CHAMBRES DE RECOURS
Décisions des Chambres de recours techniques
Décision de la Chambre de recours technique 3.3.1 du 4 janvier 1984 - T 184/8212
Composition de la Chambre:
Président: | D. Cadman |
Membres: | G. Szabo |
| L. Gotti Porcinari |
Demanderesse : Mobil Oil Corporation
Référence: "Articles en poly(p-méthylstyrène)/MOBIL"
Articles 52 (1) et 56 de la CBE
"Reformulation du problème" — "Activité inventive"
Sommaire
Lorsqu'il s'agit d'apprécier l'effet de l'invention, un succès technique à un niveau général peut remplacer un échec à un niveau plus spécifique, à condition que l'homme du métier ait été en mesure de discerner que l'effet plus étendu était implicitement contenu dans le problème tel que formulé initialement ou avait un rapport avec celui- ci. Une reformulation du problème, adaptée à la poursuite d'un but moins ambitieux, peut être admise, ainsi qu'en a décidé la Chambre dans une affaire antérieure ("Papier copiant sans carbone/Bayer", T 01/80").
Exposé des faits et conclusions
I. La demande de brevet européen n° 79 301 891.2, déposée le 14 septembre 1979 et publiée le 2 avril 1980 sous le numéro 9377, pour laquelle est revendiquée la priorité des demandes antérieures respectivement déposées aux Etats-Unis les 18 septembre et 16 novembre 1978 (US-943 416 et US-961 353), a été rejetée par décision de la Division d'examen de l'Office européen des brevets en date du 14 juillet 1982. Cette décision a été rendue sur la base des revendications 1 à 7. La revendication principale se lisait comme suit:
"Article thermoformé de structure unitaire ou laminaire, consistant en une couche ou contenant au moins une couche d'un homopolymère de p-méthyl- styrène ou d'un copolymère de celui-ci et contenant 1 à 10 pour cent en poids d'un diène conjugué, irradié par un rayonnement ionisant de 300 à 700 kGy."
II. La demande a été rejetée au motif que l'objet de la revendication 1 n'implique pas une activité inventive. L'antériorité citée US-A-2 989 452 divulgue l'irradiation de mélanges de polystyrène et d'un dérivé de celui-ci, dont un substituant aliphatique est fixé sur un noyau aryle. La réticulation due à l'irradiation améliore les propriétés de résistance à la chaleur et à l'action des solvants. De petites quantités du dérivé suffisent pour obtenir le résultat recherché et les matériaux comportant des substituants aliphatiques comprennent des unités de p-méthylstyrène, L'enseignement de ce document suggère à l'homme du métier qu'il peut être intéressant d'essayer d'irradier les emballages connus en poly(p-méthylstyrène) en vue d'améliorer leurs propriétés.
III. Le 26 août 1982, la demanderesse s'est pourvue contre la décision de la Division d'examen. Elle a simultanément acquitté la taxe correspondante. Elle a déposé le 15 novembre 1982 un mémoire exposant les motifs du recours.
IV. En réponse aux objections de la Chambre, la requérante a présenté de nouveaux arguments et modifié l'une des revendications subsidiaires. Les motifs du recours et certains points essentiels des conclusions de la requérante sont repris ci-après:
c) S'il est vrai que les références à divers polyméthylstyrènes contenues dans le document US-A-2 893 877 suggèrent que ces matériaux peuvent parfaitement être utilisés pour les emballages d'aliments à la place du polystyrène, il n'y est cependant pas indiqué que l'irradiation améliore de façon sélective les propriétés du poly(para-méthylstyrène). Les moyens de preuve sur lesquels s'appuie le mémoire exposant les motifs du recours devraient corroborer la supériorité inattendue du choix opéré. Du fait que l'essai du "bacon à chaud" n'est pas fiable et que l'antériorité citée "ne contient aucune donnée qualitative ou quantitative permettant à la demanderesse de comparer les matériaux de l'invention avec les matériaux de l'état de la technique et dans les conditions de ce dernier", les essais standard à mettre en oeuvre devraient être ceux servant à déterminer les points de ramollissement (Vicat) et la solubilité (dans le toluène, à la température ambiante).
V. La requérante a conclu à l'annulation de la décision attaquée et à la délivrance du brevet. Elle a également demandé le remboursement de la taxe de recours en vertu de la règle 67 CBE.
Motifs de la décision
1. Le recours répond aux conditions énoncées aux articles 106, 107 et 108 et à la règle 64 CBE; il est donc recevable.
2. Les revendications déposées par la demanderesse avec ses lettres des 30 mars 1982 et 13 septembre 1983 ne donnent lieu à aucune objection du point de vue formel, car toutes leurs caractéristiques se fondent sur la demande telle qu'initialement déposée.
