D 0003/21 16-02-2022
Téléchargement et informations complémentaires:
I. Le recours est dirigé contre la décision du jury d'examen affichée le 31 mars 2021 d'attribuer à la réponse du requérant la note "ÉCHOUE" lors de l'examen préliminaire de l'examen européen de qualification 2021 (ci-après " l'examen préliminaire 2021 ") conformément à la règle 6, paragraphe 2, des dispositions d'exécution du règlement relatif à l'examen européen de qualification (DEREE, JO OEB 2019, publication supplémentaire 2, 18) car sa réponse avait obtenu 69 points.
II. Par facsimilé et lettre du 10 mai 2021, reçus les 10 et 14 mai 2021 à l'OEB, le requérant a déposé un acte de recours comprenant un exposé des motifs dudit recours. La taxe de recours a été payée le 10 mai 2021.
III. Le requérant a contesté la notation de l'affirmation 12.4 de la question 12 et de l'affirmation 18.1 de la question 18 de l'examen préliminaire 2021. Le Secrétariat d'examen a renvoyé le recours à la Chambre disciplinaire de recours en notifiant que le jury d'examen avait décidé de ne pas rectifier sa décision.
IV. Le Président du Conseil de l'Institut des mandataires agréés (epi) et le Président de l'Office européen des brevets (OEB) ont eu la possibilité de formuler des observations conformément à l'article 12 du règlement en matière de discipline des mandataires agréés (RDMA, JO OEB 2022, publication supplémentaire 1, 147), en combinaison avec l'article 24, paragraphe 4, du règlement relatif à l'examen européen de qualification des mandataires agréés (REE, JO OEB 2019, publication supplémentaire 2, 2). Aucun commentaire n'a été reçu.
V. Dans son recours, le requérant a fait valoir en substance que "Vrai" était la réponse correcte à l'affirmation 12.4 de la question 12 de l'examen préliminaire 2021 - ou qu'à tout le moins elle était également acceptable à côté de la réponse attendue "Faux" - essentiellement pour les raisons suivantes.
VI. Le raisonnement donné dans le rapport des correcteurs, à savoir pourquoi le terme "basse" ne pouvait pas être contesté comme n'étant pas clair selon l'article 84 CBE, était erroné. Les parties citées des Directives, F-IV, 4.6.1., ne soutenaient pas la conclusion inverse tirée. L'énoncé de l'épreuve ne permettait pas non plus de déduire la signification de "basse température" à partir des parties de l'épreuve où le terme "haute température" était discuté. Il n'en reste pas moins que le terme "basse" (dans le sens de "basse température") pouvait très bien être considéré comme manquant de clarté au sens de l'article 84 CBE dans le contexte de l'épreuve.
VII. Le requérant a demandé l'annulation de la décision attaquée et l'attribution de la note "RÉUSSI" à sa copie d'examen. À cette fin, il conviendrait soit de considérer la réponse à la question 12.4 comme "VRAI", soit de neutraliser cette question ainsi que la question 18.1, en acceptant aussi bien la réponse "VRAI" que la réponse "FAUX". Il demande également le remboursement de la taxe de recours.
VIII. Pour les détails des questions d'examen en litige, il est fait référence au sujet de l'épreuve publié et au rapport des correcteurs correspondant, disponibles sur le site web de l'Office européen des brevets à l'adresse suivante
https://documents.epo.org/projects/babylon/eponot.nsf/0/A59F259BD67213D4C12586B000434183/$FILE/PreEx2021_FR.pdf
et
https://documents.epo.org/projects/babylon/eponot.nsf/0/8298DC45DE6A404AC12586AF00428C17/$FILE/ExRep_PreEx2021_FR_.pdf
au jour de la rédaction de la présente décision.
1. Le recours est recevable.
2. Le requérant a demandé l'annulation de la décision attaquée. Il a allégué des erreurs manifestes et graves dans l'évaluation de ses réponses à l'affirmation 12.4 de la question 12 et à l'affirmation 18.1 de la question 18 de l'examen préliminaire 2021. Il a essentiellement fait valoir que, dans le rapport des correcteurs sur l'examen préliminaire 2021, les réponses aux questions 12.4 et 18.1 et la motivation de ces réponses n'étaient pas correctes.
