T 0387/92 (Silice précipitée/RHÔNE-POULENC CHIMIE) 07-12-1995
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Nouvelle silice précipitée à caractères morphologiques améliorés, procédé pour son obtention et application, notamment comme charge
Degussa AG, Frankfurt - Zweigniederlassung Wolfgang - Zentrale
Abteilung Patente
Nouveauté (oui)
Activité inventive (oui)
Novelty (yes)
Inventive step (yes)
I. La demande de brevet européen n 85 400 619.4 a donné lieu à la délivrance du brevet n 0 157 703 sur la base de 13 revendications. Les revendications 1 et 3 du brevet ont le libellé suivant:
"1. Silice de précipitation présentant une surface BET comprise entre 50 et 350 m2/g, caractérisé par le fait qu'elle présente pour des surfaces spécifiques CTAB croissantes, un rapport du couple indice d'huile DBP/CTAB décroissant lorsque les surfaces CTAB croissent tel que le rapport DBP/CTAB soit compris entre
- 7 et 4 pour un intervalle de CTAB compris entre 50- 100 m2/g (le fascicule de brevet tel que publié contient ici une erreur d'impression, soit 10 m2/g au lieu de 100 m2/g) ;
- 4 et 2,5 pour un intervalle de CTAB compris entre 100-200 m2/g la silice présentant pour cet intervalle de CTAB un rapport surface BET/surface CTAB compris entre 1 et 1,2 ;
- 2,5 et 2 pour un intervalle de CTAB compris entre 200-250 m2/g
- 2 et 1,5 pour un intervalle de CTAB compris entre 250-300 m2/g
- 1,5 et 1,2 pour un intervalle de CTAB compris entre 300-350 m2/g."
"3. Procédé d'obtention d'une silice précipitée selon l'une des revendications 1 et 2 qui comprend les étapes suivantes :
a) formation d'un pied de cuve renfermant une partie du silicate total utilisé
b) addition d'un acide jusqu'à l'apparition du gel
c) observation d'un arrêt de l'ajout d'acide et mûrissement du gel
d) addition d'acide
e) post-traitement
f) filtration, lavage et séchage de la suspension et récupération du produit obtenu, caractérisé par le fait que :
- le pied de cuve à l'étape (a) renferme au moins 60. % en poids du silicate total utilisé ;
- à l'étape (b), on règle le couple temps/température de manière à provoquer la gélification entre 10 et 50 minutes ;
- on observe un arrêt à la gélification de 5 à 30. minutes
- après arrêt, on reprend l'addition d'acide jusqu'à obtenir un pH au plus égal à 9, puis on effectue un post-traitement, par addition simultanée des réactifs à une valeur de pH compris entre 7 et 9 ;
- on introduit un électrolyte dans au moins une des étapes (a), (b), (c), (d) et (e)."
II. L'intimée (opposante) a formé opposition au brevet et requis sa révocation pour manque de nouveauté et manque d'activité inventive vis-à-vis du document
(1) DE-A-3014007
III. La Division d'opposition a décidé de révoquer le brevet.
Dans sa décision, elle a considéré que le procédé revendiqué était nouveau et qu'il différait de l'état de la technique le plus proche c'est-à-dire du document (1), en particulier exemple 1, par l'introduction d'un électrolyte dans au moins une des étapes (a), (b), (c), (d) et (e) mentionnées dans la revendication 3 du brevet.
D'après la décision, cependant, le procédé revendiqué n'impliquait pas d'activité inventive par rapport au document (1) car l'addition d'un électrolyte ne conduisait pas à une apparition plus rapide du gel comme il a été affirmé par le titulaire. Le temps correspondant indiqué dans l'exemple 1 du document (1) tombait exactement dans la plage de temps indiquée dans la revendication 3 du brevet.
En ce qui concerne le produit, la Division d'opposition a considéré que l'exemple 1 du brevet montrait déjà que la préparation de la silice sans l'addition d'un électrolyte conduisait à des produits ayant les mêmes caractéristiques que celles obtenues avec l'addition d'un électrolyte. Par conséquent, le procédé de préparation de la silice selon l'exemple 1 du document (1) conduisait lui aussi au produit revendiqué et l'objet de la revendication 1 n'était plus nouveau.
