CHAMBRES DE RECOURS
Décisions de la Chambre de recours juridique
Décision de la Chambre de recours juridique 3.1.1 en date du 10 octobre 2003 - J 9/99 - 3.1.1
(Traduction)
Composition de la Chambre :
Président : | J.-C. Saisset |
Membres : | B. Günzel |
| U. Tronser |
Référence : Pouvoir général/DC
Article : 10(2)a), 20(1), 106(1), 108 première phrase, 113(1), 133(1)133(3), 134, 134(7) CBE
Règle : 9(2), 78(2), 92(1)h), 101(1), (2), 101(3), (9) CBE
Mot-clé : "Compétence de la division juridique - pouvoirs généraux - examen de l'habilitation à assurer la représentation - oui - décision de rejet - oui - seulement à l'encontre des parties au sens de la règle 101(2) - mandataires et mandants - non à l'encontre de tiers"
Sommaire
I. La division juridique est compétente pour examiner si un mandataire désigné dans un pouvoir général est habilité à assurer la représentation et pour décider en bonne et due forme du rejet d'une requête en inscription d'un pouvoir général.
II. Une décision constatant que les conditions relatives à l'inscription d'un pouvoir général ne sont pas remplies ne peut être prise qu'à l'encontre de l'auteur d'une requête en inscription qui est partie à la procédure au sens du texte allemand de la règle 101(2) CBE, à savoir le mandant ou le mandataire.
Exposé des faits et conclusions
I. Le recours est dirigé contre une décision de la division juridique constatant qu'il était impossible d'inscrire un pouvoir général.
II. Par courrier en date du 11 mars 1998, la société D AG a déposé un pouvoir général établi le 17 février 1998. Le mandant était la société M GmbH et les mandataires, les conseils en propriété industrielle MM. E et Z, ainsi que M. P, tous trois employés de la société D AG. M. E était également mandataire agréé. Aucun contrat de travail ne liait l'un des mandataires au mandant, la société M GmbH.
III. En réponse à la division juridique, qui avait indiqué que le pouvoir général donné par la société M GmbH ne pouvait être inscrit au nom de MM. P et Z, au motif que ceux-ci n'étaient pas mandataires agréés et ne pouvaient donc agir devant l'Office européen des brevets pour d'autres personnes morales avec lesquelles leur employeur avait des liens économiques, la société D AG a demandé que le pouvoir établi au nom de M. E soit d'ores et déjà inscrit et qu'il lui soit notifié une décision susceptible de recours, indiquant que le pouvoir général ne pouvait être inscrit au nom de MM. P et Z.
IV. Dans une décision qui figure sous forme de copie dans le dossier de la division juridique et qui est vraisemblablement datée du 28 septembre 1998, la division juridique a constaté que le pouvoir général en date du 17 février 1998 ne pouvait être inscrit au nom de MM. P et Z, au motif que ceux-ci n'étaient ni mandataires agréés, ni liés par un contrat de travail à la société M GmbH. La division juridique a souligné que ces mandataires étaient tous deux des employés de la société D AG et ne pouvaient donc agir que pour celle-ci, conformément à l'article 133(3), première phrase CBE. Elle a ajouté que même si les sociétés D AG et M GmbH appartenaient à un même groupe industriel, le fait que ces deux entreprises constituaient des personnes morales juridiquement distinctes était la seule chose qui importait pour la question de savoir qui était habilité à agir devant l'Office européen des brevets. La division juridique a observé enfin qu'aucune règle d'application de l'article 133(3), deuxième phrase CBE n'avait été adoptée jusqu'à présent dans le règlement d'exécution.
