INFORMATIONS RELATIVES AUX ETATS CONTRACTANTS / D'EXTENSION
DE Allemagne
Arrêt du Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice), en date du 2 mars 1999
(X ZR 85/96) *
Référence : "Spannschraube" (vis de serrage)
Article 69 CBE et son protocole interprétatif
Mot-clé : "Interprétation et portée du brevet (européen) - interprétation d'après l'ensemble du contenu du fascicule de brevet - compréhension par l'homme du métier - fascicule de brevet constituant un lexique propre - mode équivalent de réalisation de l'invention (non) - brevet EP 0 319 521 - règles d'interprétation"
Sommaire
1. Un brevet européen ne doit pas être interprété à la lettre, mais par référence au contexte technique d'ensemble, tel qu'il ressort pour l'homme du métier du contenu du fascicule de brevet. Ce qui compte, ce n'est pas la définition linguistique qui a été donnée des expressions utilisées dans le fascicule de brevet, ou leur définition dans la logique scientifique, mais la compréhension qu'en a un homme du métier dépourvu de tout préjugé.
2. Les fascicules de brevet constituent par eux-mêmes un lexique propre des expressions qu'ils utilisent. Si ces expressions sont utilisées dans un sens différent de celui qu'elles revêtent dans l'usage courant (dans le domaine technique), la seule signification qu'il convient de retenir est en définitive celle qui ressort du fascicule de brevet.
3. La protection conférée par un brevet européen ne peut être étendue à des modes de réalisation de l'invention faisant appel à la place des moyens selon l'invention à des moyens qui conduisent à renoncer soit totalement, soit dans une mesure non négligeable dans la pratique au résultat recherché par le titulaire du brevet.
Exposé des faits et conclusions
La demanderesse est concessionnaire exclusive d'une licence accordée pour le brevet européen n° 0 319 521 (brevet en litige) (...).
La revendication 1 dudit brevet s'énonce comme suit :
Collier de serrage formé d'un étrier annulaire (12) avec au moins une ouverture, ce collier se fermant à l'aide d'une vis de serrage (10) dont l'extrémité est prévue du côté de l'ouverture muni du filetage et dont la tête (24) traverse de l'autre côté de l'ouverture un trou (36) d'une patte (20) de l'étrier (12) pour se fixer, collier caractérisé en ce que la tête (24) de la vis de serrage (10) traverse le trou (36) de la bride (20) axialement par rapport à l'axe longitudinal médian et est maintenue par une rondelle (38) à trous oblongs (40) ouverts à une extrémité, cette rondelle étant mise en place entre la tête (24) et la patte (20) avant le serrage.
La défenderesse (...) commercialise des colliers de serrage (...) pour lesquels elle a obtenu en 1993 la délivrance du brevet européen n° 0 471 989, compte tenu du brevet en litige (...). La demanderesse a intenté une action à l'encontre de la défenderesse pour contrefaçon de son brevet sur le territoire de la République fédérale d'Allemagne (...).
Le tribunal régional allemand a fait droit à sa demande, mais la cour d'appel (...) a débouté la demanderesse, qui demande dans son pourvoi le rétablissement du jugement rendu par le tribunal régional. La défenderesse demande le rejet du pourvoi.
Extrait des motifs
Le pourvoi n'est pas fondé.
I.1. L'invention porte sur un collier de serrage qui est formé d'un étrier annulaire avec au moins une ouverture, ce collier pouvant se fermer à l'aide d'une vis de serrage (col. 1, lignes 4 s. du brevet en litige).
Des colliers de serrage de ce type étaient connus à la date de priorité du brevet en litige. D'après le brevet en litige (col. 1, lignes 13 à 133), un tel collier de serrage a par exemple été décrit dans le fascicule allemand de demande n° 3 308 459 (...). Le fascicule du brevet en litige mentionne ensuite le collier de serrage divulgué dans le fascicule allemand de demande n° 3 346 423 (col.1, lignes 34 à 54) (...).
