DÉCISIONS DES DIVISIONS D'EXAMEN ET D'OPPOSITION
Décision de la division d'examen 125, en date du 5 juin 198412
Articles 24, 25, et 48 du PCT
Sommaire
I. L'OEB agissant en tant qu'office désigné peut excuser la non-observation de délais qui ont été impartis par l'Office récepteur conformément à l'article 14 (1) (b) ensemble la règle 26.2 du PCT pour la correction d'irrégularités formelles (articles 24 (2) et 48 (2) (a) du PCT).
II. Le déposant doit accomplir les actes suivants dans un délai de deux mois, tel que prévu à la règle 51 du PCT:
a) demander au Bureau international d'adresser des copies de tout document contenu dans le dossier à l'OEB agissant en tant qu'office désigné (article 25 (1) (a) du PCT) :
b) payer à l'OEB la taxe nationale (au sens large, à savoir la taxe nationale, les taxes de désignation et la taxe de recherche pour l'établissement du rapport de recherche européenne : règle 104ter (1) de la CBE) et, le cas échéant, déposer une traduction de la demande internationale (article 25 (2) (a) du PCT).
c) présenter à l'OEB conformément à l'article 121 de la CBE une requête en poursuite de la procédure de la demande, payer la taxe et accomplir l'acte omis.
Décision
Il est fait droit à la requête de la demanderesse en date du 24 novembre 1983 visant à la revision de la décision rendue par l'Office japonais des brevets, Office récepteur, qui avait considéré la demande internationale comme retirée, et à la requête en date du 29 février 1984 visant à obtenir la restitutio in integrum quant au délai fixé pour la présentation de la requête en poursuite de la procédure.
Les effets en tant que demande de brevet européen (n° 83 902 449.4) produits pour la France par la demande internationale PCT/JP 83/00250 sont maintenus en vertu des dispositions combinées des articles 24.2) et 25 du PCT, de la règle 51, paragraphes 1 et 3 et de l'article 48.2) a) du PCT ainsi que des articles 121 et 122 de la CBE. La demande est transmise à la Section de dépôt aux fins de poursuite de la procédure.
Exposé des faits
I. La demande internationale a été déposée le 2 août 1983 auprès de l'Office japonais des brevets agissant en qualité d'Office récepteur. Elle revendiquait la priorité d'un premier dépôt japonais en date du 27 juillet 1983. Entre autres pays, la France était désignée dans la demande. Le formulaire de requête avait été signé par le mandataire. Le 8 août 1983, l'Office récepteur a invité la demanderesse à déposer un pouvoir pour le mandataire dans un délai qui expirait le 8 septembre 1983 (règle 80.2 du PCT). Le pouvoir a été déposé auprès de l'Office japonais le 9 septembre 1983, autrement dit avec un jour de retard.
Le 3 octobre 1983, l'Office récepteur a déclaré que la demande internationale était considérée comme retirée au motif que le pouvoir n'avait pas été reçu dans le délai prescrit (article 14.1) a) et b), règle 26.2 du PCT), ce qui a mis fin au traitement normal de la demande internationale dans la phase internationale.
II. La demanderesse a alors tenté de faire maintenir les effets de la demande internationale, notamment pour la France, Etat pour lequel l'OEB était l'Office désigné. Le 17 octobre, elle a déposé auprès du Bureau international à Genève une requête dans laquelle elle demandait à celui-ci de faire parvenir à l'OEB, Office désigné, des copies des pièces de la demande internationale conformément à l'article 25.1) du PCT, ce qui fut fait à cette même date.
Le 28 novembre 1983, la demanderesse a déposé une traduction de la demande et le pouvoir auprès de l'OEB et a acquitté la taxe nationale (taxe de dépôt) ainsi que la taxe de désignation pour la France.
La taxe de recherche n'a pas été intégralement acquittée, mais la demanderesse a versé ultérieurement les 20% manquants de cette taxe, ainsi que la surtaxe de 50%, conformément à la règle 85bis de la CBE.
III. Par une lettre datée du 29 février 1984 (reçue le 2 mars 1984), la demanderesse a présenté une requête en poursuite de la procédure relative à la demande internationale et a demandé l'annulation de l'effet juridique produit par le non-respect du délai prescrit pour le dépôt du pouvoir auprès de l'Office récepteur, à savoir l'Office japonais. Elle a présenté en même temps une requête en restitutio in integrum quant au délai de deux mois fixé pour la présentation de la requête en poursuite de la procédure (article 121 de la CBE) et a acquitté les taxes correspondantes le 2 mars 1984.
