T 0604/22 (Composition transparente pour photobioreacteurs/ARKEMA) 18-01-2024
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UTILISATION D'UNE COMPOSITION TRANSPARENTE POUR PHOTOBIOREACTEURS
Nouveauté - requête principale (non)
Requêtes subsidiaires 1 et 2 produites tardivement (oui) - recevables (non)
I. Le brevet européen EP 2 379 693 Bl se fonde sur la demande de brevet européen no EP 10 707 570.7.
II. Le brevet a fait l'objet d'une opposition s'appuyant sur les motifs énoncés à l'article 100 a) (manque de nouveauté et d'activité inventive), b) et c) CBE.
III. Une division d'opposition a estimé, dans une décision intermédiaire, que le brevet européen pouvait être maintenu sur la base de la requête subsidiaire 5. La requête principale (brevet tel que délivré) et la requête subsidiaire 1 manquaient de nouveauté, la requête subsidiaire 2 manquait d'activité inventive, alors que les requêtes subsidiaires 3 et 4 n'étaient pas recevables.
IV. La titulaire (la requérante) a formé un recours contre la décision de la division d'opposition. Avec son mémoire de recours, la titulaire a soumis des requêtes subsidiaires 1 et 2. La requête subsidiaire 1 correspond à la "requête subsidiaire 3", soumise le deuxième jour de la procédure orale en opposition et déclarée non recevable par la division d'opposition. La nouvelle requête subsidiaire 2 est soumise en procédure de recours.
V. Dans sa réponse au mémoire de recours, l'opposante (l'intimée) a requis le rejet du recours et la confirmation de la décision de la division d'opposition.
VI. La revendication 7 de la requête principale s'énonce comme suit:
"7. Structure multicouche comprenant au moins:
- une couche d'au moins un polymère méthacrylique
- une couche comprenant au moins un additif antifouling susceptible d'être en contact avec un milieu de culture,les couches étant disposées l'une sur l'autre,
caractérisée en ce que la couche susceptible d'être en contact avec le milieu de culture est constituée, soit d'un polymère méthacrylique antifouling défini par un polymère méthacrylique additivé d'au moins un additif antifouling choisi parmi les copolymères à blocs polyamides et blocs polyéthers ou les polymères fluorés, soit d'un polymère antifouling choisi parmi les polymères fluorés, et caractérisé en ce que le polymère méthacrylique est un PMMA - homopolymère du méthacrylate de méthyle MAM ou un copolymère du méthacrylate de méthyle (MAM), comprenant en poids au moins 50% de MAM - de masse moléculaire en poids allant de 90000 g/mol à 170000 g/mol (étalon PMMA)."
Les revendications 1 et 6 de la requête subsidiaire 1 sont identiques aux revendications 1 et 7 de la requête principale, excepté que la revendication 1 spécifie qu' "en outre caractérisée en ce que la composition comprend au moins un additif antifouling choisi parmi les homo- et copolymères du fluorure de vinylidène (VDF) contenant au moins 50% en poids de VDF; en outre caractérisée en ce que la composition est sous forme de plaques, de profilés ou de cylindres tels que des tubes " alors que la revendication 6 est caractérisée en ce que la couche susceptible d'être en contact avec le milieu de culture est constituée "soit" d'un polymère méthacrylique antifouling défini par un polymère méthacrylique additivé d'au moins un additif antifouling choisi parmi "des PVDF homo - et copolymères, soit d'un polymère antifouling choisi parmi des PVDF homo- et copolymères".
Les revendications 1 et 3 de la requête subsidiaire 2 sont identiques aux revendications 1 et 6 de la requête subsidiaire 1. Les revendications dépendantes 2 à 4 de la requête subsidiaire 1 sont supprimées dans la requête subsidiaire 2.
VII. Le document cité dans la présente décision est le suivant:
D7 WO 2009/000566
VIII. Les moyens invoqués par la requérante et l'intimée, dans la mesure où ils sont pertinents pour la présente décision, sont examinés dans les motifs, ci-dessous.
IX. La requérante requiert l'annulation de la décision objet du recours et le rejet de l'opposition (maintien du brevet tel que délivré: requête principale), ou le maintien du brevet sur la base des revendications de l'une des requêtes subsidiaires 1 ou 2 soumises avec son mémoire de recours, ou alternativement le maintien du brevet sur la base des revendications de la requête subsidiaire 3, qui ont été considérées par la division d'opposition comme satisfaisant aux conditions de la CBE. La requérante requiert en outre le remboursement de la taxe de recours.
