CHAMBRES DE RECOURS
Décisions des Chambres de recours techniques
Décision de la Chambre de recours technique 3.5.1, en date du 23 janvier 1998 - T 939/95 - 3.5.1
(Traduction)
Composition de la Chambre :
Président : | P.K.J. van den Berg |
Membres : | C. Holtz |
A. S. Clelland |
Demandeur : NCR International, Inc
Référence : Délai de révision préjudicielle d'une décision/NCR
Article : 109 CBE
Règle : 67 CBE
Mot-clé : "Révision préjudicielle tardive - circonstances exceptionnelles" - "Remboursement de la première taxe de recours - non - pas de vice substantiel de procédure" - "Remboursement de la deuxième taxe de recours - non - il n'a pas été fait droit au recours"
Sommaire
L'article 109(2) CBE prévoit que s'il n'est pas fait droit au recours dans le délai d'un mois après réception du mémoire exposant les motifs, le recours doit être immédiatement déféré à la chambre de recours, sans avis sur le fond. Par conséquent, lorsqu'un recours soulève par ailleurs d'autres problèmes distincts - tel celui du remboursement de la taxe de recours -, l'instance chargée de l'affaire est tenue, en vertu de l'article 109(2) CBE, de statuer à part, dans le délai d'un mois, au sujet de la révision préjudicielle de la décision contestée, dès qu'elle s'aperçoit qu'il n'est pas possible dans ce délai de statuer sur les autres questions qui se posent.
Exposé des faits et conclusions
I. La division d'examen a, par décision en date du 28 avril 1995 (dénommée ci-après "la décision d'avril"), rejeté la demande de brevet. Le 7 juin 1995, le demandeur a formé un recours contre la décision de rejet et déposé un mémoire exposant les motifs du recours. Par la décision du 11 août 1995 faisant l'objet du présent recours (dite ci-après "la décision d'août"), la division d'examen a annulé sa décision d'avril, mais a en même temps refusé de faire droit à la requête en remboursement de la taxe de recours acquittée par le requérant pour le recours qu'il avait formé contre cette décision d'avril. Pour justifier sa décision de rejet, elle avait essentiellement fait valoir comme motif que le requérant n'avait pas répondu comme il l'aurait fallu aux objections qu'elle avait formulées dans la notification qu'elle lui avait envoyée avant de prendre la décision de rejeter la demande. Selon la division d'examen, la décision d'avril étant fondée sur des motifs au sujet desquels le requérant avait déjà pu prendre position, la demande pouvait être rejetée sans qu'il soit nécessaire d'envoyer à nouveau une notification au requérant. La division d'examen s'est référée à cet égard à la décision T 300/89 (JO OEB 1991, 480), rendue dans une affaire qui lui paraissait analogue à celle dont il s'agissait en l'occurrence.
II. Le requérant demande à présent (1) l'annulation d'une partie de la décision d'août faisant l'objet du recours, à savoir la partie dans laquelle la division d'examen refusait de rembourser la taxe de recours qu'il avait acquittée pour son premier recours, formé contre la décision d'avril, et (2) le remboursement des deux taxes de recours qu'il avait acquittées, l'une pour ce premier recours et l'autre pour son second recours, formé contre la décision d'août, ce qui signifie qu'il désire le maintien de la partie de la décision attaquée dans laquelle la division d'examen avait accepté de réviser sa décision de rejet de la demande.
Pour ce qui est du remboursement de la première taxe de recours, le requérant a invoqué deux motifs différents : il a fait valoir d'une part qu'en soi une révision préjudicielle d'une décision en vertu de l'article 109 CBE implique un tel remboursement et, d'autre part, que la procédure devant la division d'examen était en tout état de cause entachée d'un vice substantiel, la division n'ayant pas donné au requérant la possibilité de répondre aux autres objections qu'elle avait formulées. En ce qui concerne ce deuxième motif, le requérant a prétendu que les modifications qu'il avait proposées dans sa réponse à la notification montraient qu'il avait essayé de bonne foi de répondre aux objections soulevées dans ladite notification. Bien qu'il ait attendu le stade du recours pour déposer un nouveau texte modifié de la revendication 1, il ne pouvait lui être reproché d'avoir tenté avec ses premières modifications d'obtenir la protection la plus large possible. Il était donc en droit de recevoir une deuxième notification.
