T 0697/91 (Emballage pour fromage à pâte molle/MORIN) 20-04-1994
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Procédé de fabrication d'un emballage pour fromage à pâte molle
Activité inventive (oui)
Solution du problème non suggérée par l'état de la technique antérieure
Inventive step (yes)
Disclosure - sufficiency (yes) - skilled person
I. Le brevet européen n 0 211 786, contenant 11 revendications, a été délivré le 25 mai 1989 sur la base de la demande de brevet n 86440065.0. Suite à une opposition, la division d'opposition a maintenu le brevet, par décision prononcée le 18 juin 1991 et notifiée aux parties le 12 juillet 1991, sur la base d'un texte modifié. Cette décision se fondait sur un jeu de 11 revendications, dont la première et seule indépendante s'énonçait comme suit :
"Procédé de fabrication d'un emballage pour fromage à pâte molle, composé d'au moins un papier (1) dont la face (2), côté fromage (6), est enduite, soit d'une couche de paraffine ou de cire (3), soit d'une couche de laque ou de vernis (3'), comprenant en surface des particules organiques hydrophiles de caséine ou d'amidon dont le diamètre moyen est compris entre 4 mm et 22 mm, caractérisé en ce qu'il consiste à pulvériser ou a tamiser, soit sur la couche de paraffine ou de cire (3), soit sur la couche de laque ou de vernis (3') les particules organiques (4) de caséine ou d'amidon, afin de permettre le contrôle du passage de la vapeur d'eau à travers l'emballage, la pulvérisation ou le tamisage étant réalisés, soit directement après application des couches de paraffine ou de cire (3), ou de laque ou de vernis (3') avant cristallisation ou séchage desdites couches (3 ou 3'), soit, dans le cas d'un emballage muni au préalable d'une couche de paraffine ou de cire (3) sur la face (2) du papier (1), après chauffage de ladite couche (3)."
Dans la décision, 8 documents ont été mentionnés dont les suivants restent pertinents pendant la procédure de recours :
Dl : EP-A-0 008 961
D2 : FR-A-2 500 019
D3 : FR-A-2 255 421
D4 : FR-A-1 574 336
D6 : BE-A-796 585
La Division d'opposition a considéré le contenu du document D2 comme état de la technique le plus proche. Partant de cet état de la technique, elle a défini le problème technique : améliorer le réglage de la perméabilité de la vapeur d'eau d'un emballage pour fromages à pâte molle. Elle a estimé que ce problème a été résolu par le procédé selon la revendication 1 modifiée, qui permet d'obtenir un emballage dans lequel les particules de caséine ou d'amidon ne sont pas enrobées par un liant. L'application des particules sur la surface de la couche en contact avec le fromage par pulvérisation ou par tamisage à cette fin n'étant suggérée dans aucun des documents invoqués, la division d'opposition a reconnu la présence d'activité inventive.
II. Le 11 septembre 1991, la requérante (l'opposante) a formé un recours à l'encontre de cette décision en acquittant simultanément la taxe prévue. Le mémoire exposant les motifs du recours a été déposé le 21 novembre 1991. Dans ce mémoire elle s'est référée au document additionnel suivant :
D9 : FR-A-2 494 321
Les deux parties ont requis une procédure orale pour le cas où la Chambre ne serait pas en mesure de décider en leur faveur. Les parties ont donc été citées à une procédure orale prévue pour le 20 avril 1994. Par lettre reçue le 9 avril 1994, l'intimée a déclaré n'avoir acquitté la huitième annuité dans aucun des pays où le brevet avait pris effet. Elle a retiré la requête en procédure orale et a signalé qu'elle ne serait pas représentée à la procédure orale. Compte tenu de cette situation, la requérante a annoncée le 18 avril 1994 qu'elle considérait la procédure orale sans raison d'être et, en conséquence, qu'elle n'y participerait pas. Toutefois, elle n'a pas retiré sa requête et, en conséquence, la procédure orale a eu lieu, en l'absence des parties, sur la base de leurs écritures.