2. Il est déclaré sur la base de cet état de la technique que l'invention vise à obtenir un collier de serrage du type connu "que l'on peut également utiliser sans problème et fermer facilement avec une vis de serrage très courte" (...).
Plus précisément, la solution proposée consiste en une combinaison des caractéristiques suivantes :
1. Le collier de serrage est formé
a) d'un étrier annulaire (12)
b) avec au moins une ouverture,
c) ce collier se fermant à l'aide d'une vis de serrage (10).
2. L'extrémité de la vis de serrage (10) se trouve du côté de l'ouverture muni du filetage.
3. La tête (24) de la vis de serrage (10)
a) traverse de l'autre côté de l'ouverture un trou (36) d'une patte (20) de l'étrier (12)
aa) axialement par rapport à l'axe médian
b) et est maintenue là par une rondelle (38)
aa) à trous oblongs (40) ouverts à une extrémité
bb) cette rondelle étant mise en place entre la tête (24) et la patte (20) avant le serrage (...).
II. D'après la jurisprudence constante de la Chambre, l'interprétation que le juge du fond donne du brevet en litige peut être entièrement révisée par l'instance de cassation, laquelle n'est pas tenue par l'interprétation donnée du brevet par la cour d'appel et peut au contraire donner sa propre interprétation du brevet en litige (cf. notamment l'arrêt du 22 mars 1983 - XZR 9/82, GRUR 1983, 497, 498 - Absetzvorrichtung; arrêt du 26 septembre 1996 - X ZR 72/94, GRUR 1997, 116, 117 - Prospekthalter et autres références indiquées dans cette décision). Toutefois c'est au juge du fond qu'il incombe de dégager les bases de l'interprétation dans le cadre de la constatation des faits qui lie l'instance de cassation si ces constatations n'ont pas été attaquées par des moyens recevables et fondés dans le pourvoi en cassation. Dans son examen des faits, le juge du fond qui détermine l'objet de l'invention tel que le divulgue le fascicule de brevet doit établir comment l'homme du métier de compétence moyenne comprend les expressions utilisées dans les revendications du brevet, compte tenu de la description et des dessins, et quelle représentation concrète il associe à ces expressions et à l'idée qui est à la base de l'invention (cf. notamment l'arrêt du 20 décembre 1979 - X ZR 85/78, GRUR 1980, 280, 281 - Rolladenleiste ; arrêt du 22 septembre 1983 - X ZR 9/82, GRUR 1983, 497, 1987 - Absetzvorrichtung ; arrêt du 26 septembre 1996 - X ZR 72/94, GRUR 1997, 116 Prospekthalter ; cf. aussi l'arrêt du 5 juin 1997 - X ZR 73/95, NJW 197, 3377 - Weichvorrichtung II1).
III.1. La cour d'appel a exposé essentiellement ce qui suit à propos de la caractéristique 3 b) bb) de la revendication 1 du brevet en litige (la seule qui ait été contestée) : pour l'homme du métier qui cherche à comprendre l'invention, il importe de savoir à quoi doit servir la caractéristique relative à "la rondelle mise en place". Selon la Cour d'appel, l'homme du métier se rend compte que pour que l'on puisse équiper de tels colliers de serrage de vis de longueur minimale et se contenter d'une course en rotation minimale pour serrer ces vis, il faut absolument qu'après avoir traversé le trou de la patte, la rondelle soit mise en position de serrage sur un trajet compris entre les plans formés par la surface de la patte et la surface de serrage de la tête de la vis (...).
2. Dans son pourvoi, la demanderesse reproche à la cour d'appel d'avoir à tort interprété la caractéristique 3 b) bb) comme signifiant que la rondelle est mise en position de serrage en ligne droite (par translation) et non selon un trajet circulaire (...). La cour d'appel aurait limité de ce fait la revendication principale du brevet en litige. Selon la demanderesse, c'est là une interprétation qui ne tient compte ni des principes d'interprétation des fascicules de brevets posés par la jurisprudence, ni de l'essentiel de l'argumentation développée par la demanderesse (...).