Le texte de la copie de la décision versée au dossier de la division juridique comporte une omission évidente. Ce dossier contient également la copie d'un courrier en date du 8 octobre 1998, informant D AG que le point 1 des motifs de la décision en date du 28 septembre 1998 comporte une erreur et que celle-ci est rectifiée par la décision jointe audit courrier. La décision du 28 septembre 1998 est sans objet, peut-on encore lire dans la lettre en question. Or le texte de la décision corrigée, jointe au courrier de la division juridique en date du 8 octobre 1998 selon les indications figurant dans ce même courrier, n'apparaît pas dans le dossier de la division juridique. Les deux lettres de la division juridique, celle qui est vraisemblablement datée du 28 septembre 1998 et celle du 8 octobre 1998, portent, dans l'en-tête, la mention "lettre recommandée avec demande d'avis de réception". Le dossier de la division juridique ne contient aucune pièce justificative concernant la forme de la signification, ni la date à laquelle les courriers ont été remis à la poste.
V. Le 23 décembre 1998, D AG a formé un recours contre la décision de la division juridique et a acquitté simultanément la taxe de recours. Elle a motivé son recours pour l'essentiel comme suit :
L'application à la présente affaire de l'article 133(3), deuxième phrase CBE, telle que retenue par la division juridique, n'est pas pertinente. Les termes "liens économiques" concernent, au sens de cette disposition, les cas dans lesquels les personnes morales entretiennent certes des liens économiques entre elles, mais agissent par ailleurs de manière autonome. Dans la présente affaire, les faits sont différents dans la mesure où la représentation est assurée par un employé de la société mère d'un groupe industriel pour le compte d'une filiale détenue en totalité par ladite société mère. Contrairement aux entreprises qui n'ont que de simples liens économiques entre elles au sens de l'article 133(3), deuxième phrase CBE, la filiale, détenue en totalité par la société mère, qui devait être représentée, devait reconnaître sans restriction tous les actes de la société mère, qu'ils lui soient favorables ou non. La présente affaire s'inscrit dès lors dans le cadre de l'article 133(3), première phrase CBE, puisqu'il y a lieu de considérer les deux entreprises comme une seule et unique société pour ce qui est des conséquences de leurs actes. Dans le cas contraire, il y aurait une lacune dans les dispositions de l'article 133 CBE.
VI. Invité par le greffier de la Chambre à indiquer si la décision notifiée par la division juridique dans son courrier en date du 8 octobre 1998 était complète et comment il était parvenu à établir que la date du 15 octobre 1998 mentionnée dans l'acte de recours était la date de la décision de la division juridique, le requérant a déclaré que cette date était indiquée comme étant la date de la décision dans la version corrigée de la décision de la division juridique qui lui avait été signifiée et que cette version était complète. Le requérant a produit une copie du courrier rectificatif de la division juridique en date du 15 octobre 1998 ainsi que du texte complet de la décision daté lui aussi du 15 octobre 1998.
Le requérant a également signalé, en joignant un extrait correspondant du registre du commerce, que la société D AG avait été reprise, avec effet au 21 décembre 1998, par la société DC AG.
Se prononçant à titre provisoire, la Chambre a indiqué dans une notification que la société D AG n'était pas habilitée à demander l'inscription du pouvoir général au simple motif qu'elle n'avait la qualité ni de mandant, ni de mandataire et qu'elle n'était pas non plus habilitée à représenter l'une de ces parties.
