CHAMBRES DE RECOURS
Décisions des Chambres de recours techniques
Décision de la Chambre de recours technique 3.3.8 en date du 14 octobre 2004 - T 890/02 - 3.3.8
(Langue de la procédure)
Composition de la Chambre:
Président: | F. L. Davison-Brunel |
Membres: | P. Julià |
| S. C. Perryman |
Demandeur: Bayer CropScience S.A.
Référence: Gène chimère/BAYER
Article: 54, 56, 83, 112(1) EPC
Mot-clé: "Requête principale - nouveauté - (non)" - "Requête auxiliaire - nouveauté (oui) - activité inventive (oui) - exposé suffisant (oui)" - "Question soumise à la Grande Chambre de recours - non" - "Vice substantiel de procédure - (non)"
Sommaire
Bien qu'elles ne soient pas des encyclopédies ou manuels au sens strict, les bases de données (a) connues de la personne du métier comme étant la source adéquate de l'information requise, (b) à partir desquelles cette information peut être retrouvée sans effort excessif et (c) qui la donnent de manière simple et dépourvue d'ambiguïté sans qu'aucune autre démarche soit nécessaire, représentent les connaissances générales de la personne du métier telles que définies par la jurisprudence (voir motifs, point 9) et peuvent être prises en compte en tant que telles pour décider si l'enseignement d'un document prima facie destructeur de nouveauté est suffisant pour être reproductible.
Exposé des faits et conclusions
I. La demande de brevet européen n° 96 920 888.3, avec le numéro de publication internationale WO 96/38567 ayant pour titre "Séquence ADN d'un gène de l'hydroxy-phényl pyruvate dioxygénase et obtention de plantes contenant un gène de l'hydroxy-phényl pyruvate dioxygénase, tolérantes à certains herbicides", a été rejetée par la division d'examen, conformément aux dispositions de l'article 97(1) CBE.
II. La requête principale déposée le 12 octobre 1999, avec la revendication 1 modifiée déposée le 28 septembre 2001, a été considérée comme n'étant pas nouvelle (article 54 CBE). Une première requête subsidiaire déposée auprès de la division d'examen lors de la procédure orale du 10 octobre 2001 a été considérée comme ne remplissant pas les dispositions de l'article 82 et de la règle 30 CBE. Le requérant n'a pas approuvé le texte dans lequel la division d'examen envisageait de délivrer le brevet et qui s'appuyait sur une deuxième requête subsidiaire, aussi déposée lors de la procédure orale du 10 octobre 2001.
III. Le requérant (demandeur) a formé un recours contre la décision de la division d'examen. La requête principale rejetée par la division d'examen et la deuxième requête subsidiaire soumise à la division d'examen ont été maintenues dans la procédure de recours en tant que requêtes principale et subsidiaire, respectivement.
IV. La revendication 1 de la requête principale est libellée comme suit :
"1. Gène chimère comprenant dans le sens de la transcription :
- au moins une séquence de régulation promotrice issue d'un gène s'exprimant naturellement dans les plantes,
- une séquence codante hétérologue,
- au moins une séquence de régulation terminatrice ou de polyadénylation,
caractérisé en ce que la séquence codante hétérologue est la séquence codante d'un gène qui exprime une hydroxy-phényl pyruvate dioxygénase (HPPD)."
V. La revendication 1 de la requête subsidiaire est libellée comme suit :
"1. Gène chimère comprenant dans le sens de la transcription :
- au moins une séquence de régulation promotrice issue d'un gène s'exprimant naturellement dans les plantes,
- une séquence de peptide de transit d'un gène végétal codant pour une enzyme à localisation plastidiale entre la séquence de régulation promotrice et la séquence codante,
- une séquence codante hétérologue,
- au moins une séquence de régulation terminatrice ou de polyadénylation,
caractérisé en ce que la séquence codante hétérologue est la séquence codante d'un gène qui exprime une hydroxy-phényl pyruvate dioxygénase (HPPD)."
Les revendications 2 à 15 ont trait à des caractéristiques additionnelles du gène chimère de la revendication 1. Les revendications 16 et 17 ont trait, respectivement, à un vecteur pour la transformation des plantes et à des cellules végétales comprenant un gène chimérique selon l'une des revendications 1 à 15. Les revendications 18 à 21 ont trait à des plantes régénérées à partir des cellules de la revendication 17 ou ayant dans leurs génomes un gène chimérique selon l'une des revendications 1 à 15. Les revendications 22 à 24 ont trait à des procédés de transformation des plantes pour les rendre tolérantes aux inhibiteurs de l'enzyme HPPD et la revendication 25 a trait à un procédé de transformation des plantes par un gène chimérique selon l'une des revendications 1 à 15 comme marqueur de sélection. Les revendications 26 à 30 ont trait à des méthodes de traitement herbicide des plantes transformées et comprenant des cellules selon la revendication 17.
VI. Dans une notification établie conformément aux dispositions de l'article 11(1) du Règlement de procédure des Chambres de recours (RPCR), la Chambre de recours a informé le requérant à titre indicatif de son avis préliminaire.
VII. Dans une lettre produite le 6 septembre 2004, le requérant a soumis des observations supplémentaires en réponse à la notification de la Chambre de recours et il a déposé une copie complète et au propre des requêtes principale et subsidiaire.