En ce qui concerne le remboursement de la taxe qu'il avait acquittée pour son deuxième recours, le requérant a fait valoir comme motif que le recours qu'il formait à présent était dirigé uniquement contre le refus de la division d'examen de lui rembourser la taxe de recours, taxe qu'il avait acquittée pour le recours qu'il avait formé contre la décision de rejet de la demande prise à l'origine par la division d'examen.
III. En réponse à une notification de la Chambre lui annonçant qu'elle envisagait d'annuler la décision à réviser, celle-ci ayant été prise après l'expiration du délai d'un mois prévu à l'article 109 CBE, le requérant a expressément demandé à la Chambre de ne pas annuler cette décision, car il désirait qu'il soit statué le plus rapidement possible au sujet du remboursement de la taxe de recours, de manière à ce que sa demande puisse aboutir sans plus de retard à la délivrance d'un brevet.
Motifs de la décision
1. Le recours est recevable.
2. Remboursement de la première taxe de recours
2.1 Conditions requises par la règle 67 CBE
Aux termes de la règle 67 CBE, "le remboursement de la taxe de recours est ordonné en cas de révision préjudicielle ou lorsqu'il est fait droit au recours par la chambre de recours, si le remboursement est équitable en raison d'un vice substantiel de procédure."
Replacé dans son contexte, le membre de phrase commençant par les mots "si le remboursement...", s'applique aussi bien à la révision préjudicielle qu'au recours. Il s'ensuit que dans l'un et l'autre cas, le remboursement n'est accordé que s'il existe un vice substantiel de procédure et que si l'organe chargé de statuer, que ce soit la division d'examen ou la chambre de recours, estime, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, que ce remboursement est équitable. Cette conclusion est en accord avec la décision T 79/91 du 21 février 1992 (non publiée) dans laquelle il a été jugé que la révision préjudicielle n'implique pas automatiquement le remboursement des taxes de recours, et aussi avec les avis qui ont été exprimés lors des travaux préparatoires à la CBE (cf. le projet d'article figurant dans le document IV/5569/1/61-F, groupe de travail "Brevets", Bruxelles, 13 novembre 1961 : l'article proposé prévoit que l'instance qui fait droit à un recours peut ordonner le remboursement de la taxe de recours).
L'on trouve une autre confirmation de la conclusion exposée ci-dessus dans les Directives, E-XI, 8, bien que celles-ci ne lient pas les chambres.
Il ne peut par conséquent être fait droit à la requête en remboursement de la première taxe de recours du seul fait qu'il a été décidé la révision de la décision attaquée. La Chambre doit donc examiner s'il existe un vice substantiel de procédure qui rend équitable le remboursement de la taxe de recours.
2.2 Vice de procédure
Pour la Chambre, il ne ressort pas du dossier que la procédure ait été entachée d'un vice substantiel avant la décision du 28 avril 1995 concluant au rejet de la demande ou du fait même de cette décision. Le requérant avait pu prendre position au sujet des objections formulées dans l'unique notification qui lui avait été adressée, ce qu'il n'a fait qu'en partie, ayant attendu le stade du recours pour répondre aux autres objections en proposant des modifications. Même si le demandeur a pu penser que les premières modifications qu'il avait proposées montraient qu'il avait tenté de bonne foi de répondre à certaines de ces objections, et même s'il peut arriver qu'une division d'examen change d'avis au vu simplement des arguments qui ont été avancés, il ne pouvait être certain que la division d'examen changerait d'avis pour ce qui est des autres objections qu'elle avait formulées. Par conséquent, le requérant devait apporter les modifications demandées s'il voulait écarter tout risque de rejet de sa demande et faire en sorte qu'un brevet lui soit délivré sans plus de retard. Eu égard aux faits qui viennent d'être exposés, la division d'examen avait agi correctement lorsqu'elle avait rendu sa décision en l'état du dossier.
Par conséquent, il ne peut être accordé le remboursement de la taxe de recours qui avait été acquittée pour le recours formé contre la décision du 28 avril 1995 rejetant la demande.
3. Révision préjudicielle conformément à l'article 109 CBE
3.1 La Chambre note que ce n'est que le 11 août 1995, c'est-à-dire deux mois environ après le dépôt du recours et du mémoire exposant les motifs du recours, que la division d'examen a décidé de réviser sa décision et de refuser le remboursement demandé par le requérant. Or l'article 109(2) CBE dispose qu'il doit être fait droit au recours dans le délai d'un mois après réception du mémoire exposant les motifs, faute de quoi le recours doit être immédiatement déféré à la chambre de recours.
