CHAMBRES DE RECOURS
Décisions des Chambres de recours techniques
Décision de la Chambre de recours technique 3.3.1, en date du 26 mars 1996 - T 840/94 - 3.3.1
(Traduction)
Composition de la Chambre :
Président : | J. A. Nuss |
Membres : | R. E. Teschemacher |
R. K. Spangenberg |
Titulaire du brevet/requérant : Union Camp Corporation
Opposant/intimé : Akzo N.V.
Référence : Révocation/UNION CAMP
Article : 108, 122(2) CBE
Règle : 81(1) CBE
Mot-clé : "Restitutio in integrum" - "Cessation de l'empêchement" - "Instructions de ne pas transmettre les informations sur les procédures en instance"
Sommaire
Si une partie donne au mandataire agréé pour instructions de ne pas transmettre les notifications ultérieures de l'OEB, elle ne peut se prévaloir de ce qu'elle n'a pas eu connaissance des informations communiquées au mandataire agréé et nécessaires pour poursuivre la procédure.
Exposé des faits et conclusions
I. La division d'opposition a révoqué le brevet n° 0 270 774 par décision en date du 10 février 1994, le titulaire du brevet ayant déclaré qu'il n'était plus d'accord sur le texte dans lequel le brevet avait été délivré.
II. Le titulaire du brevet a présenté une requête en restitutio in integrum et formé un recours le 14 octobre 1994, en acquittant le même jour les taxes correspondantes.
III. Le requérant (titulaire du brevet) a allégué qu'il s'était rendu compte de la perte du brevet le 22 août 1994, après avoir chargé son représentant américain de payer les taxes annuelles pour les Etats restant désignés dans le brevet européen après l'abandon de la partie allemande. Les instructions selon lesquelles le brevet européen devait être abandonné avaient été données par M. W., le conseil en brevets interne du requérant, qui était compétent pour cette affaire. Or, M. W. n'était pas habilité à prendre cette décision lui-même, mais devait se conformer aux décisions du directeur du service Produits chimiques du requérant, qui avait décidé d'abandonner le brevet uniquement pour l'Allemagne. Cela a été confirmé en particulier par la production, le 7 novembre 1994, de déclarations faites sous serment par le représentant américain du requérant et le conseil en propriété intellectuelle employé par le requérant.
IV. Répondant au greffe, le requérant a marqué son accord, par télécopie en date du 2 novembre 1994, sur le texte que la division d'opposition lui avait notifié conformément à la règle 58 (4) CBE.
V. En réponse à une notification du rapporteur et au cours de la procédure orale qui a eu lieu le 26 mars 1996, le requérant a invoqué de nouveaux moyens et produit une nouvelle déclaration sous serment, faite par son représentant américain.
VI. En ce qui concerne le délai de présentation de la requête en restitutio in integrum, il a été soutenu que le requérant n'avait pas été en mesure de présenter cette requête plus tôt. En effet, le mandataire agréé européen, se fondant sur les instructions qui se sont par la suite révélées erronées, selon lesquelles il devait abandonner le brevet européen et ne pas encourir d'autres frais, ne lui avait transmis ni la décision de révocation ni aucune autre information de la part de l'OEB. Après avoir reçu du représentant américain la déclaration du demandeur relative à l'abandon du brevet européen pour l'Allemagne, le mandataire agréé s'est enquis auprès du représentant américain si toutes les désignations nationales du brevet devaient être abandonnées. Le représentant américain a ensuite téléphoné à M. W. pour prendre ses instructions, et celui-ci lui a répondu par l'affirmative. Le représentant américain a transmis ces instructions par lettre au mandataire agréé.
VII. En recevant ces instructions, le représentant américain avait supposé qu'elles avaient été données avec l'accord du directeur du service Produits chimiques du requérant. A sa connaissance, M. W. n'avait auparavant jamais abandonné une demande de brevet sans l'accord préalable du gestionnaire compétent du requérant. M. W. ayant agi sans y être habilité et en outrepassant ses pouvoirs, sa déclaration ne pouvait engager juridiquement le requérant. Dans les relations du représentant américain avec le requérant, il était de règle que le représentant agisse sur instructions orales de M. W. et que toute confirmation écrite ultérieure n'était donnée qu'aux seules fins d'archivage.
VIII. Le mandataire agréé a déclaré qu'il ne lui avait pas été expressément demandé de ne pas transmettre les notifications ultérieures de l'OEB. Toutefois, vu son expérience antérieure, il ressortait clairement des instructions du requérant que le brevet n'intéressait plus ce dernier et qu'il ne souhaitait plus recevoir de correspondance à ce sujet.
