CHAMBRES DE RECOURS
Décisions de la Chambres de recours statuant en matière disciplinaire
Décision de la Chambre de recours statuant en matière disciplinaire, en date du 17 mai 1995 - D 1/94
(Traduction)
Composition de la Chambre :
Président : | J.-C. Saisset |
Membres : | M. Lewenton |
L.C. Mancini | |
J. Neukom | |
L. de Bruijn |
Référence : Pouvoir d'examen de la Chambre de recours statuant en matière disciplinaire
Article : 11(3) du règlement relatif à l'examen européen de qualification des mandataires agréés près l'Office européen des brevets.
Mot-clé: "Pouvoir de la Chambre de recours statuant en matière disciplinaire" - "Erreurs de traduction"
Sommaire
I. Dans les litiges au sujet de l'examen de qualification, la Chambre de recours statuant en matière disciplinaire n'a compétence que pour vérifier si, dans ses décisions, le jury d'examen a correctement appliqué le règlement relatif à l'examen européen de qualification des mandataires agréés près de l'Office européen des brevets (REE), ses dispositions d'exécution ou des dispositions qui prévalent. Les fautes alléguées par le requérant ne peuvent être prises en considération que s'il s'agit de fautes graves et manifestes commises dans le cadre de l'examen. Ces fautes doivent avoir été de nature à influer sur la décision attaquée, en ce sens que la décision aurait été différente si elles n'avaient pas été commises (confirmation des décisions antérieures D 1/92, JO OEB 1993, 357 et D 6/92, JO OEB 1993, 361).
II. Une erreur de traduction peut être considérée comme une faute grave et manifeste susceptible de constituer une infraction à l'article 11(3) REE dans la mesure où il est admis dans cet article que la traduction dans l'une des trois langues officielles de l'OEB de la réponse rédigée par le candidat dans la langue de son choix est parfaitement correcte. Dans sa décision, le jury d'examen doit donc expliquer pour quels motifs il considère que les erreurs de traduction qui ont été commises ne constituent pas une faute grave au sens qui a été indiqué plus haut.
Exposé des faits et conclusions
I. Le requérant s'est présenté à l'examen européen de qualification des mandataires agréés qui s'est tenu à l'Office européen des brevets du 31 mars au 2 avril 1993.
II. Par lettre recommandée en date du 7 octobre 1993, le président du jury de l'examen européen de qualification, dénommé ci-après "le jury d'examen", a notifié au requérant les notes que celui-ci avait obtenues aux quatre épreuves ; ces notes étaient les suivantes:
Epreuve A : 4 (passable)
Epreuve B : 4 (passable)
Epreuve C : 5 (insuffisant)
Epreuve D : 5 (insuffisant)
Le requérant a été avisé qu'il avait été ajourné à l'examen européen de qualification, mais qu'il pourrait présenter une nouvelle demande d'inscription pour une prochaine session.
III. Le 6 décembre 1993, le requérant a formé un recours, demandant que la décision susmentionnée soit annulée et qu'il soit reconnu qu'il avait été reçu à l'examen. A titre subsidiaire, le requérant a sollicité la tenue d'une procédure orale.
Dans les mémoires exposant les motifs de son recours, datés du 17 janvier 1994, du
7 octobre 1994 et du 11 janvier 1995, le requérant a essentiellement fait valoir que les notes qui lui avaient été attribuées pour les épreuves C et D étaient trop basses. A son avis, les examinateurs avaient été influencés défavorablement par les erreurs manifestes qui avaient été commises dans la traduction de ses réponses de l'italien vers l'anglais, si bien que les articles 11 et 12 REE ainsi que les dispositions d'exécution correspondantes n'avaient pas été appliqués correctement. Si la traduction avait été correcte, et si les copies que le candidat avait remises pour les épreuves en question avaient été notées avec soin, le requérant aurait pu obtenir de meilleures notes et donc être reçu à l'examen.
IV. Le 25 mars 1994, le jury d'examen a décidé de ne pas revenir sur sa décision, et a saisi de l'affaire la Chambre de recours statuant en matière disciplinaire.
V. Le Président du Conseil de l'Institut des mandataires agréés près l'OEB et le Président de l'OEB qui ont été consultés en vertu de l'article 12 du règlement en matière de discipline des mandataires agréés ensemble l'article 23(4) REE n'ont présenté aucune observation au sujet du présent recours.
VI. Une procédure orale s'est tenue le 17 mai 1995. Le Président de l'OEB était représenté par Mme A. Decroix.
Le requérant a demandé que la décision du jury d'examen soit annulée, qu'il lui soit attribué la note 4 pour les épreuves C et D, et qu'il soit considéré qu'il avait passé l'ensemble de l'examen avec succès (requête principale).