VIII. La procédure orale s'est tenue le 14 octobre 2004.
IX. Les documents auxquels il est fait référence dans la présente décision sont les suivants :
D4 : C. D. Denoya et al., J. Bacteriol., septembre 1994, Vol. 176(17), pages 5312 à 5319 ;
D10 : EP 0 652 286, publié le 10 mai 1995 ;
D12 : A. Schulz et al., FEBS Letters, mars 1993, Vol. 318(2), pages 162 à 166 ;
D13 : J. Secor, Plant Physiol., 1994, Vol. 106, pages 1429 à 1433 ;
D18 : G. M. Kishore et D. M. Shah, Ann. Rev. Biochem., 1988, Vol. 57, pages 627 à 663 ;
D29 : S. Lindstedt et al., Biochemistry, 1977, Vol. 16(15), pages 3369 to 3377.
X. Les motifs invoqués par la division d'examen pour rejeter la requête principale peuvent être résumés comme suit :
Le document D10 divulgue des gènes chimériques composés de séquences régulatrices (promoteurs) de gènes alpha-tubuline du maïs et de séquences codantes hétérologues. Le gène codant pour l'enzyme HPPD (identifié par le sigle HPPO) est explicitement décrit comme étant un gène hétérologue. Un gène de ce type avait déjà été cloné (document D4) avant la date de publication du document D10. Tenant compte de ce qu'un gène HPPD était déjà connu à la date de priorité de la demande, le document D10 donne suffisamment d'informations pour permettre à la personne du métier d'isoler un gène chimérique le comprenant ainsi que les séquences régulatrices ci-dessus mentionnées. Le document D10 divulgue l'objet de la revendication 1 de la requête principale.
XI. Les arguments du requérant présentés par écrit et au cours de la procédure orale, dans la mesure où ils sont pertinents pour la présente décision, peuvent être résumés comme suit :
Requête principale
L'état de la technique pertinent et la définition des "connaissances générales de la personne du métier" selon la jurisprudence
Le document D18, une revue sur les plantes tolérantes aux herbicides, montre qu'à la date de priorité de la demande les stratégies connues de la personne du métier pour obtenir des plantes tolérantes aux herbicides étaient la surexpression d'enzymes ciblées mutées ou l'expression d'enzymes de détoxification. Aucune de ces stratégies n'a été suivie dans la présente demande qui divulgue l'expression d'enzymes HPPD non mutées. En fait, les documents figurant dans le dossier et faisant référence à l'enzyme HPPD et aux gènes correspondants appartiennent à des domaines techniques très éloignés de celui de la présente demande et sans relation aucune avec les plantes résistantes aux herbicides. Quant au document D10 que la division d'examen a considéré comme étant destructeur de nouveauté, il fait référence à l'enzyme HPPD sans donner d'informations le concernant. En raison de l'éloignement des domaines techniques relatifs respectivement à l'HPPD et aux herbicides, cette référence est ambiguë et non crédible contrairement aux références aux enzymes EPSP synthase ou acétolactate synthase connues depuis longtemps pour leur rôle dans la résistance aux herbicides (voir document D18).
De plus, elle ne permet pas à l'homme du métier d'obtenir une construction chimérique comprenant le gène codant pour l'enzyme HPPD puisque la séquence nucléotidique d'un tel gène n'est pas décrite. Pour pallier cette insuffisance, l'homme du métier doit associer le document D10 à un autre document de l'état de la technique donnant cette séquence nucléotidique, tel que le document D4. Selon la jurisprudence constante, l'association de divulgations figurant dans deux documents aux fins de l'examen de la nouveauté n'est pas autorisée sauf dans des cas exceptionnels, par exemple s'il existe dans chacun des documents une référence claire et non ambiguë à l'autre document.
Dans un raisonnement concernant la nouveauté, il est aussi possible de tenir compte des connaissances générales de la personne du métier. Ces connaissances générales sont définies par la jurisprudence constante comme étant celles que l'on peut trouver dans les manuels et les encyclopédies et elles se distinguent clairement de la totalité de l'état de la technique. En effet, une information accessible qui fait partie de l'état de la technique n'est pas nécessairement considérée comme faisant partie des connaissances générales. Elle répond à la définition d'une "connaissance générale" et est reprise dans les manuels généraux et spécialisés ou dans les encyclopédies seulement après avoir été acceptée, intégrée et partagée par la communauté scientifique. La personne du métier n'est pas tenue d'avoir des connaissances autres que ces connaissances générales.
Les "connaissances générales de la personne du métier" dans le cas présent
Les bases de données de EMBL/GenBank ne font pas partie des connaissances générales de la personne du métier telles qu'elles sont définies par la jurisprudence. Elles représentent l'état de la technique complet pour les séquences nucléotidiques (gènes) et les protéines et elles sont comparables aux Chemical Abstracts. Une recherche complète dans ces bases de données pour pallier une insuffisance dans un document de l'état de la technique correspond à une recherche sur l'ensemble de l'état de la technique. Ce type de recherche est très éloigné de la définition habituelle des connaissances générales de la personne du métier.