Cela étant, la Chambre a toutefois partagé à titre provisoire le point de vue de la division juridique selon lequel les personnes qui, juridiquement, ne sont pas employées d'un mandant mais d'une autre personne morale et ne sont pas mandataires agréés, ne peuvent représenter le mandant conformément à l'article 133(3), première phrase CBE, même lorsque celui-ci est détenu dans son intégralité par ladite personne morale. L'institution du droit de représentation a fait l'objet d'un examen approfondi et de débats contradictoires pendant les travaux préparatoires à la CBE. Selon ces travaux, la version actuelle de l'article 133(3), première et deuxième phrases CBE résulte d'un compromis politico-juridique entre les intérêts des représentants de l'industrie d'une part et ceux des conseils en propriété industrielle d'autre part. Ce compromis prévoyait que des personnes morales pourraient non seulement être représentées réglementairement par les personnes (organes) prévues à cet effet dans leurs dispositions statutaires, mais qu'elles pourraient également agir par l'entremise d'un employé et qu'elles ne seraient pas tenues de faire appel à un conseil en propriété industrielle, comme cela avait été demandé à l'origine (Rapport de la 5e session de la Conférence Intergouvernementale pour l'institution d'un système européen de délivrance de brevets, Deuxième partie, Audition des organisations internationales non gouvernementales, BR/169/72, p. 61 s., n° 154 s.). Que le Conseil d'administration n'ait pas fait usage jusqu'ici de la possibilité de prévoir d'autres droits de représentation dans le règlement d'exécution, conformément à l'article 133(3), deuxième phrase CBE, procède de la liberté dont dispose le législateur pour aménager le règlement d'exécution en fonction de critères d'ordre politico-juridique qu'il peut déterminer, et ne constitue donc pas une lacune de la réglementation.
VII. Dans sa réponse, le requérant a fait valoir que la société D AG, devenue la société DC AG, était la société mère contrôlant le mandant et qu'à ce titre, elle agissait pour le compte de ce dernier pour tout ce qui concerne la protection de la propriété industrielle. Elle était donc autorisée et habilitée à exécuter les tâches que lui confiait le mandant et à solliciter l'inscription du pouvoir général. Que la requête en inscription du pouvoir ait été déposée par le mandant, par la personne mandatée par ce dernier ou encore, comme c'est le cas ici, par la société mère contrôlant le mandant, laquelle est en même temps l'employeur du mandataire, importe peu dans la présente affaire.
VIII.Le requérant a demandé que la décision attaquée soit annulée et qu'il soit fait droit au recours.
Motifs de la décision
Concernant la personne du requérant
D'après l'extrait du registre du commerce certifié conforme (réf. HRB ..., service B du tribunal d'instance de Stuttgart) qui a été produit dans la procédure de recours, la société D AG a été reprise, avec effet au 21 décembre 1998, par la société DC AG. DC AG par conséquent succède à D AG, qui a cessé d'exister, et est le requérant dans la présente procédure de recours.
Recevabilité du recours
Si l'on considère que la date présumée initiale de l'unique décision versée au dossier de la division juridique et vraisemblablement datée du 28 septembre 1998, est le jour de sa remise à la poste, le recours en date du 23 décembre 1998 a été déposé tardivement au regard de la règle 78(2) CBE. Toutefois, étant donné que le dossier de la division juridique ne contient aucune preuve de la signification de cette décision, ni de la signification d'une décision rectifiée, envoyée d'après le dossier par un courrier de la division juridique daté du 8 octobre 1998, en remplacement de la décision initiale déclarée sans objet et, qu'au surplus, le texte de la décision corrigée ne figure pas dans le dossier, la Chambre ne peut se fier qu'aux indications fournies par le requérant lui-même pour déterminer si le recours a été formé dans les délais, conformément à la règle 78(2), deuxième membre de phrase CBE. Le requérant a déclaré que la décision complète qui lui a été envoyée, portait la date du 15 octobre 1998. Il a produit une copie de cette décision. Sur la base de la date du 15 octobre 1998, le recours, déposé le 23 décembre 1998, a été formé dans les délais prescrits à l'article 108, première phrase CBE et à la règle 78(2) CBE, et doit par conséquent être considéré comme recevable.
Bien-fondé du recours
1.1 Le requérant a demandé que la décision attaquée soit annulée et qu'il soit fait droit à son recours, sans indiquer expressément ce qu'il souhaitait obtenir par cette dernière requête. Considérant que le requérant a demandé, dans le cadre de la procédure devant la division juridique, l'inscription du pouvoir général au nom de M. P et de M. Z, conseil en propriété industrielle, et qu'il dirige son recours et le mémoire en exposant les motifs contre les conclusions de la division juridique, selon lesquelles le pouvoir général ne peut être inscrit pour ces personnes, la Chambre estime que par son recours, le requérant souhaite qu'elle ordonne à la division juridique d'inscrire au nom de ces personnes le pouvoir général qui a été déposé.