Motifs
I. Aux termes de l'article 24.1) ii) du PCT, les effets de la demande internationale prévus à l'article 11.3) du PCT cessent dans tout Etat désigné et cette cessation a les mêmes conséquences que le retrait d'une demande nationale dans cet Etat, notamment si la demande internationale est considérée comme retirée en raison de l'article 14.1) b) du PCT. Cet effet juridique a été produit par la notification établie le 3 octobre 1983 par l'Office japonais des brevets agissant en qualité d'Office récepteur. Toutefois l'OEB, étant l'Office désigné, doit vérifier s'il n'existe pas dans le PCT des dispositions, applicables au titre de l'article 150 (2) de la CBE, qui prescrivent la poursuite de la procédure.
Lorsque les conditions prévues à l'article 25.2) du PCT sont remplies, tout office désigné est tenu de maintenir les effets de la demande internationale en tant que demande de brevet nationale (régionale) visés à l'article 11.3) du PCT. Outre cette obligation, l'office désigné peut maintenir ces effets pour d'autres motifs (article 24.2) du PCT). Il n'est pas interdit aux offices désignés d'accorder au demandeur un traitement plus favorable que celui résultant des droits conférés par le PCT.
2. L'article 25.2) du PCT dispose que l'office désigné doit réviser la décision de l'office récepteur et maintenir les effets de la demande si la décision "est le résultat d'une erreur ou d'une omission". Cette disposition n'est pas applicable en l'espèce, étant donné que l'Office japonais des brevets, agissant en qualité d'Office récepteur, a constaté avec raison que le pouvoir avait été déposé après l'expiration du délai prescrit. C'est donc à juste titre qu'il a déclaré que la demande était réputée retirée.
3. Reste à examiner si les conditions requises pour l'application de l'article 24.2) du PCT sont remplies. Aux termes de cet article, les offices désignés peuvent maintenir les effets de la demande internationale en tant que demande nationale. L'exercice de leur pouvoir d'appréciation est régi en premier lieu par la législation nationale de l'Etat de l'office désigné. Mais il n'est pas impossible non plus que, considérées dans leur contexte, d'autres dispositions du PCT donnent des indications particulières pour l'exercice du pouvoir d'appréciation prévu à l'article 24.2) du PCT. Dans certains cas, ces indications peuvent être précises au point de limiter ce pouvoir d'appréciation et de faire obligation à l'office désigné de maintenir les effets de la demande internationale.
Aux termes de l'article 48.2) a) du PCT, tout Etat contractant doit, pour ce qui le concerne, excuser pour des motifs admis par sa législation nationale tout retard dans l'observation d'un délai. A cet égard, un Etat contractant est réputé "concerné" et son office est tenu, en qualité d'office désigné, de traiter la demande internationale en conséquence, lorsque les effets d'un dépôt national (régional) conférés à cette demande en vertu de l'article 11.3) du PCT cessent pour cet Etat. La portée territoriale de la demande internationale constitue un élément clé pour l'interprétation de l'expression "pour ce qui le concerne" figurant à l'article 48.2) a) du PCT. Le critère sur lequel doit se fonder l'administration de l'Etat contractant, à savoir l'existence de "motifs admis par sa législation nationale", est suffisamment précis pour pouvoir être directement appliqué, même en l'absence de règlement d'exécution au niveau national. S'il existe des motifs admis par sa législation nationale (régionale) visés à l'article 48.2) a) du PCT, l'office désigné doit "excuser" tout retard dans l'observation d'un quelconque délai.
La notion de "délai" englobe tous les délais que le demandeur doit veiller à respecter, conformément aux dispositions du PCT, y compris les délais à observer vis-à-vis de l'office récepteur. En l'absence de remèdes juridiques suffisants dans la phase internationale, l'article 48.2) a) du PCT revêt une importance fondamentale pour la sécurité juridique de la voie du PCT et doit par conséquent être interprété au sens large (cf. décision de la chambre de recours juridique J 05/80, JO n° 9/1981, p 343). Pour satisfaire à l'obligation d'"excuser" le retard dans l'observation d'un délai vis-à-vis de l'office récepteur, l'office désigné doit, quant à lui, faire usage de la faculté qui lui est donnée aux termes de l'article 24.2) du PCT. A cet égard, l'article 24.2) ne relève pas du pouvoir d'appréciation; il sert de fondement et règle le mécanisme de la procédure à suivre pour s'acquitter de l'obligation prévue à l'article 48.2) a) du PCT.
4. La référence faite à l'article 24.2) du PCT aux dispositions de l'article 25 du PCT (cf. les termes "... même lorsqu'il n'est pas exigé que de tels effets soient maintenus en raison de l'article 25.2)") permet indirectement de savoir quelles sont les conditions générales de procédure à remplir pour l'application de cet article 24.2). L'article 24.2) du PCT ne précise pas comment doit s'effectuer l'entrée dans la phase nationale (régionale) auprès de l'OEB agissant en tant qu'Office désigné. Il convient donc de considérer cette disposition comme un des cas d'application de l'article 25.2) du PCT, distinct du cas dans lequel il est constaté que la décision contestée prononcant le retrait de la demande internationale est le résultat d'une erreur ou d'une omission.