Les bases de données de EMBL/GenBank ne correspondent pas à la définition d'une encyclopédie ou d'un manuel acceptée par la jurisprudence. Ce n'est pas parce que les informations qu'elles contiennent peuvent être consultées facilement par ordinateur en utilisant un logiciel approprié qu'elles sont comparables aux informations trouvées dans un manuel ou une encyclopédie. Les informations données dans une encyclopédie sont non seulement exhaustives, mais elles sont aussi traitées et raisonnées et équivalent à une synthèse critique de toutes les connaissances sur un sujet donné. Autrement dit, l'encyclopédie est une exposition méthodique ou alphabétique conçue pour résumer les connaissances complètes sur un sujet donné à des fins pédagogiques. En fait, c'est par la nature élaborée et raisonnée des informations qu'elle présente qu'une encyclopédie se distingue d'une base de données.
Contrairement aux informations contenues dans une encyclopédie, qui sont bien connues, largement acceptées et généralement partagées par la communauté scientifique dans son ensemble, les informations fournies dans les bases de données EMBL/GenBank sont tout d'abord insérées dans ces bases en tant qu'informations brutes, non vérifiées et susceptibles de comporter des erreurs nombreuses et importantes ; elles sont ainsi rendues accessibles et deviennent connues de la communauté scientifique. Ce n'est que par la suite qu'elles sont partagées et intégrées dans les connaissances générales de la communauté scientifique.
Savoir où trouver une information désirée (par exemple dans une encyclopédie ou un manuel reprenant les connaissances générales de la personne du métier) n'est pas du tout la même chose que savoir où chercher cette information (par exemple dans les banques de données EMBL/GenBank représentant l'état de la technique dans son ensemble). Tandis que dans le premier cas, la personne du métier sait déjà que l'information désirée existe, cela n'est pas vrai dans le deuxième cas, qui ne peut donc pas être assimilé à des connaissances générales.
Par conséquent, dès lors que la séquence nucléotidique d'un gène codant pour l'enzyme HPPD ne fait pas partie des connaissances générales de la personne du métier et que le document D10 ne renvoie à aucun document divulguant cette séquence nucléotidique, l'objet de la revendication - un gène chimérique comprenant une séquence codant pour HPPD – est nouveau (article 54 CBE), la prise en compte à la fois du document D10 et de cet autre document n'étant possible qu'au titre de l'article 56 CBE.
Néanmoins, pour le cas où la Chambre arriverait à une conclusion différente quant à la nature des bases de données EMBL/GenBank et/ou à la définition des "connaissances générales de la personne du métier" telle qu'elle a été établie par la jurisprudence, des questions de droit sont soumises à la Grande Chambre de recours (voir Section XII infra).
Requête subsidiaire
Le document D10 ne détruit pas la nouveauté d'un gène chimérique comprenant un gène codant pour la HPPD et une séquence codant pour un peptide de transit plastidial. En effet, les références dans ce document à l'enzyme HPPD sont ambiguës et non crédibles. Par ailleurs, alors qu'à la date de priorité, la localisation subcellulaire plastidiale de l'EPSPS exemplifiée est déjà connue, la distribution de l'enzyme HPPD ne l'est pas. Par conséquent, il n'y avait aucune raison de cibler l'enzyme HPPD dans des plastides en utilisant une séquence de peptide de transit. L'objet de la revendication 1 est donc aussi inventif.
Durant la procédure d'appel, le requérant a fourni des preuves de ce que la résistance aux herbicides est obtenue avec une construction chimérique comprenant une séquence codant pour une enzyme HPPD d'origine végétale (Arabidopsis). Par ailleurs, l'enzyme HPPD dérivée de Pseudomonas (exemplifiée dans la demande) a des propriétés cinétiques similaires à celles d'autres HPPD provenant de mammifères et de plantes. Par conséquent, les gènes codant pour ces autres enzymes (végétales) peuvent tout aussi bien être utilisés pour obtenir une construction chimérique selon la revendication. Pour large qu'il soit, l'objet revendiqué peut donc être reproduit.
Remboursement de la taxe de recours
Pendant la procédure d'examen, la division d'examen a refusé d'évaluer ce que pouvaient être les connaissances générales de la personne du métier. Contrairement à la jurisprudence et aux indications explicites énoncées dans les Directives relatives à l'examen, elle a utilisé pour refuser la nouveauté les références ambiguës contenues dans le document D10 ou l'association de ce document avec un document appartenant à un domaine technique complètement étranger à celui de la demande. Sa décision n'est pas conforme aux normes habituelles en matière d'appréciation des preuves ni aux pratiques établies selon lesquelles il n'est pas possible de combiner plusieurs documents aux fins de l'examen de la nouveauté. Par ailleurs, la division d'examen ne s'est pas conformée à la pratique établie selon laquelle en cas de doute, la décision doit être en faveur du requérant. Par conséquent, la division d'examen a commis un vice substantiel de procédure et le remboursement de la taxe de recours est justifié.
XII. La question du requérant à la Grande Chambre de recours est libellée comme suit :
"Question soumise à la Grande Chambre de recours :
La décision T 206/83 précise que des bases de données telles que les Chemical Abstracts ne peuvent être représentatives des connaissances de l'homme du métier, car représentant l'ensemble de l'état de la technique.
De fait, demander à l'homme du métier d'effectuer une recherche dans les Chemical Abstracts pour remédier aux insuffisances de la description d'une demande de brevet serait inacceptable puisque cela reviendrait à demander à l'homme du métier d'avoir pour connaissances générales une connaissance exhaustive de l'état de la technique.
Dans la décision T 890/02, la Chambre de recours 3.3.8 conclut à l'absence de nouveauté de la requête principale au motif que le document D10 décrit l'objet revendiqué par référence à un autre document D4 dont le contenu serait partie des connaissances de l'homme du métier.