3. Ces allégations de l'auteur du pourvoi ne sont pas fondées.
a) Avec juste raison, la cour d'appel part des principes que la Chambre n'a cessé de développer dans sa jurisprudence relative à l'interprétation qu'il convient de donner d'un brevet européen. Aux termes de l'article 69(1) CBE, l'étendue de la protection conférée par le brevet européen est déterminée par la teneur des revendications, la description et les dessins servant à interpréter les revendications. La teneur ne signifie pas le contenu littéral, mais la signification. Ce qui est déterminant (...), c'est le contenu de la divulgation qui a été faite dans le brevet, dans la mesure où il se reflète dans les revendications. C'est en effet ce qui ressort du protocole interprétatif de l'article 69(1) CBE (...). Selon ce protocole, l'interprétation ne sert pas seulement à dissiper les ambiguïtés que pourraient recéler les revendications, mais aussi à clarifier les expressions techniques utilisées dans les revendications ainsi que la signification et la portée de l'invention (jurisprudence constante de la Chambre que constituent les arrêts BGHZ 105,1 - Ionenanalyse2 ; BGHZ 133, 1 - Autowaschvorrichtung3 ; cf. également à propos de l'art. 14 de la loi allemande sur les brevets : BGH Z 98, 12 - Formstein4. Ce qui est déterminant pour cette appréciation, c'est le point de vue de l'homme du métier dans le domaine technique concerné. C'est la raison pour laquelle il convient d'interpréter les expressions utilisées dans les revendications et dans la description du brevet comme le ferait l'homme du métier de compétence moyenne que l'on questionnerait au sujet du contenu global du fascicule de brevet compte tenu du problème à résoudre par l'invention et de la solution que cette invention apporte (arrêt du 31 janvier 1984 - X ZR 7/82, GRUR 1984, 425, 426 - Bierklärmittel ; arrêt du 26 septembre 1996 - X ZR 72/94, GRUR 116, 117 s. - Prospekthalter ; arrêt du 29 avril 1997 - X ZR 101/93, GRUR 1998, 133, 134 - Kunststoffaufbereitung).
Pour l'homme du métier qui lirait la demande, prise au sens littéral, la caractéristique contestée 3 b) bb) de la revendication 1 du brevet en litige ne confère une protection que pour une rondelle qui est mise en place avant le serrage entre la tête de la vis et la patte. Prise à la lettre, la caractéristique ne permet pas de savoir comment la rondelle est mise en position de serrage. Pour pouvoir comprendre la signification et l'importance de cette caractéristique, l'homme du métier devra chercher à déterminer ce qu'elle permet d'obtenir du point de vue du résultat recherché par l'invention. C'est pourquoi pour comprendre cette caractéristique particulière, l'homme du métier se fondera avant tout sur l'objectif qu'elle poursuit, tel qu'il ressort du fascicule de brevet (Benkard/Ullmann, Patentgesetz Gebrauchsmustergesetz, 9e éd., art. 13 PatG, note en marge 72). Pour ce faire, l'homme du métier ne se fondera pas uniquement sur l'ensemble du texte des revendications, il tiendra compte aussi de l'ensemble du contenu du fascicule du brevet en litige. Si l'état de la technique lui enseigne que telle ou telle interprétation ne peut être retenue, parce que par exemple le dispositif en question ne paraît pas réalisable, il rejettera cette possibilité d'interprétation, même si en soi le texte du fascicule permettrait de l'envisager. Dans ces conditions, l'enseignement du brevet est limité au mode de réalisation de l'invention qui est considéré comme réalisable dans l'état de la technique connu de l'homme du métier de compétence moyenne et qui est le seul que l'homme du métier prenne en compte. Le contenu d'un fascicule de brevet peut donc limiter le contenu divulgué par un brevet dans le cas où l'enseignement que l'homme du métier retient de l'ensemble du fascicule de brevet a une portée plus limitée que l'enseignement qui semble ressortir d'une caractéristique prise à la lettre (cf. Benkard/Ullmann, loc. cit, art.14 PatG, note en marge 67).
