T 0330/90 06-06-1991
Téléchargement et informations complémentaires:
Equipement de lingotière de coulée continue des métaux
Inventive step (yes)
Activité inventive (oui)
I. Le brevet européen n° 0 063 072 a été délivré à l'intimée après examen de la demande n° 82 400 562.3.
Le brevet comporte trois revendications, la seconde et la troisième étant rattachées à la première qui s'énonce comme suit :
"Equipement pour la coulée continue des métaux comprenant une lingotière (7) pourvue d'un système de détection de niveau du métal liquide par rayonnement , composé d'une source émettrice (8) et d'un récepteur (9) entre lesquels passe le métal coulé (11), équipement caractérisé en ce que la lingotière (7) est équipée d'un inducteur électromagnétique à champ tournant, de type statique, polyphasé et de forme annulaire, comprenant une culasse magnétique (1) fermée sur elle-même et pourvue de masses polaires bobinées (2) disposées longitudinalement et réparties sur le pourtour intérieur de la culasse de façon que deux masses polaires voisines au moins présentent entre elles un écartement supérieur à ceux des autres masses polaires, en ce que la culasse (1) présente une échancrure (5) ménagée sur sa partie située entre lesdites masses polaires les plus écartées, en ce que l'extrémité supérieure de l'inducteur se trouve placée entre le source (8) et le récepteur (9) et en ce que l'inducteur présente d'une part une orientation longitudinale telle que l'échancrure (5) apparaisse sur le bord supérieur de la culasse (1) et d'autre part, une orientation angulaire autour de l'axe (22) de la lingotière telle que lesdites masses polaires les plus écartées soient disposées de part et d'autre de l'axe (20) du faisceau en regard du récepteur (9) ou de la source (8)".
II. La requérante a fait opposition au brevet européen. Se référant aux documents D1 : DE-A-1 458 181 D2 : DE-A-2 506 190 D3 : E.R. Laithwaite "Induction machines for special purposes", pages 8 et 9, G. Newnes Ltd., Londres (GB), elle a demandé la révocation dudit brevet au motif que l'objet des revendications accordées n'impliquerait pas d'activité inventive.
III. La Division d'opposition a rejeté l'opposition. Les points essentiels de son argumentation se résument comme suit.
Le document (D1) se rapporte à un dispositif produisant, pour déterminer le niveau du ménisque de l'acier en fusion dans une lingotière, une image optique dudit ménisque. Il est donc indispensable que rien n'arrête les rayons provenant du ménisque. Il en va de même avec le dispositif connu de (D2), où l'on détecte le rayonnement infrarouge émis par la surface du ménisque pour déterminer le niveau de celui-ci. De ces deux documents, l'on ne peut déduire le problème posé à l'invention, à savoir comment associer un dispositif de brassage électromagnétique à une lingotière munie d'un détecteur de niveau à rayons gamma sans renoncer au brassage de l'acier fondu dans la zone de fluctuation du ménisque. En effet, l'écran formé par la partie supérieure des masses polaires bobinées arrêterait les rayons.
De son côté, le document (D3) traite de la commande de vitesse de moteurs à induction et, comme solution particulière à ce problème, divulgue l'interruption de la carcasse magnétique du stator. L'homme du métier concerné par la régulation du niveau de métal en fusion dans des lingotières ne consulterait pas ce document.
IV. La requérante a formé un recours contre cette décision. Dans le mémoire exposant les motifs de cette action, elle a fait savoir qu'elle renonçait au recours à la procédure orale initialement requise.
V. La requérante maintient sa requête en révocation du brevet en cause. A cet effet, elle fait en substance valoir ce qui suit.