La justification de la décision se fonde sur le fait que le contenu de D4 a été répertorié dans la banque de données GeneBank, laquelle est représentative des connaissances générales de l'homme du métier.
Les questions posées sont les suivantes :
1. Les banques de données du type GeneBank sont-elles différentes des Chemical Abstracts, et en quoi?
2. Ces facteurs de différences sont-ils suffisants pour permettre de déclarer que contrairement aux Chemical Abstracts, les banques de données de type GeneBank ne sont pas représentatives de l'ensemble de l'état de la technique?
3. Ces facteurs de différences sont-ils suffisants pour permettre de déclarer que dans le domaine des biotechnologies, les banques de données de type GeneBank sont représentatives des connaissances générales de l'homme du métier?
Une réponse positive à la dernière question pourra entraîner un traitement du droit différent selon le domaine technique de l'invention.
La CBE sera interprétée différemment qu'il s'agisse d'une invention dans le domaine de la chimie (Chemical Abstracts) ou dans le domaine des biotechnologies (GeneBank). Cette différence d'application du droit selon les domaines techniques appelle une décision de la Grande Chambre de recours conformément à l'article 112(1) CBE."
XIII. La requérante a conclu à la réformation de la décision de rejet et à la délivrance d'un brevet sur la base de la requête principale du 6 septembre 2004, alternativement d'envoyer une question à la Grande Chambre de recours, subsidiairement la délivrance d'un brevet sur la base de la requête subsidiaire déposée le 6 septembre 2004 et, dans tous les cas, le remboursement de la taxe de recours pour vice substantiel de procédure.
Motifs de la décision
Requête principale
L'état de la technique représenté par le document D10
1. Le document D10 divulgue les régions régulatrices situées en amont, soit en 5', des gènes alpha-tubulines du maïs (Tubα1, SEQ ID No. : 1 ; Tubα2, SEQ ID No. : 2 et Tubα3, SEQ ID No. : 3) capables de contrôler l'expression de gènes spécifiquement dans le pollen, les racines, les méristèmes ou les embryons immatures de végétaux, ainsi que des parties de ces régions (voir page 3, ligne 14 à page 4, ligne 6). Il mentionne aussi des gènes chimériques comprenant des parties fonctionnelles de ces régions régulatrices (promoteurs) liées à des gènes hétérologues codant pour des polypeptides responsables de propriétés agronomiques avantageuses, en particulier "une résistance aux insectes, aux nématodes, aux champignons et de préférence aux herbicides" (voir page 4, lignes 47 à 56 et page 5, lignes 30 à 37). Dans ce contexte, il est fait référence à "des polypeptides conférant une résistance aux glyphosates, et aux inhibiteurs voisins de la 5-énolpyruvylshikimic acid-3-phosphate synthase (EPSPS), sulfonylurées, imidazolinones et les inhibiteurs de l'acétoxyhydroxy acid synthase (AHAS), et de la 4-hydroxyphényl pyruvate dioxygénase (HPPO)", (identifié par le sigle HPPD dans la présente demande, voir page 5, lignes 37 à 40). Il semble que pour que ces gènes hétérologues s'expriment de façon efficace, des séquences de polyadénylation soient nécessaires (voir page 5, lignes 52 à 53). Des méthodes de production de plantes résistantes aux herbicides impliquant la transformation des cellules de la plante à l'aide d'un vecteur contenant ces gènes chimériques sont aussi décrites, les séquences hétérologues de prédilection étant les gènes codant pour "l'EPSPS, l'acétolactase synthase ou la 4-hydroxyphényl pyruvate dioxygénase" (voir page 7, lignes 40 à 43). Les exemples ont trait à des vecteurs contenant le gène aroA – codant pour l'EPSPS – (pRPA-RD-65 et pRPA-RD-88, voir page 7, lignes 44 à 47) qui sont utilisés pour produire des plants de tabac résistants aux herbicides (voir page 15, exemple 4). Néanmoins, aucun exemple de gènes chimériques construits à partir de gènes hétérologues codant pour les deux autres enzymes de prédilection - ALS et HPPD – n'est présenté. Aucune information n'est donnée concernant la séquence nucléotidique de ces gènes et aucune référence bibliographique n'est citée à partir de laquelle la personne du métier pourrait obtenir cette information. Par conséquent, bien qu'il mentionne un gène chimérique doté des mêmes caractéristiques techniques que celui de la revendication 1 de la requête principale, le document D10 ne permet pas prima facie de reproduire ce gène chimérique. Cependant, il pourra être destructeur de nouveauté si, à la date de priorité de la présente demande, la séquence nucléotidique du gène fait partie des connaissances générales de la personne du métier.
Définition des "connaissances générales de la personne du métier" selon la jurisprudence
2. Les connaissances générales de la personne du métier ont été définies par les Chambres de recours comme étant normalement constituées par le contenu d'encyclopédies, de manuels et de dictionnaires sur le sujet en question (voir notamment T 766/91 du 29 septembre 1993, point 8.2, T 206/83JO OEB, 1987, 5, point 5 et T 234/93 du 15 mai 1997, point 4). Dans plusieurs cas cependant, et à titre exceptionnel, les fascicules de brevet et les publications scientifiques ont aussi été considérés comme faisant partie des connaissances générales (voir "La Jurisprudence des chambres de recours de l'office européen des brevets", 4ème édition, 2001, II.A.2(a), page 165). Il convient notamment de tenir compte des circonstances particulières à chaque cas pour les domaines de recherche tellement nouveaux qu'il n'existe pas encore d'informations techniques à ce sujet dans des manuels (voir T 51/87JO OEB, 1991, 177, point 9 et T 772/89 du 18 octobre 1991, point 3.3).