X. L'intimée requiert le rejet du recours et sollicite que les requêtes subsidiaires 1 et 2 ne soient pas admises.
Requête principale - Article 54 CBE - revendication 7
1. Le document D7 divulgue et revendique un film transparent comprenant a) du poly(méth)acrylate et du poly(fluorure de vinylidène) dans un rapport de 1 : 0,01 à 1 : 1 (p/p); et b) un mélange de stabilisants contre les UV et d'absorbeurs d'UV (revendication 1), caractérisé en ce que ledit film comprend au moins deux couches, dont au moins une est constituée de poly(méth)acrylate et au moins une autre de polyfluorure de vinylidène (revendications 4 à 6), et en ce que le poly(méth)acrylate a) a une masse moléculaire moyenne en poids MW de >= 120.000 g/mol ou de >= 150.000 g/mol, déterminée par chromatographie de perméation sur gel par rapport à des étalons de PMMA (revendications 10 et 11) et en ce que le poly(méth)acrylate a) est susceptible d'être obtenu par polymérisation d'une composition comprenant comme composants polymérisables a) > 50 % en poids à 99,9 % en poids de méthacrylate de méthyle (revendication 13). Étant donné que la couche dudit film est constituée de polyfluorure de vinylidène, laquelle possède une propriété antifouling susceptible d'être mis en contact avec un milieu de culture, le film divulgué dans le document D7 et la structure multicouche selon la revendication 6 ne se distinguent pas non plus par cette propriété (brevet, page 18, lignes 11 à 31).
2. La requérante soutient qu'une "structure" selon la revendication 7 implique une certaine rigidité. L'étymologie latine du terme "structure" provenant de "structura" lequel est dérivé du verbe "struere" qui signifie construire soutient ce point de vue. Ce terme attribue donc à l'objet revendiqué une certaine rigidité et une composante tridimensionnelle que le film du document D7 ne posséde pas. Cette interprétation est étayée par le fait que les films ne sont pas couverts par les modes de réalisation de la revendication 10, qui dépendent de la "structure multicouche" de la revendication 7, alors que "l'utilisation d'une composition transparente" selon la revendication 1 englobe une composition sous forme de film (revendication 6 telle que délivrée). Le terme "structure multicouche" dans la revendication 7 n'inclut donc pas, de par sa définition, les films divulgués dans le document D7, tout comme il ne divulgue pas, ni aux pages 10 et 11, ni au début de la page 14, une combinaison de plages en pourcent de poids de monomère avec un poids moléculaire moyen en poids tel que revendiqué dans la revendication 7. L'objet revendiqué est donc nouveau par rapport au document D7.
3. La Chambre considère, en accord avec l'intimée, que le terme "structure" n'impose aucune exigence de rigidité. L'étymologie ne permet pas d'attribuer à ce terme une propriété que la personne du métier ne lui aurait pas attribuée et qui n'est pas une propriété conventionnelle de ce terme dans l'état de la technique. Puisque ni les films du document D7, qui ont une structure tridimensionnelle (cf. paragraphe [0098] du brevet), ni la structure multicouche selon la revendication 6 ne présentent une rigidité particulière, cette rigidité ne peut pas constituer une différence (cf. par exemple page 28). De plus, la divulgation de D7 n'exige aucun choix parmi plusieurs possibilités ou une limitation à une plage restreinte par rapport à une large plage de la revendication 13 avec les revendications 12 ou 9, afin d'arriver à l'objet revendiqué. Il est simplement le résultat direct d'une combinaison des revendications 13 et 11 ou 10.
4. A la lumière de ce qui précède et en accord avec la décision attaquée, l'objet revendiqué est anticipé par le contenu du document D7.
Recevabilité de la requête subsidiaire 1
5. La requête subsidiaire 1 correspond à la "requête subsidiaire 3" déposée le deuxième jour de la procédure orale (22 octobre 2021) et qui n'a pas été admise par la division d'opposition. L'admission de cette requête est soumise aux dispositions de l'article 12(6) RPCR.
