T 1303/22 (Préparation d'un hydrogel réticulé injectable / KYLANE) 08-07-2024
Téléchargement et informations complémentaires:
PROCEDE DE PREPARATION D'UN HYDROGEL RETICULE INJECTABLE; HYDROGEL OBTENU; UTILISATION DE L'HYDROGEL OBTENU
Merz Pharma GmbH & Co. KGaA
Laboratoires Vivacy
Dépôt d'éléments de preuve lors de la procédure de recours - modifications admises (oui)
Motifs d'opposition - défaut d'activité inventive (oui)
Activité inventive - requête subsidiaire (non)
I. Le brevet européen N° 3 313 452 a été délivré sur la base de 15 revendications. Le libellé des revendications indépendantes s'énonçait comme suit:
"1. Procédé de préparation d'un hydrogel injectable à base d'acide hyaluronique réticulé, ou l'un de ses sels, et éventuellement d'autres polymères biocompatibles, comprenant au moins les étapes suivantes :
- préparation d'un hydrogel intégrant au moins une étape de réticulation de l'acide hyaluronique en solution aqueuse caractérisée en ce que la-dite étape de réticulation de l'acide hyaluronique est réalisée sous atmosphère inerte ;
- purification de l'hydrogel ;
- conditionnement de l'hydrogel en seringues ou en flacons ;
- stérilisation ;
et en réalisant impérativement au moins une étape d'extraction de l'oxygène contenu dans l'hydrogel; la-dite étape d'extraction étant mise en oeuvre après l'étape de réticulation de l'acide hyaluronique sous atmosphère inerte et avant et/ou pendant l'étape de conditionnement de l'hydrogel; la-dite étape d'extraction consistant à réaliser, dans un récipient approprié, au moins un cycle d'extraction caractérisé par les phases successives suivantes :
- mise sous vide, à une pression p inférieure à la pression atmosphérique, du récipient contenant l'hydrogel pendant une durée t;
- coupure du vide, au terme de la durée t, par l'introduction d'une quantité adaptée d'un gaz autre que l'oxygène."
"14. Hydrogel injectable stérile contenant de l'acide hyaluronique réticulé obtenu selon l'une des revendications 1 à 13."
"15. Hydrogel injectable stérile selon la revendication 14, pour une utilisation thérapeutique ou pour les applications esthétiques."
II. Deux oppositions ont été formées à l'encontre du brevet au motif de l'article 100 a) CBE pour défaut d'activité inventive.
III. La division d'opposition a rejeté les oppositions formées contre le brevet en litige (ci-après "le brevet").
IV. Les documents suivants, cités par la division d'opposition dans sa décision remise à la poste le 28 mars 2022, restent pertinents pour la présente décision:
D1: Brochure "Princess® - Dare to be perfect", CROMA GmbH, April 1, 2011
D2: US 2007/0196426 A1
D3: WO 2014/173941 A2
D9: WO 2005/085329 A1
D16: Annexe A
D17: Hünig et al., "Arbeitsmethoden in der organischen Chemie", 2. überarbeitete Auflage 2008 Lehmanns Media, Seite 235
D18: Brückner et al., "Praktikum Präparative Organische Chemie, Organisch-Chemisches Fortgeschrittenenpraktikum", Kapitel IV, Seiten 60-63, Spektrum Akademischer Verlag Heidelberg 2009
V. Selon la décision de la division d'opposition, l'objet des revendications 1, 14 et 15 du brevet tel que délivré impliquait une activité inventive en partant de D9 (ou le document de la même famille D2).
VI. Les opposantes 1 et 2 (requérantes 1 et 2) ont formé recours contre la décision de la division d'opposition.
VII. Dans sa réponse au mémoire de recours l'intimée (titulaire du brevet) a défendu son brevet sur la base d'une requête principale correspondant au brevet tel que délivré et d'une requête auxiliaire déjà soumise en première instance le 16 octobre 2020.
Le contenu des revendications sur lesquelles la présente décision est fondée peut être illustré comme suit:
Le libellé de la revendication 1 du brevet tel que délivré (requête principale) a été énoncé ci-dessus.