3. Dans tous ces cas, les Chambres ont estimé que la personne du métier n'avait pas nécessairement connaissance de toute la technologie ; elles ont identifié trois aspects importants – communs à tous les cas – pour évaluer correctement les connaissances générales.
a) Premièrement, font partie des compétences de la personne du métier non seulement les connaissances générales sur l'état de la technique dans un domaine particulier, mais aussi la capacité à retrouver de telles connaissances dans les encyclopédies et manuels aussi bien que, dans les cas exceptionnels, dans une série d'études pertinentes (voir T 676/94 du 6 février 1996, point 10), dans une publication scientifique ou un fascicule de brevet (voir T 51/87JO OEB, 1991, 177, point 9 et T 772/89 du 18 octobre 1991, point 3.3).
b) Deuxièmement, pour retrouver les connaissances générales, la personne du métier n'est pas tenu d'effectuer une recherche exhaustive dans la littérature couvrant pratiquement l'ensemble de l'état de la technique. On ne peut exiger d'elle un effort excessif pour effectuer cette recherche (cf. T 171/84JO OEB 1986, 95, point 12, T 206/83 supra, point 4 et T 676/94 supra, point 10).
c) Troisièmement, l'information trouvée doit être dépourvue d'ambiguïté et utilisable de manière directe et simple, sans hésitation ni travail supplémentaire (cf. T 206/83 supra, point 5).
Ces trois aspects correspondent en fait aux étapes classiques qui consistent à (a) choisir le livre de référence adéquat (manuel, encyclopédie, etc.) sur les étagères de la bibliothèque, (b) identifier la/les section(s) appropriée(s) sans que cela ne demande un effort important, et (c) obtenir l'information correcte ou des données dépourvues d'ambiguïté pouvant être utilisées sans travail supplémentaire.
4. Il résulte de ce qui précède que les connaissances générales de la personne du métier travaillant dans un domaine technique particulier doivent être déterminées au cas par cas, en fonction des faits et des preuves de l'espèce.
Les "connaissances générales de la personne du métier" dans le cas présent
5. Etant donné que la demande a trait à l'expression de gènes hétérologues, en particulier de gènes codant pour des enzymes permettant d'obtenir des plantes résistantes aux herbicides, la personne du métier peut être définie comme une personne travaillant dans le domaine des herbicides et étant au courant des connaissances générales sur la biologie moléculaire et l'enzymologie.
6. Il ne fait aucun doute, et aucune contestation n'a été émise à ce sujet, qu'à la date de priorité de la présente demande, la personne du métier cherchant à connaître la séquence nucléotidique du gène codant pour l'enzyme HPPD mentionné dans le document D10 aurait cherché et trouvé cette information dans l'une des deux bases de données suivantes, à savoir ENZYME et EMBL Nucleotide Sequence. A la date de priorité de la demande, ces deux bases de données étaient bien connues et accessibles – distribuées par Mag tape, CD-ROM ou réseau (Intranet) – à toute personne travaillant dans le domaine de l'enzymologie et de la biologie moléculaire.
7. EMBL Nucleotide Sequence est une base de données très complète et vaste, accessible notamment à partir du serveur de fichiers EMBL (mis en place en 1988). Ce serveur propose également une importante collection de logiciels de biologie moléculaire gratuits, l'un d'entre eux (Wisconsin GCG Package) servant à la recherche par homologie et par mots-clés. Pour chaque séquence nucléotidique, les informations comprennent notamment les données suivantes : numéro d'accession (AC), mot-clé (KW), nom officiel (DE), ainsi que la séquence nucléotidique per se (SQ). Ainsi, la base de données EMBL peut être considérée comme un manuel exhaustif donnant la structure de différents produits biologiques (gène ou fragments de gène), de même qu'un manuel de chimie indique les formules chimiques de différents produits chimiques.
8. La base de données ENZYME concerne les enzymes et peut être consultée via le serveur de biologie moléculaire ExPASy World-Wide Web (WWW). Pour chaque enzyme, la base de données comporte le numéro d'identification (ID) de la Commission des Enzymes (EC), le nom officiel (DE), les autres noms (AN), la réaction catalysée (CA) et les cofacteurs (CF). Depuis 1994, le serveur propose des liens hypertexte vers la base de données SWISS-PROT (DR) et de là vers la base de données EMBL. Par conséquent, à partir du nom officiel d'une enzyme (4-hydroxyphényl pyruvate dioxygénase, DE) ou du numéro EC correspondant (EC 1.13.11.27, ID), la personne du métier peut obtenir des informations complètes sur ses propriétés et sur sa séquence en acides aminés (SWISS-PROT), ainsi que sur les séquences nucléotidiques des gènes codant une enzyme correspondante provenant de différents organismes (EMBL). Dès lors, la somme de ces informations correspond étroitement à la définition d'une encyclopédie mentionnée par le requérant comme "un document de synthèse présenté dans l'ordre alphabétique ou systématique et qui fait le point des connaissances acquises sur tous les sujets ou sur un groupe de sujets connexes" (http://www.granddictionnaire.com). Elle correspond aussi à la définition en langue anglaise (Merriam-Webster OnLine) : "a work that contains information on all branches of knowledge or treats comprehensively a particular branch of knowledge usually in articles arranged alphabetically often by subject".