III. La requérante avait exposé, par écrit, que la seule différence entre le procédé selon le brevet attaqué et le procédé décrit dans le document D2, réside dans le choix particulier du mode d'application des particules de caséine ou d'amidon, à savoir la pulvérisation ou le tamisage. Or, la production d'emballages pour denrées alimentaires, y compris pour le fromage à pâte molle, comportant une pulvérisation ou un tamisage se trouve visée dans les documents D4 et D9. Selon elle, le lien entre le réglage de la perméabilité en eau de l'emballage et la conservation des fromages était connu de l'homme du métier et la présence des particules de caséine à la surface de l'emballage et même au contact avec le fromage était explicitement révélée par les documents D1, D2, D4, D6 et D9. Le choix d'une méthode connue pour la mise en oeuvre d'un tel contact n'implique donc aucune activité inventive. Additionnellement, la requérante a repris une objection d'insuffisance de la description soulevée dans l'acte d'opposition mais non développée pendant la procédure devant la division d'opposition.
IV. L'intimée (titulaire du brevet) avait répliqué, dans ses écritures, que le procédé décrit dans le document D2 résolve mal le problème du contrôle du passage de la vapeur d'eau, parce que les particules d'amidon présentes dans l'emballage sont recouvertes d'une fine couche de liant et ne sont donc pas directement au contact du fromage. Le brevet attaqué ne prétend pas que l'invention réside dans la découverte de la pulvérisation ou du tamisage des particules de caséine ou d'amidon en tant que tel ou dans une application quelconque d'une telle procédure. Selon le procédé du brevet attaqué, il est au contraire nécessaire d'appliquer les particules de caséine ou d'amidon soit immédiatement après l'application de la couche de paraffine, de cire, de laque ou de vernis, soit après chauffage de ladite couche. Par cette méthode d'application, les particules de caséine ou d'amidon sont d'une part en contact direct du fromage et d'autre part imbriquées dans la couche. Ce procédé permet donc de résoudre le problème posé de manière optimale. Or, le fait qu'il soit connu en tant que tel de pulvériser ou de tamiser de particules d'amidon ou de caséine est sans effet pour l'évaluation de l'activité inventive. En particulier le document D9, produit tardivement, qui concerne un procédé de collage de papier carton en milieu acide ou neutre, n'a aucun rapport avec le problème technique dont s'occupe le brevet attaqué et ne devrait donc pas être admis dans la procédure de recours. Le document D4, spécifiquement invoqué par la requérante, ne se rapporte pas à des fromages à pâte molle et ne concerne pas le problème du contrôle du passage de la vapeur d'eau. Concernant l'objection d'insuffisance de la description, l'intimée a déclaré que la reprise de cette objection devant la Chambre de recours constitue un abus de procédure et que les faits sur lesquels se fonde maintenant cette objection sont invoqués tardivement. En outre, parce que ces faits ne sont pas pertinents, ils ne devraient pas être pris en considération par la Chambre de recours.
V. La requérante a sollicité par écrit l'annulation de la décision attaquée et la révocation du brevet européen.
L'Intimée a sollicité par écrit le rejet du recours.
A la fin de la procédure orale la décision de rejeter le recours a été prononcée par la Chambre.
1. Le recours est recevable.
2. La Chambre a examiné le document D9 produit par la requérante pendant la procédure de recours, donc tardivement, et n'a pas trouvé ce document suffisamment pertinent pour qu'il soit admis dans la procédure sur le fondement de l'article 114(1) CBE. En conséquence, elle a décidé de ne pas en tenir compte, en application de l'article 114(2) CBE.