Cette décision s'appliquait mutatis mutandis aux revendications pour l'Autriche.
IV. La requérante (titulaire du brevet) a formé un recours contre cette décision. Une procédure orale a eu lieu le 7. décembre 1995. Au début de son plaidoyer, arguant du droit de réponse au dépôt récent d'un jeu de revendications (requête auxiliaire) par la requérante, l'intimée a tenté de réintroduire un document de la procédure d'examen.
V. Les arguments présentés par la requérante peuvent être résumés comme suit : Contrairement aux affirmations de l'intimée, l'exemple 1 du brevet ne se référait pas à un produit connu de l'état de la technique et la requérante n'a jamais montré par l'exemple 1 du brevet que la préparation de la silice sans ajout d'électrolyte conduisait à des produits ayant les mêmes caractéristiques que celles obtenues avec l'addition d'électrolyte selon la présente invention.
En effet, la silice préparée en absence d'électrolyte dans l'exemple 1 du brevet présentant un rapport DBP/CTAB de 2,3 pour une CTAB de 200 m2/g ne tombait pas dans la définition de la revendication 1 du brevet. Il fallait noter en particulier que les groupes d'intervalles indiqués dans la revendication 1 étaient successivement dépendants les uns des autres. Comme indiqué par la borne supérieure et la borne inférieure des intervalles de CTAB dans ladite revendication 1, une silice selon l'invention ayant une surface spécifique CTAB de 200 m2/g devait présenter un rapport DBP/CTAB de 2,5. Ceci était bien le cas des silices préparées, en présence d'électrolyte, dans les exemples 6, 11 et 15 du brevet. Parallèlement, la silice de l'exemple 1 du document (1) présentait un rapport DBP/CTAB de 1,8 pour une CTAB de 150 m2/g et une valeur mesurée de DBP de 275 ml/100g de silice, ne remplissant donc pas les conditions exigées par la revendication 1. Par conséquent, l'exemple 1 du document (1) ne conduisait pas au produit du brevet.
VI. L'intimée a contesté cette argumentation. Elle a présenté les arguments suivants :
Partant du fait que la revendication 1 du brevet concernait une silice présentant une surface BET comprise entre 50 et 350 m2/g, il était clair que les intervalles du rapport DBP/CTAB et ceux des surfaces CTAB indiqués dans ladite revendication ne pouvaient être compris que comme décrivant indépendamment l'un de l'autre des ensembles de silices, chacun caractérisé par un diagramme ternaire ou quaternaire. En conséquence, aussi bien la silice présentant un rapport DBP/CTAB de 2,3 pour une surface CTAB de 200 m2/g obtenue dans l'exemple 1 du brevet sans ajout d'électrolyte, que la silice présentant un rapport DBP/CTAB de 2,5 pour une surface CTAB de 200 m2/g obtenue dans l'exemple 6 du brevet, procédé avec addition d'électrolyte, remplissaient la condition de la revendication 1 du brevet, à savoir que pour une surface CTAB de 200 m2/g le rapport DBP/CTAB devrait être compris entre 2,5 et 2 ; en conséquence, le procédé selon l'exemple 1 du document (1) comprenant les mêmes étapes de préparation d'une silice sans ajout d'électrolyte conduisait, lui aussi, au produit du brevet.
En ce qui concerne la mesure de la prise d'huile DBP de la silice obtenue dans l'exemple 1 du document (1) qui donnerait une valeur de 275 ml/100g de silice, il fallait noter que cette argumentation avait été présentée sans préciser d'où provenait et à quelle silice se rapportait cette valeur. Le document (1), cependant, ne donnait aucune indication à ce sujet.
VII. La requérante a demandé l'annulation de la décision contestée et le maintien du brevet tel que délivré - requête principale, ou
avec les revendications 1 - 11, telles que délivrées pour l'Etat contractant AT, avec les revendications 1 - 12 produites le 8 novembre 1995, pour les autres Etats contractants - requête auxiliaire.
L'intimée a demandé le rejet du recours.
1. Le recours est recevable.
2. L'intimée a contesté la nouveauté de la revendication 1 par rapport à l'exemple 1 du document (1), cependant la Chambre ne peut suivre l'argumentation de l'intimée à ce sujet.