Du document (D1), il est connu de déterminer le niveau du métal en fusion dans une lingotière au moyen d'une cellule photoélectrique recevant les rayons infrarouges émis par la surface du ménisque. En ce qui concerne l'application du droit des brevets, les rayons infrarouges sont toutefois équivalents aux rayons gamma et, de surcroît, ils présentent l'avantage de ne pas être dangereux. Le document (D2) a également trait à la détermination du niveau dans une lingotière par voie électro-optique. Des diaphragmes munis d'ouvertures équivalant à l'échancrure de l'objet breveté sont utilisés pour assurer la collimation du rayonnement servant à la mesure, rayonnement dont le bord supérieur de la lingotière limite de toute manière le flux. Eu égard aux enseignements de (D3), il n'y a pas d'activité inventive à utiliser comme ouverture de diaphragme pour le passage de rayons gamma des intervalles entre pôles d'un inducteur à champ tournant. Enfin, étant donné que les rayons gamma du dispositif décrit dans le brevet en cause sont dirigés obliquement, que le récepteur doit être disposé à l'opposé par rapport à la surface du bain et que l'inducteur perturbe la transmission des rayons par absorption, dispersion ou déviation, il ne reste pratiquement pas d'autre solution que de ménager une fenêtre dans la carcasse magnétique. A cet effet, il n'y a que les intervalles entre pièces polaires qui entrent en ligne de compte.
VI. L'intimée requiert le rejet du recours et la confirmation de la décision rendue par la Division d'opposition. A cette fin, elle a développé l'argumentation résumée ci-dessous.
Les dispositifs selon (D1) et (D2) sont éloignés de l'invention car ils ne comportent ni source ni détecteur de rayons gamma. En outre, le récepteur de rayonnement y est toujours placé latéralement par rapport à la lingotière, de sorte que la hauteur du ménisque ne peut être déterminée que dans une plage étroite. Enfin, lorsque sur l'acier se trouve un laitier, ces dispositifs ne permettent aucune mesure significative.
L'emploi d'un dispositif à rayons gamma assure au contraire une détermination correcte du niveau de ménisque même en présence de laitier, et ceci dans un plus large intervalle. Il se caractérise en ce que les rayons traversent le métal formant la lingotière. Des rayons infrarouges n'en pourraient faire autant qu'à la condition de pratiquer des ouvertures dans la lingotière, ce qui serait absurde car l'acier en fusion s'échapperait alors par lesdites ouvertures. Il est donc erroné de prétendre qu'il y a équivalence entre l'invention et l'enseignement des documents (D1) et (D2). En outre, ces derniers ne conduisent pas l'homme du métier à formuler le problème technique dont part l'invention, à savoir équiper d'un dispositif de brassage électromagnétique une lingotière déjà pourvue d'un détecteur de niveau de ménisque à rayons gamma, et ceci en dépit de l'apparente impossibilité de placer l'inducteur de ce dispositif de brassage aussi haut que souhaité.
Maintenant, une fois le susdit problème posé, l'homme du métier n'irait pas en chercher la solution dans (D3), où il est question de moteurs. Par ailleurs, même la prise en compte des documents cités dans le rapport de recherche ne suffit pas à rendre l'invention évidente.
1. Le recours est recevable.
2. Activité inventive.
2.1. Le document (D1) divulgue un système pour déterminer la hauteur du ménisque dans une lingotière. Ce système comprend un objectif qui forme une image du ménisque, ainsi qu'une cellule photoélectrique orientée vers cette image et disposée de telle manière que son signal de sortie soit influencé par les variations de niveau du ménisque - voir figure 1 et page 2, second alinéa.
La formation d'une image au moyen d'un objectif excluant l'utilisation de rayons gamma, le rayonnement servant à former la susdite image n'est pas susceptible de traverser la paroi de la lingotière, non plus que les éléments constitutifs d'un dispositif de brassage électromagnétique éventuellement associé à ladite lingotière. Comme il n'est pas envisageable de ménager dans la paroi de la lingotière des fentes permettant le passage de ce rayonnement, il n'est donc pas davantage envisageable de l'utiliser dans un système dont le principe de fonctionnement suppose le libre passage des rayons au dessus du métal en fusion. Contrairement aux vues de la requérante, il n'y a donc pas équivalence entre rayons gamma et rayons optiques ou infrarouges dans le cas présent. D'autre part, comme il n'y a aucune raison qu'un dispositif de brassage électromagnétique associé à une lingotière se prolonge au- delà du bord supérieur de celle-ci, il n'y a également pas lieu d'envisager que le flux lumineux utilisable par le système optique décrit dans (D1) puisse être intercepté par un obstacle autre que ledit bord supérieur.