6. Dans sa décision, la division d'opposition a identifié que la modification introduite dans la revendication 6, correspondant à la revendication 7 telle que délivrée:
"d'un polymère méthacrylique antifouling défini par un polymère méthacrylique additivé d'au moins un additif antifouling choisi parmi des PVDF homo - et copolymères, soit d'un polymère antifouling choisi panni des PVDF homo- et copolymères"
n'avait pas de fondement dans la revendication 5 originale qui se réfère à la limitation supplémentaire d'"au moins 75% en poids de VDF" (décision, page 18). Elle a estimé qu'à ce stade de la procédure (deuxième jour de la procédure orale) l'introduction d'une caractéristique technique provenant de la page 19 de la demande telle que délivrée était tardive (cf. page 8, section 1.47 du procès-verbal du premier jour de procédure orale). Dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, elle n'a pas admis pour des raisons d'opportunité, - eu égard au principe d'économie de la procédure - cette "requête subsidiaire 3" dans la procédure d'opposition, même si cette modification était présente dans des requêtes subsidiaires de rang inférieur (mémoire exposant les motifs du recours, page 6, point III 2.d et e)).
7. La requérante considère qu'en n'admettant pas la "requête subsidiaire 3" dans la procédure, alors qu'elle était de prime abord recevable, la division d'opposition a exercé son pouvoir d'appréciation de manière déraisonnable et a outrepassé les limites de son pouvoir d'appréciation.
8. Selon l'article 12(6) RPCR, la Chambre n'admet pas de requêtes, qui n'ont pas été admises dans la procédure ayant conduit à la décision attaquée, à moins que la décision de ne pas les admettre était entachée d'erreur dans l'exercice du pouvoir d'appréciation (premier aspect) ou que les circonstances du recours justifient leur admission (deuxième aspect).
9. Conformémemt au premier aspect de l'article 12(6) RPCR, la Chambre n'évalue que la question de savoir si la division d'opposition a correctement exécuté son pouvoir discrétionnaire de ne pas admettre la requête dans la procédure. Cette évaluation doit être limitée, car lorsqu'il s'agit de réexaminer une telle décision, la Chambre n'est pas habilitée à réexaminer l'ensemble des faits de l'espèce déjà examinés en première instance pour déterminer si elle aurait ou non exercé de la même manière son pouvoir d'appréciation. Une Chambre de recours ne devrait statuer dans un sens différent de la manière dont l'instance du premier degré a exercé son pouvoir d'appréciation que si elle parvient à la conclusion que l'instance du premier degré a exercé son pouvoir d'appréciation sur la base de principes erronés, qu'elle n'a pas tenu compte des principes corrects, ou qu'elle a exercé son pouvoir de manière arbitraire ou déraisonnable et a ainsi outrepassé les limites du pouvoir d'appréciation qui lui est conféré (cf. la Jurisprudence, Chapitre V.A.3.4.1.b, et en particulier la décision G 7/93, raisons 2.6).
10. La Chambre note que la "requête subsidiaire 3" fut déposée le jour même du second jour de la procédure orale, après l'ajournement de la procédure orale et le dépôt préalable et concerté d'autres requêtes subsidiaires en réaction au défaut d'activité inventive de la requête subsidiaire 2 annoncé en fin de procédure orale le premier jour. Le dépôt de la "requête subsidiaire 3" ne peut être considéré que comme tardif et préjudiciable à l'économie de la procédure, même si la nouvelle "requête subsidiaire 3", comme les requêtes subsidiaires 4 et 5 déposées dans les délais, visaient à surmonter les motifs qui étaient déjà en discussion. La Chambre constate qu'aucune nouvelle objection ou nouveau motif n'a surgit à ce stade de la procédure qui aurait changé le cadre de la procédure d'opposition et aurait justifié ce dépôt tardif. De plus, en accord avec la division d'opposition, la Chambre considère que l'introduction d'une nouvelle restriction provenant de la description dans la revendication 6, en combinaison avec les autres caractéristiques techniques de cette revendication ou des revendications dépendantes, ne permettait pas de savoir, de prime abord, si la requête satisfaisait aux exigences de l'article 123(2) CBE (cf. decision pages 18 à 20).
11. A la lumière de ce qui précède, la Chambre ne voit aucune raison de corriger la manière dont la première instance a exercé son pouvoir d'appréciation par rapport à la "requête subsidiaire 3" (maintenaint requête subsidiaire 1), puisqu'elle n'a pas exercé son pouvoir d'appréciation sur la base de principes erronés et n'a pas outrepassé les limites du pouvoir d'appréciation qui lui est conféré.