1.2 La règle 101(2) CBE dispose dans sa version allemande que toute partie peut donner un pouvoir général autorisant un mandataire à la représenter pour toutes les affaires de brevet la concernant. Le dépôt d'un pouvoir général permet de simplifier la procédure pour les parties et les mandataires, qui agissent conjointement dans de nombreuses affaires, et pour l'Office. Ces mandataires ne sont donc plus tenus de produire un pouvoir pour chaque dossier ; ils se bornent seulement à indiquer le numéro sous lequel a été inscrit le pouvoir général. Les instances chargées de traiter les différents dossiers ne font que vérifier, en règle générale, que le pouvoir général auquel il est fait référence se rapporte à celui qui assure la représentation en tant que mandataire et à la partie représentée en tant que mandant.
1.3 Ni la règle 101 CBE, ni aucune autre disposition de la CBE ne font mention d'une inscription en bonne et due forme des pouvoirs généraux dans le sens d'une inscription sur une liste, ni d'un pouvoir ou d'une obligation selon lesquels l'Office contrôlerait et constaterait de manière générale la validité juridique de tels pouvoirs généraux déposés ou rendrait une décision en bonne et due forme à leur sujet, avant de les inscrire. Bien que le requérant fasse valoir uniquement que la division juridique a pris une décision erronée concernant son droit prétendu à inscrire le pouvoir général, la Chambre doit tout d'abord vérifier si la division juridique était en tout état de cause compétente pour décider du refus d'une inscription et pour déterminer si les mandataires désignés dans le pouvoir général étaient habilités à assurer la représentation.
1.4 A cet égard, le texte de la règle 101(2) CBE diffère par exemple de celui de l'article 134 CBE, qui dispose dans son premier paragraphe que la représentation ne peut être assurée que par des mandataires agréés inscrits sur une liste tenue à cet effet par l'Office européen des brevets et que toute personne physique qui remplit les conditions prescrites peut être inscrite sur cette liste. Donc, en vertu de l'article 134 CBE, l'Office doit vérifier, avant de procéder à une inscription, si les conditions nécessaires à cette inscription sont remplies. Conformément à l'article 20(1) CBE, la division juridique est compétente pour toute décision relative à l'inscription sur la liste des mandataires agréés et à leur radiation de celle-ci, ainsi que pour toute décision relative aux mentions à porter sur le Registre européen des brevets. Cela s'applique par exemple aux décisions relatives à l'inscription d'un groupement de mandataires selon la règle 92(1)h) CBE, lorsqu'un demandeur ou le titulaire d'un brevet se fait représenter par un mandataire appartenant à un groupement de mandataires. La division juridique est alors tenue de procéder aux vérifications nécessaires avant toute décision, et de constater en cas d'issue négative qu'il n'existe aucun groupement au sens de cette règle et de la règle 101(9) CBE.
1.5 En revanche, la CBE ne confère à l'Office aucune compétence expresse pour rendre des décisions en bonne et due forme en ce qui concerne le dépôt de pouvoirs généraux conformément à la règle 101(1) CBE.
S'appuyant sur les règles 101(3) et 9(2) CBE, le Président de l'Office européen des brevets (OEB) a toutefois décidé dans le point 1 de son communiqué du 20 décembre 1984 relatif aux pouvoirs généraux (JO OEB 1985, 42) que la division juridique avait compétence en matière d'enregistrement de pouvoirs généraux. La règle 101(3) CBE autorise le Président de l'OEB à prescrire, par un avis publié au Journal officiel de l'Office européen des brevets, la forme et le contenu du pouvoir général. Outre les compétences qui lui sont dévolues par la Convention, la division juridique, au même titre que les autres instances chargées des procédures, peut se voir confier par le Président, en vertu de la règle 9(2), des attributions supplémentaires.