b) La cour d'appel (...) a dégagé en conséquence la signification de la revendication 1 du brevet en litige. Elle a établi à ce propos comment (...) l'homme du métier comprend l'expression "rondelle mise en place" utilisée dans la revendication 1 du brevet en litige (...). D'après les (...) constatations faites par la cour d'appel, grâce aux informations que le fascicule du brevet en litige fournit au sujet de l'état de la technique et du problème technique à résoudre par l'invention, l'homme du métier pourra se rendre compte que s'il était utilisé de longues vis et de longues courses de vissages dans l'état de la technique, c'était parce que sinon le déplacement entre la tête de la vis de serrage et la patte de serrage s'avérait défavorable, et qu'il ne s'agissait pas là d'une question de "mise en place". Il constatera en outre que s'il est utilisé de longues vis dans l'une des solutions proposées dans l'état de la technique, c'est parce que la tête de la vis se déplace en parcourant un cercle dont le centre se trouve à proximité de la patte en position de serrage, alors que dans l'autre solution proposée selon l'état de la technique, l'utilisation de longues vis est due au fait que pour la mise en position de serrage, la tête de la vis et la surface de la patte de serrage se déplacent en se rapprochant l'une de l'autre selon un parcours en cycloïde ou en hélicoïde développante. L'homme du métier sera dissuadé dans ces conditions de donner de la caractéristique 3 b) bb) la même interprétation que l'auteur du pourvoi, qui avait considéré qu'il s'agissait uniquement d'une question de "mise en place". Il conclura au contraire que cet enseignement porte sur le parcours de déplacement ou sur le mode de déplacement de la rondelle pour la mise en position de serrage (...).
Cette signification (...) qui a été dégagée par le juge du fond de la cour d'appel et qui doit être retenue au stade de la procédure en cassation ne revient pas à apporter une limitation par rapport au texte de la revendication 1, mais à adopter pour l'interprétation de ce texte l'interprétation que retiendrait l'homme du métier compte tenu de l'ensemble du contenu du fascicule de brevet en litige.
c) L'auteur du pourvoi ne peut donc faire valoir en riposte qu'il ressort de l'énoncé de la caractéristique 3 b) bb) (...) que ce qui compte, ce n'est pas le déplacement effectué pour la mise en place de la rondelle, mais l'état du dispositif que crée cette "mise en place" (...). Il n'est pas nécessaire d'examiner ici si c'est bien là la signification que revêt l'expression "mise en place" dans l'usage courant dans le domaine technique (...). Un brevet européen ne doit pas être interprété à la lettre, mais par référence au contexte technique d'ensemble, tel qu'il ressort pour l'homme du métier de compétence moyenne du contenu du fascicule de brevet. La revendication ne doit pas être prise à la lettre comme le ferait un philologue, mais au sens qu'elle revêt dans le domaine technique, c'est à-dire qu'il convient de déterminer l'idée à la base de l'invention compte tenu du problème posé et de la solution qui lui est apportée, tels qu'ils ressortent du fascicule de brevet. C'est la raison pour laquelle la Chambre a rejeté l'interprétation purement linguistique d'une expression utilisée dans le fascicule de brevet et s'est référée à la signification technique que revêtent les termes et expressions utilisés dans le fascicule de brevet (arrêt du 30 juin 1964 - XZR 109/63, GRUR 1964, 612, 615 - Bierabfüllung ; arrêt du 12 novembre 1974 - XZR 76/68, GRUR 1975, 422, 424 - Streckwalze II, cf. également pour la procédure d'opposition la décision de la chambre du 17 janvier 1995 - XZB 15/93, GRUR 195, 330, 332 - Elektrische Steckverbindung). Ceci vaut également pour l'interprétation d'un brevet européen. Par conséquent, ce qui compte, ce n'est pas la définition linguistique ou la définition dans la logique scientifique, mais ce que comprend ce praticien qu'est l'homme du métier (...). C'est également le point de vue qui est adopté dans les autres pays d'Europe, pour autant qu'on puisse le connaître ( cf. EPA GRUR Int. 1994, 59, 60, 61 - Waschmittel/Unilever5, et les autres références indiquées dans cette décision ; House of Lords GRUR Int. 1982, 136 - Stahlträger II ; Court of Appeal R.P.C. 1997, 737, 752).