3. La Chambre considère que la reprise, pendant la procédure de recours, de l'objection d'insuffisance de la description soulevée par la requérante pendant la procédure d'opposition ne constitue pas, en l'espèce, un abus de procédure. Cette objection se fonde sur l'assertion que la description ne mentionne pas les détails tels que notamment la viscosité, la tension superficielle et l'épaisseur de la couche ainsi que la force avec laquelle les particules sont pulvérisées sur cette couche, nécessaires pour obtenir un emballage selon la revendication 1, caractérisé par la présence sur la couche intérieure de particules qui sont toutes en contact direct avec le fromage. Toutefois, la requérante n'a pas contesté que la figure 1 et les explications correspondantes dans la description, colonne 3, lignes 48 à 59, divulguent clairement la façon selon laquelle les particules d'amidon ou de caséine doivent être appliquées à la surface de la couche de cire ou de vernis. Elle n'a non plus contesté l'assertion faite par l'intimée pendant la procédure d'opposition (voir la lettre reçue le 8. août 1990, page 2), selon laquelle les connaissances de base dans la technique en question sont suffisantes pour que l'homme du métier puisse exécuter l'invention sur la base des informations contenues dans le fascicule du brevet attaqué. La Chambre considère en conséquence que, compte-tenu de ces connaissances de base, l'homme du métier est en mesure de choisir des valeurs des paramètres indiqués ci-dessus convenables pour obtenir le résultat décrit dans la figure 1 du brevet. L'invention satisfait donc à l'exigence de l'article 83 CBE.
4. La Chambre s'est assurée que l'objet des présentes revendications est nouveau. La nouveauté n'étant pas contestée par la requérante, il n'est pas nécessaire d'en donner des motifs détaillés.
5. Selon le brevet attaqué, on utilise le plus souvent, pour l'emballage des fromages à pâte molle, un papier enduit d'une couche de paraffine, qui possède des coefficients de perméabilité à la vapeur d'eau et aux gaz adaptés à ce type de fromage (voir colonne 1, lignes 52 à 56). En particulier, il est décrit dans le document D2 une feuille d'emballage, notamment pour fromages à pâte molle, comportant en combinaison une feuille support en papier, une impression notamment polychrome sur la face recto de la feuille support, une couche extérieure de vernis à brillance élevée recouvrant l'impression, et une couche intérieure rugueuse en contact avec le produit alimentaire, cette dernière couche étant préférentiellement hétérogene et constituée d'un liant et de particules qui consistent d'amidon ou de caséine par exemple (voir page 1, ligne 28 à page 2, ligne 3 en combinaison avec page 3, ligne 32 à page 4, ligne 16). Il résulte clairement du fait que les particules d'amidon ou de caséine sont d'abord mélangées avec le liant et appliquées ensembles sur la couche interne (voir la figure 2 et sa description sur la page 5, lignes 18 à 23), que ces particules doivent être enrobées par une couche du liant et qu'elles ne sont donc pas en contact direct avec le produit emballé. Dans le fascicule du brevet il est exposé que l'emballage obtenu par application du procédé décrit dans le document D2 présente certains inconvénients, à savoir, d'une part, la difficulté d'obtenir un mélange parfaitement homogène, ce qui entraîne un dépôt irrégulier des particules sur le papier, et, d'autre part, du fait que les particules sont enrobées par le liant, l'absorption d'eau est limitée, et la condensation ne peut pas être évitée, alors que le procédé selon la présente revendication 1 a pour but de pallier ces inconvénients (voir colonne 2, lignes 34 à 46, 60 et 61). La Chambre considère en conséquence que le problème technique à résoudre, selon le brevet attaqué, consiste en la mise en oeuvre d'un procédé pour obtenir un emballage du type décrit dans D2 amélioré à cet effet.
6. Le brevet attaqué se propose de résoudre ce problème par le procédé selon la présente revendication 1.
7. Bien que le fascicule du brevet ne contienne aucune comparaison directe de la perméabilité de la vapeur d'eau entre l'emballage selon D2 et selon le brevet attaqué, la Chambre considère qu'il est clair que la perméabilité pour l'eau doit être améliorée par ce procédé, parce que les particules d'amidon ou de caséine sont pulvérisées ou tamisées, soit sur la couche de paraffine ou de cire (3), soit sur la couche de laque ou de vernis (3') en l'absence d'un liant enrobant ces particules, qui sont donc en contact direct avec le fromage à emballer. En conséquence, la Chambre admet que le problème technique exposé ci-dessus est effectivement résolu.
8. Selon la requérante, la solution dudit problème technique était évidente pour l'homme du métier au vu des documents D1, D3, D4 et D6, en particulier D4.