La question se pose donc de savoir si le pouvoir réglementaire conféré au Président en vertu de la règle 9(2) CBE ensemble la règle 101(3) CBE implique de donner compétence à la division juridique pour rendre des décisions en bonne et due forme dans un domaine où certes, l'application de la CBE requiert nécessairement la mise en oeuvre de mesures administratives particulières, comme celles afférentes au traitement administratif, conformément aux dispositions prescrites, des pouvoirs généraux déposés par les parties, mais où il n'est pas prévu de régler définitivement une affaire par une décision.
La Chambre ne peut déduire de la CBE aucun principe général selon lequel l'OEB n'aurait compétence pour statuer en bonne et due forme sur des requêtes présentées par les parties que si la CBE le prévoit expressément. Ainsi, dans la décision G 5/91 (JO OEB 1992, 617), la Grande Chambre de recours n'a pas considéré comme illégale la pratique de l'Office à l'époque, qui était fondée sur les instructions internes et en vertu de laquelle, lorsqu'un examinateur d'une division d'examen ou d'opposition soupçonné de partialité était récusé, le directeur de la direction compétente pour cet organe examinait la récusation et statuait à ce sujet (point 4 des motifs). Elle a fait valoir que les organes de première instance, eu égard à leur caractère administratif, étaient subordonnés aux instructions internes du Président conformément à l'article 10(2)a) CBE.
Toutefois, cela n' apporte aucune précision quant aux conditions dans lesquelles l'OEB peut avoir compétence pour rendre des décisions définitives et en bonne et due forme à l'égard de parties lui soumettant des requêtes. Compte tenu du caractère contraignant et de l'autorité de la chose jugée qui est attachée à ce type de décisions, le fait de donner à une instance administrative, par le biais d'instructions administratives, une compétence générale pour rendre de telles décisions pourrait susciter des objections quant à leur légalité, et en particulier lorsque l'intéressé, confronté au caractère définitif de ces décisions, ne dispose d'aucun moyen pour faire réexaminer la décision en cause. La situation est cependant différente en ce qui concerne la division juridique, car ces décisions sont susceptibles de recours en vertu de l'article 106(1) CBE.
La Chambre estime par conséquent qu'il n'y a pas lieu de contester au plan juridique la décision du Président de donner à la division juridique, sur la base de son communiqué, la compétence pour statuer sur l'inscription de pouvoirs généraux. Une telle attribution de compétence signifie que la division juridique est également compétente pour examiner si les mandataires sont autorisés, en vertu de la CBE, à représenter le ou les mandants, car c'est là le seul moyen de parvenir à une simplification de la procédure pour tous les intéressés, conformément au but poursuivi avec le dépôt des pouvoirs généraux. Si un mandataire agissant dans de nombreuses procédures individuelles pouvait se réclamer d'un pouvoir général inscrit qui n'a fait l'objet d'aucune vérification tendant à montrer qu'il est bel et bien habilité à assurer la représentation du mandant, cela porterait gravement préjudice à la sécurité juridique. En tout état de cause, l'organe chargé de la procédure dans un cas particulier reste compétent pour décider si le mandataire agissant dans cette procédure est autorisé à le faire au nom de la partie qui l'a mandaté.
La chambre de recours juridique a rendu une décision similaire dans une affaire de même nature, sans toutefois se prononcer sur la question de la compétence de la division juridique en matière de vérification. Ainsi, dans la décision J 27/95 en date du 9 avril 1997, non publiée au JO, elle n'a soulevé aucune objection au refus d'inscrire une avocate espagnole sur la liste, tenue par la division juridique, des avocats habilités à agir en qualité de mandataires devant l'OEB conformément à l'article 134(7) CBE. La pratique de la division juridique en matière de vérification et de décision à cet égard est fondée sur le point 1.1 c) de la décision du Président de l'OEB en date du 10 mars 1989 relative à la compétence de la division juridique (JO OEB 1989, 177).