9. Par conséquent, bien qu'elles ne soient pas des encyclopédies ou manuels au sens strict, les bases de données ENZYME et EMBL répondent néanmoins à la définition d'une encyclopédie ou d'un manuel, respectivement. Par ailleurs, elles répondent aux trois critères cités dans la jurisprudence définissant les connaissances générales (cf. point 3 supra), à savoir : (a) la personne du métier sait qu'elles sont la source adéquate pour obtenir l'information souhaitée, (b) la recherche de cette information n'implique pas d'effort excessif, puisque aucune stratégie de recherche n'est nécessaire et qu'il ne faut connaître que le numéro EC ou le nom de l'enzyme (dans le cas présent, le nom de l'enzyme est donné dans le document D10 lui-même), et (c) l'information obtenue (par exemple, la séquence nucléotidique) est simple et dépourvue d'ambiguïté, son utilisation ne nécessitant aucune interprétation supplémentaire. Pour toutes ces raisons, la Chambre est d'avis que les bases de données ENZYME and EMBL représentent les connaissances générales de la personne du métier telles que définies par la jurisprudence.
10. Le requérant a présenté plusieurs arguments pour contester l'assimilation des bases de données ENZYME et EMBL à une encyclopédie ou à un manuel. Ces arguments sont examinés en détail ci-après.
11. Premièrement, une recherche dans la base de données EMBL a été assimilée à une recherche dans la base de données Chemical Abstracts qui, comme le reconnaît la jurisprudence, regroupe pratiquement l'ensemble de l'état de la technique et représente beaucoup plus que les connaissances générales de la personne du métier (voir T 206/83, supra, point 6, Section XII supra).
12. Cependant, il est évident que de par son contenu même (voir point 7 supra), la base de données EMBL se distingue de la base de données Chemical Abstracts ou d'autres bases de données bibliographiques, telles que Biological Abstracts, EMBASE, etc. Ces bases de données bibliographiques ont pour but de résumer la divulgation complète d'une publication scientifique, d'une conférence, etc., en créant un abrégé et fournissant des champs recherchables. Étant donné la quantité et la qualité des informations contenues dans ces bases de données, il est généralement nécessaire de recourir à une stratégie de recherche sophistiquée pour obtenir les résultats souhaités. Ainsi, questionner une base de données bibliographiques en introduisant seulement le nom d'une enzyme ou un numéro EC ne suffira généralement pas pour obtenir directement les informations requises car les réponses obtenues seront bien trop nombreuses. Il faudra, au contraire, introduire des limitations pour affiner les résultats. En outre, le type d'information obtenue – le contenu de l'abrégé – ne peut être anticipé avant que la recherche ait été effectuée et cette information est de par sa nature incomplète ou insuffisante, ce qui implique de consulter la publication originale. Par conséquent, contrairement à la base de données EMBL, où une requête simple (nom de l'enzyme ou numéro EC) produit généralement un nombre raisonnable de résultats avec des informations claires (séquences nucléotidiques), dans les bases de données bibliographiques, ni la stratégie de recherche nécessaire ni les résultats obtenus ne sont clairs et simples. Finalement, les bases de données bibliographiques ne sont d'aucune utilité pour une comparaison directe entre différents produits biologiques, alors que la base de données EMBL le permet facilement (comparaison par homologie), précisément parce qu'elle est conçue comme un manuel.
13. Deuxièmement, il a été allégué que les informations présentes dans les bases de données ENZYME et EMBL sont saisies en tant que données brutes, tandis que les informations figurant dans une encyclopédie sont élaborées et partagées par la communauté scientifique, c'est-à-dire qu'elles apparaissent dans ces publications de référence parce qu'elles font déjà partie des connaissances générales de la personne du métier (cf. T 766/91, supra, point 8.2, voir Section XI supra).
14. La Chambre reconnaît que les informations publiées dans une encyclopédie sont élaborées à partir des connaissances livrées par différents documents scientifiques. Mais cela est aussi vrai pour les informations contenues dans la base de données ENZYME. Les informations relatives à une enzyme donnée, par exemple celles qui concernent la réaction enzymatique ou la séquence en acides aminés, auront été "récoltées" à partir de différentes publications scientifiques. De même, la séquence du gène correspondant dans différents organismes aura été établie au fil du temps par différents groupes de scientifiques. Le concept de la base de données ENZYME est donc identique à celui de l'encyclopédie.
15. Comme cela a été dit plus haut, la base de données EMBL est davantage considérée comme un manuel que comme une encyclopédie. Les informations qu'elle contient sont tout aussi brutes que les informations figurant dans un manuel, puisque dans les deux cas, il ne s'agit pas de données représentant la quintessence de toutes les connaissances acquises sur un composé déterminé. En d'autres termes, dans les deux cas, les informations fournies ne sont pas élaborées à partir des connaissances générales de la communauté scientifique dans son ensemble.