12. En ce qui concerne le deuxième aspect de l'article 12(6) RPCR, indépendamment de la décision de la division d'opposition, la Chambre n'admet pas de requêtes, qui auraient dû être soumises ou qui n'ont pas été maintenues dans la procédure ayant conduit à la décision attaquée, à moins que les circonstances du recours justifient leur admission. En l'occurrence, la Chambre ne voit pas de raisons qui pourraient justifier l'admission de la requête subsidiaire 1 en recours, puisque l'additif homo- et copolymères du fluorure de vinylidène (VDF), introduit dans la revendication 1, contenant au moins 50% en poids de VDF choisi parmi tous les additifs de la revendication 4 ne prescrit pas que sa teneur soit cependant limitée de 5 à 60 % en poids par rapport à la composition totale (cf. dernière clause de la revendication 4 originale). La Chambre n'est pas convaincue par les arguments de la requérante que les revendications modifiées de cette requête subsidiaire se fondent clairement et sans ambiguïté sur les revendications originales telles que déposées (mémoire de recours, point III, point 2c). La requête subsidiaire 1 n'est donc pas recevable conformément à l'article 12 (6) RPCR.
Recevabilité de la requête subsidiaire 2
13. La requête subsidiaire 2 n'a jamais été déposée au cours de la procédure d'opposition. Elle correspond à la requête subsidiaire 1 dont les revendications dépendantes 2 à 4 ont été omises. L'intimée considère que cette requête n'est de prime abord pas recevable en raison de son caractère tardif et de son caractère non-brevetable.
14. La requérante estime que la requête subsidiaire 2 est une réponse directe à l'objection de la division d'opposition relative à la matière ajoutée à l'encontre de la "requête subsidiaire 3" soulevée pour la première fois par écrit dans la décision: "Incidemment, ces objections s'appliqueraient également à la revendication 1 de la requête subsidiaire précédente 3" (décision attaquée, page 20, paragraphe 4). Elle conteste que les revendications supprimées dans la requête subsidiaire 2 introduisent une généralisation intermédiaire.
15. La Chambre n'est pas en mesure d'identifier les raisons pourquoi la nouvelle requête subsidiaire 2 est censée surmonter l'objection de matière ajoutée soulevée au point 14. ci-dessus. La Chambre décide par conséquent de ne pas admettre cette requête subsidiaire dans la procédure de recours conformément à l'article 12(4) RPCR.
Requête subsidiaire 3
16. La titulaire du brevet est la seule requérante. Le principe de l'interdiction de la reformatio in peius, tel qu'énoncé dans la décision G 9/92 (JO OEB 1994, 875), s'applique donc à la requête subsidiaire 3 et aux pages de la description qui y sont adaptées: ni la Chambre de recours, ni l'intimée ne peuvent contester le texte du brevet tel qu'approuvé dans la décision intermédiaire.
Remboursement de la taxe de recours
17. La requérante sollicite le remboursement de la taxe de recours, au motif que la division d'opposition a, en refusant d'admettre la requête subsidiaire 3 déposée le deuxième jour de la procédure orale, outrepassé son pouvoir d'appréciation (mémoire exposant les motifs du recours, points I.1 à I.5). L'approche adoptée par la division d'opposition pour parvenir à sa décision de recevabilité était erronée et constituait par conséquent un vice de procédure substantiel. Le remboursement de la taxe de recours serait donc justifié (règle 103 CBE).
18. La Chambre considère que la division d'opposition a correctement appliqué son pouvoir d'appréciation en décidant de ne pas admettre la "requête subsidiaire 3", laquelle a manifestement été déposée tardivement. Les motifs qui justifient l'irrecevabilité de cette requête sont présentés dans la décision contestée et se fondent sur un dépôt tardif de la requête subsidiaire et sur le fait que, de prime abord, la caractéristique technique introduite dans la revendication 6 ne trouve pas de base dans les revendications originales (décision contestée, page 18). Finalement, même une appréciation erronée des faits de la division d'opposition ne constituerait pas un vice substantiel de procédure susceptible d'entraîner la nullité d'une décision fondée sur cette appréciation. En effet, une décision de ne pas admettre une requête tardive est un vice de procédure substantiel que si le pouvoir d'appréciation lui-même était exercé de manière erronée, c'est-à-dire si le pouvoir est fondé sur des critères inappropriés ou arbitraires. À la lumière des raisons au point 10. présentées ci-dessus, la Chambre considère qu'un vice substantiel de procédure, rendant le remboursement de la taxe de recours équitable, n'existe pas.
Par ces motifs, il est statué comme suit
1. Le recours est rejeté.
2. La requête en remboursement de la taxe de recours est rejetée.