2.1. Ce document divulgue un pigment à base de silice qui se présente sous la forme de billes sensiblement sphériques pleines et homogènes de taille moyenne supérieure à 80. µm, un procédé pour l'obtenir et son utilisation comme charge renforçante dans les élastomères. Selon une forme de réalisation ces pigments sont à base de silice précipitée ayant entre autres paramètres des surfaces BET et CTAB comprises entre 100 et 350 m2/g. De plus, les produits selon le document (1) présentent une fluidité améliorée de manière à réduire le dégagement de poussière lors de la manipulation des vulcanisats dans un mélangeur. Selon le document (1), on traite par un atomiseur une suspension issue d'une réaction de précipitation. Contrairement à la pratique de l'art antérieur, on fait appel à une bouillie de pulvérisation riche en matière sèche. Pour expliquer ce procédé, l'importance de l'évolution de la suspension de pigment depuis son obtention sous forme de suspension de précipitation jusqu'à la suspension d'atomisation est soulignée (voir page 1, premier et deuxième paragraphe ; page 5, dernier paragraphe et page 6 ; page 7, quatrième paragraphe ; page 8, troisième et quatrième paragraphe ; page 10, quatrième paragraphe). L'exemple 1 dans les pages 10 et 11 illustre le procédé pour l'obtention de la suspension de précipitation.
Cette suspension est ensuite passée sur un filtre, le gateau de filtration est soumis à une action d'un délitage. La suspension obtenue est ensuite atomisée dans un atomiseur à deux fluides. Pour le produit sont indiquées entre autres les paramètres suivants : une surface BET et CTAB de 150 m2/g (voir page 18, tableau 1).
Les tableaux 5 à 7 dans les pages 24 à 26 résument le comportement dans le caoutchouc des silices décrites dans le document (1). On a apprécié les propriétés rhéologiques, la résistance à la rupture, la dureté shore A, les modules 100 % et 300 %, l'allongement, la résistance à la déchirure et la dispersion.
2.2. Le document (1) ne contient aucune information concernant la prise d'huile (DPB) de la silice obtenue dans l'exemple 1 et des silices décrites dans les autres exemples, et ne donne aucune indication sur la résistance à l'abrasion des élastomères chargés de silice.
La requérante, cependant, a présenté une valeur mesurée de DBP de 275 ml/100g de silice obtenue dans ledit exemple. A la base de cette valeur, la silice de l'exemple 1 du document (1) présente pour une CTAB de 150 m2/g un rapport DBP/CTAB de 1,8. Cette silice ne rentre pas dans la définition de la silice de la revendication 1 qui exige un rapport de DBP/CTAB de 4 à 2,5 pour une surface CTAB de 150 m2/g.
2.3. L'intimée s'est bornée à avancer des affirmations sans preuve au lieu de présenter des informations techniques supplémentaires susceptibles de mettre en question la valeur mesurée de DBP. Or, en opposition c'est à l'opposant, en l'occurrence, à l'intimée qu'incombe la charge de la preuve. Dans ces circonstances, ses objections ne peuvent être retenues.
2.4. Aucun des autres documents cités dans le rapport de recherche européen ne décrit de silices de précipitation répondant aux caractéristiques précisées dans la revendication 1. L'objet de la revendication 1 selon la requête principale du brevet est donc nouveau au sens de l'article 54 CBE. Cette conclusion serait restée valable, si l'on avait admis l'interprétation de l'intimée, selon laquelle les intervalles de rapport DBP/CTAB et ceux des surfaces CTAB indiquées de la revendication décriraient, indépendamment l'un de l'autre, des ensembles de silices.
3. En partant de l'état de la technique tel que décrit dans le document (1) (voir point 2.1 ci-dessus), le problème technique reste, comme envisagé dans le présent brevet, celui de fournir une silice de précipitation apte au renforcement des élastomères et leur conférant une résistance à l'abrasion augmentée.
Conformément à la revendication 1 du brevet, la solution proposée consiste en des silices de précipitation qui présentent pour des surfaces CTAB croissantes, un rapport du couple indice d'huile DBP/CTAB décroissant lorsque les surfaces CTAB croissent de manière telle que le rapport DBP/CTAB soit compris entre les intervalles définis (voir point I. ci-dessus).
