils sont contestés par la partie adverse, l'opposant est tenu d'offrir à toutes fins utiles les moyens de preuve appropriés, notamment, conformément à l'art. 117(1) CBE, des documents, une descente sur les lieux et des témoignages. Un opposant ne saurait se contenter d'alléguer, au lieu d'exposer concrètement les faits, que les témoins pourraient présenter les circonstances exactes de l'usage antérieur. Il ne s'acquitterait pas dans ce cas de sa charge d'alléguer les faits et son offre de preuves viserait à faire administrer la preuve à sa place, puisque les faits pertinents ne seraient pas exposés par l'opposant et prouvés par les témoins, mais devraient tout d'abord être introduits dans la procédure par les témoins. Au contraire, une offre de témoins vise par nature à faire confirmer par témoins des faits déjà exposés. On ne saurait dès lors anticiper l'appréciation des preuves et formuler des hypothèses sur les faits dont un témoin peut - ou ne peut pas - se souvenir. Le principe de la libre appréciation des preuves n'est applicable qu'une fois les moyens de preuve apportés et ne peut être invoqué pour justifier le rejet d'offre de preuves. Si un exposé des faits complet et cohérent a été présenté, les moyens offerts à titre de preuve doivent par conséquent être retenus. Ce n'est qu'ensuite qu'ils peuvent être évalués.
En refusant de citer les témoins, la division d'opposition avait donc exclu arbitrairement la possibilité que les allégations de l'opposant puissent être confirmées par les témoins. Une telle appréciation a priori des preuves n'était pas justifiée. Les preuves offertes doivent être retenues lorsque les faits exposés, s'ils étaient confirmés, établissent l'existence d'usage antérieur allégué (pertinent pour la décision). L'admission de l'offre de preuves aurait peut-être conduit à une décision autre que celle prise. La chambre a annulé la décision de la division d'opposition et lui a renvoyé l'affaire en vue de la poursuite de la procédure d'opposition.
3. Force probante appréciée au cas par cas
3.1 Témoignages et attestations écrites
(CLB, III.G.4.2.1)
Dans l'affaire T 2565/11, l'invention portait sur un procédé d'actionnement d'un ventilateur et d'un climatiseur pour véhicule. Nul ne contestait que les trains visés par l'allégation d'usage antérieur avaient effectivement été livrés à la société DB Regio AB et mis en circulation. Il était contesté que les informations relatives au système de ventilation et de climatisation des trains aient été rendues accessibles au public au sens de l'art. 54 CBE par la livraison et la mise en circulation de ces trains, et la structure et l'actionnement du système de ventilation et de climatisation aient été suffisamment prouvés par l'opposant. Dans sa décision, la division d'opposition avait estimé que l'usage antérieur public allégué n'avait pas été prouvé au-delà de tout doute raisonnable et que l'objet de la revendication 1 du brevet délivré impliquait une activité inventive par rapport aux éléments divulgués dans le document D6. Il avait notamment été procédé à l'audition d'un témoin au soutien de l'usage antérieur allégué. En l'espèce, la chambre a considéré que l'appréciation des preuves effectuée par la division d'opposition était erronée et contenait des contradictions. La chambre a donné sa propre appréciation des preuves des faits pertinents. Même en appliquant un critère de preuve strict ("au-delà de tout doute raisonnable"), la chambre a estimé que les faits de base présentés par le témoin concernant les caractéristiques structurelles revendiquées d'un ventilateur et d'un climatiseur dans les véhicules ayant donné lieu à un usage antérieur ne pouvaient être remis en question. La chambre a également fait observer que les explications supplémentaires fournies par un témoin pour combler une éventuelle lacune dans les pièces versées au dossier ne pouvaient être considérées en soi comme de nouveaux faits. Sinon l'audition d'un témoin serait vaine et la force probante d'éléments fournis sur la base de documents serait supérieure à celle d'une déposition, ce qui n'avait aucun fondement dans la CBE.
3.2 Archives et publications Internet
(CLB, III.G.4.2.3)
Dans l'affaire ex parte T 2227/11, le requérant contestait le fait que les documents D1 et D2 étaient compris dans l'état de la technique au sens de l'art. 54(2) CBE. Selon la décision T 1134/06, il était nécessaire de prouver au-delà de tout doute raisonnable qu'une divulgation via Internet faisait partie de l'état de la technique au titre de l'art. 54(2) CBE. Les faits et preuves devaient satisfaire les critères posés par la jurisprudence en matière d'usage antérieur. Or, la division d'examen n'avait pas apporté ces preuves. La chambre a toutefois jugé que la division d'examen s'était à juste titre conformée à la pratique suivie à l'OEB en ce qui concerne la citation de documents tirés de l'Internet, telle qu'elle est exposée dans le communiqué de l'OEB relatif aux citations Internet (JO 2009, 456-462), qui est ultérieur à la décision T 1134/06 citée par le requérant. Ce faisant, la division d'examen avait également agi en conformité avec les instructions énoncées dans la version des Directives relatives à l'examen pratiqué à l'OEB qui était en vigueur à l'époque (C-IV, 6.2 ; version d'avril 2010). En particulier, le critère de preuve adéquat pour les citations Internet est l'appréciation des probabilités. Celle-ci représente généralement le critère de preuve appliqué à l'OEB mais peut, à titre exceptionnel, être délaissée au profit du critère de la preuve allant au-delà de tout doute raisonnable, principalement dans le cadre d'une opposition, lorsqu'une seule des parties a accès aux informations, par exemple au sujet d'un usage antérieur public allégué. Étant donné qu'il est difficile à l'autre partie d'obtenir des informations tendant à établir que cet usage antérieur public n'a pas eu lieu et lui permettant de riposter, on attend généralement dans ce cas, selon la jurisprudence, que l'usage antérieur public soit prouvé au-delà de tout doute raisonnable. Dans le cas particulier des citations Internet de l'état de la technique, l'OEB comme les parties à la procédure ont généralement accès de la même façon aux informations pertinentes, notamment en ce qui concerne l'authenticité de leur date de publication et de leur contenu. Il n'y a donc aucune raison de s'écarter du critère de l'"appréciation des probabilités". Tandis que la chambre est d'accord avec les motifs détaillés de la décision T 1134/06, selon lesquels les citations Internet de l'état de la technique entraînent un certain nombre de difficultés pour l'évaluation de l'authenticité d'éléments, tels que notamment la date de publication et le contenu, elle a cependant estimé qu'il n'y avait pas de raison d'imposer un critère de preuve plus strict. Il peut évidemment s'avérer nécessaire, au vu de ces difficultés, d'effectuer des recherches approfondies et de produire d'autres preuves. Selon la chambre, la complexité accrue de la question concernée ne justifie toutefois pas l'adoption d'un critère de preuve plus strict. La charge de la preuve incombe généralement à celui qui est à l'origine de l'affirmation. Dans le cas spécifique de citations Internet concernant l'état de la technique et émanant de l'OEB, la charge de la preuve incombe par conséquent à l'OEB. Si l'OEB, se fondant sur une mise en balance des probabilités, est cependant convaincu qu'une citation Internet fait partie de l'état de la technique, il appartient à la partie de prouver le contraire.
Dans l'affaire T 353/14, le requérant/opposant ne contestait la décision frappée de recours qu'en ce qui concernait la conclusion de la division d'opposition relative à l'accessibilité au public du document D10. La division d'opposition avait appliqué le critère habituel en matière d'évaluation des preuves, à savoir l'appréciation des probabilités, afin d'établir si le document D10 avait été rendu accessible sur Internet avant la date pertinente. Les parties n'ont pas contesté cette approche, qui est conforme à la pratique de l'OEB telle qu'elle est exposée dans le communiqué de l'OEB relatif aux citations Internet (JO 2009, 456-462), ainsi qu'aux instructions énoncées dans la version des Directives relatives à l'examen pratiqué à l'OEB en vigueur à l'époque (cf. point G-IV, 7.5 ; version de septembre 2013). La chambre partage la pratique susmentionnée suivie par la division d'opposition et également confirmée dans les décisions T 286/10 et T 2227/11. Ces deux décisions ont réfuté la conclusion de la décision T 1134/06, selon laquelle le critère de preuve plus strict de l'appréciation "au-delà de tout doute raisonnable" devait être appliqué aux divulgations dans Internet. Dans l'affaire T 353/14, la chambre a conclu que le document D10 ne pouvait être considéré comme ayant été rendu accessible sur Internet avant la date de priorité du brevet attaqué.
4. Degré de conviction de l'instance
4.1 Usage antérieur public
(CLB, III.G.4.3.2)
Dans l'affaire T 202/13, les intimés (opposants) avaient allégué plusieurs divulgations antérieures publiques. La chambre a examiné les documents S9 (une brochure) et D8. S'agissant du premier usage antérieur allégué, les parties s'accordaient à dire que la version finale de la brochure intitulée "Technical Bulletin 1/96 - The Ram Rig Concept" avait été rendue accessible au public entre le 6 et le 9 mai 1996, à savoir quelques jours après la date de priorité. Les intimés ont fait valoir que la brochure du même titre S9 avait été rendue accessible au public avant même la date de priorité du 3 mai 1996, étant donné qu'elle avait été envoyée à des clients et exposée dans le hall d'accueil d'une des sociétés opposantes. Ils ont indiqué que les juridictions norvégiennes avaient accepté ladite brochure en tant qu'élément de l'état de la technique. La chambre a toutefois fait observer que cela ne la liait pas, puisqu'elle devait statuer en se fondant sur les preuves qui lui avaient été soumises. Celles-ci pouvaient diverger des preuves produites lors d'une procédure nationale, ou être évaluées différemment en raison de la présentation de faits ou preuves supplémentaires. La chambre, ayant réexaminé les preuves versées au dossier, est parvenue aux mêmes conclusions que la division d'opposition, à savoir que l'accessibilité au public de S9 avant la date de priorité n'avait pas été suffisamment prouvée. La chambre n'était pas convaincue que la version de S9 qui figurait dans le dossier représentait la version de la brochure qui avait prétendument été rendue accessible au public. Il n'était donc pas possible de conclure avec certitude que la brochure S9 en tant que telle avait été divulguée à un moment quelconque avant la date de priorité du brevet. La deuxième divulgation antérieure publique alléguée au sujet de laquelle la division d'opposition s'était prononcée était la proposition de budget D8. Les parties s'opposaient sur la question de savoir si M. F avait reçu D8 avant la date de priorité du brevet et si le destinataire pouvait être considéré comme une personne du public, à savoir une personne qui n'était pas tenue d'observer le secret. Elles étaient également divisées en ce qui concerne le standard de preuve - celui de la preuve incontestable ou celui de l'appréciation des probabilités - qu'il convenait d'appliquer dans la présente affaire. L'expression de "preuve incontestable" est utilisée comme équivalente de "preuve au-delà de tout doute raisonnable" pour désigner un critère de preuve strict, selon lequel les allégations doivent être prouvées de telle manière que l'instance qui statue peut avoir la certitude par une appréciation libre des preuves versées au dossier, que les faits allégués se sont bien produits. En revanche, le critère moins strict d'"appréciation des probabilités" permet à l'instance d'acquérir la conviction qu'un fait allégué s'est produit si la survenue de ce fait est plus probable que sa non-survenue. La chambre a convenu avec le requérant que le critère de "preuve incontestable" ou de "preuve allant au-delà de tout doute raisonnable" était approprié en l'espèce. L'un des co-intimés 2 était l'ayant cause de l'entreprise directement impliquée dans la divulgation antérieure publique alléguée. Cette entreprise avait en effet établi et diffusé la proposition de budget D8, qui représentait l'objet de la divulgation antérieure alléguée et qui avait été préparée expressément pour son partenaire commercial. L'intimé 2, en tant qu'ayant cause, était parfaitement au courant des actes constituant prétendument la divulgation antérieure publique, et il avait entièrement accès aux moyens de preuve, tandis que le requérant n'étant pas impliqué, il n'était essentiellement en mesure que de signaler des contradictions ou des lacunes dans les moyens de preuve produits. En cela, l'affaire examinée se différenciait des situations sous-tendant les décisions T 12/00, T 254/98 et T 729/91 citées par l'opposant 1, dans lesquelles l'opposant ayant allégué l'usage antérieur public n'avait pas été impliqué dans les circonstances liées à celui-ci.
Dans l'affaire T 2338/13, la division d'opposition avait rejeté l'opposition et conclu que s'agissant de l'usage antérieur allégué, il n'était pas possible d'établir si le contenu de A3, copie d'un diaporama PowerPoint d'une présentation lors d'une conférence tenue en 2002, avait effectivement été rendu accessible au public, faute d'éléments de preuve tels que des témoignages ou des notes écrites du public présent à la conférence. Lors de la procédure orale devant la chambre de recours, M. H a été auditionné en tant que témoin. M. H était l'auteur de la présentation lors de la conférence et de deux attestations (affidavits de 2011 et 2013, pièces numérotées A5 et A19 dans la procédure) produites en première instance. La chambre a relevé que la preuve principale A3 de l'usage antérieur allégué se trouvait en la possession du témoin M. H, ce dernier ayant été contacté par une tierce personne qui n'était pas celle qui avait formé l'opposition du requérant 1. Cette tierce personne était désignée par le témoin M. H comme "mon ami" (procès-verbal de l'audition du témoin) et comme "tierce partie" par le requérant 1. Étant donné que le requérant 1 s'appuyait sur la preuve A3 et sur le témoignage de M. H et qu'il était dans l'impossibilité d'identifier le lien entre le témoin, la tierce personne et lui-même, la chambre a considéré que ce manque d'information lui était imputable et que, par conséquent, la preuve principale A3 devait être considérée comme étant en possession du requérant 1. Parallèlement, le témoin M. H est considéré comme appartenant à la sphère du requérant 1. Selon la chambre, il revenait donc au requérant 1 de prouver au-delà de tout doute raisonnable que le contenu de A3 avait été mis à la disposition du public.
Après examen des preuves, la chambre a conclu qu'en ce qui concerne les circonstances de la présentation du contenu de A3, il était avéré que celle-ci avait bien eu lieu sous la forme d'un affichage. Néanmoins, les différences entre le contenu des attestations et les explications orales du témoin jetaient un doute sur la fiabilité du témoignage. Et quant au contenu de la présentation alléguée, la chambre a jugé qu'il existait un doute sérieux sur le fait que la présentation ait compris une partie relative à des billes, ce doute n'ayant pu être levé par le requérant 1. Un autre doute résultait d'incohérences entre le document A4/A20 et le document A3. En conclusion et au vu de ces incohérences, la chambre a estimé que le requérant 1 n'avait pas prouvé de manière incontestable que le contenu de A3 avait été mis à la disposition du public et, par conséquent, la chambre n'a pas pris en compte ce document lors de l'appréciation de la brevetabilité.
4.2 Accessibilité au public des documents de l'état de la technique
(CLB, III.G.4.3.3)
Dans l'affaire T 2451/13, le document D16 (une brochure) avait été déposé par l'intimé (opposant) dans sa réponse au mémoire exposant les motifs du recours, en réaction à la décision de la division d'opposition. Cette preuve était devenue nécessaire, étant donné que la division d'opposition avait changé d'avis et décidé, lors de la procédure orale, que le document D2 n'était pas, en fait, compris dans l'état de la technique. La chambre a convenu avec le requérant que si l'accessibilité au public d'un document donné est remise en question, la réaction appropriée est de produire des preuves directes relatives à la date de publication dudit document. La chambre a toutefois considéré au moins dans la présente espèce qu'il était tout aussi approprié de produire des éléments prouvant que le public avait accès à l'enseignement contenu dans le document, plutôt qu'au document proprement dit, avant la date de priorité du brevet. Le requérant (titulaire du brevet) a fait valoir que, conformément à la décision T 1257/04, la mention de la date du copyright ne prouvait pas de manière suffisante l'accessibilité au public à cette date. De plus, il a invoqué le fait que le critère de preuve applicable devait être celui de la "preuve incontestable", autrement dit celui de la certitude absolue et non, simplement, celui de l'appréciation des probabilités, puisque le document D16 provenait d'une entreprise qui était à présent une filiale de l'intimé. S'agissant du standard de preuve, la chambre a examiné en détail la jurisprudence, en commençant par la décision T 472/92. Elle est parvenue à la conclusion que si la date de publication d'un document provenant d'un opposant (ou d'une de ses filiales) est contestée, l'opposant doit apporter la "preuve incontestable" de cette date. Cette preuve se mesure non pas tant à l'aune de la "certitude absolue" que dans le fait de prouver "au-delà de tout doute raisonnable".