2. La décision attaquée doit néanmoins être annulée car la société qui a présenté à l'origine la requête en inscription, à savoir D AG, n'était pas habilitée, pour les motifs exposés ci-après, à requérir l'inscription du pouvoir général. La division juridique ne pouvait pas décider, dans une procédure impliquant précisément ce requérant, qu'il était impossible d'inscrire le pouvoir général établi par la société M GmbH agissant comme mandant, au nom de MM. P et Z désignés comme mandataires.
2.1 La règle 101(2) CBE dispose en allemand que toute partie peut donner un pouvoir général. Le libellé de cette disposition en allemand exclut que tout un chacun puisse demander l'inscription d'un pouvoir général. Ce droit est au contraire réservé aux parties. Sont parties au mandat, qui sert de fondement au pouvoir général, le mandant et le mandataire ; les tiers ne sauraient être parties à cet acte, quelles que soient les relations personnelles ou économiques qui les lient au mandataire ou au mandant. Il en va de même pour le dépôt d'un pouvoir général auprès de l'OEB. Le dépôt du pouvoir général doit permettre au mandataire de participer à la procédure pour le compte du mandant. Le terme "partie" utilisé en allemand à la règle 101(2) CBE se réfère donc de toute évidence aux personnes qui, à un stade ultérieur, peuvent avoir la qualité de parties à une procédure et intervenir en cette qualité. Là aussi, il s'agit uniquement du mandant en qualité de partie et du mandataire en qualité de représentant du mandant, et non de tiers, quel que soit l'intérêt qu'ils puissent porter à la façon dont une partie conduit la procédure. Par conséquent, seuls le mandant et le mandataire peuvent être considérés comme parties à la procédure de dépôt d'un pouvoir général aux fins d'intervenir devant l'OEB au sens de la règle 101(2) CBE. Un tiers ne peut être partie au dépôt d'un pouvoir général au sens de la règle 101(2) CBE, au simple motif qu'il a déposé en personne le pouvoir général à l'OEB.
Cette interprétation est tout à fait logique. Les actes juridiques qui visent à autoriser une personne à représenter une autre, comprennent non seulement le pouvoir, qui porte sur la relation réciproque entre le mandant et le mandataire et qui est concrétisé au plan juridique par l'acte formel du mandat, mais impliquent aussi la volonté de se lier par un pouvoir général établi au nom du mandataire. Seuls le mandant et le mandataire dûment habilité par ce pouvoir à assurer la représentation peuvent exprimer une telle volonté au plan juridique. Le dépôt du pouvoir général auprès de l'Office a des conséquences juridiques considérables pour le mandant, car ce pouvoir identifie le mandataire comme la personne autorisée à représenter le mandant dans toutes les procédures. C'est pourquoi il est extrêmement important, notamment dans le cas d'un pouvoir général, que la volonté d'accepter et de faire usage du pouvoir existe réellement chez les personnes autorisées à assurer la représentation devant l'OEB, et que l'OEB puisse considérer le dépôt du pouvoir général comme l'expression manifeste de cette volonté. Tel est en général le cas lorsque le pouvoir général est produit par l'une des parties, c'est-à-dire par le mandant ou par le mandataire. Pour parvenir à ce but, le droit de déposer des pouvoirs généraux est donc réservé aux seules parties. On ne saurait par conséquent tenir pour fortuit ou secondaire le libellé de la règle 101(2) CBE. Au contraire, cette disposition doit être interprétée en ce sens que le droit de déposer des pouvoirs généraux a été délibérément associé aux parties qui sont désignées dans ces pouvoirs et qui participent ultérieurement à des procédures devant l'OEB et que, par conséquent, le droit de demander l'inscription du pouvoir, si les conditions sont par ailleurs remplies, est réservé à ces parties.