Dans ces conditions, le problème technique lié à l'emploi simultané d'un détecteur de niveau à rayons gamma et d'un dispositif de brassage électromagnétique ne peut se poser, aussi la Chambre donne-t-elle raison à la Division d'opposition et à l'intimée quand elles affirment que la considération de (D1) ne peut, ni conduire l'homme du métier à formuler ce problème, ni lui en fournir la solution.
2.2. Le document (D2) se rapporte également à la détermination du niveau du métal en fusion dans une lingotière. Le dispositif prévu à cet effet comprend un diaphragme (22) muni d'ouvertures (23, 33, 133) et des lentilles (25), lesquels sont disposés latéralement et focalisent sur des cellules photoélectriques (50) un flux de rayonnement émis obliquement par la surface du métal liquide. La détermination du niveau se fonde sur le fait que le bord supérieur (15) de la lingotière intercepte une fraction du flux lumineux d'autant plus grande que ledit niveau se trouve plus bas -voir figure 3 et description.
Pour les raisons déjà expliquées en relation avec (D1), et ainsi qu'ont fait valoir la Division d'opposition et l'intimée, le document (D2) ne conduit pas l'homme du métier à formuler le problème technique abordé dans le brevet en cause et, en outre, il ne lui fournit pas les éléments de sa solution. En fait, et comme il ressort des trois derniers alinéas de la page 3, (D2) tend plutôt à éloigner l'homme du métier du susdit problème et de sa solution car il est nettement dissuasif quant à l'emploi du rayonnement gamma. En outre, les ouvertures du diaphragme ne sont pas aptes à remplir la fonction assurée, selon l'invention, par l'échancrure (5).
2.3. Le document (D3) concerne des moteurs asynchrones. La seule particularité commune à ces moteurs et à l'objet du brevet en cause est la présence d'un stator bobiné produisant un champ magnétique tournant. Comme en principe il n'est pas incorporé de sources et de détecteurs de rayons gamma dans les moteurs électriques, il apparaît hors de question que le spécialiste des lingotières aille chercher dans ce document la solution du problème technique abordé dans le brevet en cause. L'avis de la Chambre sur ce point rejoint donc une fois encore celui de la Division d'opposition et de l'intimée.
2.4. Aucun document cité dans le rapport de recherche ou par la requérante ne révèle de lingotière simultanément équipée d'un détecteur de niveau à rayons gamma et d'un dispositif de brassage électromagnétique à champ tournant. L'homme du métier adonné à la routine en conclurait au plus que l'association de ces deux équipements distincts pose un problème. Néanmoins, il ne serait pas en mesure d'identifier la nature de ce problème et, en l'absence d'enseignements susceptibles de le conduire à la solution de celui-ci, il n'écarterait pas l'hypothèse que ledit problème soit éventuellement insoluble.
Partant de l'art antérieur, il faut donc, pour parvenir à l'invention, formuler un problème technique non évident et prendre deux mesures que l'état de la technique ne suggère pas, à savoir ménager un écartement accru entre deux poles consécutifs d'un dispositif de brassage électromagnétique et pratiquer une échancrure dans cet intervalle, pour résoudre ce problème.
La Chambre estime en conséquence que l'objet de la revendication 1 du brevet en cause présente, comme l'ont fait valoir la Division d'opposition et l'intimée, une activité inventive.
3. La revendication 1 du brevet en cause satisfait aux exigences de l'article 52(1) CBE. Il en va de même pour les revendications 2 et 3 qui lui sont rattachées.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
Le recours est rejeté.