La revendication 1 de la requête auxiliaire 1 diffère de celle de la requête principale en ce que la caractéristique "au moins un cycle d'extraction [emphase ajoutée] caractérisé par" a été remplacée par "plusieurs cycles d'extraction [emphase ajoutée] caractérisés par".
VIII. Les éléments de preuve suivants ont été déposés par la requérante 2 le 5 août 2022 avec son mémoire de recours:
D20: Page Wikipedia "Dégazage (chimie)"
D21: Extrait de PubChem concernant le 1,4-Butanedioldiglycidyl ether
D22: "Gases - Densities", extrait de page internet, https ://www.engineeringtoolbox.corn/gas-density-d_158.html
IX. Une procédure orale s'est tenue devant la chambre le 8 juillet 2024.
X. La requérante 1 et la requérante 2 ont demandé l'annulation de la décision contestée et la révocation du brevet.
La requérante 1 a demandé par ailleurs que les arguments de l'intimée au sujet (i) de caractéristiques distinctives additionnelles par rapport aux documents D9/D2 et (ii) de l'exemple 4 des documents D9/D2 ne soient pas admis dans la procédure de recours.
XI. L'intimée a demandé le rejet du recours, i.e. le maintien du brevet tel que délivré (requête principale) ou, à titre subsidiaire, le maintien du brevet sous forme modifiée sur la base de la première requête subsidiaire présentée avec la réponse au mémoire de recours et soumise initialement le 16 octobre 2020.
L'intimée a demandé par ailleurs que les documents D20 à D22 ainsi que les soumissions des requérantes concernant (i) l'interprétation de la revendication 1 et l'étendue de la protection et (ii) la discréditation des exemples comparatifs ne soient pas admises dans la procédure.
XII. Les arguments avancés par les requérantes, dans la mesure où ils sont pertinents pour la présente décision, peuvent être résumés comme suit:
a) Les arguments de l'intimée au sujet (i) de caractéristiques distinctives additionnelles par rapport aux documents D9/D2 et (ii) de l'exemple 4 des documents D9/D2 ne devaient pas être admis. Ils étaient nouveaux et auraient du être soulevés lors de la procédure de première instance en réponse à l'opinion préliminaire de la division d'opposition ou durant la procédure orale.
b) Les soumissions des requérantes concernant la crédibilité de l'effet technique invoqué sur l'intégralité de la portée des revendications et en particulier la pertinence des exemples comparatifs, ainsi que les documents D20 à D22 déposés à l'appui de ces arguments devaient être admises. Elles ne constituaient pas de nouveaux arguments mais renforçaient l'argumentation déjà développée lors de la procédure d'opposition.
c) Le brevet tel que délivré ne satisfaisait pas aux critères de l'article 56 CBE. D9/D2 représentait l'état de la technique le plus proche. La différence entre le procédé revendiqué et celui de l'exemple 4 de D9/D2 résidait dans la présence d'une étape d'extraction de l'oxygène et la présence d'une étape de stérilisation. Les exemples comparatifs du brevet et de D16 ne permettaient en particulier pas de démontrer que l'amélioration et/ou le maintien des propriétés rhéologiques de l'hydrogel obtenu résultait de la présence de ces caractéristiques distinctives. Le problème technique objectif était donc la mise à disposition d'un procédé alternatif pour la préparation d'un hydrogel injectable à base d'acide hyaluronique réticulé. L'étape de stérilisation était évidente à partir de D9/D2 seul. D1 suggérait une étape d'extraction de l'oxygène dans un procédé similaire et la méthode particulière d'extraction était connue de l'homme du métier tel que révélé par D17, D18 ainsi que D3. L'objet des revendications telles que délivrées n'impliquait donc pas d'activité inventive.
d) La caractéristique supplémentaire de la revendication 1 de la première requête subsidiaire était déjà suggérée dans D17 et D18. La première requête subsidiaire n'impliquait donc pas non plus d'activité inventive et ne satisfaisait pas à l'exigence de l'article 56 CBE.