2.2 Dans sa réponse à la notification de la Chambre, le requérant a déclaré qu'en tant que société mère du mandant, dont il détient la totalité du capital, il accomplissait pour le compte de ce dernier tous les actes afférents aux questions de propriété industrielle. Le requérant estime par conséquent qu'il était autorisé à effectuer les tâches que lui confiait le mandant et qu'il devait être considéré pour cette raison comme une partie à la procédure d'inscription du pouvoir général ; il était donc habilité à demander l'inscription du pouvoir général. La Chambre ne saurait souscrire à ce point de vue. Le fait que le requérant ait été chargé, en tant que société mère du mandant, d'accomplir pour le compte de ce dernier tous les actes afférents aux questions de propriété industrielle, concerne la relation réciproque entre le requérant et sa filiale, qui est le mandant ; cela n'autorise pas le requérant à intervenir devant l'Office européen des brevets. De même, le fait qu'en détenant la totalité du capital d'une filiale, la société mère d'un groupe puisse se voir conférer des droits et obligations spécifiques, dictés par des dispositions relevant par exemple du droit civil ou du droit sur les ententes, n'a aucune incidence sur les droits procéduraux du requérant devant l'OEB. Dans les procédures devant l'Office européen des brevets, les droits des parties ne peuvent découler que des règles procédurales de la CBE ; par conséquent, dans la présente espèce, les droits du requérant dépendent de la question de savoir s'il aurait été habilité à représenter le mandant devant l'Office européen des brevets. Or, indépendamment du fait que le requérant intervient dans la présente procédure en son nom personnel et revendique un droit propre à l'inscription du pouvoir général, il est incontestable que le requérant n'est pas habilité en tant que tel à représenter ni sa filiale, à savoir le mandant, ni les mandataires, à savoir ses deux employés, lesquels ne sont pas eux-mêmes mandataires agréés. Une personne morale ne saurait en tant que telle représenter une autre personne devant l'Office européen des brevets. S'agissant des dispositions relatives à la représentation, il est seulement prévu à l'article 133(1) et (3) CBE qu'une personne, physique ou morale, qui n'intervient pas elle-même (c'est-à-dire qui, en tant que personne morale, n'agit pas par l'intermédiaire de l'un de ses organes) peut agir par l'entremise d'un mandataire agréé ou d'un de ses employés. Le litige opposant le requérant à la division juridique à propos de l'inscription du pouvoir général, qui fait l'objet du présent recours, porte seulement sur la question de savoir si les employés du requérant pouvaient agir pour une autre personne morale, à savoir le mandant.
2.3 En conséquence, la division juridique n'aurait pas dû constater à l'encontre du requérant en tant qu'auteur de la requête en inscription que les conditions de l'inscription du pouvoir général n'étaient pas réunies au motif que les mandataires n'étaient pas habilités à assurer la représentation du mandant. Elle aurait dû faire en sorte que la requête en inscription soit présentée par une partie désignée dans le pouvoir général ou au nom de cette partie, à condition que celle-ci soit dûment représentée, ou elle aurait dû rejeter la requête en inscription du requérant au motif que ce dernier n'était pas habilité à présenter une telle requête.
2.3 Enfin, eu égard à l'article 113(1) CBE, il ne saurait être juridiquement correct de conduire la procédure de telle sorte que dans une décision prise au détriment du destinataire (mandataire) ou de l'auteur (mandant) d'un pouvoir général, alors que ceux-ci n'ont pas été formellement associés à la procédure, il soit constaté à l'encontre d'un tiers, en l'occurrence le requérant, que le pouvoir général ne peut être inscrit.
Dispositif
Par ces motifs, il est statué comme suit :
1. La décision attaquée est annulée.
2. La requête présentée en vue de l'inscription du pouvoir général en date du 17 février 1998 au nom de MM. P et Z, conseils en propriété industrielle, est rejetée.