5. Charge de la preuve
5.1 Répartition de la charge de la preuve
(CLB, III.G.5.1.2)
Dans l'affaire T 30/15, le requérant (titulaire du brevet) a justifié l'introduction tardive de T18 (essais) en faisant valoir qu'il ne s'agissait que d'une réaction à l'avis préliminaire de la chambre et qu'elle n'aurait ni pu ni dû soumettre ce document auparavant, la décision de la division d'opposition ne se fondant selon elle que sur T14 (thèse) quant à l'objection tirée de l'art. 83 CBE. La chambre n'a pas partagé le point de vue selon lequel l'avis préliminaire de la chambre sur ce point litigieux ne correspondait pas à une nouvelle objection mais n'était qu'un résumé des objections de la décision de première instance. Ce faisant, le dépôt tardif de T18 n'était pas justifié. T18 soulevait des questions qui ne pouvaient être traitées sans renvoi de la procédure orale afin que les intimés disposent du temps nécessaire à préparer des contre-essais (art. 113(1) CBE).
Par ailleurs, le requérant prétendait qu'il incombait aux intimés, en réponse au mémoire de recours, de prouver la non-conformité aux exigences de l'art. 83 CBE de l'invention. Le requérant, selon lui, n'avait pas à soumettre ces moyens de preuve avec son exposé des motifs du recours, car c'est aux seuls opposants qu'il incombe, quels que soient les cas de figure, de prouver que l'exposé de l'invention n'est pas suffisant. Ceci s'applique également au recours suite à une décision de révocation du brevet pour insuffisance de description, et notamment lorsque les motifs de la décision attaquée ne sont plus censés faire grief au requérant suite à une modification de l'objet revendiqué. La chambre, qui n'a pas partagé cette position exprimée par le requérant, a jugé au contraire que selon l'art. 12(2) RPCR, le mémoire exposant les motifs de recours doit contenir l'ensemble des moyens exprimés. Par ailleurs, les opposants avaient apporté des éléments suffisamment crédibles conduisant la division d'opposition à révoquer le brevet sur le fondement de l'art. 83 CBE. Cette décision motivée qui a clôturé la procédure d'opposition a eu comme conséquence d'attribuer des rôles différents aux parties pour la phase de recours. Une fois le brevet révoqué, c'est au titulaire du brevet en sa qualité de requérant qu'il incombe de prendre une position plus active et de présenter, dans un premier temps, une argumentation détaillée dans son mémoire de recours et ce, même si par un nouveau jeu de revendications, les motifs à la base de la décision attaquée semblaient être surmontés. Il ne peut plus se contenter d'attendre des intimés qu'ils démontrent la non-validité du brevet. La démonstration par le requérant qu'il est satisfait aux exigences de l'art. 83 CBE doit être complète et non sélective, et il ne doit pas attendre que la chambre ou les intimés l'invitent à le faire.
La procédure de recours, à cet égard, n'est pas une continuation de la procédure d'opposition, mais une nouvelle procédure engagée par le requérant. De ce fait, les principes qui, dans un premier temps gouvernaient la procédure d'opposition, ne sont plus nécessairement applicables au stade du recours, ceux énoncés dans le règlement de procédure des chambres de recours leur étant substitués, notamment l'obligation de fournir l'ensemble des moyens pour lesquels la décision ne peut pas être maintenue. Un titulaire qui pense pouvoir écarter le fondement de la décision attaquée par des motifs de recours uniquement limités à un seul aspect de ladite décision prend le risque d'être ultérieurement, au cours de la procédure de recours, dans une situation telle que le dépôt de motifs ou de moyens de preuve supplémentaires sera considéré comme tardif en application des art. 13(1) et/ou 13(3) RPCR.
5.2 Déplacement de la charge de la preuve
(CLB, III.G.5.2)
Dans l'affaire T 473/13, la chambre a considéré que, au vu des circonstances décrites et compte tenu de la coopération entre l'intimé (titulaire du brevet) et la société de distribution VB-Elnät, les employés de cette dernière avaient très probablement pris connaissance des caractéristiques techniques de l'équipement du titulaire du brevet. La chambre a donc estimé, à l'instar de l'intervenant, que pour établir si les informations sur l'usage antérieur avaient été rendues accessibles au public, il était nécessaire de déterminer si lesdits employés étaient liés par un accord de confidentialité. La chambre a également convenu avec l'intervenant que dans ces circonstances, c'était à l'intimé qu'il incombait, dans un premier temps, de prouver l'existence de cet accord de confidentialité. L'intimé avait indiqué à ce sujet qu'en temps normal, deux entreprises qui travaillaient sur un projet de coopération dans ce domaine technique étaient, à tout le moins, tenues à une obligation de confidentialité implicite. Au soutien de quoi, l'intimé avait de plus produit des preuves, à savoir une attestation du directeur de projet (et inventeur du brevet en litige). Contrairement à ce que soutenait l'intervenant, la chambre a jugé qu'en présentant ces arguments et la preuve correspondante, l'intimé s'était acquitté de la charge de la preuve qui lui incombait initialement. La chambre a de surcroît fait observer que le critère de "preuve incontestable", fréquemment cité, ne s'appliquait pas aux circonstances de l'espèce, puisque la jurisprudence correspondante avait été développée pour les situations dans lesquelles l'opposant était à l'origine de l'usage antérieur, ce qui n'était pas le cas ici.
Du point de vue de la chambre, c'était à l'intervenant qu'il incombait désormais de prouver qu'il n'y avait pas d'accord de confidentialité. L'intervenant n'avait toutefois présenté aucun argument ou aucune preuve pouvant objectivement jeter le doute sur l'existence d'un accord de confidentialité, et avait avancé à cet égard de simples hypothèses. L'intervenant n'avait pas cherché à contacter la société VB-Elnät, avec laquelle le titulaire du brevet travaillait à un projet de coopération, afin d'établir si, selon elle, un accord de confidentialité existait. Il n'avait pas non plus conduit de recherches auprès d'autres organisations opérant dans le domaine technique concerné, afin de déterminer si de tels accords de confidentialité correspondaient à la pratique normale dans ce domaine.
La chambre a conclu qu'il n'avait pas été prouvé que l'usage antérieur était public, si bien qu'il ne faisait pas partie de l'état de la technique.
G. Soupçon de partialité
(CLB, III.J.3.4)
Dans l'affaire T 355/13, le requérant soupçonnait la chambre de partialité, notamment au motif qu'elle n'avait pas rendu d'avis provisoire sur des aspects décisifs de l'affaire et qu'elle avait émis une citation à une procédure orale au lieu de renvoyer l'affaire à l'instance du premier degré. Faisant référence à la décision G 6/95, la chambre a souligné qu'elle n'était soumise à aucune obligation procédurale d'émettre un avis provisoire et que dans le cadre d'une procédure inter partes, il n'était pas possible de donner suite automatiquement à la requête de l'une des parties sans donner aux autres parties la possibilité d'être entendues sur ladite requête (dans le cadre d'une procédure orale lorsqu'elle est requise). La chambre a considéré que la demande de récusation était irrecevable car fondée sur une interprétation manifestement erronée des obligations procédurales de la chambre, du droit d'être entendu et du droit à un procès équitable.
H. Aspects formels des décisions des instances de l'OEB
(CLB, III.K.2.2)
Dans l'affaire T 1254/11, la chambre a estimé qu'une division d'opposition élargie à quatre membres conformément à l'art. 19(2) CBE 1973 peut en principe être à nouveau ramenée à trois membres. Il appartient aux quatre personnes composant la division de décider de la réduction du nombre de membres. Sur ce point, la chambre suit la décision T 990/06. En statuant sur la réduction, la division d'opposition composée de quatre membres doit exercer de manière appropriée son pouvoir d'appréciation. La chambre a considéré que le fait qu'aucune décision visant à élargir ou à réduire la composition de la division d'opposition ne soit mentionnée dans le dossier ouvert à l'inspection publique et le fait que l'on ne trouve trace de la désignation du nouveau président de la division que dans le registre interne de l'OEB constituaient des vices substantiels de la procédure devant la division d'opposition. Toutefois, contrairement à l'affaire T 990/06, il était possible de déduire du dossier que la composition de la division d'opposition avait été dûment élargie, puis dûment réduite à un stade ultérieur de la procédure.
Au cours de la procédure d'opposition à l'origine de l'affaire T 1088/11, la division d'opposition avait été complétée par un membre juriste. Cependant, la décision attaquée (de rejet de l'opposition) ne portait que la signature électronique du président et des premier et second examinateurs et non celle dudit examinateur juriste.
Selon la chambre, la division d'opposition siégeant dans sa composition correcte au moment de la prise de décision est compétente, conformément à l'art. 19(2) CBE, pour statuer. L'élargissement doit être décidé par la division d'opposition dans une composition de trois membres et la réduction dans une composition de quatre membres. Les décisions des divisions d'opposition doivent non seulement être rendues dans la composition correcte, mais aussi être perçues comme telles par les parties et par le public (T 390/86, point 7 des motifs). Lorsqu'une division d'opposition a été élargie en application de l'art. 19(2) CBE, mais que l'affaire est néanmoins tranchée dans une composition de trois membres, le dossier public doit contenir la preuve manifeste qu'une décision d'annulation de l'élargissement a été prise par la division d'opposition dans une composition de quatre membres avant la décision définitive.
En l'espèce, il était uniquement indiqué dans les motifs de la décision définitive, rendue dans une composition de trois examinateurs, que l'élargissement de la division n'était plus nécessaire et que la décision d'élargissement était dès lors annulée. Le dossier public ne contenait aucune preuve démontrant que la prétendue annulation de l'élargissement avait été décidée dans une composition de quatre membres et rien n'indiquait qu'une décision distincte avait été prise en la matière. Par conséquent, la partie de la décision contestée relative à la réduction de la composition de la division d'examen constituait la décision d'annulation de l'élargissement, laquelle avait donc été prise par la division d'opposition dans une composition incorrecte.
I. Rectification d'erreurs dans les décisions
(CLB, III.L.1)
L'affaire ex parte T 1785/15 est une application directe des conclusions formulées dans la décision G 1/10, selon lesquelles la règle 140 CBE ne permet pas de rectifier le texte d'un brevet, de sorte qu'une requête formulée par le titulaire d'un brevet aux fins d'une telle rectification est irrecevable quel que soit le moment où elle est présentée. La chambre a clairement rappelé les principes pertinents, les champs d'application respectifs de la règle 139 et de la règle 140 CBE, ainsi que l'articulation entre l'intention de délivrer un brevet européen (règle 71(3) CBE), la décision de délivrance d'un brevet européen (art. 97(1) CBE), et la possibilité de rectifier des erreurs. Dans l'affaire en cause, la chambre a conclu à l'irrecevabilité de la requête en rectification présentée par le requérant, au motif que ce dernier avait approuvé le texte du brevet délivré et n'était donc pas lésé par la décision de délivrer le brevet sur la base de ce texte. Toutes erreurs laissées dans le texte qu'il avait approuvé relevaient ainsi de sa propre responsabilité. La décision G 1/10 ne prévoit pas la possibilité de former un recours pour le titulaire d'un brevet qui, bien qu'ayant approuvé la version envisagée pour la délivrance du brevet, demande par la suite des modifications de ce texte. Après la décision de délivrance, les revendications ne peuvent être modifiées que dans les procédures où cette possibilité est expressément prévue, à savoir dans le cadre d'une procédure de limitation ou d'opposition (G 1/10, point 13 des motifs).
J. Registre européen des brevets
(CLB, III.M.2.3)
Dans l'affaire J 17/14, il convenait de déterminer si le transfert effectué dans un premier temps en faveur du requérant en tant qu'ayant cause de l'intimé était incorrect et si la réinscription de l'intimé avait été ordonnée à juste titre. En vertu de la règle 22(1) CBE, le transfert d'une demande de brevet européen est inscrit au Registre européen des brevets à la requête de toute partie intéressée, sur production de documents prouvant ce transfert. La question de savoir si la division juridique n'avait pas exigé de preuves suffisantes du transfert était aussi controversée entre les parties que la question de savoir si le transfert en faveur du requérant en tant qu'ayant cause pouvait être simplement annulé à la requête de l'intimé inscrit initialement. La chambre a précisé qu'une fois un transfert effectué, une réinscription dans le Registre européen des brevets n'allait pas nécessairement de soi lorsque des doutes étaient émis ultérieurement quant à la suffisance des preuves relatives à la prétendue transmission par voie successorale. En effet, après qu'une demande lui a été transférée, l'ayant cause est formellement reconnu, conformément au Registre, comme la personne habilitée, avec tous les droits qui en résultent. La personne inscrite ne peut pas ensuite être privée de manière sommaire de cette situation juridique avantageuse. Dans la mesure où la question du droit matériel aux demandes et inscriptions concernées faisait l'objet d'un litige entre les parties intéressées, l'examen de cette question incombe uniquement aux tribunaux nationaux dans le cadre du système du brevet européen (cf. également à ce propos la décision G 3/92). Le cas échéant, il convient plutôt d'envisager en faveur de celui inscrit initialement une suspension de la procédure de délivrance ou d'opposition, jusqu'à ce que la procédure nationale aboutisse à une décision passée en force de chose jugée.
K. Observations présentées par des tiers
(CLB, III.N.5)
Dans l'affaire T 1756/11, la chambre a indiqué qu'en principe, les observations de tiers peuvent également être présentées après l'expiration du délai d'opposition, et donc, par exemple, au stade de la procédure de recours inter partes, étant donné que l'art. 115 CBE ne fixe aucun délai. En vertu de la jurisprudence récente, il ne devrait pas être tenu compte de manière formelle d'observations anonymes présentées par un tiers à un stade très tardif de la procédure de recours sur opposition, afin d'exclure tout abus de procédure dissimulé par des parties (T 146/07, par dérogation au Communiqué de l'OEB relatif au dépôt d'observations par des tiers pour la première instance, JO 2011, 418 et 420). Bien que l'art. 114(2) CBE prévoie que les moyens invoqués tardivement ne concernent que les parties à la procédure, les moyens (c'est-à-dire les faits et les preuves) invoqués dans des observations de tiers qui n'ont été présentées qu'après l'expiration du délai d'opposition sont, selon une jurisprudence constante, considérés de manière fictive également comme "tardifs". L'art. 115 CBE n'est donc pas destiné à étendre les droits des tiers, et encore moins à les étendre vis-à-vis des parties à la procédure (cf. T 951/91, JO 1995, 202). Les observations sont soumises aux critères développés par la jurisprudence pour l'évaluation de la recevabilité de moyens invoqués tardivement. La chambre a estimé que les divisions d'opposition devraient, par analogie avec le Communiqué de l'OEB relatif au dépôt d'observations par des tiers pour la première instance (cf. JO 2011, 418 et 420), se prononcer au moins sur la pertinence d'observations de tiers, par exemple dans la citation à une procédure orale. La chambre de recours devait d'office ne pas admettre les observations de tiers présentées tardivement pendant la procédure de recours sur opposition, à moins qu'elles ne portent sur des modifications des revendications ou d'autres parties du brevet au cours de la procédure d'opposition ou de recours. En pareil cas, une chambre de recours peut éventuellement, lors de l'examen de ces modifications, soit ne pas admettre les moyens invoqués tardivement par des tiers, soit, le cas échéant, en tenir compte dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation et les admettre dans la procédure (cf. art. 12(4) et 13(1), (3) RPCR).