XIII. Les arguments avancés par l'intimée, dans la mesure où ils sont pertinents pour la présente décision, peuvent être résumés comme suit:
a) Les arguments de l'intimée au sujet (i) de caractéristiques distinctives additionnelles par rapport aux documents D9/D2 et (ii) de l'exemple 4 des documents D9/D2 devaient être admis. En particulier l'importance de l'étape de stérilisation avait déjà été identifiée dans la demande telle qu'initialement déposée (page 8) et ne constituait pas un nouveau point.
b) Les soumissions des requérantes concernant la crédibilité de l'effet technique invoqué sur l'intégralité de la portée des revendications et en particulier la pertinence des exemples comparatifs, ainsi que les documents D20 à D22 déposés à l'appui de ces arguments ne devaient pas être admises. Elles étaient nouvelles et auraient du être soulevées lors de la procédure de première instance.
c) Le brevet tel que délivré satisfaisait aux critères de l'article 56 CBE. D9/D2 ne représentait pas l'état de la technique le plus proche. Néanmoins, la différence entre le procédé revendiqué et celui de l'exemple 4 de D9/D2 résidait dans la présence d'une étape d'extraction de l'oxygène et la présence d'une étape de stérilisation. Les exemples comparatifs du brevet démontraient que cette étape permettait d'améliorer les propriétés rhéologiques de l'hydrogel tout en réduisant la quantité d'agent réticulant. Le problème technique objectif était donc la mise à disposition d'un procédé de préparation d'un hydrogel injectable à base d'acide hyaluronique réticulé amélioré, notamment en termes d'élasticité et de rémanence tout en diminuant la quantité d'agent réticulant. Aucun des documents cités ne suggérait de réaliser une étape d'extraction de l'oxygène sur un hydrogel d'acide hyaluronique réticulé après l'étape de réticulation et avant/pendant le conditionnement, encore moins selon la méthode de dégazage revendiquée. De plus aucun des documents cités ne suggérait de réaliser en plus l'étape de stérilisation finale, qui aurait un effet révélateur des propriétés du produit fini. L'objet des revendications telles que délivrées impliquait donc une activité inventive.
d) La première requête subsidiaire avait été déposée en réponse à une objection de manque d'efficacité du procédé avec un seul cycle d'extraction. Elle impliquait donc une activité inventive pour les mêmes raisons que la requête principale et satisfaisait ainsi à l'exigence de l'article 56 CBE.
1. Admission des soumissions et éléments de preuve
1.1 Soumissions des requérantes et documents D20 à D22
1.1.1 L'intimée a demandé de ne pas admettre les soumissions suivantes des requérantes ainsi que les documents D20 à D22 cités par la requérante 2 à l'appui de ses arguments : soumission de la requérante 1 au sujet de la crédibilité de l'effet technique en fonction du stade auquel est effectuée l'étape d'extraction d'oxygène, en particulier si celle-ci est effectuée avant l'étape de purification, soumissions de la requérante 2 concernant les connaissances prétendues de l'homme du métier au sujet de l'inertage, du dégazage, de l'influence de la température sur la solubilité d'un gaz et les différentes propriétés de gaz inertes, soumissions de la requérante 2 au sujet d'un prétendu manque d'activité inventive basées sur une absence de mesure du degré du taux de réticulation et des différences présumées de conditions expérimentales dans les exemples.
1.1.2 Dans ce contexte l'intimée a mentionné l'introduction de nouveaux « motifs ». Cependant, comme indiqué par la requérante 1, le motif d'opposition basé sur l'article 100 a) CBE en combinaison avec l'article 56 CBE avait été soulevé et amplement discuté lors de la procédure d'opposition et dans la décision de la division d'opposition. Il ne peut donc pas s'agir de l'introduction d'un nouveau motif d'opposition en soit, mais simplement de nouvelles objections ou arguments et nouveaux documents au soutien desdits objections et arguments.