Bien que l'exemple 1 du brevet ne puisse pas être considéré comme un exemple illustrant l'état de la technique mais représente seulement un exemple de référence du brevet, il ressort d'une comparaison entre l'exemple 1 et l'exemple 6, que l'enseignement du brevet permet de produire des silices selon la revendication 1 qui présentent un couple surface spécifique - prise d'huile améliorée (voir point V. ci-dessus), ce qu'il n'a pas été possible de réaliser par le procédé décrit dans le document (1). Il découle aussi de l'exemple 10 du brevet que l'on observe une amélioration significative de la résistance à l'abrasion, si l'on introduit une silice selon la revendication 1 dans un caoutchouc. L'intimée n'a pas contesté que les étapes du procédé selon l'exemple 1 du brevet puissent être acceptées, par analogie avec les étapes du procédé selon l'exemple 1 du document (1), comme représentatives de l'état de la technique. Elle n'a pas mis en doute non plus les résultats des exemples du brevet. Au contraire, elle est allée jusqu'à mettre en oeuvre lesdits résultats dans son argumentation. En l'absence de preuve du contraire, la Chambre n'a donc aucune raison de douter que le problème défini précédemment ait été résolu de façon crédible.
4. Il reste donc à examiner si, au vu de l'état de la technique, l'homme du métier confronté au problème défini précédemment devait faire preuve d'activité inventive pour arriver aux silices revendiquées.
4.1. Comme indiqué précédemment, l'enseignement du document (1) a, entre autres, pour but de fournir un pigment à base de silice ayant des caractéristiques conduisant à une amélioration dans son application comme charge renforçante dans les élastomères. Pour atteindre une telle amélioration, cet état de la technique met l'accent sur la caractéristique de la fluidité de la silice. Cette caractéristique devrait avoir une influence sur le comportement des pigments à base de silice dans les élastomères et en conséquence sur la qualité des élastomères. Dans le document (1), l'homme du métier pouvait certainement apprendre qu'une modification de l'étape du procédé concernant l'évolution de la suspension de pigment depuis son obtention sous forme de suspension de précipitation jusqu'à la suspension d'atomisation pouvait influencer en général le comportement des pigments à base de silice dans les élastomères et en conséquence la qualité des élastomères. Dans le document (1), cependant, aucun renseignement ne permet d'amener l'homme du métier à l'idée qu'une variation du rapport prise d'huile DBP/surface spécifique CTAB pour une même surface spécifique CTAB pourrait avoir une influence sur la résistance à l'abrasion des élastomères. La Chambre ne voit pas non plus comment une telle incitation pourrait se faire en l'absence de toute valeur DBP. De plus, en ce qui concerne une telle divulgation dans l'état de la technique, l'intimée n'a présenté aucune argumentation.
Il résulte de ce qui précède que le document (1) ne contient aucun renseignement susceptible d'orienter l'homme du métier vers la solution selon la revendication 1 du brevet.
4.2. Dans la procédure écrite, aucun autre document n'a été cité à l'encontre de l'objet de la revendication 1. La Chambre ne voit aucune raison de mettre en oeuvre encore une fois les documents du rapport de Recherche européen déjà traités dans la procédure d'examen, même après la tentative de réintroduction d'un de ces documents au cours de la procédure orale. Compte-tenu de l'argumentation de l'intimée, un tel document ne serait, d'ailleurs, à considérer qu'en relation avec la requête auxiliaire.
En conclusion, la silice selon la revendication 1 du brevet est considérée comme impliquant une activité inventive au sens de l'article 56 CBE.
4.3. La brevetabilité des revendications indépendantes 3, 4, 12. et 13 qui concernent des procédés d'obtention de ces silices et leurs applications est supportée par celle des produits selon la revendication 1. Les revendications dépendantes 2, 5 à 11 qui concernent des modes de réalisation particuliers des revendications 1, 3 et 4 bénéficient de la brevetabilité de ces dernières et sont donc aussi acceptables.
5. Toutes les raisons de brevetabilité précisées ci-dessus s'appliquent mutatis mutandis aux revendications pour l'Autriche qui correspondent aux revendications 3 à 13 pour les autres Etats contractants.
4.4. Dans ces circonstances, il est inutile d'examiner la requête auxiliaire.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
1. La décision attaquée est annulée.
2. Le brevet est maintenu sans modifications.