IX. Le requérant a demandé à être rétabli dans ses droits et que la décision de révocation du brevet soit annulée.
A titre subsidiaire, il a demandé que la déclaration reçue le 3 février 1994, par laquelle il avait marqué son désaccord, soit corrigée en ce sens qu'il approuve le texte proposé.
X. L'intimé (opposant) a soutenu, sans présenter formellement de requête, que le recours était irrecevable, au motif que la décision attaquée était conforme à ce que le requérant avait demandé.
Motifs de la décision
1. Le recours a été formé après l'expiration du délai de deux mois à compter de la notification de la décision attaquée. La Chambre ne peut donc statuer sur le fond que si le requérant peut être rétabli dans ses droits quant au délai en vertu de l'article 108, première phrase CBE.
2. La requête en restitutio in integrum doit être présentée dans un délai de deux mois à compter de la cessation de l'empêchement (art. 122 (2), première phrase CBE). Dans le cas d'une erreur de fait concernant le délai devant être observé, l'empêchement cesse, selon la jurisprudence constante des chambres de recours, à partir de la date à laquelle le demandeur ou son représentant aurait dû découvrir l'erreur (J 27/90, JO OEB 1993, 422, point 2.4 des motifs).
3. Selon les moyens invoqués en l'espèce, le mandataire agréé européen ignorait que le brevet européen ne devait pas être abandonné, alors que le requérant ignorait que le brevet avait été révoqué. Le requérant en a conclu que l'empêchement n'avait cessé que lorsqu'il s'était aperçu effectivement de la perte du brevet le 22 août 1994.
La Chambre ne saurait partager ce point de vue. Le fait que le requérant n'ait pas disposé des informations résultait d'un arrangement entre lui et ses représentants. L'OEB a communiqué les informations nécessaires au requérant par voie de significations faites à son mandataire agréé, conformément à la règle 81 (1) CBE. Si l'information sur le cours de la procédure est dûment communiquée, la partie peut ou non en prendre note. Si elle décide délibérément de ne pas en prendre note, elle ne peut faire valoir par la suite qu'elle n'avait pas eu connaissance de certains éléments nécessaires à la poursuite de la procédure.
4. La Chambre n'a pas de raison de douter que la façon dont le mandataire agréé avait compris les instructions du requérant, selon lesquelles il ne devait pas encourir d'autres frais, ait été conforme à l'intention sous-tendant ces instructions (voir points VI à VIII supra). Il n'y a toutefois pas lieu d'examiner plus avant la question de savoir si le mandataire agréé avait correctement interprété les instructions de son client. Même s'il les avait mal interprétées, cela ne servirait en rien la cause du requérant. S'il y avait le moindre doute quant à la question de savoir si le mandataire agréé devait ou ne devait pas retenir les notifications ultérieures de l'OEB, c'est au requérant qu'il incombait de le lever.
5. L'allégation du requérant, selon laquelle M.W. n'était pas habilité à abandonner le brevet, ne peut avoir pour conséquence juridique que les instructions qu'il a données au mandataire agréé par l'intermédiaire du représentant américain n'étaient pas pertinentes et qu'elles ne l'engageaient donc pas. Le représentant américain était autorisé à agir sur instructions de M. W. et de transmettre ces instructions au mandataire agréé. Il n'était pas nécessaire que le représentant américain s'assure que M. W. avait agi avec l'accord des dirigeants compétents dans son entreprise. Au contraire, M. W. était censé ne pas abandonner le brevet sans avoir reçu d'instructions à cet effet ou sans l'accord du directeur compétent. Cette exigence n'a cependant pas affecté les relations du requérant et de M. W. avec les représentants. Etant donné que le requérant a, de manière générale, autorisé ses représentants à agir sans restriction sur instructions de M. W., les instructions données par ce dernier doivent en l'espèce être également attribuées au requérant.
6. En résumé, le fait que le requérant n'ait pas été informé de la révocation du brevet est une conséquence directe de ses propres instructions. Les informations qui lui avaient été adressées auraient dû lui permettre de se rendre compte de la perte du brevet après la décision de révocation. Aussi la requête en restitutio in integrum n'a-t-elle pas été présentée dans le délai visé à l'article 122 (2), première phrase CBE. Il s'ensuit que le recours n'a pas été formé dans le délai visé à l'article 108, première phrase CBE. Le recours étant irrecevable pour cette raison, il n'y a pas lieu d'examiner si la décision attaquée, qui était conforme à ce que le représentant du requérant avait demandé, n'avait pas fait droit aux prétentions de ce dernier, conformément à l'article 107, première phrase CBE.
7. En l'absence de recours recevable, il n'y a pas de procédure en instance dans laquelle la Chambre peut examiner au fond la requête en rectification.
Dispositif
Par ces motifs, il est statué comme suit :
1. La requête en restitutio in integrum est rejetée comme irrecevable.
2. Le recours est rejeté comme irrecevable.