L. Représentation
1. Pouvoir de représentation
(CLB, III.R.4)
Dans l'affaire J 19/13, l'argument principal du demandeur (requérant) était que l'irrégularité relative à la signature sur la requête en délivrance avait pour conséquence juridique que la demande ne constituait pas un "dépôt valable et régulier" et qu'elle était donc nulle ab initio, étant donné qu'il n'avait pas été satisfait aux exigences énoncées à l'art. 78 CBE. La chambre n'a toutefois pas partagé ce point de vue. Tout formulaire établi par l'Office au titre de la règle 41(1) CBE doit être signé par le demandeur ou par son mandataire. Le mandataire qui a signé électroniquement la requête en délivrance (formulaire OEB 1001E) n'était pas habilité à signer au nom du demandeur. Un acte de procédure accompli par une personne non habilitée doit être traité de la même façon qu'une signature manquante. Ce principe s'applique également au dépôt électronique d'un document accompagné de la signature électronique d'une personne non habilitée, comme cela a été confirmé, par exemple, dans la décision T 1427/09 (cf. point 8 des motifs). Par conséquent, le formulaire de requête en délivrance devait être considéré comme non signé. La signature du demandeur ou de son mandataire est une des conditions à remplir concernant le contenu de la requête en délivrance (cf. règle 41(2)h) CBE). La signature sur la requête en délivrance, en revanche, ne constitue pas une des exigences prévues à l'art. 80 CBE et à la règle 40 CBE pour l'attribution d'une date de dépôt. S'il existe une conséquence juridique que l'on pourrait décrire comme "nullité ab initio" en cas de non-respect des exigences relatives à la date de dépôt, il n'en va pas de même pour l'irrégularité relative à la signature sur la requête en délivrance, dont la chambre a énuméré les conséquences juridiques.
Le requérant a fait valoir en outre que la demande n'aurait pas dû être traitée étant donné que le mandataire n'avait pas confirmé sa désignation pour la demande. On ne saurait déduire des dispositions de la CBE qu'il est exigé, comme le laisse entendre le requérant, que le mandataire qui est mentionné dans la requête en délivrance, mais n'a pas signé le formulaire, confirme sa désignation en (contre-)signant ultérieurement le formulaire de requête en délivrance. Si la constitution du mandataire n'était pas régulière, il aurait pu en informer l'Office. Toutefois, cela n'aurait pas non plus entraîné la nullité ab initio de la demande. Au lieu de cela, si l'Office avait eu connaissance d'une telle irrégularité, le demandeur, tenu d'être représenté comme l'exige l'art. 133(2) CBE, aurait été invité au titre de la règle 58 CBE à remédier à l'irrégularité en désignant un nouveau mandataire. Cependant, la représentation par un mandataire professionnel n'étant pas obligatoire pour le dépôt d'une demande de brevet européen, la non-désignation d'un tel mandataire, malgré l'invitation en ce sens, aurait uniquement pu entraîner une des clôtures "négatives" de la procédure de délivrance, à savoir le rejet de la demande. La représentation du requérant ne semble pas avoir été entachée d'irrégularité dans l'affaire en question.
1.1 Subdélégation de pouvoir
(CLB, III.R.4.3)
Dans l'affaire T 2453/12, l'opposition de l'opposant 2 avait été formée sous le nom d'une entreprise qui avait déjà cessé d'exister ("ISP Investments LLC") et avait été rejetée comme irrecevable par la division d'opposition pendant la procédure orale. Le représentant de l'opposant 2 avait alors été mandaté pour représenter l'opposant 1 pendant la procédure d'opposition. Les recours des deux opposants (requérants) étaient dirigés, entre autres, contre la décision par laquelle la division d'opposition avait rejeté comme irrecevable l'opposition de l'opposant 2. Le titulaire du brevet (intimé) a considéré que le même représentant ne pouvait pas agir également pour l'autre opposant. Il a demandé que la Grande Chambre de recours soit saisie de la question de savoir si le même représentant pouvait assurer la représentation de plusieurs parties. Les requérants ont fait valoir que les représentants de l'opposant 1 – qui étaient de toute façon ses employés – continuaient d'être habilités à représenter celui-ci et que le recours formé par ces représentants était donc recevable. Contrairement à ce qu'a prétendu l'intimé, aucun changement de représentant n'avait eu lieu ; l'opposant 1 avait simplement subdélégué le pouvoir au représentant de l'opposant 2 pendant la procédure d'opposition.
La chambre a fait observer que, selon l'art. 133(1) et (3) CBE, une personne morale dont le siège se trouve dans un État partie à la CBE n'est pas tenue de se faire représenter par un mandataire agréé dans les procédures devant l'OEB. Elle peut se faire représenter également par un employé habilité, et ce même si elle a donné pouvoir à un mandataire agréé en parallèle. Une partie ne peut en aucun cas se priver, en déléguant des pouvoirs, du droit de se représenter elle-même. Pour cette seule raison, il ne pouvait y avoir de doute sur le fait que les représentants internes de l'opposant 1 étaient habilités à former le recours. Dans la procédure d'opposition, ces derniers avaient simplement subdélégué au représentant de l'opposant 2 le pouvoir de représenter l'opposant 1 pendant la procédure d'opposition en cours. Cela ne saurait en aucun cas être considéré comme la preuve d'un changement de représentant. La chambre a estimé que rien ne justifiait de rejeter comme irrecevable le recours du requérant (opposant 1).
2. Exposé oral par une personne accompagnant le mandataire agréé
(CLB, III.R.5)
Dans l'affaire T 1693/10, le sous-pouvoir – contesté – donné à un second mandataire agréé avait finalement été retiré. Celui-ci a dès lors été considéré comme un assistant du mandataire au sens de la décision G 4/95. Faute de remplir au moins un des critères posés par la décision G 4/95, il n'a pas été autorisé par la chambre à prendre la parole lors de la procédure orale. La chambre a rejeté l'objection au titre de la règle 106 CBE formulée par l'intimé et tendant à ce que la personne accompagnant le mandataire ne soit pas, lors de la procédure orale, aux côtés du mandataire du requérant mais seulement dans le public. Parmi les motifs de rejet, l'objection ne précisait pas en quoi la seule présence de cette personne aux côtés du mandataire représentant le requérant entraînait la violation des droits invoqués, parmi lesquels le droit à un procès équitable qui, d'ailleurs, ne figure pas tel quel dans la liste limitative de l'art. 112bis (2) CBE. Par ailleurs, la chambre n'était pas compétente pour connaître d'éventuels conflits d'intérêts. La seule affirmation par l'intimé, selon laquelle la personne accompagnant le mandataire, qui avait travaillé dans le cabinet du représentant de l'intimé, avait eu accès à des informations confidentielles sur le dossier en question, n'était pas étayée. Enfin, l'intimé n'ayant de toute façon soulevé aucune objection à l'encontre de la représentation par le mandataire même du requérant, il n'y avait pas lieu de trancher la question.
IV. PROCÉDURE DEVANT L'OEB
A. Procédure d'examen
1. Modifications – pouvoir d'appréciation conféré à la division d'examen par la règle 137(3) CBE
(CLB, IV.B.2.6.1)
Dans l'affaire T 918/14, une recherche incomplète avait été effectuée en application de l'art. 17.2)a) PCT, et la division d'examen n'avait pas procédé à la recherche additionnelle nécessaire, en conséquence de quoi le requérant, bien que ne connaissant pas l'état de la technique, avait dû apporter des modifications pouvant se révéler sans objet à un stade ultérieur. Dans ces conditions, on ne pouvait escompter de la part du requérant qu'il réagisse de la manière appropriée aux notifications de la division d'examen ou qu'il prévoie la tournure que prendrait la procédure d'examen.
La chambre a estimé que la division d'examen avait outrepassé le pouvoir d'appréciation que lui conférait la règle 137(3) CBE, et commis un vice fondamental de procédure en refusant d'admettre dans la procédure des modifications apportées aux revendications, alors qu'elle n'avait pas effectué de recherche additionnelle (laquelle était pourtant justifiée) et qu'elle avait donné de vagues indications concernant la brevetabilité des revendications modifiées.
La chambre a fait observer en outre qu'une division de la recherche et d'examen qui effectue tout d'abord une recherche incomplète sans donner de justification précise, qui ne réalise pas par la suite de recherche additionnelle concernant les nouveaux jeux de revendication, et ce malgré les objections et les modifications présentées par le demandeur, et qui, au lieu de cela, soulève ponctuellement de vagues objections concernant la brevetabilité, adopte une manière de procéder qui constitue déjà en soi un vice fondamental de procédure.
2. Recherches additionnelles au cours de l'examen
(CLB, IV.B.4.1.2)
Dans l'affaire T 779/11, la division d'examen avait fondé ses objections concernant l'absence d'activité inventive sur des éléments qui représentaient, selon elle, un état de la technique notoire. Le requérant a contesté le bien-fondé de la déclaration émise au titre de l'art. 17.2)a) PCT par l'OEB agissant en qualité d'ISA, et a fait valoir que la division d'examen avait commis un vice substantiel de procédure en n'effectuant pas de recherche sur l'état de la technique. La chambre a adopté la position suivie dans l'affaire T 1242/04, où il avait été estimé que dans certaines circonstances, la division d'examen n'était pas toujours tenue d'effectuer une recherche additionnelle sur l'état de la technique matérialisé par des documents. Il est en particulier légitime de rejeter une demande pour absence d'activité inventive lorsque l'objection est fondée sur des connaissances qui sont "notoires" ou qui font incontestablement partie des connaissances générales de l'homme du métier. Cette approche a été suivie dans un certain nombre d'autres décisions. Sur le fond, la chambre n'était pas convaincue en l'espèce que l'existence de ces connaissances générales de l'homme du métier à la date de priorité ne puisse pas raisonnablement être contestée. Leur existence devait dès lors être étayée par des preuves. L'affaire devait donc être renvoyée à la division d'examen pour suite à donner, afin, en particulier, que celle-ci effectue une recherche additionnelle. Enfin, la chambre a déterminé d'office si le remboursement de la taxe de recours était équitable en raison d'un vice substantiel de procédure (cf. J 3/14). Elle a constaté que conformément à la jurisprudence constante, les caractéristiques qui ne contribuent pas au caractère technique de l'invention ne sont pas prises en considération pour l'évaluation de l'activité inventive. Par conséquent, la division d'examen n'était pas tenue d'indiquer les motifs pour lesquels ces caractéristiques faisaient partie des connaissances générales de l'homme du métier. La chambre a donc considéré que l'absence de recherche sur l'état de la technique n'avait pas conduit à un vice substantiel de procédure.
3. Modifications portant sur des éléments qui n'ont pas fait l'objet de la recherche – règle 137(5) CBE
(CLB, IV.B.3.3.3)
Dans l'affaire T 736/14, la chambre a déclaré que le point H-II, 7.1 des Directives (version 2013) (intitulé "Limitation à une seule invention ayant fait l'objet de la recherche") traite uniquement de la possibilité de remplacer l'invention à examiner par une autre invention lorsque le demandeur indique qu'il souhaite maintenir pour la suite de la procédure une invention spécifique, ayant fait l'objet de la recherche, mais que la division d'examen juge non admissible l'objet de l'invention choisie. La décision frappée de recours citait entre autres la règle 137(3) CBE comme base juridique pour la non-admission des revendications de la première invention dans la procédure d'examen. La chambre a déclaré que la CBE ne comporte pas de dispositions expresses précisant comment il convient de procéder si un demandeur dont la demande ne satisfait pas à la condition d'unité répond d'une manière vague ou prêtant à confusion à une notification dans laquelle la division d'examen l'a invité à indiquer quelle invention ayant fait l'objet de la recherche il souhaite maintenir. La chambre a toutefois estimé que dans la présente affaire, le point H-II, 7.1 des Directives n'aurait dû en aucun cas être appliqué pour refuser l'admission de la requête subsidiaire, étant donné que le demandeur n'avait pas clairement indiqué l'invention qui devait être examinée à ce stade de la procédure d'examen. En sélectionnant et en examinant la deuxième invention, la division d'examen avait créé un fait accompli, qui avait conduit ultérieurement à la non-admission des revendications de la première invention en vertu de la règle 137(5) CBE, ainsi qu'au rejet de la demande en vertu de l'art. 113(2) CBE 1973. La chambre a jugé que si un demandeur dont la demande ne satisfait pas à la condition d'unité répond d'une manière vague ou prêtant à confusion à une notification dans laquelle la division d'examen l'a invité à désigner l'invention ayant fait l'objet de la recherche qu'il souhaite maintenir, on ne saurait partir automatiquement du principe que le demandeur a sélectionné pour l'examen l'invention couverte par la requête principale. La division d'examen devait au contraire établir, par exemple en envoyant une autre notification, quelle invention ayant fait l'objet de la recherche le demandeur souhaitait réellement conserver en vue de l'examen. Le droit du demandeur d'être entendu avait été enfreint et, par conséquent, un vice substantiel de procédure avait été commis, puisque le demandeur s'était vu opposer une décision irrévocable de non-admission d'une requête subsidiaire couvrant l'une des inventions ayant fait l'objet de la recherche, et qu'il n'avait pas eu la possibilité de prendre position au préalable sur la recevabilité de la requête en question. La chambre a décidé de renvoyer l'affaire à la division d'examen pour suite à donner sur la base de la première invention, déposée en tant que requête subsidiaire, ou de la deuxième invention, déposée en tant que requête principale. Elle a également ordonné le remboursement de la taxe de recours.
B. Particularités de la procédure d'opposition et de la procédure de recours
1. Transmission de la qualité de partie
1.1 Transmission conjointe de la qualité d'opposant et de l'activité économique à laquelle se rapporte l'opposition
(CLB, IV.C.2.2.3)
Dans l'affaire T 423/11 du 11 mars 2015, la chambre s'est penchée sur la validité de la transmission de l'opposition de SAGEM SA à SAGEM Défense Sécurité. Selon la chambre, il découlait de "l'accord réitératif" que les actifs transférés à SAGEM Défense Sécurité étaient ceux dans l'intérêt desquels l'opposition avait été formée. Le brevet frappé d'opposition concernait le domaine des systèmes aériens de données de vols. Cela signifiait que ce domaine faisait partie des actifs transférés, à savoir de la division des "systèmes de navigation et aéronautiques". L'objection selon laquelle tous les actifs correspondants n'avaient pas été transférés, parce que des exceptions avaient été faites pour certains brevets, n'avait aucune importance. Il était vrai que certains brevets n'avaient pas été transférés et que seule une licence avait été accordée. Une licence confère cependant à son titulaire les droits nécessaires pour prendre toute mesure visant à défendre le brevet sous licence. Les exceptions ne privaient donc pas le cessionnaire des droits généraux que le transfert des autres actifs lui conférait.
La chambre a fait observer que le long délai, supérieur à huit ans, qui s'était écoulé entre le transfert et la demande d'inscription du transfert adressée à l'OEB était sujet à critique. Cependant, rien dans le dossier ne laissait entendre que l'intention avait été d'occulter la véritable situation. En outre, le fait que l'intimé avait été tenu dans l'ignorance de la véritable identité de l'opposant, ce dont il s'était plaint, ne lui avait pas causé de préjudice. La chambre a conclu que la transmission de la qualité d'opposant était valable.
1.2 Conséquence de la conclusion d'absence de transmission au cours de la procédure d'opposition
(CLB, IV.C.2.2)
Dans l'affaire T 194/15, l'acte d'opposition avait été déposé le 30 août 2012 par Abbott Laboratories ("Abbott"). Le 3 janvier 2013, l'opposant a demandé la transmission de l'opposition d'Abbott à AbbVie Inc ("AbbVie"). La division d'opposition a fait droit à cette requête et décidé implicitement qu'AbbVie était le nouvel opposant.
Sur la base des éléments disponibles, produits avec la requête en transfert de l'opposition, la chambre a conclu que les actifs pertinents avaient été transférés le 1er août 2012. Ainsi, à la date à laquelle il a été fait opposition, les actifs dans l'intérêt desquels l'opposition était formée avaient déjà été transférés à AbbVie. Par conséquent, il n'était plus possible de transmettre l'opposition à AbbVie. La procédure d'opposition a donc été poursuivie avec une partie qui n'était pas le véritable opposant.
