J 0013/88 (Expiration d'un délai exprimé en mois) 23-09-1988
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Procédé et dispositif pour détecter les incendies
Perte de priorité résultant d'une méprise dans l'éxpedition du courrier
Décompte d'un délai exprimé en mois
Prorogation du délai - pouvoir discrétionnaire (non)
Conditions d'exécution du contrat liant le déposant à son mandataire (incompétence)
I. Le 6 mai 1987, le centre régional de l'I.N.P.I. à Bordeaux a reçu la demande de brevet européen n° 87 450 013.5 qui avait été postée le 22 avril 1987 à Toulouse. Cette demande s'accompagnait d'une revendication de priorité d'une demande de brevet français déposée le 5 mai 1986.
Le Centre Régional de l'INPI à Bordeaux a apposé sur ces documents la date de leur réception, à savoir le 6 mai 1987, et a délivré au requérant un récépissé indiquant cette date de réception. Il a envoyé les pièces à l'OEB qui les a reçues le 11 mai 1987.
II. Par notification en date du 25 juin 1987, établie conformément à la règle 41(3) CBE, la Section de dépôt, constatant que la date de dépôt de la demande française dont la priorité est revendiquée est antérieure d'un an à la date de dépôt de la demande de brevet européen, a prié la requérante de procéder, au cas où cela serait dû à une erreur, à la rectification nécessaire, soulignant que, s'il n'était remédié à cette irrégularité dans le délai requis, il n'existerait pas pour la demande européenne de droit de priorité fondé sur la demande antérieure en cause.
La requérante a, par courrier du 21 juillet 1987, exposé que l'adresse mentionnée sur l'enveloppe contenant la demande adressée au Centre Régional de l'INPI à Bordeaux était erronée en ce que la secrétaire de son mandataire avait, par mégarde, fait suivre le code postal de la ville de Bordeaux (vers où le courrier devait être acheminé) par le nom de la ville de Toulouse, et que ceci expliquait que la lettre ait été envoyée avec retard par la poste de Toulouse à celle de Bordeaux identifiée grâce au code postal qui était exact.
Par notification du 28 août 1987, la Section de dépôt, considérant notamment que l'art. 80 et la règle 24(2) de la CBE définissent clairement la détermination de la date de dépôt et n'édictent aucune dérogation, confirmait qu'il n'existait pas, pour la demande de brevet européen en cause, de droit de priorité.
III. Le 13 octobre 1987, en application des dispositions de la règle 69(2) de la CBE, le requérant a demandé une décision en l'espèce de l'OEB, mettant en exergue d'une part que le déposant avait donné en temps utile son ordre au mandataire pour que soit sauvegardée la priorité et, d'autre part, que le retard dû à une faute dudit mandataire ne devait pas être préjudiciable au déposant.
Le 18 mars 1988, la Section de dépôt a rendu une décision dans laquelle elle constatait que les dates de dépôt de la demande de brevet français (5 mai 1986) et celle du brevet européen (6 mai 1987) n'étant pas contestées, aucune disposition dans la CBE ne permettait d'attribuer à une demande de brevet européen une date de dépôt autre que la date de réception des documents par l'autorité compétente, et que l'art. 122 "qui traite des cas de force majeure" excluait de son champs d'application (art. 122(5)) les délais prévus notamment par l'art.87(1) concernant le droit de priorité. En conséquence de quoi elle a rejeté la requête.
IV. Le requérant a formé un recours le 15 avril 1988. Il avait, ainsi que le confirme la notification du 18 mars 1988, précédemment réglé le 20 octobre 1987, la taxe de recours établie par l'art.108 CBE.
Un mémoire a été déposé le 13 juin 1988. Il y est soutenu que l'erreur, notamment celle du mandataire, ne doit pas porter préjudice aux droits du déposant, et que la Convention de Paris, révision de Stockholm, prise dans son art.4 points C1 et 2 édictant que :
"les délais de priorité... seront de douze mois pour les brevets d'invention...", "ces délais commencent à courir de la date de dépôt de la première demande ; le jour du dépôt n'est pas pris en compte dans le délai",
le dépôt de la demande de brevet européen en cause a bien été effectué dans le délai de douze mois.
1. Le recours répond aux conditions énoncées aux articles 106, 107 et 108 ainsi qu'à la règle 64 CBE. Il est donc recevable.
2. En application de l'art. 87 CBE, le requérant jouissait, pour son invention, d'un droit de priorité pendant un délai de douze mois après le dépôt en France, le 5 mai 1986, de sa demande de brevet pour la même invention.
L'article 4 points C1 et 2 de la Convention de Paris, révision de Stockholm cité par le requérant, énonce un principe de computation des délais identique à celui édicté par la règle 83(2) CBE ainsi rédigée : "le délai part du jour suivant celui où a lieu l'évènement par référence auquel son point de départ est fixé...".
Par ailleurs la règle 83(4) CBE ajoute, de façon non ambigüe, que "lorsqu'un délai est exprimé en un ou plusieurs mois, il expire dans le mois ultérieur à prendre en considération, le jour ayant le même quantième que le jour où ledit évènement a eu lieu".
En l'espèce l'évènement par référence auquel est fixé le point de départ du délai est constitué par le dépôt de la demande de brevet français. Le jour de cet évènement est de façon non contestée, le 5 mai 1986.
Le délai de l'art.87 CBE est exprimé en mois, il expire donc :
- dans le mois ultérieur à prendre en considération, à savoir en mai 1987 ;
- le jour ayant le même quantième que celui où l'évènement a eu lieu, donc le 5 et non le 6 comme le soutient à tort le requérant.
3. La logique du calcul résultant de la combinaison de 83(2) et 83(4) CBE est sans faille car le 6 mai 1986 s'avérant le premier jour inclu dans le calcul du délai ("jour suivant celui où a eu lieu l'évènement") le 6 mai 1987 constitue le premier jour du treizième mois suivant.
La Chambre souligne encore, comme elle a eu l'occasion de le faire dans sa décision J18/86 du 27 avril 1987, qu'il n'existe dans la CBE aucune disposition autorisant l'OEB a attribuer à une demande de dépôt une date autre que celle de réception des pièces de cette demande par les autorités mentionnées dans l'art.75(1) CBE.
4. S'agissant enfin de l'argument présenté par le requérant et exposant que l'erreur du mandataire ne doit pas porter préjudice aux droits du déposant, il convient de dire que la CBE n'a pas donné aux chambres de recours le pouvoir d'apprécier, si à l'occasion de l'exécution du contrat qui lie le déposant à son mandataire, des fautes ont été commises et ont entraîné un préjudice. Ceci relève de la compétence des juridictions nationales idoines.
5. Pour toutes les raisons qui viennent d'être exposées, la Chambre ne peut faire droit au recours.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
Le recours est rejeté.