Les conditions relatives à la procédure, à savoir a) la présentation de la requête par le demandeur dans le délai prescrit par l'article 25.1) c) et par la règle 51.1 du PCT et b) le respect des conditions énoncées à l'article 25.2) a) du PCT qui sont requises au niveau national pour l'entrée dans la phase nationale (régionale) (à savoir paiement de la taxe nationale dans le délai prescrit — règle 51.3 du PCT — et, comme c'est le cas en l'espèce, dépôt d'une traduction) doivent donc être remplies.
5. Par sa requête en date du 17 octobre 1983 adressée au Bureau international à Genève, la demanderesse s'est conformée aux dispositions de l'article 25.1) et de la règle 51.1 du PCT. En outre, elle a, dans le délai prescrit (article 25.2) a) et règle 51.3 du PCT), remis la traduction de la demande internationale à l'OEB, Office désigné. Elle a par ailleurs acquitté dans ce délai une partie de la taxe nationale et acquitté l'autre partie — assortie d'une surtaxe — dans le délai supplémentaire accordé par la CBE dans des situations comparables (règle 85bis de la CBE).
6. Pour déterminer si, comme il est requis à l'article 48.2) du PCT, il existe des motifs admis par la CBE — qui est la "législation nationale" applicable devant l'OEB, en vertu de l'article 2.x) du PCT— "excusant" tout retard dans l'observation d'un délai, il convient de comparer les étapes de la procédure prévues par le PCT et celles prévues par la CBE.
Si l'on constate qu'il existe des similitudes avec la CBE, le déposant au titre du PCT doit bénéficier d'une protection équivalente et, dans des circonstances similaires, avoir la possibilité de faire annuler les effets juridiques qui ont été produits. Les termes "motifs admis par ... sa législation nationale" doivent être interprétés comme une référence de portée générale à une situation comparable prévue dans une législation nationale (régionale) (la CBE, en l'occurrence).
7. Les remèdes juridiques prévus par la CBE en ce qui concerne les retards dans l'observation des délais sont notamment la poursuite de la procédure de la demande de brevet (article 121 de la CBE) et la restitutio in integrum (article 122 de la CBE).
Dans la présente espèce, la demanderesse n'a pas observé, au cours de la phase internationale, le délai prévu par la règle 26.2 du PCT. Ce délai est fixé par l'autorité compétente (l'office récepteur) compte tenu des circonstances du cas d'espèce; il est d'un mois au moins et, normalement, de deux mois au plus, à compter de la date de l'invitation à corriger l'irrégularité (règle 26.2 du PCT).
Ce délai est donc comparable aux délais fixés par l'Office européen des brevets auxquels l'article 121 de la CBE est applicable. En conséquence, le retrait de la demande internationale, effet juridique prévu à l'article 14.1) b) du PCT en cas de non respect du délai prescrit, doit être annulé par application de l'article 121 de la CBE.
8. L'application de l'article 121 de la CBE suppose en outre que le demandeur présente la requête en poursuite de la procédure, acquitte la taxe correspondante et exécute l'acte non accompli dans un délai de deux mois à compter de la date à laquelle la décision de rejet de la demande de brevet européen a été signifiée, ou à compter de la date à laquelle la notification que la demande est réputée retirée a été signifiée (règle 69 (1) de la CBE).
La notification par laquelle l'Office japonais des brevets agissant en qualité d'Office récepteur a constaté le 3 octobre 1983 que la demande était considérée comme retirée en vertu de l'article 14.1) b) du PCT doit être traitée comme une notification établie en vertu de la règle 69 (1) de la CBE.
Le délai de présentation de la requête en poursuite de la procédure visée à l'article 121 de la CBE se calcule par application de la règle 83 (4) ensemble la règle 85 de la CBE en prenant comme "point de départ" la date de la notification établie par l'Office japonais des brevets agissant en tant qu'Office récepteur. Dans la présente espèce, le délai de deux mois expirait donc le 5 décembre 1983 (le 3 décembre 1983 étant un samedi).