La chambre s'est ensuite demandé si l'affaire devait être renvoyée à la division d'opposition. Elle a rappelé que dans l'affaire T 1178/04, en des circonstances similaires à la présente espèce, la chambre avait retenu que les requêtes présentées par une partie qui n'est pas le véritable opposant au cours de la procédure devant la division d'opposition étaient irrecevables, et elle avait estimé que le seul moyen de remédier à ce vice de procédure était d'ordonner le renvoi de l'affaire à la division d'opposition, de manière à ce que la procédure puisse être conduite avec le véritable opposant. Dans l'affaire T 1982/09, dont les circonstances étaient identiques, la chambre s'était demandé, conformément à l'art. 11 RPCR, s'il existait des "raisons particulières" s'opposant au renvoi de l'affaire. En fin de compte, elle s'était prononcée contre le renvoi.
Dans la présente espèce, la chambre s'est demandé s'il existait des "raisons particulières" s'opposant au renvoi de l'affaire. Bien que consciente des conséquences négatives d'un renvoi, la chambre n'a pas vu de "raisons particulières" justifiant le non-renvoi et a décidé de renvoyer l'affaire à la division d'opposition afin que la procédure puisse être conduite avec le véritable opposant.
2. Intervention – position juridique de l'intervenant
(CLB, IV.C.3.2.1)
Dans l'affaire T 614/13 (2 juillet 2015), la division d'opposition avait décidé, dans le cadre de la procédure en instance devant elle, que l'opposition de l'intervenant n'était pas recevable en l'absence de preuve selon laquelle la déclaration d'intervention avait été présentée dans les délais. La chambre de recours a décidé que même si la décision contestée de la division d'opposition était confirmée, cela ne signifiait pas que l'intervenant n'avait jamais été partie à la procédure, mais seulement qu'à compter de la date de prise d'effet de la décision de recours, il n'aurait plus le droit de participer à la (suite de la) procédure. Jusqu'à cette date, la place accordée à l'intervenant dans la procédure devait seulement permettre de déterminer si celui-ci était habilité à y participer.
3. Poursuite de la procédure d'opposition après la renonciation au brevet ou l'extinction de celui-ci
(CLB, IV.C.4.1.2)
Dans l'affaire T 740/15, la chambre a estimé que si l'opposant présente une requête en poursuite de la procédure d'opposition dans le délai requis, le pouvoir d'appréciation de la division d'opposition prévu à la règle 84(1) CBE se limite à la seule décision possible qui est prévue dans les textes, à savoir la poursuite de la procédure d'opposition. La chambre a fait observer que cette interprétation de la règle 84(1) CBE est étayée par les travaux préparatoires de la CBE 1973.
Dans l'affaire T 500/12, la chambre a fait droit à la requête en poursuite de la procédure de recours présentée par le requérant (opposant). Le requérant avait fourni des preuves émanant de plusieurs registres nationaux de brevets, qui indiquaient que le brevet frappé d'opposition ne s'était pas éteint dans tous les États contractants, et qu'il était encore en vigueur. Le requérant a également fait valoir que les taxes annuelles peuvent être acquittées non seulement par le titulaire du brevet, mais aussi par un tiers. De plus, elles peuvent encore être valablement acquittées, moyennant une surtaxe, dans de nombreux États contractants et même si elles ne sont pas acquittées dans le délai moyennant une surtaxe, des délais de rétablissement dans les droits doivent encore être pris en considération.
4. Coûts
(CLB, IV.C.6.2.2)
Dans l'affaire T 383/13, l'intimé (opposant) demandait qu'une autre répartition des frais, au sens de l'art. 104(1) CBE, soit ordonnée. L'intimé s'est en effet rendu à la procédure orale devant la chambre de recours afin de défendre un cas pour lequel le requérant avait annoncé son absence par une lettre datée de seulement deux jours avant la tenue de ladite procédure orale. Selon la chambre, dans les cas où une partie tarde à décider de ne pas assister à une procédure orale ou à prévenir la chambre ou les parties de cette décision, une répartition des frais en faveur de la partie adverse peut effectivement être justifiée dans la mesure où les frais sont directement occasionnés par le fait que cette décision n'a pas été communiquée en temps utile avant la procédure orale. Le standard de décision appliqué dans l'affaire T 1079/07 est le standard approprié pour exercer son pouvoir d'appréciation. Selon la chambre, la procédure orale n'était aucunement superflue car elle n'aurait de toute façon pas annulé la procédure orale, même si le requérant l'avait prévenue à un stade précoce, puisqu'elle souhaitait être en mesure de statuer sur le dossier et par là de le clore à la date prévue de ladite procédure orale. Par ailleurs, le fait que l'opinion préliminaire de la chambre fût en faveur de l'intimé ne peut jouer étant donné que les vues exprimées dans l'opinion préliminaire d'une chambre restent des évaluations provisoires, qui ne sont nullement engageantes ou contraignantes et il n'y a aucune garantie qu'elles soient maintenues dans la décision finale. En outre, il est du devoir de tout représentant diligent d'être présent à la procédure orale, même si l'opinion préliminaire lui est favorable et si l'autre partie ne vient pas. La chambre conclut qu'il n'y avait pas lieu d'arrêter une répartition différente des frais au sens de l'art. 104(1) CBE.
C. Procédure d'opposition
1. Formation de l'opposition dans les délais
(CLB, IV.D.2.2)
Pendant la procédure de recours dans l'affaire T 2061/12, la requérante (titulaire du brevet) a contesté la formation et la recevabilité de l'opposition parce que celle-ci avait été déposée par téléfax et aurait été reçue à l'OEB à minuit et onze secondes le lendemain du dernier jour du délai d'opposition.
La chambre a rappelé qu'il convient de différencier lors de la réception d'un téléfax les éléments reçus avant minuit de ceux reçus après minuit. Une date de réception distincte leur est en effet attribuée à chacun (T 683/06, T 2133/10 ; Décision de la Présidente en date du 12 juillet 2007, JO éd. spéc. 3/2007, 7). L'envoi du téléfax depuis la Grande Bretagne a débuté à 22h57 (GMT), comme cela apparaît sur la première page. La transmission a duré environ trois minutes au vu de l'heure de fin de transmission du téléfax comme attesté par l'OEB en bas de chacune des pages à savoir : minuit et onze secondes (HEC). Une telle durée correspond à une vitesse de transmission de l'ordre de 20 secondes par page. En envisageant le début de l'envoi proche de 22h58, la vitesse de transmission devient de l'ordre de 13 secondes par page. Prenant en considération la plage estimée de vitesse de transmission de 13 à 20 secondes par page, seulement la dernière page et, éventuellement, une partie de l'avant-dernière page seraient arrivées après minuit. Le formulaire 2300 avec la signature du mandataire, le bordereau de paiement ainsi qu'au moins les deux premières pages de l'acte d'opposition dans lesquelles est motivée au moins une attaque de manque de nouveauté ont quant à eux bien été reçus à l'OEB avant minuit. L'opposition a donc été formée dans les délais prescrits à l'art. 99(1) CBE et a satisfait par la même occasion aux exigences de la règle 76(1) et (2) CBE. Elle était donc aussi recevable (règle 77(1) et (2) CBE).
2. Correction du nom de l'opposant – preuve du but poursuivi initialement
(CLB, IV.D.2.2.4)
Dans la décision T 615/14, il a été confirmé, sur la base des principes suivants, que le nom de l'opposant pouvait être corrigé en vertu de la règle 139 CBE. Il peut être fait droit, en vertu de la règle 139, première phrase CBE, à une requête en correction de la désignation de l'opposant dans l'acte d'opposition si elle satisfait aux principes entérinés dans la décision G 1/12 (JO 2014, A114), en particulier si elle reflète le but poursuivi initialement lorsque l'opposition a été formée, si elle n'est pas un moyen d'obtenir une modification de l'opinion d'une partie ou un développement de ses intentions, et si elle représente l'intention réelle de l'opposant, et non son intention prétendue. Le but poursuivi initialement lorsque l'opposition a été formée peut également être établi sur la base de preuves produites après l'expiration du délai d'opposition.
3. Nouveau motif d'opposition contre une revendication modifiée
(CLB, IV.D.3.4.3)
Dans l'affaire T 565/13, le motif énoncé à l'art. 100b) CBE n'avait pas été invoqué dans l'acte d'opposition, ni soulevé pendant la procédure d'opposition. Au cours de la procédure orale devant la chambre, le requérant (opposant) a néanmoins fait valoir que l'objet des revendications de la requête subsidiaire 1 n'était pas exposé de manière suffisante. La chambre a estimé que la revendication 3 de la requête limitait l'objet de la revendication 1 du brevet tel que délivré du seul fait qu'elle exigeait que le produit revendiqué puisse être obtenu par le procédé de la revendication 1, laquelle était identique à la revendication 13 du brevet. L'insuffisance alléguée était par conséquent déjà présente dans les revendications du brevet. Dans ces conditions, ce nouveau motif d'opposition ne pouvait être examiné que si le titulaire y consentait (G 10/91), ce qui n'était pas le cas en l'occurrence. Le nouveau motif d'opposition ne pouvait donc pas être introduit dans la procédure.
4. Moyens invoqués tardivement dans la procédure d'opposition
(CLB, IV.C.1.2.1)
Dans l'affaire T 1883/12, la chambre a confirmé la décision de la division d'opposition de ne pas admettre les documents D5 à D12 dans la procédure. La chambre s'est référée à la jurisprudence constante selon laquelle une décision rendue dans l'exercice d'un pouvoir d'appréciation, telle que l'admission ou non de preuves produites tardivement, ne peut être réexaminée que pour déterminer si le pouvoir d'appréciation a été exercé correctement, c'est-à-dire conformément aux principes applicables. Les critères pertinents pour admettre ou non des moyens invoqués tardivement sont exposés, par exemple, dans la partie E-V.2 des Directives, la pertinence de prime abord y étant présentée comme le critère le plus important (bien que non exclusif). La pertinence de prime abord est déterminée sur la base des faits, c'est-à-dire sans effort de recherche excessif, ce qui répond à la nécessité de prendre en considération les principes d'économie de la procédure lorsqu'il s'agit d'examiner et d'admettre des faits et des preuves produits tardivement. Le souci de l'économie de la procédure a également été exprimé dans la décision T 1557/05 qui a adopté l'approche courante selon laquelle il convient de ne pas admettre de documents produits tardivement si, de prime abord, ils ne sont pas plus pertinents que ceux déjà versés au dossier. À cet égard, la chambre a ajouté que la pertinence est décidée par rapport à des faits qui doivent être prouvés, et que si des documents produits tardivement ne sont pas de prime abord plus pertinents pour les faits en question que les preuves déjà admises et n'apportent donc manifestement rien de nouveau, il est tout à fait sensé de ne pas les admettre dans l'intérêt de l'économie de la procédure.
Dans l'affaire T 66/14, les documents D6 à D11 avaient été produits après l'expiration du délai d'opposition, mais avant la date visée à la règle 116(1) CBE, c'est-à-dire avant la date jusqu'à laquelle des documents peuvent être produits en vue de la préparation de la procédure orale. La chambre a fait observer que, selon la jurisprudence, les preuves qui ne sont produites par l'opposant dans la procédure devant la division d'opposition qu'après l'expiration du délai de neuf mois défini à l'art. 99(1) CBE sont en principe considérées comme n'ayant pas été produites en temps utile au sens de l'art. 114(2) CBE. À cet égard, la quatrième phrase de la règle 116(1) CBE ne doit pas être interprétée en ce sens que la citation à la procédure orale déclenche un nouveau délai au cours duquel il serait possible de produire de nouvelles preuves qui ne seraient alors pas considérées comme n'ayant pas été produites "en temps utile" au sens de l'art. 114(2) CBE (cf. T 841/08).
Les nouvelles preuves produites après la date définie à la règle 116(1) CBE doivent être admises dans la procédure si un changement intervient dans les faits de la cause. Ce n'était toutefois pas le cas dans la présente affaire. La chambre devait donc déterminer si la division d'opposition avait exercé son pouvoir d'appréciation correctement, c'est-à-dire conformément aux critères applicables. Dans sa décision, la division d'opposition avait conclu que "les documents D6 à D11 n'étaient pas plus pertinents, ni ne présentaient guère plus d'intérêt que les documents D1 à D5 déposés dans les délais" et qu'il était donc possible de "ne pas en tenir compte conformément à l'art. 114(2) CBE".
La chambre a indiqué que, selon une jurisprudence constante des chambres de recours, la division d'opposition devait vérifier si des preuves produites tardivement étaient de prime abord pertinentes. Dans le cadre de l'examen de la pertinence de prime abord d'un document, la question décisive n'est toutefois pas de savoir si celui-ci est encore plus pertinent qu'un document produit précédemment, mais s'il est de prime abord déterminant pour l'issue de l'affaire (cf. T 1652/08). À cet égard, il ne faut pas considérer le document produit à un stade tardif de la procédure séparément de la présentation de la cause par la partie qui s'appuie sur ledit document. Au contraire, lorsqu'elle exerce son pouvoir d'appréciation, la division d'opposition doit déterminer l'objection que le document produit tardivement est censé fonder.
5. Champ d'application de la règle 43(2) CBE dans la procédure d'opposition
(CLB, IV.D.4.1.4 c))
Dans l'affaire T 830/11, la division d'opposition avait rejeté une requête subsidiaire en vertu de l'art. 114(2) et de la règle 116(2) CBE au motif que les trois revendications de dispositif indépendantes ne satisfaisaient pas aux exigences prévues à l'art. 84 CBE 1973 (concision) et à la règle 43(2) CBE (pluralité de revendications indépendantes de la même catégorie). Les revendications ne portaient ni sur des produits ayant un lien entre eux, ni sur différentes utilisations, ni sur des solutions alternatives à un problème particulier. La chambre a estimé que la division d'opposition n'avait pas exercé correctement son pouvoir d'appréciation. Dans sa décision, cette dernière avait indiqué que "les exigences prévues à l'art. 84 CBE 1973 et à la règle 43(2) CBE [devaient] être satisfaites, indépendamment du fait que l'art. 82 CBE ne [concernait] que la demande". Cette position revenait à priver la décision G 1/91 de tout effet car elle amenait à conclure qu'une requête comportant une pluralité de revendications indépendantes doit être rejetée précisément pour cette raison. La chambre a retenu que, dans le cadre d'une procédure d'opposition, la condition de concision énoncée à l'art. 84 CBE 1973 et les dispositions de la règle 29(2) CBE 1973 (règle 43(2) CBE) devaient être interprétées à la lumière du point 4.2 des motifs de la décision G 1/91 : "jusqu'à la délivrance du brevet, les objectifs d'ordre administratif assignés à l'exigence de l'unité sont atteints pour l'essentiel. […] Dès lors, si l'on considère la raison d'être et le but de la procédure d'opposition et de l'exigence d'unité, il n'est ni nécessaire ni utile d'attacher encore de l'importance à une éventuelle absence d'unité au stade de l'opposition. L'exigence d'unité a rempli sa fonction d'ordre administratif lorsque la procédure d'examen se clôt par la délivrance du brevet." La règle 29(2) CBE 1973 (règle 43(2) CBE) ne doit pas faire obstacle à la défense du brevet dans toutes ses branches (cf. T 263/05, JO 2008, 329, et T 1416/04). La chambre a souligné qu'elle ne remettait pas en question l'applicabilité générale de l'art. 84 CBE 1973 pour ce qui était de la concision, ni celle de la règle 29(2) CBE 1973 (règle 43(2) CBE) dans le cadre d'une procédure d'opposition. Elle a simplement considéré que ces dispositions ne s'appliquaient pas à des jeux de revendications dont l'objet avait déjà été revendiqué dans le brevet tel que délivré.