16. Il est vrai cependant que si le temps écoulé entre les éditions successives peut être considérable pour un manuel ou une encyclopédie classique, le laps de temps qui sépare les mises à jour successives d'une base de données est habituellement beaucoup plus court. Néanmoins, comme l'ont d'emblée reconnu les parties lors de la procédure orale, ce fait n'est attribuable qu'au type de support utilisé (Internet) et n'a aucun rapport avec la nature de l'information proprement dite. En outre, le support informatique permet une diffusion beaucoup plus large et moins onéreuse des informations, lesquelles sont donc plus facilement partagées et plus accessibles pour la communauté scientifique.
17. Troisièmement, il a été allégué que savoir où trouver l'information souhaitée n'est pas la même chose que savoir où chercher cette information. Dans le premier cas, la personne du métier sait que l'information en question existe déjà avant de la rechercher, tandis que dans le deuxième cas, il ne sait pas si cette information existe ou non (voir Section XI supra).
18. Ce qui précède est sans doute vrai mais ne semble pas pertinent pour déterminer si une information fait partie ou non des connaissances générales. L'existence d'une information est une propriété intrinsèque de cette information, quel que soit le moment où elle est recherchée et/ou trouvée. Par exemple, il est clair que si l'on sait que la séquence du gène exprimant la HPPD existe, on la trouvera dans une encyclopédie ou un manuel aussi bien que dans les bases de données ENZYME/EMBL, puisque le but de tous ces ouvrages est de mettre cette information à la disposition du public. De la même manière, s'il existe un doute sur l'existence de cette séquence, la probabilité de la trouver ou de ne pas la trouver dans l'un de ces ouvrages sera identique et dépendra uniquement du fait qu'elle existe ou non. Ici encore, il ne semble pas y avoir de différence entre les bases de données telles que ENZYME et EMBL et les encyclopédies/manuels.
19. Dans le cas présent, le gène HPPD est mentionné dans le document D10 au même titre et dans le même contexte que les gènes connus codant pour la EPSP synthase et l'acétolactate synthase (voir demande page 7, lignes 42 à 44). Rien ne laisse présager que lui-même soit inconnu. Les faits et preuves contenus dans le document D10 ne permettent pas à la personne du métier d'anticiper que la disponibilité de ces trois gènes soit différente. En fait, il existe des documents dans le dossier montrant que les séquences de gènes codant pour l'enzyme HPPD étaient accessibles et connues de la personne du métier depuis longtemps (voir notamment documents D12 et D13). Par conséquent, on peut aussi raisonnablement supposer que la personne du métier savait que le gène HPPD cité dans le document D10 existait déjà.
Nouveauté de l'objet de la revendication 1
20. Au vu de ce qui précède, la Chambre conclut que le document D10 qui, comme mentionné au point 1 supra, divulgue des gènes chimériques comprenant une séquence de régulation promotrice issue d'un gène s'exprimant naturellement dans les plantes, une séquence de polyadénylation et le gène exprimant la HPPD, dont la structure fait partie des connaissances générales de la personne du métier (telles qu'identifiées dans les bases de données ENZYME et EMBL (voir points 5 à 9 supra)), contient un enseignement suffisant pour l'isolement des gènes chimériques sans effort indu.
21. En conséquence, le document D10 détruit la nouveauté de l'objet de la revendication 1. Les exigences de l'article 54 CBE n'étant pas remplies, la requête principale est rejetée.
Requête subsidiaire
22. La revendication 1 de cette requête se distingue de la revendication 1 de la requête principale par le fait que le gène chimérique revendiqué comprend entre le promoteur et la séquence codante hétérologue HPPD, une séquence codant pour un peptide de transit issu d'un gène végétal codant pour une enzyme à localisation plastidiale (voir Section V supra). Le document D10 divulgue un peptide de transit plastidial optimisé particulier pour la construction d'un gène chimérique comprenant le gène hétérologue EPSPS (voir notamment page 4, ligne 23, page 7, lignes 44 à 47 et page 15, exemple 4). Néanmoins, aucune divulgation n'est faite concernant un gène chimérique comprenant un promoteur d'origine végétale, une séquence codant pour ledit peptide de transit plastidial et un gène codant pour l'enzyme HPPD.
23. Par conséquent, le document D10 ne détruit pas la nouveauté de l'objet de la revendication 1. Toutes les autres revendications étant directement ou indirectement dépendantes de la revendication 1, la requête subsidiaire satisfait aux exigences de l'article 54 CBE.
24. L'état de la technique le plus proche de l'objet de la revendication 1 est le document D10, qui divulgue une construction chimérique comprenant en particulier un promoteur et un gène codant pour une enzyme dont l'expression a pour résultat une résistance aux herbicides. Il fait référence à la possibilité d'avoir d'autres éléments dans la construction chimérique, y compris des séquences codant pour les peptides de transit (voir page 2, lignes 49 à 53). En fait, un peptide de transit spécifique d'un gène végétal codant pour une enzyme à localisation plastidiale, qui convient pour l'expression d'enzymes végétales connues pour leur localisation subcellulaire plastidiale est explicitement divulgué. Une construction chimérique comprenant l'ADN codant pour un tel peptide en association avec celui codant pour l'enzyme à localisation plastidiale EPSP est décrite (voir exemple 4).
25. A partir de ce document, le problème technique à résoudre peut être défini comme l'obtention d'une construction chimérique alternative. La solution est donnée dans la revendication 1 par l'introduction d'une séquence codant pour un peptide de transit – issu d'un gène végétal codant pour une enzyme à localisation plastidiale – entre le promoteur et la séquence codant pour l'enzyme HPPD.