3. Le problème que l'on se proposait de résoudre à l'origine au moyen des articles revendiqués consistait dans l'obtention d'emballages pour aliments susceptibles de résister aux graisses chaudes. Les articles selon les revendications devaient par conséquent pouvoir contenir de la graisse, par exemple sous forme de bacon, lorsqu'ils étaient exposés à la chaleur d'un four à micro-ondes, pratiquement sans subir de détérioriation. Il a été suggéré que cet objectif est atteint par formage du matériau constitué à 100% ou au moins à 90% par du poly(p-méthylstyrène) irradié à un dose déterminée par un rayonnement ionisant. Les exemples fournis dans la description sont à juste titre tirés d'essais effectués avec du bacon dans un four à micro-ondes, en vue de démontrer l'effet obtenu, et font état de différences spectaculaires en fonction de la constitution de l'emballage et du fait que le matériau a été irradié ou non. Toutefois, la requérante a rejeté l'idée d'effectuer des essais comparatifs avec l'état de la technique pertinent dans les mêmes conditions et elle a déclaré qu'en raison de la variabilité de cette substance "l'essai avec du bacon à chaud ... n'est pas fiable pour l'obtention de résultats reproductibles". Elle s'en est simplement tenue à des essais standard concernant certaines propriétés pertinentes, telles que la résistance à la chaleur (c'est- à-dire la température de ramollissement Vicat) et la solubilité dans le toluène, ces essais étant, selon la requérante, en rapport étroit avec les propriétés sur lesquelles elle entend "faire reposer l'invention".
4. Il a déjà été clairement établi, dans un certain nombre de décisions de la Chambre de recours, que la manière de poser le problème et l'effet associé découlant de l'utilisation de l'invention revendiquée sont des aspects essentiels à prendre en compte lors de l'appréciation de l'activité inventive (cf. "Papier copiant sans carbone/Bayer", T 01/80, JO de l'OEB n° 7/1981, p. 206). Il convient de déterminer la nature du problème selon des critères objectifs. Cela nécessite l'évaluation du succès technique par rapport à l'état le plus proche de la technique (cf. "Aryloxy- benzaldéhydes/Shell", T 20/81, JO de l'OEB n°6/1982, p. 217). Etant donné que l'effet technique produit par l'invention doit représenter un résultat susceptible d'être mis à l'essai et donc reproduit, l'argument de la requérante selon lequel l'essai effectué avec du bacon à chaud n'est pas fiable fait planer un doute sur la validité en général des déclarations et des exemples contenus dans la description, qui laissent entendre que le problème spécifique a été pleinement résolu par l'invention.
5. L'homme du métier aurait néanmoins discerné que le problème initialement posé n'était pas sans rapport avec l'objectif plus général qui consiste à améliorer la résistance à la chaleur et aux solvants des matériaux d'emballage pour aliments, puisque la mise à l'épreuve avec du bacon chaud signifie également, selon toute probabilité, que de tels matériaux peuvent résister à des températures élevées et présenter de meilleures caractéristiques hydrophobes. Ainsi, des améliorations dans ce domaine pourraient encore être interprétées comme faisant partie de l'enseignement d'ordre général contenu dans l'exposé initial de l'invention, et des propriétés inattendues peuvent être admises comme indice de l'activité inventive, même si les objectifs plus ambitieux de la demande n'ont pas été totalement atteints, ni d'une manière sûre. La Chambre a indiqué dans une décision antérieure que, dans certaines circonstances, une reformulation du problème est encore possible dans la procédure de recours (Ibid., T 01/80). Elle estime maintenant que lorsqu'il s'agit d'apprécier l'effet de l'invention, un succès obtenu à un niveau général peut remplacer un échec à un niveau plus spécifique, à condition que l'homme du métier ait été en mesure de discerner que l'effet plus étendu était implicitement contenu dans le problème tel que formulé initialement ou avait un rapport avec celui-ci. ...3
Par ces motifs,
il est statué comme suit:
Le recours contre la décision de la Division d'examen de l'Office européen des brevets en date du 14 juillet 1982 est rejeté.
1 Traduction.
2 Seul un extrait de la décision est publié. Une copie de la décision complète dans la langue de la procédure peut être obtenue auprès du service 4.5.1 (bibliothèque de l'OEB à Munich) moyennant versement d'une taxe de photocopie de 1.20 DM par page.
3 Le reste de la décision concerne l'état de la technique et les moyens de preuve fournis à l'appui du recours, et aboutit à la conclusion que l'objet revendiqué n'implique pas une activité inventive.