6. Clarté de la modification – caractéristique d'une revendication du brevet tel que délivré prise hors contexte – applicabilité de la décision G 3/14
(CLB, IV.D.4.2.2)
La revendication 1 de la requête subsidiaire 1 présentée dans le cadre de la procédure de recours sur opposition T 248/13 portait sur un procédé de manipulation de l'arôme d'une masse unique de chocolat, dans laquelle l'arôme était caractérisé comme suit : "un arôme associé à du chocolat reconnaissable par le consommateur, différent d'un exhausteur d'arôme du chocolat, ou un puissant arôme prédominant différent du chocolat". La chambre a trouvé cette définition peu claire et, se référant à la décision G 3/14, a rejeté le moyen invoqué par le titulaire du brevet selon lequel la modification ne pouvait être attaquée au titre de l'art. 84 CBE dans le cadre d'une procédure de recours sur opposition, car cette caractéristique était déjà présente dans la revendication dépendante 15 du brevet tel que délivré. Certes, cette revendication 15 contenait également les termes ambigus "reconnaissable par le consommateur", "exhausteur d'arôme du chocolat" et "puissant arôme prédominant". Cependant, à la différence de la revendication 1 en question, dans laquelle ces termes renvoyaient à l'ingrédient (caractéristiques de l'arôme) à ajouter au chocolat, dans la revendication 15 du brevet, ils définissaient l'arôme du chocolat final ("chocolat fabriqué d'une quelconque manière"). Le fait de tirer ces termes hors du contexte de la revendication 15 du brevet (chocolat final) et de les placer dans le contexte de la revendication 1 en question (ingrédient à ajouter au chocolat) a introduit une nouvelle ambiguïté, jusqu'alors absente. Par conséquent, cette modification était contestable au titre de l'art. 84 CBE et la requête subsidiaire 1 a été rejetée.
D. Procédure de recours
1. Chambre de recours compétente
(CLB, IV.E.2.3)
Dans l'affaire T 854/12, la chambre devait examiner si elle pouvait trancher elle-même la question d'une éventuelle interruption en vertu de la règle 142 CBE, ou si elle devait veiller à ce que la division juridique statue à ce sujet. La chambre a constaté qu'une chambre de recours chargée de statuer doit décider elle-même si, compte tenu des faits qui ont été exposés et des éventuels faits qui doivent être déterminés d'office à titre complémentaire, les conditions préalables dont dépend l'interruption sont réunies, dans la mesure où il s'agit d'une question préalable à trancher en vue de la décision à prendre.
La chambre a donc considéré qu'il n'y avait pas lieu de faire d'abord intervenir la division juridique, et ce bien que la décision du Président de l'Office, en date du 10 mars 1989 (JO 1989, 177), dispose que :
"1. Les tâches suivantes relèvent de la seule compétence de la division juridique : ...
1.2 Registre des brevets ... b) Interruption et reprise de la procédure (règle 90 CBE)."
La chambre de recours juridique avait déjà procédé de cette manière dans les affaires J 49/92, J 26/95 et J 12/98, même si, dans ces deux dernières, le recours était dirigé contre une décision de la division d'examen. De plus, les chambres de recours techniques avaient toujours examiné elles-mêmes la question de savoir si la procédure était interrompue (cf. par exemple T 315/87, T 15/01, T 65/05, T 1476/05, T 710/06 et T 1451/06).
La chambre a indiqué qu'il était certes également possible de confier à la division juridique le soin de statuer elle-même sur l'inscription d'une interruption de la procédure au Registre, sa compétence en matière de décisions relatives aux mentions à porter sur le Registre découlant directement de l'art. 20 CBE. Dans la présente procédure, il n'était toutefois pas nécessaire d'établir si la division juridique était réellement encore compétente pour statuer elle-même en tant qu'instance du premier degré, dans la mesure où une procédure de recours était déjà en instance. Étant donné que l'inscription au registre n'a pas d'effet constitutif et que la CBE ne prévoit pas non plus qu'une chambre de recours, dans le cadre de son obligation de tenir compte d'office des faits concernant une interruption, soit liée par la décision d'autres instances, la chambre était nécessairement amenée à décider elle-même si les conditions d'une interruption étaient ou non réunies.
La compétence de la division juridique pour "toute décision relative (...) aux mentions à porter sur le Registre européen des brevets", telle qu'elle découle de l'art. 20 CBE, n'a pas non plus pour effet de dessaisir les chambres de recours de la compétence qui leur incombe en vertu de l'art. 21(1) CBE pour la procédure de recours, tant en ce qui concerne la décision sur le fond que s'agissant des questions secondaires qui doivent être clarifiées en vue de la conduite de la procédure.
2. Forme et délai du recours – introduction du recours dans les délais
(CLB, IV.E.2.5.3)
Dans l'affaire T 1325/15, la chambre s'est penchée sur la question de savoir si un recours devait être considéré comme irrecevable ou réputé ne pas avoir été formé lorsque la formation du recours et le paiement de la taxe de recours n'ont lieu qu'après l'expiration du délai de recours (cf. également T 2017/12, JO 2014, A76, et T 1553/13, JO 2014, A84). La chambre a estimé que malgré l'absence de doctrine du précédent dans le cadre de la CBE, les principes de sécurité juridique et d'application uniforme du droit exigent qu'une chambre tienne compte de décisions antérieures. Elle a jugé qu'il n'y avait pas de raison sérieuse de s'écarter de l'approche établie, selon laquelle un recours formé après l'expiration des délais applicables est réputé ne pas avoir été formé. De nombreuses dispositions de la CBE précisent qu'une pièce particulière doit être produite dans un délai défini ou "dans les délais". Dans la quasi-totalité des cas, la CBE définit la conséquence juridique du défaut de production "dans les délais", sans toutefois établir de distinction entre la production tardive et la non-production. De manière générale, la production tardive d'une pièce est donc traitée de la même manière que sa non-production (sauf, éventuellement, dans le cas particulier du délai de priorité au titre de l'art. 87(1) CBE). L'art. 108, première phrase CBE exige que le recours soit formé dans un délai de deux mois à compter de la signification de la décision. Si aucun acte de recours n'a été déposé, il n'y a jamais eu de recours. Il n'est certes pas déraisonnable d'interpréter la règle 101(1) CBE comme signifiant qu'un acte de recours déposé tardivement fait naître un recours irrecevable, mais, au vu de la règle générale consistant à ne faire aucune distinction entre la production tardive et la non-production d'une pièce, la chambre a estimé qu'il n'existe aucun recours lorsque ce dernier n'a pas été formé ou n'est pas réputé formé dans les délais. La chambre a noté que son approche, bien qu'elle ne soit pas toujours appliquée de manière uniforme dans la jurisprudence des chambres de recours, est également conforme au raisonnement, suivi dans des décisions antérieures, selon lequel un recours est réputé non formé lorsque la taxe de recours a été acquittée dans les délais, mais que l'acte de recours n'a été déposé qu'après l'expiration du délai de deux mois prescrit à l'art. 108(1) CBE (cf. en particulier J 19/90, points 1.2.2 et 4 des motifs ; T 445/98, points 1.2, 5, 6 et 7 des motifs ; et T 778/00, JO 2001, 554, point 6 des motifs). Dans l'affaire traitée par la chambre, le recours était donc réputé ne pas avoir été formé et la taxe de recours a été remboursée.
3. Reformatio in peius – exception à l'interdiction
(CLB, IV.E.3.1.8)
Dans l'affaire T 2129/14, la modification irrecevable concernait quatre éléments du système revendiqué et certaines interactions entre eux. Trois caractéristiques avaient été supprimées dans la revendication 1 de la deuxième requête subsidiaire par rapport à la revendication 1 de la requête jugée admissible par la division d'opposition. La protection était par conséquent plus large que celle conférée par la requête sur la base de laquelle le brevet aurait été maintenu si l'opposant et unique requérant n'avait pas formé de recours. Dans ces circonstances, l'opposant et unique requérant était dans une situation plus défavorable que s'il n'avait pas formé de recours. La présente affaire entrait dans le cadre de l'affaire G 1/99, dans laquelle la Grande Chambre de recours avait considéré qu'"en principe, il convient de rejeter une revendication modifiée qui placerait l'opposant et unique requérant dans une situation plus défavorable que s'il n'avait pas formé de recours". En principe, la conclusion de la Grande Chambre de recours aurait donc dû s'appliquer et le brevet aurait dû être révoqué. La Grande Chambre de recours avait toutefois également estimé qu'il peut "être fait exception à ce principe afin de répondre à une objection soulevée par l'opposant (requérant) ou par la chambre au cours de la procédure de recours, si le brevet tel que maintenu sous une forme modifiée devait sinon être révoqué, cette révocation étant la conséquence directe d'une modification irrecevable que la division d'opposition avait admise dans sa décision intermédiaire".
La Grande Chambre de recours avait énoncé les conditions dans lesquelles cette exception pouvait être appliquée. La chambre a fait observer que les trois conditions définies par la Grande Chambre sont consécutives. De plus, la chambre a constaté que la revendication 1 de la deuxième requête subsidiaire contenait des caractéristiques supplémentaires qui impliquaient également des interactions entre les quatre éléments du système. Du point de vue de la chambre, chacune des exigences éliminées lors de la suppression de la modification irrecevable devait être examinée avec les caractéristiques supplémentaires, à la lumière des conditions formulées dans la décision G 1/99. La chambre a conclu que les modifications étaient admissibles, puisqu'elles remplissaient les conditions déterminant l'application de l'exception prévue dans la décision G 1/99 et que les modifications irrecevables antérieures pouvaient dès lors être supprimées.
4. Moyens invoqués tardivement dans la procédure de recours
4.1 Pertinence
(CLB, IV.C.1.3.7)
Dans l'affaire T 2054/11, le document D14, extrait d'un ouvrage spécialisé, avait été produit quatre jours avant la procédure orale devant la chambre. L'opposant (requérant) avait prétendu que c'est seulement à cette date qu'il avait eu accès pour la première fois au document D14, dont le contenu était facilement compréhensible et particulièrement pertinent pour déterminer si la revendication 1 telle que maintenue impliquait une activité inventive. La chambre a estimé que la recherche d'un ouvrage spécialisé, manifestement destiné à des étudiants en génie mécanique, ne pouvait justifier le retard considérable avec lequel il avait été présenté, à savoir plus de six ans après que l'opposition avait été formée. En outre, à ce stade de la procédure, il n'aurait été ni acceptable, ni équitable d'attendre du titulaire du brevet (opposant) ou de la chambre qu'ils réagissent de manière appropriée pendant la procédure orale au document produit tardivement. Le titulaire du brevet avait envisagé, à juste titre, de présenter en réponse des requêtes subsidiaires supplémentaires, ce qui aurait très probablement entraîné un report de la procédure orale, étant donné qu'une discussion sur la nouvelle situation découlant de ces nouvelles requêtes subsidiaires aurait dépassé le cadre de la procédure orale. Concernant le prétendu haut degré de pertinence du document D14, la chambre a fait observer qu'au stade du recours, après la fixation de la date de la procédure orale, et en particulier juste avant, voire pendant cette procédure, la question de savoir si des modifications apportées tardivement aux moyens invoqués par une partie devaient ou non être prises en compte, ne dépendait plus de leur pertinence (cf. art. 13(3) RPCR). Il était par conséquent exclu pour la chambre d'admettre le document D14 dans la procédure.
Dans l'affaire T 2471/13, le document de l'état de la technique qui accompagnait le mémoire exposant les motifs du recours et les objections se fondant sur ce document auraient dû et auraient pu être produits au cours de la procédure de première instance. La chambre a décidé de ne pas admettre le document dans la procédure, sans tenir compte de sa pertinence potentielle (art. 114(2) CBE et art. 12(4) RPCR).
Dans l'affaire T 340/12, la chambre a admis dans la procédure le document produit tardivement et indiqué que le fait que ce document présente de prime abord un haut degré de pertinence l'emportait sur l'aspect procédural de son dépôt tardif.
4.2 Article 12(4) RPCR – principes généraux
(CLB, IV.E.4.3.1)
Dans l'affaire T 1873/11, la chambre n'a pas retenu l'argument du requérant selon lequel l'utilisation du terme "pouvoir" à l'art. 12(4) RPCR (et non du terme "appréciation" comme à l'art. 13(1) RPCR) excluait que la chambre statue en exerçant son pouvoir d'appréciation. La chambre a fait observer qu'au contraire, le terme "pouvoir" impliquait justement la possibilité de décider de ne pas admettre des requêtes dans la procédure, dans certains cas énumérés par le RPCR, étant entendu qu'une telle décision doit être motivée. Le terme "pouvoir" signifie seulement que la décision de ne pas admettre des requêtes ne s'impose pas à la chambre, même lorsque les conditions énoncées au paragraphe 4 sont remplies. La chambre a donc estimé, en accord avec la jurisprudence des chambres de recours, qu'il était bien question d'une décision rendue dans l'exercice du pouvoir d'appréciation.
4.3 Notification des chambres de recours
(CLB, IV.C.1.3.9)
La finalité d'une notification d'une chambre de recours au titre de l'art. 15(1) RPCR est de préparer la procédure orale et non d'inviter les parties à présenter de nouveaux moyens ou de nouvelles requêtes (T 1459/11).
4.4 Requêtes non motivées
(CLB, IV.E.4.2.4)
Dans un certain nombre de décisions, il est souligné que des requêtes subsidiaires non motivées ne doivent pas être prises en compte dans le cadre d'une procédure de recours.
Conformément à l'art. 12(2) RPCR, le mémoire exposant les motifs du recours et la réponse doivent contenir l'ensemble des moyens invoqués par une partie. Ils doivent notamment indiquer les motifs pour lesquels il est demandé de modifier ou de confirmer la décision. Il ressort du règlement de procédure des chambres de recours dans sa totalité que la procédure de recours se déroule avant tout par écrit, l'art. 12(2) RPCR prévoyant à cet égard que les parties doivent présenter l'ensemble des moyens dès le début de la procédure. Cette disposition a pour finalité de garantir une procédure équitable à toutes les parties et de permettre à la chambre d'entamer ses travaux sur la base de l'ensemble des moyens des deux parties. Dans une procédure inter partes, les droits comme les obligations doivent être équitablement répartis entre les parties, de sorte que la chambre puisse s'acquitter de sa fonction juridictionnelle indépendante (T 217/10, T 1890/09).
Dans l'affaire T 217/10, il a été indiqué qu'il appartient non seulement au requérant de motiver son recours, mais également à l'intimé de présenter à un stade précoce de la procédure les raisons pour lesquelles les objections soulevées dans le mémoire exposant les motifs du recours sont, selon lui, inopérantes. Lorsque des requêtes subsidiaires sont présentées, il est, en règle générale, également nécessaire d'indiquer en quoi elles permettent de lever ces objections (à tout le moins lorsque cela ne ressort pas clairement des modifications insérées dans les requêtes). Dans l'affaire en question, la chambre n'a pas été en mesure d'établir d'emblée comment les requêtes subsidiaires pouvaient lever les objections soulevées. Elle n'a donc pas pris en considération ces requêtes subsidiaires, qui n'étaient étayées par aucun motif.
Dans l'affaire T 1784/14, la chambre a indiqué en résumé dans son exergue que si aucun motif n'est fourni, à quel que stade que ce soit de la procédure de recours, pour étayer des modifications de revendications qui ne s'expliquent pas d'elles-mêmes, les requêtes comportant ces modifications peuvent être considérées comme n'ayant pas été valablement présentées (cf. T 1732/10). Dans l'affaire T 2288/12, la chambre a confirmé que les requêtes qui ne s'expliquent pas d'elles-mêmes ne deviennent valables qu'à compter de la date à laquelle elles sont motivées.
Dans l'affaire T 2355/14, la chambre de recours a indiqué que si le titulaire du brevet présente des requêtes subsidiaires avec le mémoire exposant les motifs du recours ou le mémoire produit en réponse, mais qu'il n'explique pas pourquoi il convient de modifier la décision attaquée ou de maintenir le brevet, ces requêtes subsidiaires ne peuvent être admises dans la procédure (cf. art. 12(2) RPCR, ensemble l'art. 12(4) RPCR).