3.2 La question qui se pose en l'occurrence est de savoir si la première instance cesse dès l'expiration de ce délai d'un mois d'être compétente pour statuer, si bien que toute décision prise après l'expiration de ce délai doit être déclarée nulle ab initio. Comme il s'agit là d'un principe de procédure qui revêt une importance fondamentale pour la sécurité juridique, et notamment pour le public, qui doit pouvoir savoir à quel moment une décision est devenue définitive, la Chambre doit examiner d'office cette question, bien que le requérant ait expressément demandé le maintien de la décision faisant droit au recours.
3.2.1 Il est prévu aux points E-XI, 7 et 9 des Directives que normalement, il n'est possible de faire droit au recours dans ce bref délai d'un mois que si de toute évidence le recours a permis d'écarter toutes les objections qui avaient été soulevées, en ce sens que la première instance peut immédiatement constater que les modifications effectuées par le demandeur répondent aux objections soulevées dans la décision attaquée, c'est-à-dire que le recours est fondé, ou du moins qu'elle n'a plus, avant de prendre la décision de délivrer le brevet, à recontacter le demandeur, en lui adressant des notifications par exemple. Etant donné que le terme anglais "rectification" (allemand "Abhilfe", français "y faire droit") utilisé comme synonyme des termes anglais "correction" ou "amendment" semble impliquer non seulement l'annulation de la décision attaquée, mais également son remplacement par une autre décision, il semble que l'on doive considérer comme correctes les conclusions qui avaient été tirées à cet égard dans les passages des Directives qui ont été cités ci-dessus (annulation par remplacement).
Toutefois, compte tenu de la brièveté du délai prévu par l'article 109(2) CBE, l'on peut également tirer la conclusion inverse, étant donné que dans nombre de cas la première instance ne disposerait pas de suffisamment de temps pour réexaminer l'affaire à la lumière des nouvelles revendications produites ou des derniers faits ou preuves qui ont été invoqués, ce qui pourrait montrer que les auteurs de la Convention entendaient prévoir la possibilité de prendre une décision se bornant à annuler la décision précédente, sans pour autant la remplacer par une décision de délivrer le brevet (simple annulation).
3.2.2 La décision d'annuler la décision d'avril ayant été rédigée sur un formulaire (EPO Form 2702.2), l'on peut en conclure que selon la pratique qui s'est instituée au niveau de la première instance, la décision d'annulation ne doit pas nécessairement être suivie d'une décision de délivrance, si bien que cette décision de délivrance peut même n'être prise qu'après l'expiration du délai d'un mois prévu par l'article 109 CBE. Il est à noter à cet égard qu'une décision de délivrance d'un brevet n'est nullement une décision, mais une déclaration de l'intention de délivrer le brevet, à condition que le demandeur se soit acquitté de toutes les formalités restant à accomplir, conformément à la règle 51 CBE, et ce dans les différents délais qui ont été fixés, par exemple le délai imparti au demandeur pour donner son accord sur le texte dans lequel il est envisagé de délivrer le brevet, délai qui ne peut être inférieur à deux mois, et peut être porté jusqu'à quatre mois, avec une seule prolongation possible pouvant porter ce délai à six mois au maximum. En outre, dans la décision G 7/93 (JO OEB 1994, 775), la Grande Chambre de recours a reconnu au demandeur le droit de changer d'avis et de demander à l'Office de prendre en compte de nouvelles modifications, même après l'envoi d'une notification au titre de la règle 51(6) CBE. Il s'ensuit qu'une décision de révision préjudicielle n'est que la première d'une série d'étapes d'une procédure aboutissant à la délivrance du brevet sous sa forme définitive. Si toutes ces formalités devaient être accomplies dans le délai d'un mois prévu par l'article 109 CBE, la révision préjudicielle d'une décision serait absolument impossible, et l'article 109 serait fort contestable. Ce ne pouvait guère être l'intention des auteurs de la CBE, qui entendaient avec l'institution de la révision préjudicielle créer un moyen rapide et rationnel de parvenir à la délivrance du brevet.
3.3 Toutefois, du point de vue de l'intérêt du public, une révision préjudicielle visant à faire réexaminer la demande constitue une pratique pour le moins discutable. Il est préjudiciable à la sécurité juridique que le public ne sache pas à quoi a abouti la décision de révision préjudicielle et n'apprenne même peut-être qu'au bout de plusieurs années qu'une demande a finalement été rejetée. Sur ce point, la pratique actuelle ne semble pas en accord avec les Directives, cf. ce qui a été exposé ci-dessus au point 3.2 .