3. Conformément à l'article 24, paragraphe 4, du REE et à la jurisprudence constante de la chambre disciplinaire de recours (ci-après "la CDR"), qui a suivi la décision D 1/92 (JO OEB 1993, 357), les décisions du jury d'examen ne peuvent en principe être réexaminées qu'aux fins de contrôler qu'elles ne violent pas le REE, les dispositions relatives à son application ou des règles de droit de rang supérieur. Il n'appartient pas à la CDR de réexaminer l'ensemble de la procédure d'examen sur le fond. En effet, les commissions d'examen et le jury d'examen disposent d'une certaine marge dans leur évaluation qui n'est l'objet devant la CDR que d'une révision de nature juridictionnelle limitée. Ce n'est que si le requérant peut démontrer que la décision contestée est basée sur des erreurs graves et évidentes que la CDR peut en tenir compte. L'erreur alléguée doit être si évidente qu'elle peut être établie sans rouvrir l'ensemble de la procédure de notation. C'est par exemple le cas s'il s'avère qu'un examinateur a fondé son évaluation sur une prémisse techniquement ou juridiquement incorrecte sur laquelle repose la décision contestée (D 2/14). Un autre exemple d'erreur manifeste serait une question dont la formulation est ambiguë ou incompréhensible (D 13/02). Toutes les autres allégations selon lesquelles les épreuves ont été incorrectement notées ne relèvent pas de la compétence de la CDR. Les jugements de valeur ne sont pas, en principe, soumis à son contrôle (voir par exemple D 1/92, supra, points 3 à 5 des motifs).
4. Cette jurisprudence établie du caractère limité du contrôle de nature juridictionnelle quant à l'examen européen de qualification au sens de l'article 1(1) REE ("EEQ"), s'applique mutatis mutandis à l'examen préliminaire, tout comme les dispositions du REE s'appliquent mutatis mutandis à l'examen préliminaire conformément à l'article 1(7) REE. Toutefois, dans la mesure où l'attribution de points pour l'épreuve de l'examen préliminaire est basée sur un schéma de solution prédéterminé (par exemple, un test à choix multiples), l'examen préliminaire ne laisse aucune place à une notation discrétionnaire. Dans l'examen préliminaire, les candidats sont censés répondre à des affirmations clairement définies en mode à choix multiples, auxquels ils ne peuvent répondre que par "Vrai" ou "Faux" en cochant une case ; ils n'ont pas la possibilité d'ajouter des raisons ou des notes explicatives. De telles indications ne seront pas prises en compte (voir Instructions pour répondre à l'examen préliminaire et barème de notation 2021, n° 1. d)). La formulation des faits et des affirmations à évaluer dans une question est donc de la plus haute importance lors de l'examen préliminaire. Les questions à répondre et les affirmations à évaluer dans une épreuve à choix multiples telle que l'examen préliminaire doivent donc être formulées de manière claire et sans ambiguïté (voir également les décisions D 5/16 et D 6/16). Par conséquent, lors de l'élaboration d'une question d'examen pour l'examen préliminaire, il faut s'assurer qu'une seule réponse peut être donnée à l'affirmation correspondante en adoptant un point de vue ou une interprétation éclairés et objectifs de la formulation des faits et des affirmations respectives dans la question (D 15/16, point 2.3 des motifs). Il est donc essentiel de formuler les affirmations de manière à ce qu'une seule réponse, à savoir "Vrai" ou "Faux", soit possible et "correcte" dans les circonstances données (voir également les décisions D 5/16 et D 6/16). En particulier, il convient d'éviter les termes et formulations qui, dans un premier temps, peuvent conduire les candidats à une interprétation qui, de ce fait, les éloigne en partie de la réponse et de l'appréciation technique et/ou juridique effectivement poursuivie par les auteurs de l'examen. Dans ce cas, une telle interprétation peut conduire les candidats à des considérations et résultats qui ne satisfont pas à l'esprit et l'objectif de l'examen préliminaire (voir par exemple D 5/16, point 32 des motifs ; D 6/16, point 19 des motifs). Des faits et/ou des déclarations contradictoires, trompeuses ou formulées de manière ambiguë peuvent avoir pour conséquence que les candidats les jugent différemment du schéma de solution du jury d'examen sans avoir la possibilité de présenter une opinion différente qui sans correspondre (à la solution type) se justifierait malgré tout. Contrairement à l'examen (principal), de telles lacunes dans l'épreuve de l'examen préliminaire ne peuvent donc pas être reconnues déjà au stade de la correction des copies puis prises en compte dans la notation, mais ne peuvent être corrigées - si tant est qu'elles le soient - que dans le cadre d'un recours (voir également D 15/16, point 2.3 des motifs). Par conséquent, lors d'un examen préliminaire, des faits ou des affirmations peu clairs et confus peuvent constituer une erreur grave et manifeste (voir également D 3/19, point 2.3 des motifs en référence à D 13/02, point 4 des motifs).
5. Toutefois, si une affirmation est logique et a du sens, de sorte que, en faisant appel au bon sens, on voit clairement quelle réponse était attendue, les candidats ne peuvent pas se prévaloir d'exceptions à la règle ou explorer des interprétations alternatives en vue de montrer qu'une réponse différente pourrait également être concevable dans des cas spécifiques (voir par exemple D 5/16, point 33 des motifs). Il s'ensuit que dans le cas d'un examen préliminaire, le réexamen par la chambre demandé par le requérant ne peut pas porter sur la question de savoir si la compréhension de l'affirmation en question, c'est-à-dire si l'évaluation de l'affirmation concernée comme "Vrai" ou "Faux", est - du point de vue soutenu par le requérant - correcte. Il s'agit plutôt de l'interprétation correcte ou de la compréhension générale de l'affirmation concernée, ce compris les faits qui sous-tendent la question de l'examen préliminaire et la conclusion à en tirer quant à savoir si l'affirmation concernée doit clairement être évaluée comme "Vrai" ou "Faux". L'évaluation proprement dite, c'est-à-dire l'attribution des points, est alors généralement effectuée sur la base d'un barème au vu d'une solution simple à un test à choix multiples où les solutions sous forme d'affirmations énoncées dans l'épreuve sont soit "Vrai" soit "Faux", c'est-à-dire sur une base totalement objective (voir également la décision D 15/16, point 2.2 des motifs).