Dans l'affaire T 100/13, la chambre a énoncé ce qui suit concernant l'admission de requêtes subsidiaires présentées après que la date de la procédure orale a été fixée : si le titulaire d'un brevet ne présente des requêtes subsidiaires divergentes, abordant différents aspects, qu'à un stade très tardif de la procédure et sans la moindre justification quant à l'admissibilité de ces requêtes par rapport à l'état de la technique déjà cité, on ne saurait attendre ni de la chambre, ni de l'autre partie qu'elles débattent pour la première fois au cours de la procédure orale de la brevetabilité de ces requêtes. Il appartient à l'intimé (titulaire du brevet) d'expliquer, dans le mémoire produit en réponse au mémoire exposant les motifs du recours, dans quelle mesure les objections contre la décision contestée sont inopérantes ou comment, en modifiant les requêtes présentées à titre principal ou subsidiaire, il a été répondu à ces objections, de sorte que les jeux de revendications modifiés peuvent servir de base à un brevet maintenu sous une forme limitée. Selon la chambre, c'est précisément lorsque des requêtes subsidiaires ont été présentées à un stade très tardif de la procédure, comme c'est le cas dans la présente affaire, que ces requêtes doivent être dûment étayées en ce qui concerne la brevetabilité des revendications par rapport à l'état de la technique cité. Bien que les requêtes subsidiaires 1 à 12 en cause n'apportent aucun élément nouveau ou ne modifient en rien l'affaire et qu'elles soient simples ou à tout le moins dépourvues de complexité, l'intimé n'a pas expliqué en quoi le texte des revendications ainsi proposé était admissible. C'est la raison pour laquelle la chambre n'a pas admis ces requêtes dans la procédure. Faute de requête admissible, le brevet litigieux a été révoqué.
Dans l'affaire T 1533/13, la chambre s'est penchée sur l'admissibilité de requêtes qui avaient été présentées tardivement, c'est-à-dire environ un mois avant la procédure orale. Celles-ci s'appuyaient sur des requêtes qui avaient été déposées précédemment sans explication avec le mémoire exposant les motifs du recours. La chambre a indiqué que le requérant avait présenté dix requêtes subsidiaires avec le mémoire exposant les motifs du recours, que celle-ci contenaient divers paramètres, et qu'il n'avait donné aucune explication dans le mémoire exposant les motifs du recours quant à la raison pour laquelle tous ces paramètres avaient été introduits, ni indiqué les objections de la division d'opposition qui se trouvaient ainsi levées. Le simple fait de déposer des revendications modifiées ne dispensait pas le requérant de l'obligation de préciser dans le mémoire exposant les motifs du recours en quoi ces modifications étaient pertinentes pour lever les objections sur lesquelles était fondée la décision contestée (T 933/09). Cette exigence garantit que la chambre et l'autre partie sont à même de comprendre pourquoi la décision serait erronée.
4.5 Modifications après fixation de la date de la procédure orale
(CLB, IV.E.4.2.5)
Dans l'affaire T 416/12, la chambre a résumé comme suit une approche couramment retenue par les chambres de recours dans l'exercice de leur pouvoir d'appréciation en ce qui concerne l'admission de modifications déposées peu avant ou pendant la procédure orale : à moins que de bonnes raisons ne le justifient, ce qui peut être le cas si de nouveaux éléments sont apparus dans la procédure, de telles modifications ne sont admises à un stade aussi tardif que si elles sont clairement ou manifestement admissibles. Cela signifie que la chambre doit pouvoir constater immédiatement, en faisant peu de recherches, voire aucune, que les modifications apportées répondent de manière satisfaisante aux questions soulevées, sans donner lieu à de nouvelles objections (cf. T 87/05).
4.6 Pouvoir d'appréciation des chambres en matière d'admission de requêtes déjà rejetées par la première instance
(CLB, IV.E.3.6)
Dans l'affaire T 182/12, le requérant avait demandé dans son mémoire exposant les motifs du recours que le brevet soit maintenu sur la base d'une requête dont les revendications étaient identiques à celles de la requête subsidiaire présentée lors de la procédure orale devant la division d'opposition. Cette requête n'avait pas été admise dans la procédure par la division d'opposition. La chambre a fait observer qu'en vertu de l'art. 12(4) RPCR, elle pouvait ne pas admettre une telle requête. Elle s'est référée ensuite à la jurisprudence relative au réexamen des décisions rendues par une instance du premier degré en vertu de son pouvoir d'appréciation, jurisprudence selon laquelle une chambre de recours "ne devrait annuler une décision rendue par une première instance dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation que si elle conclut que la première instance a exercé ce pouvoir sur la base de principes erronés, sans tenir compte des principes corrects, ou de façon déraisonnable". Selon la chambre, la division d'opposition, lorsqu'elle a décidé de ne pas admettre cette requête, avait tenu compte des principes corrects et n'avait pas exercé son pouvoir d'appréciation de façon déraisonnable. La chambre a fait observer, entre autres, que le titulaire du brevet s'était gardé de présenter cette requête plus tôt au moins en partie pour des raisons de tactique procédurale et qu'il n'était survenu rien d'inattendu qui eût pu expliquer une présentation tardive de la requête. La chambre a donc estimé que rien ne justifiait d'annuler la décision rendue par la division d'opposition dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation. Elle a donc conclu que l'unique requête du requérant était également inadmissible dans la procédure de recours et que le recours devait par conséquent être rejeté.
Dans l'affaire T 971/11, l'opposant (requérant) avait produit le document B1 deux jours avant la procédure orale devant la division d'opposition, laquelle avait alors refusé d'admettre ce document dans la procédure. La chambre a indiqué que la division d'opposition avait exercé son pouvoir d'appréciation en s'appuyant sur les principes établis par la jurisprudence et qu'elle n'avait pas agi de manière déraisonnable. Le requérant ayant de nouveau déposé le document B1 avec son mémoire exposant les motifs du recours, la chambre s'est demandé si elle pouvait accepter un document qui n'avait pas été admis dans la procédure de première instance. En vertu de l'art. 12(4) RPCR, une chambre peut, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, ne pas admettre dans la procédure de recours un document qui n'a pas été admis dans la procédure de première instance. La chambre s'est référée à la jurisprudence constante selon laquelle il convient de ne pas considérer comme inadmissible un document déposé en même temps que le mémoire exposant les motifs du recours s'il s'agit d'une réaction immédiate et adaptée à des éléments nouveaux apparus dans la précédente procédure, afin de donner au requérant débouté lors de la procédure d'opposition la possibilité de combler les lacunes de son argumentation en présentant des preuves supplémentaires au stade du recours. Lorsqu'un requérant conteste une conclusion de la décision attaquée concernant la non-admission d'un document en invoquant de nouveaux moyens sur cette question, la chambre doit déterminer si ces moyens peuvent être considérés comme une réaction adaptée et immédiate aux évolutions intervenues au cours de la procédure de première instance et à cet aspect de la décision contestée. La chambre peut alors se retrouver face à de nouveaux faits et à des circonstances différentes. Elle doit exercer en toute indépendance son pouvoir d'appréciation en vertu de l'art. 12(4) RPCR, en tenant dûment compte des moyens supplémentaires invoqués par le requérant. De l'avis de la chambre, un document qui aurait été admis dans la procédure de recours s'il avait été déposé pour la première fois au début de cette procédure ne doit toutefois pas être considéré comme inadmissible pour la seule raison qu'il a déjà été déposé devant la première instance (et qu'il n'a pas été admis). Limiter de la sorte le pouvoir d'appréciation conféré par l'art. 12(4) RPCR pourrait même avoir l'effet indésirable d'encourager les parties à garder pour elles un document pendant la procédure d'opposition, uniquement afin de le produire au stade du recours (cf. T 876/05). Le fait que l'opposant ait déjà déposé le document B1, de sa propre initiative, peu avant la procédure orale, afin que ce document puisse éventuellement être pris en considération par la première instance, au lieu de le garder pour soi en vue de le soumettre uniquement au stade du recours, n'a porté préjudice ni à l'économie de la procédure, ni à l'intimé (ou à la chambre), et ne devait donc pas être retenu contre le requérant au titre de l'art. 12(4) RPCR. La chambre a conclu que le document ne devait pas être considéré comme inadmissible au titre de l'art. 12(4) RPCR (cf. également T 490/13).
Dans l'affaire T 820/14, la question se posait de savoir s'il était permis et s'il convenait d'admettre une requête subsidiaire qui n'avait pas été admise par la division d'examen et qui était présentée de nouveau dans le cadre du recours. Selon la chambre, lorsque la première instance a correctement exercé son pouvoir d'appréciation, une chambre de recours ne devrait pas, en principe, annuler la décision en question pour substituer son pouvoir d'appréciation à celui de la première instance – indépendamment de la question de savoir si, en fin de compte, la chambre admet les moyens invoqués, confirme la décision de non-admission pour d'autres motifs ou donne la possibilité à la première instance d'exercer à nouveau son pouvoir d'appréciation en renvoyant l'affaire.
Pour autant, on ne saurait non plus déduire de la décision G 7/93 (JO 1994, 775) que la chambre est tenue de maintenir une décision correctement prise par la première instance dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, étant donné, entre autres raisons, que la prescription formulée dans la décision n'est pas impérative ("la chambre devrait"). La chambre a estimé qu'en ce qui concerne l'admission dans la procédure de recours d'une requête non admise dans la procédure de première instance, elle disposait d'un pouvoir d'appréciation propre, en principe indépendant de la manière dont la première instance a exercé le sien (en accord avec la décision T 971/11, voir ci-dessus). En outre, elle a fait observer qu'une telle limitation du pouvoir d'appréciation de la chambre en matière de réexamen pourrait ne pas être souhaitable. En effet, cela signifierait notamment qu'une division d'examen, par sa seule décision de ne pas admettre un jeu de revendications en raison d'une irrégularité constatée de prime abord, au lieu d'admettre le jeu en question et de le rejeter quant au fond à cause de cette même irrégularité, pourrait empêcher la chambre de recours de porter un "autre regard", éventuellement différent, sur le bien-fondé de la décision de non-admission.
Dans l'affaire T 1286/14, la chambre s'est prononcée sur les limites du réexamen effectué par une chambre de recours dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation lorsqu'un "nouveau motif d'opposition" est invoqué et que le titulaire du brevet s'oppose à l'admission de ce motif. La division d'opposition avait refusé d'admettre dans la procédure le motif d'opposition invoqué tardivement en raison de son manque de pertinence. La chambre a considéré le motif d'opposition à nouveau invoqué dans le mémoire exposant les motifs du recours comme étant un "nouveau motif d'opposition" au sens des décisions G 10/91 (JO 1993, 420) et G 1/95 (JO 1996, 615). Ce motif ne pouvait être admis dans la procédure de recours, étant donné que le titulaire du brevet (intimé) s'y était expressément opposé. En pareil cas, la chambre de recours doit simplement s'assurer que la division d'opposition a bien vérifié que le motif d'opposition était pertinent de prime abord et que cela a été motivé quant au fond, ce qui signifie qu'au lieu de vérifier, comme dans la décision obsolète T 986/93 (cf. point 2.6 des motifs), si la division d'opposition a "correctement" examiné, quant au fond, la pertinence de prime abord du nouveau motif d'opposition, il lui suffit de s'assurer, sur la base de preuves, qu'un tel examen a bien été effectué. Autrement dit, la chambre de recours devait procéder en l'espèce à un réexamen limité dans le cadre de son pouvoir d'appréciation. S'appuyant sur la décision G 10/91 (point 18 des motifs), elle n'a donc pas examiné sur le fond le motif d'opposition invoqué.
En considérant que lorsqu'il s'agit de réexaminer l'admission d'un "nouveau motif d'opposition" en l'absence d'accord du titulaire du brevet au stade de la procédure de recours, il convient de limiter la portée de ce réexamen dans le cadre de l'exercice du pouvoir d'appréciation, la chambre a suivi l'approche adoptée dans les affaires T 736/95 (point 5 des motifs), T 1519/08 (point 3.3 des motifs) et T 1592/09 (point 2.6 des motifs) et ne s'est pas ralliée à celle préconisant un réexamen détaillé sur le fond de la décision rendue par la première instance dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, qui avait été mise en œuvre par exemple dans les affaires T 1053/05 (points 3 à 17 des motifs) et T 1142/09 (point 1.5.1 des motifs), ainsi que dans l'affaire T 620/08 (points 3.4 à 3.7 des motifs), dans laquelle la chambre s'était principalement référée à la décision T 986/93.
4.7 Arguments produits tardivement
(CLB, IV.C.1.3.11 b))
Au cours de la procédure orale tenue dans l'affaire T 55/11, en discutant de l'activité inventive des revendications 1 à 20 du brevet tel que délivré à partir du document D1 et compte tenu du document D13, le requérant I (opposant I) a fait valoir pour la première fois que l'objet desdites revendications était également dénué d'activité inventive en partant du document D13 et en tenant compte du document D1. Pour décider si un nouvel argument a pour effet de modifier les moyens invoqués par une partie au sens de l'art. 13(1) RPCR, la chambre doit examiner si ce nouvel argument rompt avec les arguments présentés initialement, ou s'il en constitue un simple développement (cf. T 1621/09). Dans l'affaire en instance, ce nouvel argument ne pouvait être considéré comme le simple développement ou prolongement de la position défendue antérieurement par le requérant I. La nouvelle analyse s'appuyait sur un choix différent concernant l'état de la technique le plus proche (D13 au lieu de D1), ce qui signifiait que, par rapport à l'argument antérieur, il était nécessaire de prendre en considération d'autres motifs (fondés désormais sur le document D13) indiquant pour quelles raisons il était évident pour l'homme du métier de parvenir aux caractéristiques distinctives compte tenu de l'état de la technique. La chambre a décidé d'admettre les nouveaux arguments pour les raisons suivantes. Dans sa notification, la chambre avait indiqué que l'activité inventive fondée sur le document D1 combiné au document D13 pouvait être débattue lors de la procédure orale ; par conséquent, le requérant II (titulaire du brevet) aurait pu prévoir que l'argument sur lequel le requérant I (opposant I) s'appuyait désormais était susceptible d'être examiné. Les documents D1 et D13 avaient tous deux fait l'objet de discussions approfondies devant la division d'opposition tout au long de la procédure.
4.8 Des documents/moyens de preuve ont été admis
(CLB, IV.C.1.3.14 c))
Dans la décision T 1830/11, la chambre a admis des preuves produites avec le mémoire exposant les motifs du recours. Elle a constaté que la CBE ne comprend pas de dispositions imposant à l'opposante de fournir des moyens de preuve à l'encontre de chacune des positions de repli possibles définie dans les revendications dépendantes. Aussi, lorsque des modifications dans le jeu de revendications sont faites lors de la procédure orale devant la division d'opposition, comme cela a été le cas en l'espèce lorsque la revendication 1 a été modifiée de manière à inclure les caractéristiques d'une revendication dépendante du brevet tel que délivré, l'obligation de fournir des éléments de preuve "en temps utile" selon l'art. 114(2) CBE peut, en fonction des circonstances, ne se présenter seulement qu'au moment du dépôt du mémoire exposant les motifs du recours.
4.9 Nouveaux moyens présentés dans le cadre d'une reprise de la procédure devant les chambres de recours
(CLB, IV.C.1.3.19)
Dans la procédure de révision R 16/13, la Grande Chambre de recours a annulé la décision attaquée et ordonné la reprise de la procédure dans l'affaire T 379/10. La chambre a alors constaté que la reprise de la procédure de recours visait uniquement à remédier au vice fondamental constaté dans la décision de révision. Le requérant a estimé que la présentation de tests comparatifs était un élément essentiel des observations qu'il était autorisé à présenter en vertu de la décision R 16/13. En ce qui concerne l'admissibilité des nouveaux tests comparatifs, la question se posait toutefois de savoir si ceux-ci permettaient seulement au requérant de mieux répondre à l'objection soulevée par la chambre, objection à laquelle il devait pouvoir répliquer conformément à la décision R 16/13, ou s'ils allaient au-delà et étendaient ce faisant l'objet de la procédure ainsi reprise tel qu'il avait été formulé dans la requête en révision et la décision R 16/13 qui en résultait. La chambre a constaté que les nouveaux tests comparatifs et les derniers arguments développés sortaient du cadre de la procédure de recours qui avait été reprise. Elle ne les a donc pas admis dans la procédure.
4.10 Poursuite de la procédure de recours à l'issue de la procédure orale
Dans l'affaire T 577/11, la chambre a affirmé que la poursuite de la procédure de recours à l'issue de la procédure orale n'est pas, en soi, un motif pour admettre de nouveaux moyens ou des preuves supplémentaires portant sur des éléments qui n'avaient pas été admis lors de la première procédure orale ou au sujet desquels les débats avaient été clos. Selon la chambre, le fait, pour une partie, de présenter ses moyens petit à petit, en fonction de l'évolution de l'affaire, est contraire au principe d'économie de la procédure.