1.1.3 L'intimée a reconnu que les points suivants avaient été soulevés lors de la procédure d'opposition:
- les exemples comparatifs ne correspondraient pas aux documents antérieurs les plus proches (requérante 2),
- les exemples comparatifs devraient avoir été réalisés en comparaison d'un procédé comportant (i) soit une étape de réticulation sous atmosphère inerte (ii) soit une étape de dégazage du gel avant conditionnement (requérante 2),
- les exemples ne permettraient pas d'établir que le procédé revendiqué permettrait de diminuer la quantité de réticulant par rapport au procédé de l'art antérieur (requérante 2) ,
- le prétendu manque des paramètres de temps d'application du vide et de pression du vide (requérante 1), et
- le manque de crédibilité qu'un seul cycle effectué à un vide à n'importe quelle pression p en dessous de la pression atmosphérique et pour n'importe quel temps t aurait un effet technique (requérante 1).
De plus, comme indiqué par la requérante 1, la question de la crédibilité de l'effet technique lié à la caractéristique distinctive sur l'intégralité de la portée de la revendication avait été soulevée par la requérante 1 et discutée lors de la procédure d'opposition (voir décision de la division d'opposition, page 6 1**(er) paragraphe). En particulier les requérantes avaient argumenté au cours de la procédure d'opposition que les exemples du brevet fourniraient une comparaison uniquement par rapport à un gel préparé par un procédé (i) dans lequel l'étape de réticulation n'est pas effectuée sous atmosphère inerte et (ii) dénué d'étape d'extraction de l'oxygène. Ainsi il n'aurait pas été possible d'attribuer un quelconque effet technique à la caractéristique distinctive par rapport à l'art antérieur le plus proche (voir décision de la division d'opposition, page 6 1**(er) paragraphe).
1.1.4 La question de la crédibilité de l'effet technique invoqué sur l'intégralité de la portée des revendications et en particulier la pertinence des exemples comparatifs avait donc été soulevée et discutée lors de la procédure de première instance. Les soumissions des requérantes mentionnées par l'intimée ne constituent ainsi pas de nouvelles objections à proprement parler mais simplement de nouveaux arguments représentant un développement d'objections déjà soulevées lors de la procédure de première instance et en réponse directe à la décision de la division d'opposition considérant ces objections non convaincantes. Les arguments de la requérante 1 au sujet de la crédibilité de l'effet technique en fonction du stade auquel est effectué l'étape extraction d'oxygène répond en particulier au point soulevé par la division d'opposition dans sa décision, spécifiant que « ce n'est pas parce que l'étape de réticulation est réalisée sous atmosphère inerte qu'il n'y a pas de réintroduction d'oxygène dans 1'hydrogel à une étape postérieure à la réticulation » (voir décision de la division d'opposition, page 6 3**(ème) paragraphe).
1.1.5 L'intimée a invoqué la non-admission de ces soumissions en application de l'article 12(6) RPCR. Comme indiqué par la requérante 1 cet article ne concerne que des requêtes, faits, objections ou preuves qui auraient dû être soumis lors de la procédure de première instance (article 12(6) RPCR, 2**(ème) paragraphe). Comme mentionné ci-dessus la chambre ne considère pas qu'il s'agisse de nouvelles objections à proprement parler, mais de nouveaux arguments en support du développement de la ligne d'argumentation déjà soulevée par les opposants en première instance. Cet article ne s'applique ainsi pas aux soumissions en question.
1.1.6 L'admission de ces nouveaux arguments doit ainsi être décidée selon l'article 12(4) RPCR. Les nouveaux arguments ont été fournis en réponse à la décision de la division d'opposition, n'introduisent pas de complexité particulière et ne vont pas contre l'économie de procédure.
1.1.7 En conséquence, ces nouveaux arguments des requérantes sont admis dans la procédure de recours (article 12(4) RPCR).
1.1.8 Concernant les documents D20 à D22, comme admis par l'intimée, ils ont été introduits comme preuve des connaissance générales de l'homme du métier à l'appui des nouveaux arguments de la requérante 2.