A titre subsidiaire, il a demandé :
- que l'on applique l'article 12(3) REE ensemble le point IX(a) des dispositions d'exécution visées à l'article 12 REE ;
- que la Chambre annule la décision attaquée comme étant mal fondée et qu'elle renvoie l'affaire devant le jury d'examen pour qu'il revoie son cas ;
ou
- que la question suivante soit soumise à la Grande Chambre de recours :
"Est-il correct que le jury d'examen ne précise pas pour quels motifs il confirme sa première décision, notamment si, lors de sa première décision, il a pu être influencé par une traduction erronée des réponses remises par le candidat ?"
Motifs de la décision
1. Le recours satisfait aux conditions requises à l'article 23(2) REE ; il est donc recevable.
2. Dans une notification adressée au requérant le 1er août 1994, la Chambre a signalé que dans les litiges au sujet de l'examen européen de qualification des mandataires agréés près l'OEB, elle n'avait compétence que pour vérifier si, dans sa décision, le jury d'examen avait correctement appliqué le REE, ses dispositions d'exécution ou des dispositions prévalant sur ces textes. Il ressort de la jurisprudence de la Chambre de recours statuant en matière disciplinaire que la Chambre n'a pas à revoir sur le fond l'ensemble de la procédure d'examen, et qu'elle ne doit prendre en considération les fautes alléguées par le requérant que s'il s'agit de fautes graves et manifestes commises dans le cadre de l'examen. Ces fautes doivent avoir été de nature à influer sur la décision attaquée, en ce sens que la décision aurait été différente si elles n'avaient pas été commises.
3. Dans l'affaire en cause, les erreurs de traduction qui ont été commises sont susceptibles de constituer une violation des dispositions de l'article 11(3) REE, qui partent du principe que la traduction en anglais des réponses données par le candidat dans la langue de son choix est parfaitement correcte. Toutefois, la Chambre n'est pas en mesure d'établir en l'occurrence si ces erreurs de traduction sont "graves" et si elles étaient de nature à influer sur la décision du jury d'examen (au sens où l'entend la jurisprudence précitée), comme le prétend le requérant.
4. Dans la décision du jury d'examen en date du 25 mars 1994, il est simplement indiqué que le jury "a examiné les erreurs de traduction invoquées par le requérant et a conclu que les notes qui avaient été attribuées étaient correctes". La Chambre estime que cette déclaration n'expose pas de manière suffisante les motifs de la décision. Lorsqu'il est manifeste que les dispositions de l'article 11(3) REE n'ont pas été respectées, le jury d'examen devrait faire connaître, en exposant ses motifs, si les erreurs de traduction doivent être considérées comme des fautes graves et s'il aurait pris une décision favorable au requérant, dans le cas où la traduction des réponses de celui-ci aurait été correcte.
5. De toute évidence, il ne s'agit donc pas dans cette affaire d'un grief comme celui qui est habituellement formulé à l'encontre du jury d'examen, qui, lorsqu'il a attribué à un candidat des notes que celui-ci juge trop basses, est bien souvent accusé par ledit candidat de n'avoir pas respecté les dispositions applicables. Les allégations de ce genre visent normalement des jugements "de valeur" émis par le jury d'examen, lesquels, en principe, ne peuvent faire l'objet d'un contrôle par un juge. En revanche, dans la présente affaire, il peut être démontré que les dispositions applicables n'ont pas été respectées et, en vertu d'un principe fondamental du droit énoncé entre autres à l'article 113(1) CBE, le requérant devrait savoir pour quels motifs précis a été prise la décision qu'il juge "erronée", autrement dit, le jury d'examen aurait dû lui expliquer pourquoi la décision qu'il avait prise en violation de ces dispositions était néanmoins "correcte".
6. La décision prise le 25 mars 1994 par le jury d'examen n'ayant pas été motivée, la Chambre n'est pas en mesure de statuer sur les différentes requêtes de la requérante, et l'affaire doit être renvoyée devant la première instance. La Chambre tient à rappeler à ce propos qu'il importe, pour éviter les erreurs de traduction, que le jury d'examen prenne toutes les mesures que l'on est raisonnablement en droit d'attendre à cet égard, et qu'il les applique avec toute la diligence nécessaire.
Dispositif
Par ces motifs, il est statué comme suit :
L'affaire est renvoyée devant le jury d'examen, à charge pour celui-ci d'exposer les motifs de la décision qu'il a prise le 25 mars 1994.