(...) Certes l'usage linguistique courant ainsi que l'usage courant dans le domaine technique peuvent aider l'homme du métier à dégager la signification. (...) Mais il ne faudra jamais perdre de vue (...) que les fascicules de brevet constituent un lexique propre des expressions qu'ils utilisent, que ces expressions peuvent être utilisées dans un sens différent de celui qu'elles revêtent dans l'usage linguistique courant et que la seule signification qu'il convient de retenir est en définitive celle qui ressort du fascicule de brevet. C'est la raison pour laquelle plus l'énoncé de la caractéristique est clair et plus sa définition ressort clairement du fascicule de brevet, moins il y aura lieu de se référer à l'usage linguistique courant (...).
e) L'auteur du pourvoi ne saurait faire valoir en riposte que la cour d'appel aurait dû pour l'interprétation du brevet européen en litige tenir compte du texte anglais et du texte français de ce brevet. Aux termes de l'article 70(1) CBE, le texte du brevet européen rédigé dans la langue de la procédure (...) est le texte qui fait foi dans tous les Etats contractants. Peu importe en revanche le texte des revendications dans les autres langues officielles de l'Office européen des brevets: il permet uniquement de tirer des conclusions sur la manière dont le traducteur a compris le texte rédigé dans la langue de la procédure (...).
IV. La cour d'appel a refusé de reconnaître que le collier de serrage attaqué constituait une contrefaçon du brevet en litige, car pour la réalisation de ce collier, il n'avait pas été fait usage de l'enseignement de la revendication 1, qu'il s'agisse d'une utilisation du texte littéral ou de moyens considérés comme équivalents au regard du droit des brevets.
1. (..)
2.La cour d'appel a refusé de reconnaître qu'il y avait eu mise en oeuvre de la caractéristique 3 b) bb) en litige entre les parties conformément à l'énoncé de cette caractéristique. Elle a fait valoir à ce sujet qu'avant le serrage, dans le cas du mode de réalisation attaqué, la plaque d'arrêt (rondelle) n'est pas comme le voudrait la caractéristique en litige mise en place en ligne droite entre la tête et la bride (patte). Au contraire, la plaque d'arrêt est mise en position de serrage par rotation autour d'un point situé à proximité d'une bride (patte) du collier de serrage, si bien que dans le mode de réalisation attaqué, l'on a renoncé à utiliser l'enseignement de la caractéristique 3 b) bb) et que, pour ce qui est du mode de déplacement de la tête de la vis et de la surface de serrage d'une bride (patte) de collier de serrage, l'on reprend le mode de déplacement circulaire connu dans l'état de la technique, qui n'est pas celui qui correspond à la caractéristique 3 b) bb) relative à la "mise en place" de la rondelle entre la tête de la vis et la patte.
Les arguments que l'auteur du pourvoi a fait valoir pour contester ces conclusions ne sont pas fondés.
(...) L'important, c'est que, contrairement à ce qu'enseigne le brevet en litige, dans le dispositif attaqué, la plaque d'arrêt est mise en position de serrage par déplacement circulaire, et que du fait de ce mode de déplacement qui a été adopté, il a précisément été renoncé aux avantages que doit permettre d'obtenir la mise en place de la rondelle au sens de la caractéristique 3 b) bb).
3. La cour d'appel a estimé que le collier de serrage attaqué n'tait pas non plus équivalent au regard du droit des brevets à la solution protégée par le brevet, car les moyens revendiqués par la demanderesse ne correspondent pas du point de vue de la fonction technique qu'ils exercent aux moyens prévus dans le brevet de la défenderesse et l'effet qu'ils permettent d'obtenir ne peut être considéré comme pratiquement identique à celui obtenu par les moyens prévus dans le brevet.(...)