1.1.9 Les documents D20 à D22 sont donc également admis dans la procédure de recours (article 12(4) RPCR).
1.2 Soumissions de l'intimée
1.2.1 La requérante 1 a demandé de ne pas admettre les arguments suivants de l'intimée:
- l'étape de stérilisation constituerait une caractéristique distinctive supplémentaire vis-à-vis de D9/D2 (en plus de l'étape d'extraction d'oxygène),
- une comparaison avec l'exemple 4 de D9/D2 ne serait pas appropriée car cet exemple ne décrit ni ne suggère une étape de stérilisation.
1.2.2 Contrairement à l'opinion de l'intimée, la chambre note que l'étape de stérilisation n'avait pas été identifiée jusqu'alors comme caractéristique distinctive par rapport à D9/D2 (voir décision de la division d'opposition, page 5 1**(er) paragraphe; étape de stérilisation considérée comme décrite dans D9/D2).
1.2.3 Ces soumissions sont donc nouvelles et constituent ainsi une modification du cas de l'intimée, dont l'admission doit être décidée selon l'article 12(4) RPCR. La chambre note cependant que ces soumissions ne semblent pas introduire de complexité majeure et adressent de façon générale la question de l'activité inventive. De plus la question de l'identification des caractéristiques distinctives par rapport à l'exemple 4 de D9/D2 relève plutôt du fait que de l'argument.
1.2.4 Ces nouvelles soumissions de l'intimée sont donc admises dans la procédure de recours (article 12 (4) RPCR).
Requête principale - Brevet tel que délivré
2. Activité inventive
2.1 Art antérieur le plus proche
2.1.1 Les requérantes considéraient D9/D2, en particulier l'exemple 4, comme représentant l'état de la technique le plus proche en accord avec la décision de la division d'opposition.
2.1.2 L'intimée a indiqué pendant la procédure orale que D9/D2 ne constituerait pas l'art antérieur le plus proche car d'autres documents ayant le même objectif présenteraient tout autant de caractéristiques distinctives vis-à-vis de l'objet revendiqué. Dans ses soumissions écrites, l'intimée a néanmoins présenté des arguments concernant l'activité inventive à partir de D9/D2 ainsi que d'autres documents.
2.1.3 D9 (D2) divulgue un procédé de fabrication d'un gel réticulé d'acide hyaluronique comprenant une étape de réticulation sous atmosphère privée d'oxygène (inerte) suivie d'une étape de purification de l'hydrogel par dialyse avant conditionnement et stérilisation (voir exemple 4 de D9). Les gels de D9 (D2) sont décrits comme étant biocompatibles, injectables et à longue rémanence, présentant d'excellentes propriétés viscoélastiques et étant plus facilement injectable à travers une aiguille (voir D9, page 6 lignes 4 à 6 et page 9 ligne 28 à page 10 ligne 2).
2.1.4 La chambre considère en ligne avec la division d'opposition que D9/D2 représente un point de départ réaliste pour l'évaluation de l'activité inventive car il concerne un produit et un objectif semblables à ceux du brevet. De plus, selon la jurisprudence constante des chambres de recours, l'objet revendiqué doit être, en règle générale, non évident compte tenu de tout état de la technique (voir La Jurisprudence des Chambres de recours, 10**(ème) édition, 2020, I.D.3.1, page 217, 2**(ème) paragraphe entier). Pour qu'une activité inventive puisse être reconnue, l'objet revendiqué doit donc être inventif en partant de D9/D2.
2.2 Caractéristiques distinctives
2.2.1 Lors de la procédure orale il a été admis par l'ensemble des parties que le procédé de la revendication 1 de la requête principale se distingue du procédé de l'exemple 4 de D9/D2 par la présence d'une étape d'extraction de l'oxygène contenu dans 1'hydrogel réalisée après l'étape de réticulation et avant et/ou pendant l'étape de conditionnement.
2.2.2 En outre, comme argumenté par l'intimée, le procédé revendiqué spécifie une étape de stérilisation après conditionnement qui n'est pas spécifiquement décrite dans le procédé de l'exemple 4 de D9/D2.