26. Pour juger de l'activité inventive, il faut donc se demander si, à la date de priorité de la présente demande, la localisation subcellulaire de l'enzyme HPPD était connue. En effet, si l'enzyme HPPD était connue pour se trouver dans un plastide, il devenait évident d'appliquer les enseignements du document D10 pour isoler une construction chimérique portant le gène codant pour l'enzyme HPPD (correspondant au gène codant pour l'EPSPS) et un ADN codant pour un peptide de transit plastidial.
27. Le document D12 identifie l'enzyme HPPD comme une enzyme-clé dans la biosynthèse des plastoquinones. Il mentionne la relation possible entre la biosynthèse des quinones et la désaturation du phytoène, celle-ci étant connue pour être une réaction d'oxydoréduction complexe se produisant dans les chloroplastes de végétaux (plastides) (voir page 162). Toutefois, ni le document D12 ni les autres documents cités dans le dossier comme figurant dans l'état de la technique avant la date de priorité de la demande ne contiennent d'informations suggérant que la biosynthèse des plastoquinones (impliquant HPPD) se produise au même endroit que la désaturation du phytoène (autrement dit, dans le plastide). Pour cette raison, rien n'aurait incité l'homme du métier à utiliser un peptide de transit plastidial, tel que celui qui est cité en exemple dans le document D10, de façon à cibler l'expression de l'enzyme HPPD dans des plastides végétaux. De même, rien ne permettait de dire que le ciblage du gène codant pour l'enzyme HPPD dans des plastides se traduirait par l'expression d'une enzyme HPPD fonctionnelle.
28. Par conséquent, l'objet de la revendication 1 est considéré comme n'étant pas évident. Toutes les autres revendications étant directement ou indirectement dépendantes de cette revendication, la requête subsidiaire remplit les conditions de l'article 56 CBE.
29. Le document D13 (voir page 1432, colonne de gauche, dernier paragraphe complet) identifie des différences de propriétés cinétiques– constante de Michaelis apparente (Km) pour le substrat acide 4-hydroxyphénylpyruvique (HPPA) –entre les enzymes HPPD des différents organismes (Km : 4,3 à 50 μM) et l'enzyme HPPD de Pseudomonas (Km : 30 mM). Pour cette raison, la Chambre avait émis des doutes dans son avis préliminaire quant à la pertinence de l'utilisation d'enzymes HPPD autres que celui de Pseudomonas (exemplifié dans la demande) pour obtenir la résistance souhaitée aux herbicides. Néanmoins, un document a été soumis en cours de procédure orale qui montre qu'en fait, la constante de Michaelis pour le substrat HPPA de l'enzyme HPPD de Pseudomonas est du même ordre que celles indiquées pour les enzymes de mammifères (document D29). Par ailleurs, il existe aussi dans le dossier, des preuves que lorsqu'une construction chimérique particulière comprenant l'ADN codant pour l'enzyme HPPD de Arabidopsis est transformée dans des plants de tabac, ceux-ci deviennent résistants aux herbicides.
30. Conformément à la jurisprudence constante selon laquelle une objection relative à l'insuffisance de l'exposé ne peut aboutir que s'il existe de sérieuses réserves à cet égard, étayées par des faits vérifiables (voir "Jurisprudence", supra, II.A.3, pages 167 à 168), et à la lumière des preuves fournies, on peut conclure que les conditions de l'article 83 CBE sont remplies par la requête subsidiaire couvrant la présence dans le gène chimérique de gènes codant pour des enzymes HPPD en général.
Questions à soumettre à la Grande Chambre de recours, conformément aux dispositions de l'article 112(1) CBE
31. La première question que le requérant a demandé de soumettre à la Grande Chambre de recours est de savoir si les Chemical Abstracts et les bases de données de type Genbank sont du même type ou différents. Il s'agit d'une question de fait à évaluer par la présente Chambre, et non d'une question de saisine pour la Grande Chambre de recours.
32. Les deux autres questions concernent l'évaluation du caractère suffisant des preuves, aspect qui doit à première vue être évalué par la présente Chambre. La Chambre ne voit aucun point de droit soulevé ici qui justifierait ou nécessiterait une saisine de la Grande Chambre de recours.
33. Pour ces raisons, la requête en saisine de la Grande Chambre de recours est rejetée.
Remboursement de la taxe de recours
34. Conformément à la règle 67 CBE, le remboursement de la taxe de recours est ordonné si le remboursement est équitable en raison d'un vice substantiel de procédure. Le fait que la division d'examen n'ait pas justifié – à la satisfaction du requérant – les raisons qui l'ont amenée à considérer les gènes HPPD comme faisant partie des connaissances générales de l'homme du métier pourrait constituer, tout au plus, une lacune lors de l'examen, mais en aucun cas un vice de procédure, et encore moins un vice substantiel.
35. Par conséquent, en l'absence de vice substantiel de procédure, le remboursement de la taxe de recours est refusé.
Dispositif
Par ces motifs, il est statué comme suit :
1. La décision attaquée est annulée.
2. La requête en saisine de la Grande Chambre de recours est rejetée.
3. L'affaire est renvoyée à l'instance du premier degré afin de poursuivre la procédure sur la base du jeu de revendications 1 - 30 de la requête subsidiaire déposée le 6 septembre 2004.
4. La requête en remboursement de la taxe de recours est rejetée.