9. La question se pose maintenant de savoir si dans la procédure le délai fixé pour la mise en oeuvre du remède juridique prévu à l'article 121 de la CBE (poursuite de la procédure) cadre avec la procédure du PCT. Il convient de comparer la procédure normale d'entrée des demandes internationales dans la phase nationale (articles 22 et 23 du PCT) avec les cas où la procédure internationale prend fin prématurément à la suite d'une notification déclarant que ladite demande est réputée retirée. Dans la procédure "normale", c'est l'expiration du délai requis pour remplir les conditions d'entrée dans la phase nationale (articles 22 et 39.1) du PCT) qui marque la limite entre la phase internationale et la phase nationale. Jusqu'à cette date, les offices désignés ne doivent ni traiter ni examiner la demande internationale (articles 23.1) et 40.1) du PCT). Ces dispositions sont interprétées comme signifiant qu'un délai national (régional) ne peut venir à expiration avant l'expiration du délai prévu à l'article 22 du PCT. La CBE stipule expressément que les dispositions du PCT prévalent en cas de divergence et cite à titre d'exemple la prolongation du délai fixé par l'article 94 (2) de la CBE pour la formulation de la requête en examen (article 150 (2) de la CBE). La taxe annuelle constitue un autre exemple, bien qu'il ne soit pas mentionné expressément dans la CBE (cf. Avis aux déposants PCT, JO n° 3/1979, p. 110).
A partir de cet ensemble de dispositions considérées dans leur contexte, on peut poser le principe général suivant: un délai fixé par la CBE ne peut venir à expiration avant le délai imparti par le PCT pour remplir les conditions d'entrée dans la phase nationale auprès des offices désignés.
Dans le cas où la procédure relative à une demande internationale prend fin prématurément, l'expiration du délai fixé par la règle 51, paragraphes 1 et 3 du PCT marque la fin de la phase internationale. Le délai prescrit pour présenter la requête en poursuite de la procédure ne peut par conséquent venir à expiration avant le délai fixé par cette règle. Il se trouve que le délai fixé par l'article 121 de la CBE coïncide avec celui prévu par la règle 51, paragraphes 1 et 3 du PCT. Ils ont pour point de départ le même fait (notification de la perte d'un droit) et ont la même durée (deux mois). Conformément à l'article 150 (2) de la CBE et à la règle 51, paragraphes 1 et 3 du PCT, il convient donc d'exiger que cette requête soit présentée dans un délai de deux mois à compter de la notification par laquelle l'Office récepteur déclare que la demande internationale est réputée retirée.
10. La demanderesse n'a pas observé le délai de deux mois prescrit pour présenter la requête en poursuite de la procédure, aux termes de l'article 121 de la CBE et de la règle 51.1 du PCT. En vertu de l'article 48.2) a) du PCT, le non-respect de ce délai peut également être "excusé". Dans ce cas, le remède juridique comparable prévu par la CBE est la restitutio in integrum.
11. Par une lettre datée du 29 février 1984 (reçue le 2 mars 1984), la demanderesse a présenté une requête en restitutio in integrum quant au délai de deux mois fixé pour la présentation de la requête en poursuite de la procédure et a acquitté les taxes correspondantes le 2 mars 1984. C'est la notification de l'OEB en date du 28 février 1984 signalant qu'il y avait lieu de présenter une requête en poursuite de la procédure et que le délai prévu à l'article 121 (2) de la CBE était venu à expiration qui a fait cesser l'empêchement. Par ailleurs, l'acte non accompli a été exécuté, autrement dit la requête en poursuite de la procédure a été présentée et la taxe de poursuite de la procédure a été acquittée. La requête en restitutio in integrum a donc été présentée dans le délai prescrit (article 122 (2) de la CBE).
Compte tenu de la complexité de la situation (cf. décision de la chambre de recours juridique J 06/79, JO n° 7/1980, p. 225), les motifs invoqués par le mandataire et les faits sur lesquels il s'appuie montrent qu'il a fait preuve de toute la vigilance nécessitée par les circonstances.
Etant donné qu'il est fait droit à la requête en restitutio in integrum quant au délai visé à l'article 121 (2) de la CBE et que les conditions requises pour l'application de cette clause de sauvegarde sont remplies, la procédure relative à la demande doit être poursuivie par l'OEB en vertu de l'article 24.2) ensemble l'article 48.2) a) du PCT, l'article 25 du PCT et l'article 121 de la CBE, et les effets en tant que demande européenne de la demande internationale prévus à l'article 11.3) du PCT doivent être maintenus.
12. C'est à la Division d'examen qu'il incombe de prendre la décision de maintenir les effets de la demande internationale, cette compétence découlant de l'article 153 (2) de la CBE ensemble les articles 25 et 24.2) du PCT. La Section de dépôt est compétente pour la poursuite de la procédure relative à la demande et c'est à elle que la demande doit être transmise (article 16 de la CBE).
1 Traduction.
2 Les décisions des divisions d'examen et d'opposition sont publiés au JO OEB, lorsqu'elles portent sur des questions d'intérêt général, qu'elles sont passées en force de chose jugée et que les chambres de recours n'ont pas encore eu à statuer en la matière (JO de l'OEB 3/1984, p. 117).