L'auteur du pourvoi riposte en faisant valoir que la cour d'appel aurait dû également examiner si, du point de vue du "mode altéré de réalisation", la contrefaçon du dispositif protégé constituait un équivalent en droit des brevets, ce qui selon la jurisprudence pourrait être le cas si le mode de réalisation attaqué permettait dans la pratique d'obtenir sensiblement les mêmes avantages que l'invention. Or c'était bien le cas en l'occurrence, si l'on admettait, contrairement à ce qu'avait estimé la cour d'appel, que dans le cas du brevet en litige, la prestation inventive ne se limitait pas à la mise à disposition d'un collier de serrage utilisable avec des vis de serrage les plus courtes possible,(...).
Là encore l'argument invoqué par l'auteur du pourvoi n'est pas fondé. (...). Comme il a déjà été expliqué plus haut et comme l'a très justement constaté la cour d'appel dans l'arrêt attaqué, c'est incontestablement le raccourcissement des vis de serrage et des courses de serrage qui constitue le principal enseignement du brevet en litige. Il ne s'agit pas là d'un aspect secondaire entre plusieurs autres de même importance, comme l'avait prétendu l'auteur du pourvoi. Le brevet en litige ne se borne pas non plus à un enseigner un"certain raccourcissement", d'un ordre de grandeur totalement indéfini. Il vise expressément au contraire à permettre l'utilisation de vis "très courtes", permettant un serrage en "peu de tours" (col.1, ligne 54 ; col. 2, lignes 7 à 9). Or justement le mode de réalisation attaqué ne permet pas d'obtenir ce résultat (...). Par conséquent il ne saurait être affirmé que le problème qu'entendait résoudre l'invention protégée du fait qu'elle prévoyait des vis de serrage et des courses de serrage très courtes se voit encore dans la pratique sensiblement résolu par le mode de réalisation attaqué. Il n'est pas satisfait par conséquent à l'une des conditions essentielles requises pour qu'il puisse être conclu à l'existence d'une contrefaçon du brevet par des moyens équivalents. Selon les principes posés dans l'ancien droit par la Chambre, il n'y a équivalence en droit des brevets que lorsque dans les modes de réalisation que l'on compare, le problème à résoudre et le résultat technique obtenu sont identiques, les moyens mis en oeuvre pour résoudre ce problème et pour obtenir le même résultat étant quant à eux différents. Dans le mode de réalisation attaqué, le moyen qui est utilisé à la place du moyen expressément recommandé dans le brevet doit donc servir à résoudre le problème concret posé dans le brevet et permettre d'obtenir- au moins pour l'essentiel - le résultat recherché par l'invention brevetée (cf. BGH, arrêt du 14 juillet 1966 - Ib ZR 79/64, GRUR 1967, 84,85 - Christbaumbehang II ; Senatsurteil du 29 avril 1997 - X ZR 101/93, GRUR 1998, 133,135 - Kunststoffaufbereitung ; cf,. à ce sujet également ÖOGH, arrêt du 3 avril 1984, GRUR Int. 1985, 766, 767 ; Benkard/Ullmann, loc. cit., §14, notes en marge 130, 149). Ces principes valent également pour l'évaluation de l'étendue de la protection conférée par un brevet européen. Ils correspondent au principe qui a été développé dans la jurisprudence anglaise à propos des questions soulevées dans l'"affaire Catnic" et qui est également appliqué pour la détermination de l'étendue de la protection conférée par les brevets européens, principe qui veut que les moyens utilisés à la place des moyens selon l'invention ne bénéficient plus de la protection conférée par le brevet dès lors qu'ils ont des incidences importantes sur le fonctionnement de l'invention (cf. arrêt rendu le 16 juin 1995 par la Court of Appeal dans l'affaire K. c/ R., GRUR Int. 1997, 374 - Zigarettenblättchen). La protection conférée par un brevet européen ne peut donc être étendue à des modes de réalisation de l'invention qui font appel à la place des moyens selon l'invention à des moyens qui conduisent à renoncer totalement ou dans une mesure non négligeable au résultat que l'invention brevetée visait à obtenir(...)
DE 2/01
* Sommaire officiel et extrait des motifs de la décision dont le texte intégral a été publié dans Mitt. 1999, 304.