Or, le document D1 décrit un emballage pour fromage à pâte molle comprenant un support en pellicule cellulosique sur laquelle est appliquée un vernis nitrocellulosique dans lequel sont dispersées des particules de caséine ou d'amidon (voir revendication I). Ces particules sont, en conséquence, enrobées du vernis de même que les particules décrites dans D2 sont enrobées par le liant. La Chambre considère donc que la perméabilité pour la vapeur d'eau de cet emballage est comparable à celle réalisée par l'emballage selon D2. L'enseignement du document D1 ne peut donc pas contribuer à la solution du problème d'augmenter ce niveau.
Le document D3 concerne un domaine technique très loin du domaine de la fabrication d'emballages pour des produits alimentaires, à savoir un mode de réalisation d'un emballage pour câbles électriques comportant une couche intermédiaire présentant des particules hydrophiles et placée entre deux bandes de papier afin de prévenir la pénétration d'eau dans le câble électrique (voir la revendication 1). En conséquence, cet enseignement n'aurait pas incité l'homme du métier à la solution du problème technique en cause.
Le document D4 concerne un emballage pour denrées alimentaires, à pouvoir anti-adhérent amélioré, notamment pour produits qui ont une tendance à coller à l'emballage quand l'utilisateur cherche à retirer ce dernier pour consommer l'aliment, tels que certains genres de fromage, plus particulièrement fromages de synthèse (voir page 1, lignes 1 à 9 et page 3, lignes 7 à 18). Pour prévenir l'adhérence de ces produits à l'emballage, on propose dans ce document de prévoir une pellicule d'un hydrocolloïde, d'épaisseur faible contrôlée, à une bande continue de matière d'emballage (page 2, lignes 1 à 3). Pour certains hydrocolloïdes faciles à hydrater et ayant le pouvoir de s'hydrater pour former sur place une pellicule mince par absorption d'humidité contenue dans le produit emballé, il suffit de saupoudrer simplement la surface de l'emballage de l'hydrocolloïde (page 2, lignes 21 à 31). Plus particulièrement, ce document décrit un emballage utilisable pour du fromage de synthèse, consistant en un stratifié "Cellophane"/feuille d'aluminium/cire épaissie enduit avec une bande continue d'amidon gélifié (page 4, exemple 1). Donc le problème technique concerné par ce document n'a aucune liaison avec ceux qui se posent dans le cadre de l'emballage du fromage à pâte molle, car ce dernier est un produit contenant des micro-organismes vivants pour lesquels l'emballage doit permettre l'échange de gaz et d'humidité avec l'air (voir D1, page 1, lignes 5 à 30 et le brevet attaqué, colonne 1, lignes 8 à 38), contrairement à l'emballage du fromage de synthèse, fromage qui est stérilisé par chauffage pendant sa fabrication et doit ensuite être enduit par un emballage hermétiquement renfermé pour exclure l'air (voir D4, page 3, lignes 19 à 43). Ce document ne pouvait donc pas davantage suggérer la solution du problème technique posé en l'espèce.
Enfin, le document D6 concerne un feuille de matière synthétique utilisable comme emballage dans la production de jambon cuit ou de jambon en boîte (voir revendication 1). Le problème du réglage de la perméabilité à l'eau d'une telle feuille n'est pas envisagé dans ce document.
En conséquence, l'homme du métier peut ne pas davantage trouver de suggestion visant à l'amélioration de l'emballage du fromage à pâte molle selon D2, ni dans ce document, ni dans la combinaison des enseignements dérivables des documents D1, D3, D4 et D6. Aucun de ces documents n'enseigne de pulvériser ou de tamiser les particules de caséine ou d'amidon sur une couche liquide (directement après l'enduit du papier ou après chauffage du papier préalablement enduit avec une couche de cire ou de paraffine). En conséquence la Chambre considère que l'état de la technique antérieure invoqué par la requérante ne suggère pas la solution du problème technique exposé dans le fascicule du brevet (voir point 5 supra) et résolu par le procédé selon la présente revendication 1 et que, en conséquence, le procédé revendiqué n'est pas une modification évidente du procédé connu.
9. Les revendications 2 à 11 ne concernent que des modes de réalisation particulières du procédé selon la revendication 1. Les motifs d'opposition invoqués par la requérante ne s'opposent donc pas à la maintenance du brevet sur la base du texte sur lequel se fonde la décision attaquée.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
Le recours est rejeté.