6. L'affirmation 12.4 de la question 12 de la partie 3 de l'examen préliminaire 2021 se lit comme suit : " La revendication I-8 manque de clarté car elle contient le terme "basse".". Selon le rapport des correcteurs, il fallait répondre à la déclaration 12.4 par " Faux ", et non par " Vrai " comme l'a fait le requérant. Par conséquent, la réponse du requérant a été considérée comme non correcte et, comme seules deux des réponses aux quatre affirmations de la question 12 ont été considérées comme correctes, 1 point a été attribué à la question 12.
7. Toutefois, la présente chambre de recours considère que, compte tenu des faits qui ressortent du contenu de l'épreuve et qui sous-tendent l'affirmation 12.4, on ne peut répondre clairement et sans ambiguïté à la question par "Faux".
8. À cet égard, la Chambre se réfère aux décisions D 0002/21 du 3 février 2022, motifs 8-16, et D 0004/21 du 24 janvier 2022, motifs 3-6, et approuve explicitement ces motifs à l'appui de la conclusion ci-dessus de la Chambre.
9. Étant donné que, dans le cadre d'un examen préliminaire, des faits ou des affirmations non clairs et confus constituent une erreur grave et manifeste, le recours est bien fondé et il doit y être fait droit. L'autre objection concernant l'affirmation 18.1 n'a pas à être traitée dans la présente décision, pour les raisons indiquées au point 11 ci-dessous. Conformément à l'article 24, paragraphe 4, deuxième phrase, REE, la décision attaquée doit être annulée.
Requête en vue de substituer la note "RÉUSSI" dans la décision contestée
10. Le requérant demande en outre que la note "RÉUSSI" soit attribuée à sa copie d'examen pour l'examen préliminaire 2021. La chambre suit la jurisprudence de la CDR (voir par exemple les décisions D 2/14, points 5 et suivants des motifs, D 3/14, points 12 et suivants des motifs, et D 4/14, points 11 et suivants des motifs) et considère que des raisons particulières au sens de l'article 12 du règlement de procédure additionnel de la chambre de recours statuant en matière disciplinaire (JO OEB 2022, publication complémentaire 1, 67) se présentent pour ne pas renvoyer l'affaire au jury d'examen. Ces raisons permettent à la chambre de recours - plutôt qu'au jury d'examen ou à la commission d'examen compétente - de déterminer les notes à attribuer à la réponse à l'affirmation 12.4 dans la copie d'examen du requérant et de décider si sa copie doit recevoir la note "RÉUSSI" ou "ÉCHOUE" sur la base de la notation révisée.
11. La réponse "VRAI" du requérant à l'affirmation 12.4 doit être considérée comme correcte pour les motifs indiqués ci-dessus. Dans les réponses du requérant aux affirmations de la question 12, deux réponses ont déjà été notées comme correctes par le jury d'examen et, conformément au barème de notation de l'examen préliminaire 2021, 1 point a été attribué à la question 12. Compte tenu de la correction apportée à la réponse du requérant à l'affirmation 12.4, la question 12 se voit attribuer désormais 3 points conformément au barème de notation. Le total des points attribués pour la réponse du requérant à l'examen préliminaire 2021 passe ainsi de 69 à 71. Pour cette seule raison, la note "RÉUSSI" doit être attribuée à la copie du requérant en application de l'article 6, paragraphe 2, sous a), du règlement DEREE. Par conséquent, il n'est pas nécessaire de statuer sur l'objection supplémentaire du requérant concernant l'affirmation 18.1.
Remboursement de la taxe de recours
12. Le requérant a demandé le remboursement de la taxe de recours. Si la chambre de recours fait droit au recours, elle ordonne le remboursement intégral ou partiel de la taxe de recours si l'équité l'exige (article 24(4), troisième phrase, REE). Étant donné que le présent recours est fondé, un remboursement intégral de la taxe de recours est équitable. Par conséquent, la taxe de recours doit être remboursée intégralement.
Par ces motifs, il est statué comme suit
1. La décision attaquée est annulée.
2. La copie d'examen du requérant à l'examen préliminaire de l'examen européen de qualification 2021 obtient la note "RÉUSSI" en application de la règle 6, paragraphe 2, point a) DEREE.
3. La taxe de recours est remboursée intégralement.