5. Clôture de la procédure de recours
5.1 Possibilité d'assortir le retrait du recours d'une réserve
(CLB, IV.E.6.3.8)
Dans l'affaire T 1402/13, la chambre a souligné que des déclarations liées à la procédure et assorties de conditions peuvent être effectuées pour autant qu'une affaire soit déjà en instance (J 16/94, renvoyant à l'art. 108, première phrase et à la règle 64b) CBE 1973 ; T 854/02) et que lesdites conditions ne portent pas sur des faits étrangers à la procédure (T 502/02). Par conséquent, s'il est interdit de former un recours assorti de conditions, le retrait d'un recours peut être valablement assorti de conditions (T 6/92, T 304/99). Le retrait d'un recours ne peut toutefois prendre effet que si le recours est toujours en instance. Or, dans l'affaire en cause, la taxe annuelle concernée n'avait pas été acquittée dans les délais. La demande était donc réputée retirée conformément à l'art. 86(1), troisième phrase CBE. La chambre a fait observer qu'une perte de droits a également une incidence sur la procédure de recours. La demande n'étant plus en instance, la procédure de recours avait elle aussi pris fin en raison de la perte de droits. La déclaration relative au retrait du recours était donc dépourvue d'effets.
6. Renvoi à la première instance
6.1 Exercice du pouvoir d'appréciation en matière de renvoi
(CLB, IV.E.7.6)
Dans l'affaire T 985/11, la description telle qu'elle avait été adaptée devant la division d'opposition portait sur un objet qui n'était plus revendiqué, et elle nécessitait donc d'autres ajustements. La chambre n'a pu faire sien le point de vue du requérant, selon lequel la chambre devait révoquer le brevet pour cette raison, puisque l'intimé, n'ayant pas comparu, n'avait pu fournir de description adaptée lors de la procédure orale. La chambre a au contraire estimé que conformément à l'art. 111(1), deuxième phrase CBE, il lui appartenait encore de décider, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, de la manière dont il convenait de procéder dans cette situation. Si un recours est admissible, la question de savoir si – et dans quelle mesure – une chambre traite elle-même une question qui se pose, à savoir exerce les compétences de l'instance dont la décision est attaquée, ou renvoie l'affaire à cette instance pour suite à donner, est tranchée sur la base des faits. Les chambres tiennent compte à cet égard de divers aspects, comme les requêtes des parties, l'économie de la procédure, le fait que les parties aient intérêt à ce que l'affaire soit examinée par deux instances, et le droit à une procédure équitable (cf. "La Jurisprudence des Chambres de recours", 7e éd. 2013, IV.E.7). Compte tenu des options disponibles, la chambre a décidé de ne pas poursuivre la procédure de recours par écrit, et ce pour des raisons d'économie de la procédure. De plus, l'art. 15(6) RPCR dispose que les chambres de recours doivent faire en sorte que les affaires soient en état d'être jugées à la clôture de la procédure orale, à moins que des circonstances particulières ne s'y opposent. Dans l'affaire en cause, la chambre n'a pu trouver de circonstances particulières qui l'empêcheraient de prendre une décision mettant fin à la procédure de recours. Le retard supplémentaire causé par un renvoi serait probablement minime, étant donné que le libellé des revendications était arrêté par la décision, et que la procédure après renvoi se limiterait donc à l'adaptation de la description. Puisque la chambre statuait sur la version admissible des revendications, les principes d'économie de la procédure et de sécurité juridique étaient également respectés.
6.2 Raisons particulières s'opposant au renvoi
(CLB, IV.E.7.4.5 b))
L'art. 11 RPCR dispose que lorsque la procédure de première instance est entachée de vices majeurs, la chambre renvoie l'affaire à cette instance à moins que des raisons particulières ne s'y opposent. L'absence de décision motivée est l'un des vices majeurs qui sont susceptibles de justifier le renvoi immédiat (règle 111(2) CBE).
Dans l'affaire T 2171/14, la chambre a rejeté la demande présentée par le requérant (titulaire du brevet) en vue du renvoi de l'affaire à l'instance du premier degré, et ce bien que la décision attaquée ait été entachée d'un vice majeur. La chambre a souligné qu'un renvoi aurait avant tout conduit à une procédure supplémentaire devant la division d'opposition, sans que l'on puisse en attendre de changement sur le fond. En outre, un tel renvoi aurait eu pour effet d'augmenter considérablement la durée totale de la procédure (ce qui n'aurait été d'aucune utilité puisqu'une action en contrefaçon était en cours et que le requérant (opposant) avait demandé l'accélération de la procédure de recours). De plus, tous les faits et arguments avaient déjà été présentés durant la procédure d'opposition, puis dans le cadre du recours. La chambre a considéré en résumé que le renvoi de l'affaire n'était pas approprié.
Dans l'affaire T 1647/15, la chambre a fait observer que même si un éventuel soupçon de partialité envers un membre d'une division d'opposition peut normalement constituer un motif sérieux de renvoi, tel n'était pas le cas dans la présente affaire, dans laquelle ce soupçon n'avait pas pesé sur l'ensemble de la procédure de décision, mais avait résulté d'un emportement incontrôlé à la fin d'une procédure orale exceptionnellement longue et intensive. La chambre a souligné que sur un grand nombre d'aspects, les conclusions préliminaires auxquelles la division d'opposition était parvenue avant l'incident n'étaient pas entachées d'un soupçon de partialité. De même, la décision contestée traitait de manière très détaillée de ces aspects et était fondée sur des motifs qui avaient fait l'objet de discussions approfondies pendant la procédure orale, avant que l'incident ne se produise. La chambre a par conséquent douté qu'un renvoi devant l'instance du premier degré, même composée différemment, soit conforme aux intérêts de la justice, étant donné que l'affaire ne ferait probablement que gagner encore en complexité, et que le renvoi retarderait de manière excessive le moment où elle serait définitivement tranchée. À cela s'ajoutait le fait qu'il s'agissait de la deuxième procédure de recours dans cette affaire. La chambre a donc décidé de ne pas renvoyer l'affaire à la division d'opposition.
6.3 Autorité des décisions de renvoi à l'instance du premier degré
(CLB, IV.E.7.7)
La chambre chargée de l'affaire T 2086/13 devait statuer sur le deuxième recours lié à l'opposition. À l'issue du premier recours, la chambre avait annulé la décision de la division d'opposition et renvoyé l'affaire pour suite à donner en raison d'un vice substantiel de procédure, ladite décision, fondée sur l'absence d'activité inventive de la requête principale alors en instance, n'ayant pas été suffisamment motivée. Il ressortait de la décision attaquée que dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, la division d'opposition n'avait pas admis dans la procédure le motif d'opposition visé à l'art. 100b) CBE, qui avait été soulevé après le délai d'opposition de neuf mois. Suite au renvoi, la division d'opposition l'avait toutefois admis dans la procédure et avait révoqué le brevet en litige au motif que l'invention revendiquée n'était pas divulguée de manière suffisamment claire et complète pour qu'un homme du métier puisse l'exécuter. Le requérant a ensuite fait valoir que l'admission, par la division d'opposition, du motif d'opposition visé à l'art. 100b) CBE représentait un vice de procédure. Étant donné que dans le cadre du premier recours, l'unique point considéré comme entaché d'irrégularité avait trait à l'insuffisance des motifs étayant la conclusion d'absence d'activité inventive, la division d'opposition était seulement autorisée, selon le requérant, à examiner après le renvoi la question de l'activité inventive et non, par conséquent, à "réaborder" d'autres aspects, puisque les conclusions les concernant étaient passées en force de chose jugée. La chambre a été d'avis qu'elle n'avait pas été tenue, dans le cadre du premier recours, d'examiner d'autres aspects pour statuer sur le vice substantiel de procédure, étant donné qu'un seul effet juridique (maintien du brevet tel que modifié) était attaché à la première décision. Cet effet juridique devait être révoqué dès lors qu'un motif y faisant obstacle était considéré comme fondé. C'est à juste titre que la chambre ne s'était pas prononcée sur les autres aspects. La décision concernée a donc été annulée dans sa totalité puisqu'un seul effet juridique y était attaché. Pendant la procédure d'opposition faisant suite au renvoi, les autres aspects devaient au contraire être à nouveau tranchés, puisque les conclusions les concernant n'étaient pas conservées. La première décision n'existant plus, la division d'opposition n'était plus liée par elle et rien ne l'empêchait dès lors d'examiner le nouveau motif d'opposition. Le recours a donc été rejeté.
Dans l'affaire T 308/14, la chambre a estimé que si une procédure de recours conduit au renvoi de l'affaire à la division d'opposition, après que la chambre a rendu, au titre de l'art. 84 CBE, une décision concernant la clarté d'une caractéristique spécifique figurant dans une revendication, cette décision a force de chose jugée et s'impose à la division d'opposition dans le cadre de la procédure d'opposition qui est reprise ultérieurement. Cet effet contraignant s'applique non seulement à la décision rendue au titre de l'art. 84 CBE en tant que telle, mais aussi à toute constatation de faits ayant conduit à cette décision. Par conséquent, si, une fois la procédure d'opposition reprise, une objection pour insuffisance de l'exposé est élevée en vertu de l'art. 83 CBE au motif que cette caractéristique précise est ambiguë (insuffisance de l'exposé qui résulte d'une ambiguïté), la division d'opposition ne doit pas rouvrir la discussion concernant la question de savoir si cette caractéristique est claire, et doit accepter les constatations que la chambre a effectuées en statuant au titre de l'art. 84 CBE.
7. Remboursement de la taxe de recours
(CLB, IV.E.8)
Dans l'affaire T 823/11, la chambre a estimé que des retards inacceptables s'étaient répercutés sur la durée de la procédure devant la division d'examen. Elle a relevé notamment qu'il s'était écoulé plus de cinq ans entre le rapport complémentaire de recherche européenne et la première notification de la division d'examen et plus de deux ans entre la réponse du demandeur à la troisième notification de la division d'examen et la citation à la procédure orale. La chambre a jugé excessive la durée de la procédure devant l'instance du premier degré dans la mesure où plus de douze ans s'étaient écoulés après l'entrée de la demande dans la phase européenne. Elle a rappelé que, dans l'affaire T 315/03, même un délai plus court (10 ans) dans une procédure d'opposition bien plus complexe avait été considéré comme un vice substantiel de procédure. La chambre s'est également référée à l'arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme rendu dans l'affaire Kristiansen et Tyvik As c. Norvège (requête n°25498/08), dans laquelle l'examen et la procédure de recours (administrative) concernant une demande de brevet avaient duré 18 ans au total. Compte tenu de la durée de la protection conférée par un brevet, qui est de 20 ans, la Cour a estimé que la durée de la procédure administrative devant les autorités chargées de la délivrance des brevets était excessive, car cette situation avait eu pour effet de rendre illusoire l'exercice par les requérants de leur droit d'accès à un tribunal". La chambre a conclu qu'un vice substantiel de procédure avait été commis et a ordonné le remboursement de la taxe de recours.
Dans l'affaire T 1824/15, le requérant a fait valoir que la procédure devant l'instance du premier degré avait été affectée par deux retards qui constituaient chacun un vice substantiel de procédure au titre de la règle 103(1)a) CBE. La division avait mis d'une part plus de onze ans pour soulever l'objection d'absence d'activité inventive sur la base du document de l'état de la technique D3 et, d'autre part, plus de sept mois pour émettre la décision écrite et le procès-verbal à l'issue de la procédure orale. Le requérant a demandé le remboursement de la taxe de recours, citant l'arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme rendu dans l'affaire Kristiansen et Tyvik As c. Norvège (requête n°25498/08) et la décision T 823/11.
La chambre a fait observer que dans l'affaire T 823/11, la durée excessive de la procédure avait été considérée comme un vice substantiel de procédure. Elle a décidé de s'écarter de cette interprétation de la CBE (art. 20(1) RPCR), notant qu'il n'était pas expliqué dans les motifs de la décision T 823/11 pourquoi les retards constatés dans la procédure d'examen ne pouvaient pas être justifiés par les circonstances particulières de l'espèce. Cette décision n'expliquait pas non plus en quoi l'argumentation retenue suivait celle de l'arrêt précité de la Cour, en particulier pourquoi les circonstances qui avaient abouti à la conclusion d'une violation au titre de l'art. 6(1) CEDH mèneraient nécessairement à la conclusion selon laquelle un vice substantiel de procédure avait été commis au titre de la règle 103(1)a) CBE.
La chambre a estimé en l'espèce que la division d'examen avait à bon droit soulevé la nouvelle objection à un stade si tardif de la procédure de première instance. Les membres d'une division d'examen sont libres de changer d'avis à tout stade de la procédure, y compris au cours de la procédure orale, pour autant qu'il soit satisfait aux exigences de l'art. 113(1) CBE. Le fait d'avoir soulevé l'objection sur la base de D3 ne constituait ni un vice majeur au titre de l'art. 11 RPCR, ni un vice substantiel de procédure.
S'agissant du temps mis par la division d'examen pour émettre la décision écrite et le procès-verbal, la chambre a noté que dans le passé, les chambres de recours avaient conclu qu'une longue période de temps entre la procédure orale et la décision écrite pouvait constituer un vice substantiel de procédure. Elle n'avait toutefois connaissance d'aucune décision dans laquelle un retard tel que celui en cause avait été considéré comme un vice substantiel de procédure. Au vu de ce qui précède, et en particulier du fait que la CBE ne précise pas combien de temps après la procédure orale la décision écrite et le procès-verbal doivent être émis, la chambre a estimé qu'un retard de sept mois ne constituait ni un vice de procédure, et encore moins un vice substantiel de procédure, ni un vice majeur au titre de l'art. 11 RPCR. La demande de remboursement de la taxe de recours a dès lors été rejetée.
Dans l'affaire T 1325/15, la chambre a abordé la question de savoir si un recours devait être jugé irrecevable ou réputé ne pas avoir été formé lorsque la formation du recours et le paiement de la taxe de recours n'ont lieu qu'après l'expiration du délai de recours (cf. également T 2017/12, JO 2014, A76, et T 1553/13, JO 2014, A84).
Selon la chambre, de nombreuses dispositions de la CBE précisent qu'une pièce particulière doit être produite dans un délai défini ou "dans les délais". Dans la quasi-totalité des cas, la CBE définit la conséquence juridique du défaut de production "dans les délais", sans toutefois établir de distinction entre la production tardive et la non-production. Dans quelques cas, la production dans les délais de la pièce est une condition qui déclenche l'application d'une disposition, la production tardive ou la non-production de la pièce en question ayant alors simplement pour conséquence que l'application de la disposition concernée n'est pas déclenchée. Par exemple, un demandeur qui ne produit pas l'attestation visée à l'art. 55(2) CBE dans un délai de quatre mois à compter du dépôt de la demande (règle 25 CBE) ne peut pas se prévaloir de l'art. 55(1) CBE. Un autre exemple est la présentation d'une requête en décision relative à la perte d'un droit au titre de la règle 112(2) CBE. De manière générale, la production tardive d'une pièce est donc traitée de la même manière que sa non-production (sauf, éventuellement, dans le cas particulier du délai de priorité au titre de l'art. 87(1) CBE).
L'art. 108, première phrase CBE exige que le recours soit formé dans un délai de deux mois à compter de la signification de la décision. Si aucun acte de recours n'a été déposé, il n'y a jamais eu de recours. Il n'est certes pas déraisonnable d'interpréter la règle 101(1) CBE comme signifiant qu'un acte de recours déposé tardivement fait naître un recours irrecevable, mais, au vu de la règle générale consistant à ne faire aucune distinction entre la production tardive et la non-production d'une pièce, la chambre a estimé qu'il n'existe aucun recours lorsque ce dernier n'a pas été formé ou n'est pas réputé formé dans les délais.