2.2.3 Dans ce contexte, l'intimée a également argumenté par écrit que l'ajout d'un second polymère dans le procédé de D9/D2 représenterait une caractéristique distinctive additionnelle. Comme mentionné par la requérante 1, la revendication 1 de la requête principale est cependant formulée comme un procédé "comprenant au moins les étapes suivantes", c'est-à-dire que l'ajout d'un second polymère n'est pas exclu. Cette caractéristique ne constitue donc pas une différence par rapport à l'objet revendiqué.
2.2.4 Par ailleurs, l'intimée a indiqué dans ses soumissions en phase écrite que la réalisation de l'étape de réticulation sous atmosphère inerte constitue également une caractéristique distinctive de l'objet revendiqué par rapport à la divulgation de D9/D2, car une atmosphère inerte est uniquement mentionnée dans l'exemple 4 sans être évoquée de façon générale dans D9/D2, encore moins avec une raison pour l'utilisation de telles conditions. La chambre ne partage pas cette opinion. Le point de départ pour l'évaluation de l'activité inventive est en effet l'exemple 4 de D9/D2 qui spécifie de façon explicite la réalisation de l'étape de réticulation sous atmosphère inerte. Cette caractéristique ne peut donc pas être considérée comme distinctive.
2.3 Effets techniques et problème objectif à résoudre
2.3.1 Selon l'intimée, le procédé revendiqué conduirait à l'obtention d'un hydrogel injectable à base d'acide hyaluronique réticulé amélioré, notamment en termes d'élasticité et de rémanence, tout en diminuant la quantité d'agent réticulant.
2.3.2 A cet égard elle a fait référence aux tests comparatifs fournis dans le brevet (exemples 1 à 6). A quantité équivalente d'agent réticulant, le gel selon l'invention (G1S) présenterait des propriétés d'élasticité et de résistance dans le temps améliorées par rapport à un gel préparé dans des conditions similaires à l'exception de l'étape de réticulation réalisée à l'air (et non sous atmosphère inerte) et l'absence d'étape d'extraction de l'oxygène (G3S). De plus des gels préparés selon l'invention mais avec une quantité inférieure d'agent réticulant (G2S et G4S) auraient des propriétés d'élasticité et/ou de résistance dans le temps comparables ou même améliorées par rapport à des gels préparés dans des conditions similaires à l'exception de l'étape de réticulation réalisée à l'air (et non sous atmosphère inerte) et l'absence d'étape d'extraction d'oxygène (G3S et G5S).
2.3.3 Comme argumenté par les requérantes, dans la mesure où les gels comparatifs ont été obtenus selon des procédés se distinguant de celui selon l'invention non seulement par l'absence d'étape d'extraction de l'oxygène (caractéristique distinctive par rapport à l'art antérieur le plus proche) mais également par la réalisation de l'étape de réticulation à l'air et non sous atmosphère inerte (caractéristique décrite dans l'exemple 4 de D9/D2), il n'est pas possible de conclure que les effets techniques avantageux observés en termes d'élasticité et de rémanence soient directement liés à l'étape d'extraction de l'oxygène. En effet, comme expliqué en détail par la requérante 2, l'homme du métier s'attendrait à ce que les conditions de réalisation de l'étape de réticulation, en particulier l'atmosphère et la pression appliquée (qui diffèrent entre les exemples selon l'invention et les tests comparatifs), influencent les propriétés biomécaniques et rhéologiques des gels obtenus. Il ne peut donc pas être exclu que la seconde caractéristique distinctive entre les exemples selon l'invention et les exemples comparatifs ait une influence sur les propriétés mesurées et ainsi les effets avancés.
2.3.4 Dans ce contexte, l'intimée a argumenté que l'exemple 4 de D9/D2 ne présentant pas d'étape finale de stérilisation ne serait pas approprié pour une comparaison avec le procédé selon l'invention. En outre, il ne pouvait pas apparaître indispensable à l'intimée de réaliser des essais comparatifs par rapport au procédé de l'exemple 4 de D9/D2 car la division d'opposition avait reconnu un effet technique. Enfin les effets techniques avantageux observés résulteraient de l'ensemble des étapes du procédé de sorte qu'il ne serait pas correct d'isoler une étape par rapport aux autres.