Pour leur part, les chambres de recours ont souvent cité l'article 109 CBE, et rappelé que la révision préjudicielle constitue un remède juridique permettant de rationaliser la procédure (cf. par exemple, les décisions T 139/87, JO OEB 1990, 68 et T 47/90, JO OEB 1991, 486). La révision préjudicielle est considérée non pas comme une simple possibilité, mais comme une obligation lorsque - au stade du recours - le demandeur a pu réfuter dans son recours toutes les objections soulevées par la division d'examen. Il s'agirait donc de maintenir un juste équilibre entre l'intérêt du public, qui doit pouvoir être informé rapidement de la suite réservée à une demande, et l'intérêt du demandeur comme de l'OEB à la rationalisation de la procédure. Nonobstant les dispositions de l'article 109 CBE, il se pourrait, dans des circonstances exceptionnelles, qu'il n'y ait pas lieu de considérer une décision de révision préjudicielle comme nulle ab initio du seul fait qu'elle a été prise après l'expiration du délai.
3.4 Par ailleurs, dans la présente affaire, le premier recours formé contre la décision d'avril soulève aussi un autre problème, le requérant ayant formulé une requête en remboursement de la taxe qu'il avait acquittée pour ce recours. Aux termes de l'article 109(2) CBE, s'il n'est pas fait droit au recours dans le délai d'un mois après réception du mémoire exposant les motifs, le recours doit être immédiatement déféré à la chambre de recours, sans avis sur le fond.
Le délai dans lequel il convient de statuer sur une requête en remboursement présentée au titre de la règle 67 CBE ou sur un autre point soulevé dans le cadre d'un recours ne doit pas forcément être le même que celui dans lequel doit être prise la décision de faire ou non droit au recours. Par conséquent, dans cette affaire, la première instance était tenue en fait, en vertu de l'article 109(2) CBE, de se prononcer à part, dans le délai prescrit d'un mois, sur la question de la révision préjudicielle dès qu'elle s'apercevrait qu'il ne lui était pas possible de statuer dans le même délai sur la question du remboursement.
Or il est à signaler en l'occurrence que la première instance a réglé très rapidement la question du remboursement, même si elle l'a fait après l'expiration du délai fixé par l'article 109 CBE. Pour annuler la décision attaquée, se contenter, conformément à l'article 111(1) CBE, de renvoyer l'affaire à l'instance qui a pris la décision attaquée serait une solution qui prendrait du temps et ne serait guère rationnelle, et qui ne serait ni dans l'intérêt du demandeur, qui n'avait pas demandé le renvoi de l'affaire, ni dans celui de l'OEB. Il est peu probable qu'une prolongation d'un mois du délai affecte sérieusement l'intérêt du public. En cas de renvoi de l'affaire, il y a de fortes chances pour que la première instance refasse ce qu'elle avait déjà fait dans la décision attaquée, c'est-à-dire qu'elle revienne sur sa décision initiale de rejet de la demande, ce qui en l'occurrence conduirait, chose absurde, à interpréter à la lettre l'article 109 CBE. Eu égard à la requête formulée à ce sujet par le requérant, la Chambre estime par conséquent, à titre exceptionnel, qu'il y lieu de maintenir la décision faisant droit au recours.
3.5 Afin de prévenir tout malentendu, la Chambre souligne que la conclusion ci-dessus ne revient pas à "allonger" le délai prévu pour la révision préjudicielle ni à laisser à cet égard une marge de manoeuvre. Dorénavant, comme la Chambre l'a rappelé ci-dessus, si le requérant soulève par ailleurs une autre question et que de ce fait il ne soit pas possible de rendre une décision unique dans le délai d'un mois, il devra être pris deux décisions différentes, et l'une d'elles, la décision de révision préjudicielle, devra être rendue dans le délai d'un mois prévu par l'article 109(1) CBE, première phrase.
4. Remboursement de la taxe acquittée pour le présent recours
La Chambre ayant décidé de rejeter la requête en remboursement de la taxe acquittée pour le premier recours (cf. point 2 ci-dessus), et la règle 67 CBE ne prévoyant le remboursement de la taxe que s'il est fait droit au recours, il n'est pas possible d'un point de vue juridique de se prévaloir de cette règle 67 pour réclamer le remboursement de la taxe acquittée pour le présent recours.
Dispositif
Par ces motifs, il est statué comme suit :
Le recours est rejeté.