La chambre a noté que son approche, bien qu'elle ne soit pas toujours appliquée de manière uniforme dans la jurisprudence des chambres de recours, est également conforme au raisonnement, suivi dans des décisions antérieures, selon lequel un recours est réputé non formé lorsque la taxe de recours a été acquittée dans les délais, mais que l'acte de recours n'a été déposé qu'après l'expiration du délai de deux mois prescrit à l'art. 108(1) CBE (cf., en particulier, J 19/90, points 1.2.2 et 4 des motifs ; T 445/98, points 1.2, 5, 6 et 7 des motifs, et T 778/00, JO 2001, 554, point 6 des motifs).
E. Procédures devant la Grande Chambre de recours
(CLB, IV.F)
Selon la Grande Chambre de recours dans l'affaire G 1/14, il appartient en premier lieu à la chambre à l'origine d'une saisine d'indiquer les motifs pour lesquels elle considère une réponse de la Grande Chambre de recours à la question soumise nécessaire pour statuer sur le recours en instance devant elle. Cela ressort également de l'art. 22(2), deuxième phrase RPCR, qui prévoit que la chambre à l'origine de la saisine doit indiquer dans la décision de saisine le contexte dans lequel la question soumise s'est posée. En tout état de cause, la Grande Chambre de recours doit examiner si une saisine satisfait aux exigences de l'art. 112(1)a) CBE (y compris la condition tenant au caractère nécessaire de la saisine) et donc si elle est recevable. La saisine doit être jugée irrecevable si elle découle d'une application manifestement erronée d'une disposition juridique en ce sens que si ladite disposition avait été correctement appliquée, la réponse à la question soumise ne serait plus apparue nécessaire pour statuer sur le recours.
En l'espèce, la Grande Chambre a été saisie, dans le cadre du remboursement de la taxe de recours, de la question de savoir si, lorsque la formation d'un recours et le paiement de la taxe de recours ont lieu après l'expiration du délai de recours, ce recours est irrecevable ou réputé ne pas avoir été formé. Jusqu'au 1er avril 2015, le libellé de la règle 126(1) CBE était limité à la "signification par la poste" par "lettre recommandée avec demande d'avis de réception" (entre-temps cette règle prévoit que la signification se fait par "un service postale" au moyen d'une "lettre recommandée avec accusé de réception ou envoi équivalent"). La Grande Chambre de recours a estimé que la signification de la décision rendue en première instance par le service postal UPS n'était pas couverte par l'ancienne version de la règle 126(1) CBE, si bien que la conclusion de la chambre à l'origine de la saisine, selon laquelle le recours n'avait pas été formé dans les délais, était inopérante. Cette conclusion ayant une incidence sur la nécessité de la saisine, la Grande Chambre de recours a estimé que celle-ci était irrecevable.
Dans l'affaire R 19/12 du 12 avril 2016, la Grande Chambre de recours a considéré qu'une requête en révision peut être limitée à la partie spécifique de la décision qui est concernée par la violation alléguée du droit d'être entendu. La possibilité d'une annulation partielle d'une décision n'a certes pas été explicitement envisagée par le législateur à l'art. 112bis(5) CBE et à la règle 108(3) CBE, mais elle découle des principes généraux du droit de la procédure. Si une requête en révision est dirigée contre une partie seulement de la décision et qu'il y est fait droit, il serait inapproprié d'annuler la décision dans son intégralité.
S'agissant de la violation fondamentale alléguée du droit d'être entendu, la Grande Chambre de recours a renvoyé à la jurisprudence constante selon laquelle l'art. 113(1) CBE garantit le droit des parties à ce que les motifs et arguments pertinents soient pleinement pris en considération dans la décision écrite (R 19/10, point 6.2 des motifs ; R 23/10, point 2 des motifs). Ce principe a toutefois des limites. L'instance appelée à statuer n'est nullement tenue de traiter chaque argument présenté par une partie (p. ex R 19/10, point 6.2 des motifs, citant T 1557/07 ; R 17/11, point 4 des motifs ; R 15/12, point 5 b) des motifs). La portée de cette obligation dépend des circonstances de chaque affaire. Si une décision ne doit pas nécessairement traiter chacun des arguments d'une partie, elle doit aborder les points litigieux décisifs, afin de donner à la partie déboutée une idée claire des motifs pour lesquels ses arguments n'ont pas été convaincants (T 1969/07, T 1961/13, T 1199/10 et T 698/10). La chambre doit aborder dans sa décision les faits et arguments dont dépend l'issue de l'affaire, mais peut faire abstraction des arguments non pertinents (R 13/12, point 2.2 des motifs). Elle n'est pas obligée d'utiliser des termes spécifiques ou les mêmes formulations que les parties. La réfutation d'arguments particuliers peut être déduite implicitement des motifs écrits de la décision (R 21/10, point 2.4 des motifs ; R 13/12, point 2.2 des motifs). En d'autres termes, l'art. 113(1) CBE garantit le droit à ce que l'instance appelée à statuer donne aux parties la possibilité de présenter suffisamment d'arguments concernant tous les aspects essentiels de l'affaire, qu'elle prenne connaissance de ces arguments et qu'elle en tienne compte dans sa décision (R 8/11, point 1.2.9 des motifs). Ces principes ressortent également de la jurisprudence des chambres de recours qui suit la décision T 1557/07 (cf. T 1969/07, T 1961/13, T 1199/10 et T 698/10).
En réponse à l'argument du requérant selon lequel la chambre n'avait pas suffisamment pris en considération les moyens qu'il avait produits, dans le contexte du remboursement de la taxe de recours, au sujet des vices de procédure commis selon lui en première instance, la Grande Chambre de recours a notamment fait valoir que le fait de ne pas revenir dans les motifs de la décision sur un éventuel vice de procédure qui n'aurait pas pu avoir d'incidence sur l'issue de la procédure d'opposition ne constituait pas une violation fondamentale du droit d'être entendu.
Lors de la procédure inter partes à l'origine de l'affaire R 16/13, le requérant avait déposé un document qui présentait les résultats de tests comparatifs. Dans sa décision écrite, la chambre de recours avait indiqué que ce document ne démontrait pas les avantages de la substance revendiquée car certains des paramètres visés dans la revendication n'y avaient pas été spécifiés.
La Grande Chambre de recours a renvoyé à la jurisprudence constante des chambres de recours depuis la décision R 1/08, selon laquelle le droit d'être entendu n'implique pas que les parties doivent être informées à l'avance de tous les motifs envisageables d'une décision. Ce principe s'applique non seulement aux motifs d'une décision en général, mais aussi à l'interprétation d'un passage de l'état de la technique (R 19/11, point 2.2 des motifs ; R 15/12, point 5 a) des motifs). Il est donc satisfait au droit d'être entendu à partir du moment où une partie a eu la possibilité de prendre position au sujet des aspects de l'affaire qui sont déterminants pour la décision et des passages pertinents de l'état de la technique, même si en définitive la chambre doit pouvoir tirer ses propres conclusions des motifs présentés (R 15/12, point 5 a) des motifs). Il s'ensuit que la chambre ne peut fonder sa décision que sur des motifs qui ont été traités au cours de la procédure de recours et ne pouvaient pas prendre les parties au dépourvu (R 15/09, point 4.6 des motifs ; R 21/10, point 2.3 des motifs ; R 3/13, points 2.2 et 2.6 des motifs).
Dans la présente affaire, la chambre avait conclu au défaut de brevetabilité en fondant sa décision sur des motifs qu'elle avait examinés d'office, sans donner au titulaire du brevet la possibilité de prendre position à leur sujet ou de présenter, le cas échéant, de nouvelles requêtes. Étant donné que le titulaire du brevet ne pouvait pas non plus, sur la base de sa propre expertise, déduire le raisonnement de la chambre de la procédure telle qu'elle s'était déroulée, la chambre aurait dû présenter de sa propre initiative son point de vue au sujet des tests comparatifs au plus tard lors de la procédure orale. Le fait qu'elle ait omis de le faire a eu une incidence sur l'issue de la procédure (maintien du brevet sous une forme limitée) et représente à ce titre une violation fondamentale du droit d'être entendu (art. 112bis(2)c), 113(1) CBE).
La Grande Chambre de recours a annulé la décision contestée et a ordonné la réouverture de la procédure.
Dans l'affaire R 2/14, la Grande Chambre de recours a déclaré que le droit d'être entendu prévu à l'art. 113(1) CBE est un principe procédural très important qui doit assurer qu'aucune partie ne soit surprise par des motifs figurant dans une décision de rejet de sa requête au sujet desquels elle n'a pu prendre position (R 3/10, point 2.10 des motifs ; J 7/82, JO 1982, 391, point 6 des motifs). Cette exigence englobe le droit de la partie à ce que les moyens pertinents soient examinés et pleinement pris en considération dans la décision écrite, et ce de telle sorte qu'elle puisse comprendre, sur une base objective, les motifs de la décision (cf. R 19/10, points 6.2 et 6.3 des motifs ; R 23/10, point 2 des motifs ; R 8/11, point 1.2.9 des motifs ; R 17/11, point 4 des motifs ; R 15/12, point 5 b) des motifs ; R 13/12, point 2.2 des motifs ; R 19/12 du 12 avril 2016, points 6.1 et 6.2 des motifs).
Dans l'affaire concernée, la Grande Chambre de recours a noté que l'argumentation déterminante de la chambre concernait le fait de modifier la séquence n°4 inactive par reclonage de la désaturase à partir de E. gracilis. Les motifs avancés par la chambre étaient limités dans la mesure où, après avoir établi la nécessité du reclonage, elle a immédiatement conclu que, si l'homme du métier pouvait effectivement mettre en œuvre chacune des étapes nécessaires, la combinaison de ces étapes représentait pour lui un effort excessif. La chambre n'avait pas du tout examiné les deux autres approches avancées par le requérant à titre de variantes et s'était bornée à tirer à leur sujet la même conclusion que pour celle du reclonage. Dans l'affaire en cause, la chambre n'avait donc présenté ni les faits ni les arguments qui l'avaient amenée à conclure que la combinaison des étapes nécessaires représentait un effort excessif pour l'homme du métier. L'exposé des faits et conclusions de la décision faisant l'objet de la révision était par ailleurs muet à cet égard.
La partie concernée n'était dès lors pas en mesure de comprendre ou de reproduire la conclusion de la chambre. En conséquence, la Grande Chambre de recours a annulé la décision contestée, rouvert la procédure et ordonné le remboursement de la taxe de requête en révision.
Dans l'affaire R 8/15, la Grande Chambre de recours a estimé qu'il découle de l'art. 113(1) CBE que les chambres de recours de l'OEB doivent indiquer de manière suffisante dans leurs décisions les motifs sur lesquels celles-ci sont fondées, afin de montrer que les parties ont été entendues. Une partie doit être en mesure de déterminer si, selon elle, la chambre lui a accordé le droit d'être entendu. Elle pourra ainsi décider de présenter ou non une requête en révision en application de l'art. 112bis(2)c) CBE pour violation de l'art. 113(1) CBE. Le droit d'être entendu tel que régi par l'art. 113(1) CBE implique notamment l'exigence pour une chambre d'examiner les moyens soumis par une partie, c'est-à-dire d'évaluer la pertinence et l'exactitude des faits, preuves et arguments soumis. Il y a violation de l'art. 113(1) CBE si des moyens que la chambre juge pertinents pour la décision ne sont pas traités d'une manière suffisante par ladite chambre afin de montrer qu'elle a entendu les parties à ce sujet, autrement dit, qu'elle a examiné ces moyens sur le fond.
L'examen de l'exhaustivité des motifs d'une décision dépasserait généralement les limites de l'examen effectué au titre de l'art. 113(1) CBE. En ce qui concerne les motifs d'une décision, l'art. 113(1) CBE doit être interprété de manière plus étroite que les dispositions juridiques plus larges inscrites à la règle 102 g) CBE, et ne peut donc constituer un substitut à ces dispositions dans le cadre d'une procédure de révision. Ces dispositions exigent qu'une chambre indique les motifs de sa décision, mais la violation desdites dispositions ne constitue pas en tant que telle un motif de révision. En d'autres termes pour le respect du droit d'être entendu, les motifs peuvent ne pas être exhaustifs mais dès lors qu'ils permettent de conclure que pendant la procédure de recours, la chambre a évalué sur le fond une question spécifique soulevée pendant cette procédure et jugée pertinente, il n'y a pas violation de l'art. 113(1) CBE.
Dans l'affaire examinée, la Grande Chambre de recours a conclu que même si les motifs pour lesquels la chambre avait combiné deux documents de l'état de la technique étaient éventuellement incomplets, ils permettaient de conclure que la chambre avait évalué cette combinaison sur le fond. Aux fins du droit d'être entendu, les motifs étaient donc suffisants. La requête en révision a été rejetée comme étant manifestement non fondée.
V. CHAMBRE DE RECOURS STATUANT EN MATIÈRE DISCIPLINAIRE
1. Notation de l'épreuve C
(CLB, V.2)
L'épreuve C de l'examen européen de qualification a pour objet la rédaction d'un acte d'opposition étayé par un exposé des motifs (cf. règle 25 DEREE). S'agissant de la notation des copies, la chambre a souligné dans l'affaire D 11/14 que la règle 25(5) DEREE n'exclut pas que, même en ayant donné une réponse complète, un candidat perde des points lorsque, pour éviter cette perte de points, il traite un maximum de motifs d'opposition dont le fondement précis est contestable, si bien qu'il laisse finalement le soin à la commission d'examen de déterminer elle-même quels sont les motifs d'opposition pertinents. Un acte d'opposition comportant de multiples motifs d'opposition qui ne sont pas valablement étayés ne permet pas en effet d'établir que le candidat a la capacité requise de juger quels sont les motifs opérants pour le succès de l'opposition.
2. Examen préliminaire
(CLB, V.2)
Dans l'affaire D 1/15, la chambre a estimé que la jurisprudence constante (cf. par exemple D 1/92, D 6/92 et D 7/05) s'appliquait également aux recours concernant l'examen préliminaire, même si la notation n'était presque jamais contestée en raison de la simplicité de la grille de notation d'un questionnaire à choix multiples. Toutefois, dans cette affaire, le réexamen demandé ne portait pas sur la notation, mais sur le contenu de l'épreuve soumise aux candidats. Pour statuer, la chambre aurait dû réexaminer au moins une partie importante de l'épreuve et procéder à une analyse détaillée, notamment sur le plan technique, des faits présentés. Or, cette tâche dépassait de loin ses compétences. Voir également, par exemple, la décision D 6/16.
Dans plusieurs décisions relatives à des recours concernant l'examen préliminaire de 2016, l'affirmation 5.4 (dans la version allemande de l'épreuve) a été considérée comme ambiguë et prêtant à confusion. Dans certains cas (cf. par exemple D 1/16, D 4/16 et D 15/16), les points supplémentaires accordés ont permis au candidat d'obtenir la note "RÉUSSI". Les objections élevées contre d'autres affirmations figurant dans la même épreuve ont en revanche été rejetées (cf. par exemple D 5/16, D 6/16 et D 10/16). Dans l'affaire D 5/16, la chambre a conclu en formulant quelques observations générales que dans le cadre d'un examen sous forme de questionnaire à choix multiples, comme cela est le cas pour l'examen préliminaire de l'examen européen de qualification, les questions et, le cas échéant, les affirmations à évaluer doivent impérativement être formulées de manière claire et ne pas comporter d'ambiguïtés. Étant donné qu'en ce qui concerne l'examen préliminaire, les candidats ne peuvent pas justifier une réponse "vraie" ou "fausse" et qu'une autre solution éventuellement acceptable ne peut pas être prise en considération, il est essentiel que les affirmations soient rédigées de telle sorte qu'en fonction du contexte, seule une réponse "vraie" ou "fausse" est manifestement possible et "correcte" (voir également D 6/16). S'agissant de l'ambiguïté des termes utilisés et de la pertinence des faits sur lesquels se fonde le candidat pour traiter le sujet, la chambre a cependant souligné que si une épreuve est compréhensible et logique, et qu'il n'y a donc normalement aucun doute sur la réponse que le candidat est censé donner, celui-ci ne peut s'appuyer sur des exceptions à une règle ou présenter en détail des interprétations du sujet pour montrer qu'une réponse différente serait envisageable dans des cas particuliers et dans certaines situations.