2.3.5 La chambre rappelle à ce sujet que d'après la jurisprudence des chambres de recours (voir La Jurisprudence des Chambres de Recours, 10**(ème) édition, 2022, I.D.4.3.2), si l'on procède à des essais comparatifs pour démontrer l'existence d'une activité inventive sur la base d'un effet d'amélioration dans un domaine revendiqué, la comparaison avec l'état de la technique le plus proche doit être de nature à montrer de manière convaincante que les présumés effets bénéfiques ou propriétés avantageuses sont dus à la caractéristique distinctive de l'invention par rapport à l'état de la technique le plus proche.
2.3.6 Bien qu'il soit admis pour le titulaire d'un brevet de fournir volontairement des tests comparatifs modifiés par rapport aux exemples de l'art antérieur le plus proche, les variantes proposées doivent toujours être telles qu'elles ne diffèrent de l'objet revendiqué que par la caractéristique distinctive par rapport à l'art antérieur la plus proche.
2.3.7 Dans le cas présent, le fait que les procédés comparatifs comprennent une étape de réticulation effectuée à l'air et non sous atmosphère inerte introduit une différence aussi bien par rapport à l'objet revendiqué que par rapport à l'art antérieur le plus proche (exemple 4 de D9/D2). Les tests comparatifs du brevet ne permettent donc pas de démontrer un effet technique lié à une ou plusieurs caractéristiques distinctives de l'invention par rapport à l'art antérieur le plus proche.
2.3.8 L'intimée pouvait en outre s'attendre à ce que l'exemple 4 de D9/D2 soit considéré comme l'état de la technique le plus proche car les requérantes ainsi que la division d'opposition avaient basé leurs argumentations sur ce document lors de la procédure de première instance et dans la décision contestée. En outre, le fait que la division d'opposition ait reconnu un effet technique, ne peut occulter le fait que les requérantes avaient déjà soulevé le problème lié à l'absence d'atmosphère inerte lors de l'étape de réticulation dans les exemples comparatifs (voir ci-dessus point 1.1.3).
2.3.9 Enfin la chambre observe que les test comparatifs fournis dans D16 ne concernent pas les caractéristiques distinctives par rapport à D9/D2 mais une comparaison de différentes techniques de dégazage. Ces tests ne peuvent donc pas non plus démontrer un effet technique des caractéristiques distinctives par rapport à D9/D2.
2.3.10 En conséquence, le problème technique objectif réside dans la mise à disposition d'un procédé alternatif de préparation d'un hydrogel injectable à base d'acide hyaluronique réticulé.
2.4 Caractère évident ou non de la solution proposée
2.4.1 En l'absence d'un effet directement lié à l'étape de stérilisation, cette étape apparaît évidente au vu de D9/D2. En effet ces documents décrivent des hydrogels biocompatibles injectables pour des utilisations à but thérapeutique ou cosmétique (voir D9 page 6 lignes 4 à 6 et page 11 lignes 6 à 12). Comme avancé par les requérantes, une telle utilisation implique nécessairement une stérilisation finale. L'argument de l'intimée concernant des propriétés différentes de l'hydrogel après la stérilisation n'a pas été étayé pour l'étape de stérilisation des hydrogels obtenus par le procédé revendiqué.
2.4.2 Concernant l'étape d'extraction de l'oxygène, la chambre observe que, comme expliqué par les requérantes, D1 décrit de façon générale un procédé de préparation d'un hydrogel comprenant entre autres les étapes suivantes (pages 3 et 4 du PDF) :
- réticulation avec du BDDE,
- purification,
- extraction de l'oxygène contenu dans l'hydrogel et conditionnement en seringue, et
- stérilisation en autoclave.
