CHAMBRES DE RECOURS
Décisions des Chambres de recours techniques
Décision de la Chambre de recours technique 3.3.3, en date du 15 septembre 1995 - T 276/93 - 3.3.3*
(Traduction)
Composition de la Chambre :
Président : | C.R.J. Gérardin |
Membres : | J.A. Stephens-Ofner |
H.H.R. Fessel |
Titulaire du brevet/intimé : GE Chemicals, INC.
Opposant/requérant : Bayer AG, Leverkusen Konzernverwaltung RP Patente Konzern
Référence : Applicabilité de la règle 71bis CBE aux chambres de recours
Article : 23(3), 23(4), 33(1)b), 164(2) CBE ; 11(2) du règlement de procédure des chambres de recours
Mot-clé : Applicabilité de la règle 71bis CBE aux chambres de recours
Sommaire
Les questions de droit suivantes sont soumises à la Grande Chambre de recours conformément à l'article 112(1)a) CBE :
I. Le Conseil d'administration a-t-il compétence en vertu de l'article 33(1)b) CBE pour modifier une règle de procédure des chambres de recours qu'il avait arrêtée en application des pouvoirs spéciaux que lui confère l'article 23(4) CBE ?
II. Dans l'affirmative, dans quelle mesure l'article 23(3) CBE limite-t-il, s'il le peut, les modifications que le Conseil d'administration peut ainsi apporter ?
Exposé des faits et conclusions
I. Par décision en date du 1er février 1993, la division d'opposition a maintenu sous sa forme modifiée le brevet européen n° 0 197 728 délivré à GE Chemicals Inc..
II. Le requérant (opposant), Bayer AG, a formé un recours contre cette décision et déposé son acte de recours le 19 mars 1993, en acquittant la taxe prévue, ainsi que son mémoire exposant les motifs du recours le 12 mai 1993. Par lettre en date du 29 novembre 1993, l'intimé (titulaire du brevet) a répondu en détail à l'exposé, aux preuves et aux arguments du requérant ; le requérant a répliqué le 16 décembre 1993.
III. La nature et la portée de la seule question, c.-à-d. l'évidence, qui appelle une décision de la Chambre est présentée de manière complète et compréhensible dans l'exposé, les preuves et les arguments que les deux parties ont soumis jusque-là par écrit.
IV. Puisque la décision de la Chambre devra être rendue sur ce seul point et se fonder sur les documents écrits soumis jusque-là ainsi que sur les arguments pertinents avancés au cours de la procédure orale pour les expliquer ou les développer, la Chambre ne voit rien qui doive, ni ne devrait, être communiqué aux parties à ce stade afin soit d'accélérer la procédure, soit de clarifier l'un quelconque des points faisant l'objet du recours. Il n'y a donc aucune raison de se conformer aux dispositions de la règle 71bis CBE, entrée en vigueur le 1er juin 1995, selon laquelle il est obligatoire d'envoyer une telle notification avec la citation à une procédure orale. De l'avis de la Chambre, l'affaire est en état d'être instruite en audience, si bien que la seule chose requise est une citation officielle à la procédure orale.
Motifs de la décision
1. Le recours est recevable.
2. Avant l'adoption de la règle 71bis CBE, la cause, en l'état indiqué, n'aurait pas posé de difficulté, vu l'article 11(2) du règlement de procédure des chambres de recours, dûment arrêté par le Conseil d'administration en 1980 en vertu des pouvoirs spéciaux que lui confère l'article 23(4) CBE et les règles 10 et 11 CBE.
3. L'article 11(2) du règlement de procédure des chambres de recours prévoit qu'"en convoquant les parties à une procédure orale, la chambre peut leur notifier les points qui semblent avoir une importance particulière, le fait que certaines questions ne semblent plus être litigieuses ou faire des observations pouvant aider à concentrer la procédure sur les points essentiels".
La règle 10(2) CBE précise l'instance, à savoir le Praesidium, qui seule a compétence pour déterminer la procédure des chambres de recours en vertu de la règle 11 CBE.