2.4.3 Les parties étaient en désaccord sur l'ordre des étapes d'extraction de l'oxygène et du conditionnement. D1 mentionne en effet après la description de l'étape de purification: "The SMART process is completed by the removal of the oxygen from the gel to enhance its stability once it is filled into the syringe". L'intimée considérait que l'extraction de l'oxygène avait lieu après le conditionnement en seringue au vu de la précision "once it is fileld into the syringe". La chambre considère cependant que, comme indiqué par les requérantes, la référence "once it is filled into the syringe" se rapporte uniquement à l'amélioration de la stabilité. Ainsi la chambre estime que l'étape d'extraction de l'oxygène de D1 a lieu avant ou pendant le conditionnement.
2.4.4 D1 suggère donc de réaliser une étape d'extraction de l'oxygène après l'étape de purification (donc après celle de réticulation) et avant ou pendant l'étape de conditionnement pour résoudre le problème tel que formulé ci-dessus. Dès lors la question qui subsiste concerne les conditions d'une telle extraction. D1 ne fournit en effet aucun détail sur les conditions à adopter.
2.4.5 Comme argumenté par les requérantes, la technique de dégazage revendiquée (i.e. au moins un cycle de mise sous vide puis de coupure du vide avec un gaz autre que l'oxygène) est une technique commune dans l'état de l'art. Les extraits de manuels D17 et D18, qui sont considérés comme représentatifs des connaissances générales de l'homme du métier, décrivent cette méthode comme étant la plus avantageuse pour le dégazage de solutions (voir D17, point 10.3.5, deuxième paragraphe et D18, paragraphe intitulé "Entgasen einer Lösung oder eines Lösungsmittels").
Contrairement à l'opinion de l'intimée et en l'absence de preuves du contraire, l'homme de métier n'aurait vu aucun obstacle à appliquer cette technique à un hydrogel, qui, comme indiqué par les requérantes lors de la procédure orale, n'est autre qu'une solution aqueuse avec une viscosité élevée. Ceci est confirmé par le fait que cette technique a été appliquée à la préparation d'un hydrogel à base d'acide hyaluronique dans D3 (voir page 8 lignes 5 à 18).
2.4.6 Enfin l'intimée a insisté sur le fait que le procédé de l'invention permettrait de maintenir les propriétés rhéologiques de l'hydrogel tout en utilisant une quantité réduite d'agent réticulant. D'après l'intimée aucun des documents de l'art antérieur ne suggérerait que la quantité d'agent réticulant puisse être réduite. Cet argument n'est cependant pas convaincant, car la quantité d'agent réticulant n'est pas une caractéristique de la revendication 1 de la requête principale et ne constitue pas une caractéristique distinctive par rapport à l'art antérieur le plus proche. De plus comme expliqué ci-dessus (voir point 2.3.3), les tests comparatifs fournis dans le brevet ne permettent pas de conclure que cet effet technique soit lié aux présentes caractéristiques distinctives.
2.4.7 En conséquence, en partant de D9/D2 les conditions revendiquées auraient été considérées comme évidentes pour l'homme du métier au vu de D1 et de ses connaissances générales (comme indiquées dans D17 et D18).
2.5 Pour ces raisons, le motif d'opposition tiré du défaut d'activité inventive de l'objet revendiqué (articles 100 a) et 56 CBE) s'oppose au maintien du brevet tel que délivré.
Première requête subsidiaire
3. Activité inventive
3.1 L'objet de la revendication 1 de la première requête subsidiaire a été limité à la réalisation de plusieurs cycles d'extraction pour l'étape d'extraction de l'oxygène.
3.2 Cette caractéristique est cependant déjà connue des connaissance générales de l'homme du métier (voir D17, point 10.3.5, deuxième paragraphe, dernière phrase et D18, paragraphe intitulé "Entgasen einer Lösung oder eines Lösungsmittels", lignes 6 à 7). Cette caractéristique additionnelle ne peut donc pas conférer une activité inventive à l'objet revendiqué.
3.3 Le raisonnement développé pour la requête principale s'applique ainsi mutatis mutandis à la première requête subsidiaire.
3.4 En conséquence, la première requête subsidiaire ne satisfait pas à l'exigence de l'article 56 CBE.
Par ces motifs, il est statué comme suit
La décision contestée est annulée.
Le brevet est révoqué.