4. Les deux règles susmentionnées donnent effet à l'article 23(3) et (4) CBE, dont les dispositions conjointes établissent la base législative de l'indépendance des membres des chambres de recours et donc des chambres elles-mêmes. En particulier, l'article 23(3), prévoit que "dans leurs décisions, les membres des chambres de recours ne sont liés par aucune instruction et ne doivent se conformer qu'aux seules dispositions de la présente convention", tandis que l'article 23(4) énonce que "les règlements de procédure des chambres de recours et de la Grande Chambre de recours sont arrêtés conformément aux dispositions du règlement d'exécution. Ils sont soumis à l'approbation du Conseil d'administration".
Le texte de l'article 23(3) et (4) a un caractère obligatoire dans les trois langues officielles. Les dispositions combinées de l'article 23(4) et des règles 10 et 11 CBE prévoient notamment un pouvoir spécial, dérogeant au pouvoir général que l'article 33(1)b) CBE confère au Conseil d'administration. Il s'ensuit que, une fois le règlement de procédure des chambres de recours adopté en vertu de ce pouvoir spécial et dans le cadre de la procédure susmentionnée, il ne peut être valablement modifié ou abrogé qu'en exerçant le même pouvoir spécial et dans le cadre de la même procédure, puisque les dispositions spéciales dérogent aux dispositions générales : "Specialia generalibus derogant".
5. La règle 71bis CBE a été adoptée par le Conseil d'administration en vertu de ses pouvoirs généraux, et non de ses pouvoirs spéciaux. Elle prévoit que "dans la citation, l'Office européen des brevets signale les questions qu'il juge nécessaire d'examiner aux fins de la décision à rendre. En même temps, il fixe une date jusqu'à laquelle des documents peuvent être produits en vue de la préparation de la procédure orale ...". Il est évident que la règle 71bis CBE a un caractère obligatoire, alors que l'article 11(2) du règlement de procédure des chambres de recours confère aux chambres un pouvoir d'appréciation en ce qui concerne l'envoi de notifications avec la citation. Il est clair que ces deux dispositions procédurales sont en contradiction directe, la première abolissant le pouvoir d'appréciation conféré par la seconde.
6. A la lumière de cette divergence entre deux dispositions, l'article 164(2) CBE a, de l'avis de la chambre, un caractère décisif, puisqu'il prévoit qu'"en cas de divergence entre le texte de la présente convention et le texte du règlement d'exécution, le premier de ces textes fait foi". En l'espèce, la disposition dont la règle 71bis CBE diverge du fait de l'abolition du pouvoir d'appréciation conféré par le règlement de procédure des chambres de recours est l'article 23(4) CBE, qui prévoit les pouvoirs spéciaux en vertu desquels le règlement de procédure des chambres de recours a été adopté.
7. Ainsi se pose la question de droit de savoir si le Conseil d'administration peut, dans l'exercice des pouvoirs généraux que lui confère l'article 33(1)b) CBE, déroger à une règle de procédure qu'il avait légalement arrêtée en vertu des pouvoirs spéciaux qu'il tient de l'article 23(4) CBE tel que mis en oeuvre par les règles 10 et 11 CBE, ou l'abroger. Ce point de droit présente des aspects tant juridiques qu'essentiellement pratiques, ce qui lui confère une importance fondamentale au sens de l'article 112(1) CBE. L'importance de cette question tient aux raisons suivantes :
a) La nouvelle règle 71bis CBE contrevient à l'indépendance des chambres de recours, dérivée de l'indépendance de leurs membres, comme cela est expressément prévu à l'article 23(3) CBE. Cette indépendance ne peut être dissociée de la manière dont elle est exercée habituellement au cours du processus décisionnel.
b) L'applicabilité de la règle 71bis CBE aux chambres de recours fait l'objet d'interprétations divergentes par les chambres. Un tel manque de cohérence en matière de procédure nuit nécessairement à la réputation des chambres.
Dispositif
Par ces motifs, il est statué comme suit :
Les questions de droit suivantes sont soumises à la Grande Chambre de recours conformément à l'article 112(1)a) CBE :
1. Le Conseil d'administration a-t-il compétence en vertu de l'article 33(1)b) CBE pour modifier une règle de procédure des chambres de recours qu'il avait arrêtée en application des pouvoirs spéciaux que lui confère l'article 23(4) CBE ?
2. Dans l'affirmative, dans quelle mesure l'article 23(3) CBE limite-t-il, s'il le peut, les modifications que le Conseil d'administration peut ainsi apporter ?